— Pour entremets, je voulais vous offrir des truffes à la Lucullus en surprise… mais vous avez déjà beaucoup de truffes.
— Ça ne fait rien, ça ne fait rien !…
E. Labiche, la Poudre aux yeux,
Encore de la truffe !
Et cette fois-ci, de la truffe fraîche. Cette année le cours de ce diamant noir est exceptionnellement bas en raison de la fermeture des restaurants. Aussi pourquoi ne pas en profiter ?
Aujourd’hui j’inscrirai donc au menu :
QUEUE DE LOTTE TERRE MER SUR SON RISOTTO À LA TRUFFE
Je commence par finir de parer une queue de lotte d’environ 800 g dépouillée (enfin, presque…) par le poissonnier. J’en lève les filets que je partage en deux. Je réserve ces morceaux arrosés du jus d’un demi citron vert dans un bac.
Je verse les parures et l’arête centrale concassée dans une petite casserole, y ajoutant un petit oignon et une minicarotte hachés grossièrement ainsi qu’une queue de persil.
Je dispose d’un morceau de lard paysan alsacien de la maison Herrscher.
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Lard et la manière |
J’en prélève un parallélépipède que je détaille en tranches fines. L’entame et la couenne rejoignent les parures de lotte dans la petite casserole. Je pose sur un feu vif et, une fois le contenu saisi, j’ajoute une noisette de beurre, recouvre de deux verres d’eau et d’une cuillerée de balsamique blanc de Modène. Je parfume d’une feuille de laurier et six baies de piment de la Jamaïque. Je laisse réduire à feu moyen. J’arrêterai quand j’aurai obtenu un jus sirupeux.
Je place la moitié d’une truffe sur une planche.
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Bois à truffe |
Elle pèse environ 40 grammes. Je la pèle, puis en extrait six tranches fines. Je hache finement les pelures et un peu plus grossièrement le reste de la truffe. Je réserve.
Je passe à la réalisation du risotto.
À l’aide de sachets Ariaké je prépare 60 cl de bouillon de volaille.
Je râpe un cube de parmigiano reggiano d’environ 3 cm de côté et réserve dans une soucoupe.
Je cisèle grossièrement un oignon doux des Cévennes.
Dans une sauteuse évasée en cuivre doublé d’inox je fais fondre une grosse noix de beurre aux cristaux de sel de la marque Elle et Vire. J’y fais suer l’oignon et nacrer le riz.
Il s’agit d’un riz vialone nano provenant de la Principauté de Lucedio en Lombardie.
Quand il est bien nacré, je verse un verre de vin blanc sec - en l’occurrence un Pauliteiros portugais dont une bouteille entamée et mise sous vide traînait au réfrigérateur - qui est rapidement absorbé. C’est ensuite le tour de louchées de bouillon de volaille entrecoupées de brassages énergiques à l’aide de la cuillère adéquate. Après un quart d’heure de ce manège, je goûte. Le riz manque un peu de cuisson, c’est ce que je veux, car je réserve ce risotto inachevé pour en reprendre la cuisson au dernier moment, juste avant le dressage.
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Risotto de réserve |
La petite casserole a terminé sa réduction.
Il est temps de retourner vers la lotte.
Je l’assaisonne de sel fin et d’un tour de moulin de poivre blanc de Muntok. Je fais subir à ces morceaux un aller-retour sur une poêle dans un bain de beurre doux de Surgères virant au beurre noisette. Je retire la poêle du feu et l’enfourne à 70 °C.
Elle y restera pendant que je termine la préparation du risotto.
Deux louchées de bouillon de plus, cinq minutes sont passées, je goûte : le riz est à point, légèrement al dente à cœur. J’écarte donc la sauteuse de la flamme. J’incorpore progressivement - mais avec vigueur - le quart d’une plaquette de beurre doux, toujours du Surgères. Je finis de monter ce risotto avec le parmesan râpé. Je termine en incorporant le hachis de truffe. Hum, pendant ce temps mon risotto a refroidi, je le dépose quelques instants sur la flamme tout en le remuant afin de le remettre à température sans le dessécher…
Allez, zou, dressage...
Je m’empare des assiettes et transfère le risotto au centre de chacune d’elles à l’aide d’un gros pochon. J’aplatis délicatement avec une cuillère. Je sors la poêle du four et dépose la lotte sur ce risotto. Au fond de l’ustensile reste le beurre mélangé avec l’eau exsudée par le poisson. Je place la poêle sur un feu vif et y allonge mes fines tranches de lard. Le jus réduit et le lard subit une légère cuisson. Deux minutes plus tard, une pince me permet de déposer les découpes de lard paysan alsacien autour du risotto lombardo-périgourdin supportant la lotte bretonne…
Le jus terre mer de la petite casserole est versé sur les morceaux de lotte, filtré dans une passette.
Quant à celui restant dans la poêle, il va former un cordon littoral baignant l’île risotto. J’y fais flotter quelques parcelles de persil tombées d’entre mon pouce et mon index.
Horreur ! J’allais oublier mes tranches de truffe ! Je m’empresse de les appuyer sur les virginales dépouilles de la bête…
Allez, vite, à table !!!!
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QUEUE DE LOTTE TERRE MER SUR SON RISOTTO À LA TRUFFE |
Eh bien, de la truffe, certes. Mais pas que de la truffe… L’oignon doux des Cévennes fonctionne particulièrement bien dans le risotto, apportant son délicat parfum et une note sucrée. Le lard paysan tire aussi son épingle du jeu en conférant un évanescent goût de fumée qui trouve bien sa place dans le plat. Les textures ne sont pas en reste, le risotto bien crémeux enrobe le léger croquant de la truffe et le lard fournit de la mâche.
Bref, je suis satisfait. Au prikélatruff fopaslouper, même stannée. fallait point s’vautrer!
Kikadi k’jétais une truffe ?