Retour du marché. Dans le cabas, deux grenadins de veau des
Pyrénées et des endives de Je-ne-sais-où (une IGNP) mais bien serrées sur leur
blancheur anémiée.
Je dois inventer une recette pour unir avec bonheur
les sudistes et les nordistes. Ce qui est sûr, c’est que ces produits partagent
une attirance vers la pâlitude… Et il ne faudra pas que cette fadeur esthétique se
retrouve dans les saveurs.
Ma solution est de me tourner vers l’est, l’est lointain :
l’orient, l’extrême orient - plus précisément le Japon.
Pour confectionner ma sauce, je verse 25 cl de crème fraîche
épaisse dans une casserole. J’y fais tomber une pincée de sel et une cuillerée
de curry japonais, le shichimi togarashi composé de piment de Cayenne, graines
de pavot, poudre d’orange, graines de sésame, baie Sansho, gingembre et feuille
de nori. Je porte à ébullition et laisse réduire du tiers. J’ajoute alors deux
gousses d’ail noir d’Aomori que je viens de hacher sur ma planche. Je réserve,
laissant l’alchimie opérer sous le couvercle dont je viens de coiffer ma petite
œuvre.
En ce qui concerne les endives, je me contente de les parer
et de les partager en deux avant de les poser côté coupe au fond d’un sautoir
sur du beurre demi-sel mousseux et néanmoins breton (il fallait bien que l’ouest
vienne mettre son grain de sel… ) dans lequel elles suent jusqu’à un début de
coloration. Six petites échalotes blanches du jardin de la variété Hermine simplement pelées leur tiennent compagnie. Puis je retourne mes hémi-endives pour opérer de même sur l’autre face. Afin de
les relier aux notes d’agrume dispensées par le curry japonais, je les recouvre
du jus de deux clémentines (la mandarine aux fragrances plus marquées eut été
préférable, mais voilà, d’la mandarine, j’n’en ai point ! ) et je laisse
réduire jusqu’à ce que le liquide au fond du récipient, mélange d’eau de
végétation et de mandarine pressée, devienne sirupeux.
Il est temps de passer au dressage.
Mes deux grenadins assaisonnés sont saisis sur les deux faces dans une noisette de beurre à feu moyen avant de passer au four à 150 °C pour cinq ou six minutes, le degré de cuisson étant vérifié au toucher. Bon, la viande me semble être rosée à point, je sors ma poêle et pose chaque grenadin sur son assiette chaude. J'allonge les endives braisées à ses côtés.
La sauce vient d’être remise à température pendant la
cuisson des grenadins. J’en recouvre ces derniers, profitant du fait que l’ail
est tombé au fond de la casserole pour le répartir à ma convenance. J'avais après l'évacuation du végétal poursuivi la réduction du jus clémentiné restant afin de le mener au bord de la
caramélisation. J’en fais tomber une cuillerée sur les endives - et aussi dans un débordement assumé. J'ajoute les échalotes blanches. Elles semblent s'ennuyer. Tant pis, nous vous croquerons.
Manque la contrastante touche verte. Ce sera un banal brin
de persil, heureusement à grandes feuilles ( une feuille de shiso eut été
préférable, mais voilà, de ce shiso, j’n’en ai point ! ).
Il est temps de passer à la dégustation.
Grenadin façon Hirocht'imi |
Je n’aurais jamais cru que des chicons puissent se sentir si bien au
Japon.
Franchement, c’est Hirocht’imi mon amour. De la bombe !