« Le poisson du Vendredi jour après jour, ça commence à bien faire ! »
Aussi entreprit-il de se mettre en quête de produits bien carnés. Sa longue-vue Dollond-London habillée d’acajou mais au tube de laiton légèrement bosselé au cours du naufrage lui avait permis d’apercevoir quelques moutons folâtrant dans l’herbe touffue du sommet de la montagne. Miam miam !
Parvenir au toit de l’île ne fut pas une mince affaire. Il franchit d’abord une sauvage garrigue et en profita pour emplir sa besace de thym, de romarin, de genièvre. Puis il dut se frayer un chemin à travers une épaisse forêt dans laquelle il se serait bel et bien perdu s’il n’y avait pas eu la pente pour l’orienter. Dans une partie moins sombre, au bord d’une clairière d’où rayonnaient de multiples laies sinueuses arpentées par des sangliers hargneux et menaçants dont il évitait le plus possible la fréquentation, il eut la chance de tomber sur une poussée abondante de trompettes de la mort. Elles étaient bienvenues pour parfumer le bon plat carnivore qu’il espérait cuisiner, et elles vinrent se joindre à sa précédente moisson.
Soudain le soleil réapparut. Il franchit l’orée de la forêt et ses bottes en peau de chèvre retournée piétinèrent les alpes verdoyantes où paissaient les moutons.
Il les aperçut non loin de lui sur sa droite, gambadant dangereusement au bord d’un à pic vertigineux. Il eut un instant l’envie de leur faire le coup du père Panurge en jetant l’une des bêtes que suivraient sottement tous ses congénères, et se constituer ainsi un important butin sans se fatiguer. Mais il était bien préférable de maintenir en vie ce troupeau mis par le Seigneur à sa disposition et de prélever une bête de temps à autre au gré de ses envies et de ses besoins. Certes, il faudrait renouveler l’ascension, mais ce n’était pas si terrible Et puis pourquoi pas charger Vendredi de cette tâche, après tout il était doté de toutes les qualités sportives que tout bon sauvage se doit de posséder…
Pour l’instant, il repéra un petit agneau à la fois bien dodu et timide qui devait être une proie facile. Quelques instants plus tard il serrait l’animal tremblotant et bêlotant entre ses bras, et rebroussa chemin, les emplettes assurées pour le repas du soir.
Retour des courses |
Il laissa Vendredi saigner l’animal, après tout sa peuplade devait sans doute pratiquer les sacrifices humains, alors un agneau…
La bête dépouillé, la toison rincée à l’eau de mer et mise de côté pour un futur usage à déterminer (chaussons douillets et seyants, mitaines confortables, ou, pourquoi pas, pans d’un petit gilet pour
l’hiver ?), il sortit son coutelas et commença à tenter de découper des côtes sur la carcasse.
Il fallait bien l’avouer, le résultat était plutôt pitoyable. Les ricanements de Vendredi confirmaient ce constat.
« Ah, toi qui me railles, tu crois que s’improviser boucher est chose facile… Eh bien montre donc si tu es capable de mieux faire ! »
Et il tendit le coutelas à Vendredi qui ne put s’en emparer, secoué qu’il était par les spasmes de son fou rire.
« Puisqu’il en est ainsi, tu seras privé de côtes d’agneau, na, foi de Crusoé ! » s’exclama-t-il en finissant la découpe en affichant une moue vexée. Il balança ensuite rageusement le résultat de son tranchage dans une marinade faite des herbes cueillies, de ce bon poivre sauvage poussant en lianes envahissantes dans la forêt, de baies de genièvre et de gousses d’ail écrasées ainsi que de l’huile d’un flacon sorti du coffre aux ingrédients de la cambuse échoué miraculeusement sur la plage. « Merci, Seigneur ! »
Toute rapière dehors, à l'assaut... |
À côté les champignons auxquels il avait adjoint une échalote prélevée dans sa petite plantation jouxtant la cabane et hachée finement achevaient leur cuisson.
Jouons de la trompette.. |
Un quart d’heure plus tard, le repas était prêt.
Côtes de Crusoé... |
Sa passion carnivore assouvie, et en plein dans l’euphorie postprendiale, Robinson tendit à son compagnon, qui se morfondait dans son coin en rongeant son frein et un morceau d’igname bouilli, une côte première souillée à peine par quelques éclats osseux .
« Tiens mon brave, ta punition est levée… On n’est pas des sauvages, nous, les Crusoé ! »
Soudain, à quelques encablures, passa un navire à la voilure immaculée gonflée par la brise de noroit. Quelques riches ladies protégées de l'éclat du soleil par leurs voilettes s’étaient égarées sur le pont dont on s’était empressé de chasser les matelots. Ces dames s’inquiétèrent auprès du galant capitaine de la nature de l'être dépenaillé qui gesticulait et faisait des signes à proximité d'un feu dégageant une abondante fumée dont quelques particules au parfum de lamb steak leur chatouillaient agréablement les narines.
« Oh, ce n’est rien, très chères... Ce n’est que l’un de ces originaux qui font toute la saveur de notre chère Angleterre. Il s’est entiché de cette île et y mène une vie frugale avec son fidèle serviteur. Personnage fort courtois au demeurant : il ne manque jamais de nous saluer avec forces gestes en agitant son mouchoir chaque fois que nous passons à proximité de ses terres. God save the Queen ! »
Aimant assez les grillades, j'ai découvert l'été dernier, la plancha...J'avais, au préalable, investi dans un petit barbecue électrique (sécurité obligatoire en camping) mais la puissance fournie par le loueur était trop juste...un petit tour dans le Fleuve Amazon et j'y ai pêché une petite plancha à l'appétit plus modeste...Depuis mon retour, une autre, de taille familiale remplit mes désirs de grillade, ce midi, ce sera un Magret mais j'y fait également du poisson...Une idée, pour vos sardines entre autre...
RépondreSupprimerIl est vrai que la plancha est fort pratique car elle n’exige pas les contraintes d’allumage et gestion de la combustion qui sont celles du barbecue à charbon.
RépondreSupprimerJe n’ai pas la place en appartement pour loger un appareil autonome dans ma petite cuisine déjà surchargée, mais je possède une grande plaque lisse en fonte émaillée à poser sur le fourneau qui remplit la même fonction mais offre l’inconvénient de monopoliser deux feux. Et bien sûr je l’utilise pour les poissons -en particulier les sardines…- et les gambas, encornets, etc… Avec l’avantage de pouvoir éventuellement placer des légumes à côté. Quoique pour les gros poissons je préfère le four qui fournit une meilleure cuisson interne. En ce qui concerne les sardines, j’ai quand même un penchant pour la cuisson sur la braise (ou en cas de crise de flemmingite aigüe ou de nombre trop réduit de pièces pour justifier l’allumage d’un gros barbecue, simplement au-dessus de résistances rougies…) car le résultat me rappelle le goût des sardines de mon enfance que ma grand-mère posaient sur un gril au-dessus des braises de la cheminée, malheureusement trop peu souvent allumée quand je suis à la campagne.
Pour la viande, je choisis plutôt la plaque striée, à la fois pour l’aspect et le goût, encore que pour un bon faux-filet ou une grosse entrecôte la cuisson à la poêle en arrosant de beurre mousseux me semble optimale pour la saveur (mais pas pour la diététique.. !
Dans le cas de cet agneau, le problème n’était pas tant dans la cuisson -encore qu’il m’a fallu utiliser deux poêles striées en même temps pour satisfaire l’’appétit de quatre personnes et deux enfants voraces. Non, c’est le boucher du village qui, ayant pourtant affiché côtes d’agneau sur sa liste de produits du jour, s’est montré tout désemparé devant notre demande et a pris à regret le demi-agneau posé sur son étal qu’il venait de recevoir avant de se rendre dans son arrière-boutique pour la découpe. Le résultat, après une longue attente (curieusement sans bruits de couperet ou de scie, était lamentable : des côtes disparates d’épaisseurs variables, certaines avec plus d’os que de chair, et un peu partout des éclats d’os que j’ai dû prélever du mieux que j’ai pu avant la cuisson (en pensant principalement au risque pour les enfants).
Une telle boutique a le mérite d’exister dans un bourg désertifié -même si une épicerie vient aussi de rouvrir il y a quelques jours-, mais il faut parfois un fort attachement à sa commune pour ne pas préférer aller se fournir dans les petites villes proches, ce que je fais, je l’avoue, le plus souvent.