jeudi 17 septembre 2020

Le Petit Chaperon Oronge

Le Petit Chaperon Rouge frappa à la porte de Mère-Grand.

«  C’est moi, Mamy, ouvre donc !

-  Qui ça, moi ?

-  Ben moi, Chapounette…

-  Envoie moi un SMS pour confirmation. »

Deux minutes plus tard elle recevait la réponse :

«  Tape 1234OPEN et la chevillette cherra ! »


La grand-mère l’enserra dans ses bras.

«  C’est gentil d’être venue me rendre visite, qu’est-ce qu’il y a dans ton panier ?

-  De l’huile, une bonne huile d’olive… »

Les mains tavelées s’emparèrent de la bouteille, la paire de lunettes signée Gucci fut chaussée prestement, l’étiquette fut déchiffrée avec un regard soupçonneux.

Huile des Baux-de-Provence,
Variété Grossane


«  Ouais, c’est du nanan, juste ce qu’il me faut pour ce midi.Tu sais, Gringrin…

-  Gringrin ?

-  Mais oui, Gringrin, c’est comme ça que j’appelle Ysengrin maintenant. Tu ne te rends pas compte de la chance que j’ai eue que tu l'ais rencontré en m’apportant le paquet de beurre Président que tu m’avais acheté chez Leclerc… Ce loup est la crème des hommes.

C’est un parfait amant, le meilleur de tous ceux que j’ai accueillis dans mon lit.

Je ne regrette pas les trois petits cochons, à la réputation surfaite. Words, words ! Le premier, un feu de paille, le deuxième, pas le chêne mais le roseau, le troisième, pour cent briques t’as plus rien, et même les trois ensemble, ça n’était pas le pied.

Quant à Bugs Bunny, pas besoin de te faire un dessin. Tu connais la réputation des lapins…

Titi et Grosminet, z’arrêtaient pas de se disputer pour le meilleur morceau.

Riquet à la Houppe, rien à faire : il était trop moche !

J’ai viré le chat qui me proposait la botte quand il m’a appelé ma petite souris, j’ai craint le pire…

Peter Pan n’était pas dénué de vigueur, mais il voulait vivre à mes crochets. Cependant le plus pénible était que je me faisais traiter de méprisable cougar sur les réseaux sociaux.

Dépitée, j’ai voulu rentrer en grâce auprès de mes followers, démontrer que je n’étais pas une has been rétrograde. Et puis, je l’avoue, je craignais de mourir idiote. Alors j’ai fait du plat à la Reine des Neiges, et, miracle, j’ai réussi à l’attirer dans ma couche. Eh bien - mais tu jures de ne le répéter à personne ? - la Reine des Neiges est frigide ! Pour tout dire, pas libérée le moins du monde…

Je suis revenue au bon prolo classique. Super Mario. Il me semblait prometteur. Las, il n’est même pas parvenu à me déboucher le lavabo…

Mais je t’ennuie avec mes radotages.

La liste serait trop longue. De toute façon, pour moi désormais seul Gringrin existe.

Et en plus il a le sens de l’humour. Quel joyeux lurron ! Ah, la fois où il s'est déguisé ! Qu’est-ce que j’ai pu rire, cachée dans l’armoire, quand je voyais ton air perplexe en t'observant à travers le trou de la serrure et que j’entendais : pourquoi as-tu de si grandes dents, pourquoi as-tu de si grandes oreilles, pourquoi as-tu un si grand… Ah, j’en pleure encore, MDR !

Et puis il est si gentil, mon Gringrin. Regarde, en traversant les bois pour venir me donner son coutumier bisou sur le front et me sauter par la même occasion, il a cueilli ce petit panier d’oronges pour que je me régale en pensant à lui.

Au fait, tu pourrais aussi en profiter. Je les ai tranchées finement et étalées sur un plat. Ton huile arrive fort à point. Tiens, juste un petit trait de ce nectar, quelques gouttes du jus d’un citron pressé, un soupçon de cristaux de fleur de sel. Tu veux que je te dise un secret : je fais tomber quelques feuilles de pimprenelle, cette herbe s’accorde à merveille avec l’amanite des Césars.

oronge, amanite des Césars
Ave, Césars !


Pour rester au pied des arbres ou des buissons, j’ai ouvert un bocal d’escargots à la bordelaise qui se réchauffe doucement sous le couvercle. Regarde, et surtout hume… Ça ne te fait pas envie ?

escargots à la bordelaise
Dans la poêle, c'est l'Bordelais


Et, cerise dans le gâteau, je puis t’offrir une part de gâteau basque. »

gâteau basque, cerise
Cerise ou crème, il faut choisir



Le Petit Chaperon Rouge avait l’air ailleurs pendant ce discours. 

Ah, le salopard ! Il me trompe avec cette vieille peau ! Mon Zinzin est son Gringrin ! Il lui offre des cadeaux. Tu veux de l’amanite. Je t’en foutrai, de l’amanite. Mais pas des Césars, du bon vieil amanite phalloïde, une variété toute faite pour toi.


Le Petit Chaperon Rouge sort de sous sa cape écarlate un champignon dont elle presse le jus sur le plat pendant que Mère-Grand a le dos tourné.

«  Non, non, Mamy. J’ai un rencard, il faut que j’y aille… »

Elle part en claquant la porte. Dans l’armoire où il est caché, Ysengrin se frotte les mains.

J’ai bien fait de donner des soupçons à Chapounette et de lui prodiguer un cours de mycologie. Elle va hériter, et j’aurais à la fois l’argent du beurre et le beurre sans le prendre dans un vieux pot.

«  Alors, tu sors de ton trou ! Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi tu as fait ton timide. À table !!! J’ai une faim de loup !

-  Pas moi… Je me contenterai du dessert. »


lundi 14 septembre 2020

Bis repetita placent

Naguère l’arrivée dans ma cuisine de faux-filets d’origine argentine m’avait inspiré un repas peut-être pas comme dans la pampa, mais en tout cas inspiré par la cuisine locale.

Do not cry against me, Argentina

Je m’étais régalé de ma sauce chimichurri, aussi bonne que celles de mes défunts restaurants argentino-parisiens, même embellies par l'aura du souvenir, et sans nul doute meilleure que celle du mélange tout prêt que l’on trouve dans le commerce. Aussi, ayant à ma disposition deux belles entrecôtes de race Angus de cette même origine, et voyant l'origan foisonner dans le jardin, il m’a semblé tout naturel de réitérer cette plaisante expérience.


La veille du festin, je me lance dans la confection de la sauce. Toujours la même recette.

Il me reste encore, fort heureusement, un petit sachet d’aji molido importé d’Argentine que j’ai mis sous vide. Heureusement, oui, je l'affirme non pas par snobisme, mais parce que son parfum est particulier. Le piment, ce n’est pas que de la force !

Le processus est simple. Je place les feuilles de cinq ou six brins de persil et de deux branches de coriandre dans le mini-préparateur, j’ajoute trois gousses d’ail violet nouveau grossièrement concassées. Sont arrivées toutes fraîches du jardin quatre tiges d’origan, une autre de thym : je les prends à rebrousse-poil afin d’en faire tomber les feuilles dans le mixer. Suit une pousse d’estragon. C’est une grosse cuillerée d’aji molido qui fait tomber sa pluie rouge ocre sur le camaïeu de verts. J’arrose d’un petit verre de vinaigre de vin et d’un autre d’huile d’olive.

Une pincée de sel… Quelques impulsions, et le tout est grossièrement haché.

Je vide dans un bol et mélange avec la brunoise que j’ai réalisée en taillant une petite tomate mondée et épépinée. Je réserve au frais.

Le lendemain je sors les entrecôtes de leur emballage sous vide et les laisse pendant une bonne heure se mettre à température ambiante et s’oxygéner.

Angus, Argentine
Bien marbrée...


Pendant ce temps je blanchis une douzaine de minutes dans l’eau bouillante salée deux épis de maïs que j’ai coupés en deux tellement ils sont longs… L’heure de la cuisson est arrivée. Elle se fera en deux temps, sur le même petit gril en fonte.

Tout d’abord ce seront les épis de maïs barbouillés de beurre fondu qui sont posés dessus, tournés régulièrement et rebarbouillés de beurre au pinceau jusqu’à légère coloration. Ils sont ensuite posés sur une plaque à débarrasser et enfournés à 80 °C pour les maintenir en température.

Ensuite ce sont les entrecôtes sur lesquelles je viens de faire pleuvoir quelques pincées de fleur de sel qui font un aller-retour sur le gril bien chaud. Il me reste un peu de beurre fondu : les entrecôtes vont bénéficier de quelques coups de pinceau avant de reposer le temps que je commence le dressage.

Tout d’abord je verse trois ou quatre cuillerées de sauce chimichurri dans de petits ramequins individuels. Je ne puis m’empêcher de goûter. Le repos a fait merveille, les parfums se sont bien mélangés. Elle est plus pimentée que dans le souvenir de ma première version, sans doute plus vinaigrée aussi, mais ce n’est pas plus mal. Le résultat est particulièrement émoustillant pour les papilles.

Les ardoises me paraissent tout indiquées pour ce genre de plat.

J’y étends les épis dorés, pose à leur côté la sauce chimichurri dans son récipient de porcelaine blanche. L’entrecôte vient s’allonger à côté. Je plante la ridicule mais nécessaire touche verte d’un feuillage de coriandre.

Angus, Argentine, entrecôte, maïs
Et c'est encore moi qui ai payé l'ardoise !


Hélas, point de vin argentin pour arroser cette fête…😢

Mais c’était bien bon quand même.


Épilogue :

Il restait un peu de sauce chimichourri. Le lendemain elle a répondu présent pour accompagner un banal steak haché. Me croira-t-on ? Elle était encore plus subtile dans ses fragrances.

Dommage que nous l’ayons finie, jusqu’où eut-elle pu aller…


samedi 12 septembre 2020

Où je montre que j'ai du coeur

Quand je pense qu’il a fallu sacrifier dix-neuf canards pour que je puisse préparer le plat que je vais servir aujourd’hui : des brochettes de cœurs… Bilan quand même modeste comparé à la demi-centaine de porcelets immolés sur l'autel de la gastronomie pour la Tarte de cinquante groins de cochons de lait préparée par Gérard Oberlé et dont Jim Harrison garde un souvenir ému qu’il évoque dans son livre Un sacré gueuleton (traduction douteuse du titre original A Really Big Lunch).

Peu après cette rencontre avec Gérard, j’ai séjourné dans son manoir en Bourgogne, où il a préparé un plat fascinant à l’origine très ancienne : une tarte de cinquante groins de cochons de lait. « Un plat tout simple », a-t-il dit. Ainsi qu’il me l’a expliqué, on laisse les groins de cochon tremper une nuit dans l’eau, puis on les fait cuire deux heures à feu doux dans du vin rouge, des herbes et de l’ail. On ajoute ensuite les pommes de terre et l’on met le tout au four, les groins dressés formant une splendide mosaïque à la surface. D’ordinaire, ce genre de plat convient seulement aux gens extrêmement curieux ou aux individus ayant eu un pied dans l’agriculture. Je me souviens de mes deux grands-mères faisant bouillir des têtes de cochon avec des herbes et des oignons pour préparer du fromage de tête, avant d’extraire les parties les plus savoureuses, les joues, la langue et la viande du cou, de les couvrir du bouillon de cuisson et de les gélifier dans un plat en verre.

Quant à moi, je me souviens de ma grand-mère poitevine plongeant dans la marmite la tête de veau simplement sciée en deux par le boucher qui venait d’abattre la bête chez le paysan, et qu’elle avait rapportée de la boutique, emmitouflée dans un torchon au fond du panier d’osier (la tête, pas la grand-mère!)…


Mais revenons à nos canards…

Je me sens quand même empreint d’une vague tristesse - qui ne va tout de même pas jusqu’au remords - devant l’ampleur de cet anaticide. Alors que le même événement concernant des poulets me laisserait complètement indifférent. Vae gallinis victis !

Je suis sans doute de parti pris. Car, contrairement au canard qui soulève le cloaque de son large bec avec l’acharnement d’un ouvrier portugais sur son tas de mortier, c’est avec la délicatesse pointilleuse du pinceau d’un Seurat peignant le Bec d’Hoc (mais le choix d’un tel sujet est-il innocent ?) que la poule picore l’herbage afin d’y trouver sa pitance.

Où est le bec sur la carte et le territoire ?


Mais rien à faire, je ne ressens aucune empathie envers ce gallinacé. Je suis le sociopathe du poulailler.

Une raison sans doute : le manque d’expressivité de la poule, une tronche qui défie l’anthropomorphisme. Même avec le talent d'un Benjamin Rabier qui parvient à faire rire une vache dont le regard bovin ne saurait représenter le summum du sens de l’humour, l'entreprise de donner un semblant d'humanité à la poule est mission impossible. Ce n’est que par un port de tête et non dans les traits d'un visage que ce dessinateur essaye d'atteindre ce résultat avec Tigrette. Et pas dans le sens le plus flatteur…



Alors que Gédéon nous amuse ou nous émeut par ses aventures.



Et puis zut. Elle se couche comme les poules et pince les mollets des petites filles. 

La poule est bête et méchante. Qu’elle se fasse hara-kiri !


Mais revenons à nos canards…

Je déballe dix-neuf cœurs venant d’une ferme des Landes, déjà bien parés - je n’ai pratiquement rien à faire. Six brochettes : piques coupant une tierce de cœurs. Il y aura donc un cœur esseulé.

J’ai à ma disposition des petits poivrons du jardin, rouge, jaune et vert, ainsi qu’un petit oignon doux des Cévennes, des mirabelles de Lorraine et des figues du Midi d format mini. J’ai taillé des carrés, dénoyauté les prunes, tranché les figues en deux.

Allez, oust, à l’enfilage.

Poivron jaune, cœur, oignon, figue, cœur, laurier, mirabelle, cœur, poivron rouge, poivron vert.

Belote et rebelote : mes six brochettes sont là, un cœur esseulé les regarde.

Je les dépose sur une plaque à débarrasser, donne un tour de moulin de poivre rouge, parsème de quelques feuilles de thym et d’origan, arrose d’un trait d’huile d’olive, d’un autre de vinaigre de Maury et de quelques gouttes de balsamique traditionnel de Modène. Je réserve peur une demi-heure au frais, retournant les brochettes de temps à autre.

coeurs de canard
Touchés en plein coeur


Pendant ce temps je prépare le riz pilaf d’accompagnement.

Je réalise une brunoise avec les chutes de poivron et d’oignon. Je mets à suer dans une casserole sur une cuillerée d’huile d’olive, fais nacrer un petit verre de riz parsemé de cinq-épices, ajoute trois gousses d’ail violet nouveau émincées, un piment long cueilli au jardin et arrose de deux verres d’eau bouillante. Je coiffe d’un disque de papier siliconé, pose le couvercle et enfourne pour 20 minutes à 180 °C.

Le riz est cuit, je le verse dans un plat que je réserve dans la chaleur du four éteint.

Je m’empare de ma grande poêle en acier. Un coup de pinceau trempé dans l’huile d’olive, et j’y dépose sur une forte flamme mes brochettes de cœurs de canard, n’oubliant pas le cœur solitaire que je console en lui confiant le rôle primordial de témoin de la cuisson.

brochette de coeurs de canard
Un témoin grillé...


Cœur solitaire me dit que la cuisson est parfaite, un peu grillé et caramélisé, mais avec la chair rosée.

J’aligne les brochettes sur un plat.

Brochettes de coeurs de canards
Zentez, ARMES !


Il va sur la table, accompagné du riz que j’ai sorti du four.

riz pilaf
Mon riz make du riz pilaf


Eh bien je puis affirmer que Gédéon n’est pas mort pour rien.

jeudi 10 septembre 2020

À l’attaque !

Oui, ils sont là.



Les Bérets rouges ont débarqué chez moi.

tomates farcies
Le champ de bataille


Leur ration de combat n’était pas si mal que ça : chair de porc haché parfumée de thym, origan, romarin, sauge, basilic, poivre rouge et quatre épices, jambon de parme, pain, lait, œuf, sans oublier le balsamique blanc et le Tabasco pour les revigorer. On ne peut pas dire qu’ils sont partis au combat le ventre vide.

Ce qui ne m’a empêché d’en venir à bout :

Peut-être que la douceur de l’odoriférant coulis rouge sur lequel ils avaient atterri et la chaude moiteur ambiante y étaient pour quelque chose ?


mercredi 9 septembre 2020

Voyage avec un mulet vers le Cap Ferret

 

Un voyage bien plus bref que le Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson.

Plus facile aussi. Le mugil capurri est plus docile que l’equus asinus. Même s’il est loin d’être un mou, une petite fumette, et il obéit au doigt et à l’œil. La pointe d’une fourchette suffit alors pour le mettre dans le droit chemin.


mulet fumé
Mulet chargé de raifort

Autant dire que ce fut un régal…

 Une Île au Trésor se cacherait-elle dans le Bassin d’Arcachon ?



Ça se discute…





 

 

lundi 7 septembre 2020

Retour vers le futur

Il y a quelques jours, cueillette au jardin de branches d’arquebuse (artemisia abronatum).

arquebuse
Une Artèmise qui a de la branche


Elles furent introduites dans une bouteille et noyées dans de l’alcool pour fruit.

arquebuse
Macère, macère...


Arquebuse opérationnelle dans six mois (une fois chargée en sucre).




dimanche 6 septembre 2020

Alzheimer ou sucrer les fraises, il faut choisir...

 J’inaugurais une nouvelle procédure que j’avais imaginée pour le façonnage d’un pâté aux prunes.

Jusqu’à présent j’utilisais un cercle en inox. Mais il était impossible de le retirer pour la finition au moment crucial où l’on constitue le joint entre le disque de pâte supportant les prunes et le second disque qui les recouvre, car sinon le bourrelet de la soudure empêchait de le remettre en place. Autant dire que le résultat de la manip pendant que le haut de la feuille d’inox me gênait dans l’action du bout des doigts de mes paluches déjà pas si agiles que ça ne me donnait qu’une satisfaction toute relative.

Ma solution : le moule à charnière.



Aussi étais-je tout content, après avoir déposé ma pâte brisée au fond d'un tel moule et l’avoir garnie de belles reines-Claude (orthographe de Flaubert…) de la replier sur le dessus avant de trancher l’excédent suivant un cercle un peu plus petit que le diamètre du moule, puis d’écarter le bord du moule en basculant le petit levier : j’avais ainsi libéré l’espace pour pincer à l’aise !

Bon, c’est terminé, ce n’est pas parfait, mais au moins je n’aurai pas ce trottoir pavé de bonnes intentions mais trop brut de coffrage qui cerne de malheureuses reines qui n’en demandaient pas tant…

Je referme l’entourage du moule à manqué qui vient prendre le pâté dans son étau.

Un coup de pinceau de jaune d’œuf battu avec de l’eau, une petite incision en croix pour faire cheminée, et je vais pouvoir enfourner.

Enfer et damnation !!! Je me rends compte subitement que j’ai oublié de saupoudrer de sucre les reine-claudes (orthographe de Colette…). Heureusement, tout n’est pas perdu, petite incision deviendra grande. J’obtiens une fenêtre carrée en soulevant les pans, par laquelle j’introduis le sucre en poudre. Et comme le pâté est dans un moule, je peux incliner dans tous les sens afin de disperser les grains vers le bord - avantage collatéral de ma méthode…

Une quarantaine de minutes plus tard, le pâté sort du four.

pâté de prunes
Pâté crucifié


Ouf, ma bévue est réparée !


Ce ne serait rien si quelques jours plus tard je n’avais encore oublié le sucre en enfournant une tarte aux mirabelles.

Elle était déjà depuis huit minutes au four quand j’ai pris conscience de cet oubli. À ma décharge, cette tarte avait été réalisée par ma conjointe tenant le rôle de pâtissière domestique (et non domestique pâtissière, je tiens à le préciser…) qui, après avoir rangé en beaux cercles concentriques les demi-mirabelles dénoyautées, avait dû partir en coup de vent vers un rendez-vous extérieur en me glissant rapidement au creux de l’oreille : « Je suis pressée, je te confie la suite… » Pour être honnête, elle avait quand même ajouté : « je n’ai pas mis le sucre afin d’éviter que les prunes ne rendent du jus et ne détrempent la pâte ».

Mais voilà, le four n’avait pas encore atteint la bonne température, et j’étais parti vaquer à d’autres occupations. Le petit bruit du thermostat coupant, le chauffage, j’accours, j’enfourne…

J’ai donc sorti du four la tarte en début de cuisson, pensant que c’était moins dommageable que pour une pâte levée, une brioche par exemple. J’ai réparti le sucre en poudre, et j’ai réenfourné.

Une demi-heure plus tard, la tarte aux mirabelles était cuite à point. Sauf que…

Bien que piqué à la fourchette avant la dépose des fruits (j’en ai obtenu la confirmation) le fond de celle-ci est tout bombé, gonflé comme une montgolfière. Alors une théorie s’ébauche dans ma tête : ma sortie du four et le refroidissement induit par cette évacuation impromptue n’auraient-ils pas induit un phénomène comparable à la formation des pommes soufflées ? Il me faudrait me lancer dans une expérimentation…

En attendant, quelques coups des pointes d’une fourchette, et la baudruche se dégonfle. Je dois toutefois remettre en place les mirabelles que la pente a fait glisser vers le bas.

Ouf ma bévue est réparée !


Malheureusement, pas d’images de cette tarte aux mirabelles. J’ai oublié de la photographier…



Ah, la vieillesse est un long naufrage. Alzheimer ou sucrer les fraises, il faut choisir…

Si l’on peut !