dimanche 12 novembre 2017

Discuter le bout de gras

Honte à ce garçon-boucher d’un supermarché du Haut-Poitou qui, profitant d’une seconde d’inattention de ma part, m’a tranché sans vergogne le meilleur d’un faux-filet de race limousine d’une bête élevée à Vicq-sur-Gartempe qui avait attiré ma convoitise par son beau persillé.

gras, viande, faux-filet
Miam !


Heureusement j’ai pu arrêter le geste de jetage à la poubelle, et je ne le regrette pas, car je me suis régalé de ce petit bout bien gagné le soir de mon retour en Ile-de-France.

faux-filet
Sauvé du zozo !


En dépit de ce conflit, je ne crierai pas haro sur toute la gente des garçons-bouchers. Certain sont de qualité, comme le prouve la vidéo ci-dessous !




jeudi 9 novembre 2017

Les piments des villes et les piments des champs

Récemment un groupe de piments, montés du pays basque à la ville comme le chef Echtebest, vit arriver leurs frères venant de la campagne, arrêtés près de Poitiers comme les Maures d’antan. Sitôt ils se moquèrent.
« Je vous suppose bien crottés et tout de froid transis. Venez donc vous réchauffer, l’immeuble a le gaz à tous les étages. Ici ce n’est pas la cambrousse !

piments d'Espelette
Piments des villes


- Ne nous plaignez point, nous avions la cheminée pour combattre les frimas. Vous-êtes-vous regardés, confits dans la poussière ? Si nous sommes ici, ce n’est certes pas de notre propre gré… »

piment d'Espelette
Piments des champs


Le dialogue s’interrompit.  Les piments urbains furent décrochés, les piments ruraux les remplacèrent.
« Que nous vaut cette expulsion ? C’est un scandale !
- Tout ridés, tout flétris, privés de la moindre vigueur… Et l’on s’étonne de son sort ! Vous avez fait votre temps, allez, ouste, vils prétentieux jaloux de nos bonnes joues écarlates. Place aux jeunes. »

Finalement, la situation n’est pas si mauvaise après tout, se disaient les fils d’Espelette poitevins d’adoption et désormais franciliens. Rien, rien de rien, nous ne regrettons rien…

Mais ces piments avaient tort de se réjouir.
Que ce soit celle de la bûche de la campagne ou celle du gaz de la ville, de toute façon la flamme  finira par les griller.

dimanche 5 novembre 2017

Agnus horribilis

Robinson en avait vraiment ras le bonnet du régime imposé par son compagnon.
« Le poisson du Vendredi jour après jour, ça commence à bien faire ! »
Aussi entreprit-il de se mettre en quête de produits bien carnés. Sa longue-vue Dollond-London habillée d’acajou mais au tube de laiton légèrement bosselé au cours du naufrage lui avait permis d’apercevoir quelques moutons folâtrant dans l’herbe touffue du sommet de la montagne. Miam miam !

Parvenir au toit de l’île ne fut pas une mince affaire. Il franchit d’abord une sauvage garrigue et en profita pour emplir sa besace de thym, de romarin, de genièvre. Puis il dut se frayer un chemin à travers une épaisse forêt dans laquelle il se serait bel et bien perdu s’il n’y avait pas eu la pente pour l’orienter. Dans une partie moins sombre, au bord d’une clairière d’où rayonnaient de multiples laies sinueuses arpentées par des sangliers hargneux et menaçants dont il évitait le plus possible la fréquentation, il eut la chance de tomber sur une poussée abondante de  trompettes de la mort. Elles étaient bienvenues pour parfumer le bon plat carnivore qu’il espérait cuisiner, et elles vinrent se joindre à sa précédente moisson.
Soudain le soleil réapparut. Il franchit l’orée de la forêt et ses bottes en peau de chèvre retournée piétinèrent les alpes verdoyantes où paissaient les moutons.
Il les aperçut non loin de lui sur sa droite, gambadant dangereusement au bord d’un à pic vertigineux. Il eut un instant l’envie de leur faire le coup du père Panurge en jetant l’une des bêtes que suivraient sottement tous ses congénères, et se constituer ainsi un important butin sans se fatiguer.  Mais il était bien préférable de maintenir en vie ce troupeau mis par le Seigneur à sa disposition et de prélever une bête de temps à autre au gré de ses envies et de ses besoins. Certes, il faudrait renouveler l’ascension, mais ce n’était pas si terrible  Et puis pourquoi pas charger Vendredi de cette tâche, après tout il était doté de toutes les qualités sportives que tout bon sauvage se doit de posséder…
Pour l’instant, il repéra un petit agneau à la fois bien dodu et timide qui devait être une proie facile. Quelques instants plus tard il serrait l’animal tremblotant et bêlotant entre ses bras, et rebroussa chemin, les emplettes assurées pour le repas du soir.


côtes d'agneau, Crusoé
Retour des courses


Il laissa Vendredi saigner l’animal, après tout sa peuplade devait sans doute pratiquer les sacrifices humains, alors un agneau…
La bête dépouillé, la toison rincée à l’eau de mer et mise de côté pour un futur usage à déterminer (chaussons douillets et seyants, mitaines confortables, ou, pourquoi pas, pans d’un petit gilet pour
l’hiver ?), il sortit son coutelas et commença à tenter de découper des côtes  sur la carcasse.
Il fallait bien l’avouer, le résultat était plutôt pitoyable. Les ricanements de Vendredi confirmaient ce constat.
« Ah, toi qui me railles, tu crois que s’improviser boucher est chose facile… Eh bien montre donc si tu es capable de mieux faire ! »
Et il tendit le coutelas à Vendredi qui ne put s’en emparer, secoué qu’il était par les spasmes de son fou rire.
« Puisqu’il en est ainsi, tu seras privé de côtes d’agneau, na, foi de Crusoé ! » s’exclama-t-il en finissant la découpe en affichant une moue vexée. Il balança ensuite rageusement le résultat de son tranchage dans une marinade faite des herbes cueillies, de ce bon poivre sauvage poussant en lianes envahissantes dans la forêt,  de baies de genièvre et de gousses d’ail écrasées ainsi que de l’huile d’un flacon sorti du coffre aux ingrédients de la cambuse échoué miraculeusement sur la plage. « Merci, Seigneur ! »


côtes d'agneau, découpe
Toute rapière dehors, à l'assaut...
Vendredi avait allumé un feu en faisant tournoyer entre ses paumes une branche bien sèche enfoncée dans le creux d’un morceau de bois. «Là je dois admettre que tu assures grave… », concéda Robinson avant de mettre à griller la viande.
À côté les champignons auxquels il avait adjoint une échalote prélevée dans sa petite plantation jouxtant la cabane et hachée finement achevaient leur cuisson. 


trompettes de la mort
Jouons de la trompette..


Un quart d’heure plus tard, le repas était prêt.


côtes d'agneau, trompettes de la mort
Côtes de Crusoé...

Sa passion carnivore assouvie, et en plein dans l’euphorie postprendiale, Robinson tendit à son compagnon, qui se morfondait dans son coin en rongeant son frein et un morceau d’igname bouilli, une côte première souillée à peine par quelques éclats osseux .
« Tiens mon brave, ta punition est levée… On n’est pas des sauvages, nous, les Crusoé ! »



Soudain, à quelques encablures, passa un navire à la voilure immaculée gonflée par la brise de noroit. Quelques riches ladies protégées de l'éclat du soleil par leurs voilettes s’étaient égarées sur le pont dont on s’était empressé de chasser les matelots. Ces dames s’inquiétèrent auprès du galant capitaine de la nature de l'être dépenaillé qui gesticulait et faisait des signes à proximité d'un feu dégageant une abondante fumée dont quelques particules au parfum de lamb steak leur chatouillaient agréablement les narines.
« Oh, ce n’est rien, très chères... Ce n’est que l’un de ces originaux qui font toute la saveur de notre chère Angleterre. Il s’est entiché de cette île et y mène une vie frugale avec son  fidèle serviteur. Personnage fort courtois au demeurant : il ne manque jamais de nous saluer  avec forces gestes en agitant son mouchoir chaque fois que nous passons à proximité de ses terres. God save the Queen ! »

vendredi 3 novembre 2017

Est-ce sorcier ?

Que ne faut-il pas faire pour amuser les enfants !

Moi qui réprouve la dérive vers une célébration généralisée de cette fête anglo-saxonne infiltrée en France pour des motifs purement mercantiles, à savoir Halloween, je me suis trouvé en train de façonner des doigts de sorcières…

Quand même pas avec la recette de la vieille sorcière décatie Mercotte flanquée de son vilain suppôt Lignac, mais avec celle du site Jardin des Gourmands.

•350g de farine
•1 c. à café de levure chimique
•225g de beurre à température ambiante
•125g de sucre glace
•1 gros œuf


Cuisson à 160°C durant 20 minutes.

Première fournée peu présentable. La pâte laissée sur la table pendant le façonnage et le four pas assez chaud au moment de l’enfournage avaient fait que les doigts de sorcières avaient connu une tendance fâcheuse à vouloir se métamorphoser en langues de chats.


doigts de sorcières
Chat-peau

De plus le gonflement à la cuisson s’était révélé plus important que prévu…

Alors pour la seconde fournée, la pâte fut extraite du frigo par petites quantités successives et chaque doigt façonné en une taille plus réduite a été aussitôt étendu sur la plaque de cuisson posée sur des accumulateurs de froid sortis du congélateur. L’enfournement fut effectué à 180°C afin de crouter rapidement et éviter ainsi l’étalement, avant de redescendre aux 160°C recommandés.
Avec cette procédure, le résultat était un peu plus convaincant….


doigts de sorcières
Mises à l'index

La confection de doigts de sorcière nécessiterait-elle des doigts de fée ?

mardi 31 octobre 2017

La raison du plus fort (des halles)

« Ah, on s’amuse à boucher le Vieux Port ! Eh bien, viles sardines obstructices, je vous condamne pour ce sit-in maritime à subir la même peine que Laurent : le passage au gril.
- Mais nous n’avons jamais mis les nageoires à Marseille !
- Hum, hum, il me semble vous avoir aperçues dans Plus belle la vie.
- Vous devez confondre, on y  voit plutôt des thons…
- Bof, si ce n’est vous, ce sont donc vos sœurs. »
Et c’est ainsi que l’arbitraire a envoyé se faire dorer de malheureuses bretonnes sur un piteux gril électrique bas de gamme. Elles n’ont pas même eu l’honneur de braises rougeoyantes, que ce soit sur le barbecue ou dans la cheminée.
Mais le Breton et la Bretonne sont têtus et taiseux. Ces sardines sont restées stoïques, sans maudire et sans mot dire.
"Je suis assez rôti de ce côté, avait dit Saint-Laurent au juge en souriant ; faites-moi rôtir de l’autre."
En ce qui concerne nos armoricaines, c’est le bourreau qui a dû gérer la cuisson…
Il ne leur en tint pas rancune. Il leur fournit le remède (de bonne ferme) contre les brûlures. Car il avait d’autorité dépetitpotdebeurrerisé un bon beurre demi-sel après une discussion stérile :
« Petit pot de beurre, quand te dépetitpotgdebeurreriseras-tu ?
- Je me dépetitpotdebeurreriserai quand tous les petits pots de beurre se dépetitpotdebeurreriseront.
- Or comme tous les petits pots de beurre ne se dépetitpotdebeurreriseront jamais, petit pot de beurre ne se dépetitpotdebeurrerisera jamais. Il ne me reste donc plus qu’à sortir mon dépetitpotdebeurrerisateur en inox et l’on verra bien qui aura le dernier mot ! ».
Ce martyre des sardines fut immortalisé par une œuvre du Titien (à Saint- Mamer, où elle est exposée).


sardines grillées, beurre
Le martyre des sardines (nature très morte)


Et c’est ainsi qu’une fois de plus les brebis égarées pourront méditer cette vérité sortie de La Fontaine :

Eh oui, la vérité fait peur...


La raison du plus fort est toujours la meilleure !


Et comme je suis le plus fort, j’ai -avant de manger l’œuvre passée en 3D- tranché en deux puis escalopé des champignons dits de Paris, mais nés en Charente-Maritime (300 grammes) auxquels je n'ai pas demandé leur avis Ils finiront en salade.
J’ai préparé une sauce avec une quinzaine de centilitres de crème fraîche, le jus de deux citrons jaunes, le jus d’un citron vert et son zeste, un trait de balsamique blanc, une cuillerée d’estragon ciselé , une bonne pincée de sel et un tour de moulin de poivre.


champignons de Paris, salade
Blanc sur blanc


Un repas terre-mer bien tranquille, pas désagréable, même si les grosses sardines bretonnes n’offraient pas la saveur des petites sablaises introuvables en ce moment. En revanche, comme toujours, l’alliance champignon/estragon a fonctionné à merveille, avec de surcroit le joyeux titillement des papilles produit par le citron..

jeudi 26 octobre 2017

Fourasine

« Languille ! » criait le docteur Beaurieux au condamné. De fait, il s’adressait à la tête de la victime fraîchement décapitée. Languille était un meurtrier condamné à la guillotine et exécuté le 28 juin 1905. Le médecin rapporte ses observations dans les Archives d’Anthropologie Criminelle. Entendant son nom, la victime décapitée, dont les paupières venaient de se fermer, rouvrit les yeux et fixa le docteur avec intensité, puis les yeux se refermèrent lentement, au bord de l’inconscience...
[…]
Évidemment, la question de l’état de conscience d’une tête séparée de son corps ne saurait aujourd’hui être étudiée scientifiquement.
( POUR LA SCIENCE du 22/03/2011 )


http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actu-derniers-instants-d-un-decapite-26625.php

Eh bien si, j’ai renouvelé cette expérience.


anguille, décapitation
Entrée en gore


Et c’est bien plus que quelques secondes que L’anguille a remué la bouche pour tenter de me dire quelque chose que je n’ai pas vraiment compris, sans doute des injures si j’en croie le clignement de ses yeux furibonds. Plus exhaustif que le docteur Beaurieux, j’ai aussi entrepris d’observer le corps. Ce dernier a donné des signes manifestes d’agitation durant au moins un quart d’heure, réagissant violemment à tout contact. Il est probable que ce phénomène eut pu encore se prolonger si je n’avais pas poursuivi la démarche en me livrant à des coupes successives qui ne relevaient plusde la décapitation, mais plutôt de la décaudation… Les tronçons successifs sont aussitôt devenus inactifs, ce qui semble démontrer que L’anguille est dominée par sa queue.


Cette étude terminée, je n’allai pas tout de même pas gâcher ces beaux morceaux. Scientifique, certes, mais aussi gourmet !
J’ai donc décidé de les intégrer dans une chaudrée apte à me remémorer le plat dont je me suis régalé mainte fois dans un restaurant de la Pointe de la Fumée à Fouras, établissement reconverti hélas en piège à touristes après le départ en retraite de son patron…

Je prépare les ingrédients :

Tout d’abord  un morceau de blanc de seiche (non congelé !) que je découpe en parallélépipèdes d'un demi-centimètre d’épaisseurs.


blanc de seiche, chaudrée
Blanc d'automne


Puis les poissons.
Une  petite aile de raie bouclée que je pare en la débarrassant d’une bonne partie du gros cartilage et que je partage en quatre.
Une tranche de lotte que je dépouille des quelques restes de membrane et petits vaisseaux sanguins laissés par le poissonnier,  et qui elle aussi est divisé en quatre morceaux.
Deux darnes de merlu sur lesquelles je ne me livre à aucune intervention.


chaudrée, merlu, raie, lotte
J'ai la pêche !


Enfin le blanc d’un poireau que je tranche en rondelles de 2mmm d’épaisseur et six gousses d’ail.


Je mets à suer dans une bonne noix de beurre de ferme les morceaux de blanc de seiche avec ail et poireau avec une pincée de sel. Quand ils ont rendu toute leur eau et qu’ils sont sur le point de colorer, je verse dans le faitout trois verres d’eau et laisse cuire le blanc de seiche 40 mn à feu doux.
Je rajoute alors les tronçons d’anguille que je viens de faire sauter quelques secondes à feu vif sur une poêle dans un filet d’huile et une noisette de beurre. Quelques minutes plus tard je verse la bouteille de sauvignon du Haut-Poitou achetée sous le regard navré de l’œnologue-vigneronne qui rêvait sans doute pour elle d’un destin plus noble – pourquoi donc avoir dévoilé que je l’achetais pour la cuisine ? J’avais alors tenté de me faire pardonner en assurant que la bouteille de sauvignon gris, alias Fié gris, serait quant à elle dégustée avec l’attention et le respect qu’un tel produit mérite. Je ne suis pas certain d’avoir obtenu l’absolution quémandée…
Cette bouteille se voit adjoindre un grand verre de pineau des Charentes qui va conférer des parfums et de la rondeur.
Vingt minutes se passent à petit bouillon, pendant lesquelles vont dorer à la poêle, dans du beurre de ferme mousseux, deux tranches du pain de campagne au levain du boulanger de mon village que j’ai coupées en deux. J’en profite aussi pour  faire cuire trois pommes de terre à l’eau et pour ciseler finement du persil.
J’introduis la lotte, puis la raie. Quatre minutes de frémissement sur une petite flamme, et je termine par le merlu qui ne doit effectuer qu’un bref passage.
Je retire avec une passoire les poissons, la seiche et l’anguille, les réserve. Je porte le bouillon à ébullition et y fais émulsionner un gros morceau de beurre – toujours ce même produit artisanal si savoureux.
Je rectifie ensuite l’assaisonnement.
Il ne me reste plus qu’à transvaser ce bouillon dans le plat de service, y replacer seiche, anguille et poissons, déposer une pomme de terre au centre et les croûtons sur les côtés et conclure en parsemant de persil ciselé.


chaudrée, Fouras
Comme une fourasine...


Quelques minutes plus  tard, le plat trône au centre de la table et nous siégeons devant nos assiettes de savoureuse chaudrée.


chaudrée
Dans mon assiette


Je me croirais presque à la Pointe de la Fumée.
Sans la mer et l’île d’Aix à l’horizon, hélas…

mardi 24 octobre 2017

Poulet lacrymogène (sans grenades)

Le titre est un peu exagéré pour ce poulet aux trois piments.
Première variété, une poignée de piments végétariens récoltés dans mon appartement au moment du départ qui avaient fait le voyage vers la campagne. De toutes couleurs, car de maturités différentes. Ils se sont bien conservés, mais leur parfum n’était pas aussi puissant que quelques secondes après une cueillette sur le pied…
Deuxième variété, un piment long vert, pas grimpé très haut sur l’échelle de Scoville…
Troisième variété, un piment habanero orange. Quant à lui, il s'était approché des derniers barreaux de cette même échelle, j’en ai eu la preuve après en avoir mis en bouche un petit éclat afin de jauger la bête.
Le qualificatif de lacrymogène lui convenait bien.
Mais le plat final offrait une force tout à fait raisonnable, celle qui titille mais ne tue pas le palais….
Tout a commencé quand, en errant parmi les rayons d’un supermarché, je suis tombé sur le rayon des produits exotiques. Dans une corbeille, des beaux piments habaneros arrivés de République Dominicaine, ceux dont je suis privé depuis quelques mois, le pied de cette variété ayant succombé chez moi à un manque d’arrosage en mon absence, contrairement à celui des piments végétariens. Je cherchais une utilisation pour mes piments voyageurs, eh bien à cette vue une recette a pris corps dans ma tête : un poulet aux trois piments et citron.
J’ai acheté en plus de quatre de ces habaneros (un vert, un rouge, deux orange) un piment long, deux citrons verts et une boîte de lait de coco.
Ne restait plus qu’à me procurer le poulet. Au rayon volailler j’ai découvert un poulet blanc du Maine Label Rouge en promotion qui devrait bien suffire pour cette préparation.
Pour le reste, j’avais déjà…
Et c’est ainsi que le lendemain je sors le poulet de la barquette et le découpe. 
Dans une cocotte en fonte, je fais dorer les morceaux dans un trait d’huile d’olive, ainsi que la carcasse partagée en quatre qui évacuera le plat après cuisson, ayant terminé sa tâche ingrate mais essentielle de dispenseur de goût.
J’ajoute deux échalotes hachées grossièrement. Pendant qu’elles fondent sur la flamme baissée, je presse deux citrons jaunes et deux citrons verts. Je verse ce jus dans la cocotte, ajoute les piments végétariens tranchés certains dans la longueur, d’autres transversalement, le piment vert et le piment habanero, tous deux coupés en deux et débarrassés de leurs graines. J’ajoute une carotte découpée en batonnets, deux gousses d'ail, un peu de zestes prélevé sur les citrons, une feuille de laurier et un brin de thym et laisse réduire une dizaine de minutes.
Il reste au fond de la cocotte un jus un peu sirupeux. Je verse  25 cl de lait de coco, incorpore une cuillerée à café de curcuma. La cuisson se poursuit à feu doux pendant une quarantaine de minutes.
Il ne reste plus qu’à enlever les morceaux de carcasse  et à verser dans un plat de service.


poulet, piments, citron, lait de coco
Poulet aux trois piments

Du riz basmati destiné à accompagner le poulet avait cuit dans une casserole d'eau bouillante à ses côtés.
Et c’était bien bon…