Un voyage bien plus bref que le Voyage avec un âne dans les
Cévennes de Robert Louis Stevenson.
Plus facile aussi. Le mugil capurri est plus docile que l’equus
asinus. Même s’il est loin d’être un mou, une petite fumette, et il obéit au doigt
et à l’œil. La pointe d’une fourchette suffit alors pour le mettre dans le droit
chemin.
Mulet chargé de raifort
Autant dire que ce fut un régal…
Une Île au Trésor se cacherait-elle dans le Bassin d’Arcachon ?
J’inaugurais une nouvelle procédure que j’avais imaginée pour le façonnage d’un pâté aux prunes.
Jusqu’à présent j’utilisais un cercle en inox. Mais il était impossible de le retirer pour la finition au moment crucial où l’on constitue le joint entre le disque de pâte supportant les prunes et le second disque qui les recouvre, car sinon le bourrelet de la soudure empêchait de le remettre en place. Autant dire que le résultat de la manip pendant que le haut de la feuille d’inox me gênait dans l’action du bout des doigts de mes paluches déjà pas si agiles que ça ne me donnait qu’une satisfaction toute relative.
Ma solution : le moule à charnière.
Aussi étais-je tout content, après avoir déposé ma pâte brisée au fond d'un tel moule et l’avoir garnie de belles reines-Claude (orthographe de Flaubert…) de la replier sur le dessus avant de trancher l’excédent suivant un cercle un peu plus petit que le diamètre du moule, puis d’écarter le bord du moule en basculant le petit levier : j’avais ainsi libéré l’espace pour pincer à l’aise !
Bon, c’est terminé, ce n’est pas parfait, mais au moins je n’aurai pas ce trottoir pavé de bonnes intentions mais trop brut de coffrage qui cerne de malheureuses reines qui n’en demandaient pas tant…
Je referme l’entourage du moule à manqué qui vient prendre le pâté dans son étau.
Un coup de pinceau de jaune d’œuf battu avec de l’eau, une petite incision en croix pour faire cheminée, et je vais pouvoir enfourner.
Enfer et damnation !!! Je me rends compte subitement que j’ai oublié de saupoudrer de sucre les reine-claudes (orthographe de Colette…). Heureusement, tout n’est pas perdu, petite incision deviendra grande. J’obtiens une fenêtre carrée en soulevant les pans, par laquelle j’introduis le sucre en poudre. Et comme le pâté est dans un moule, je peux incliner dans tous les sens afin de disperser les grains vers le bord - avantage collatéral de ma méthode…
Une quarantaine de minutes plus tard, le pâté sort du four.
Pâté crucifié
Ouf, ma bévue est réparée !
Ce ne serait rien si quelques jours plus tard je n’avais encore oublié le sucre en enfournant une tarte aux mirabelles.
Elle était déjà depuis huit minutes au four quand j’ai pris conscience de cet oubli. À ma décharge, cette tarte avait été réalisée par ma conjointe tenant le rôle de pâtissière domestique (et non domestique pâtissière, je tiens à le préciser…) qui, après avoir rangé en beaux cercles concentriques les demi-mirabelles dénoyautées, avait dû partir en coup de vent vers un rendez-vous extérieur en me glissant rapidement au creux de l’oreille : « Je suis pressée, je te confie la suite… » Pour être honnête, elle avait quand même ajouté : « je n’ai pas mis le sucre afin d’éviter que les prunes ne rendent du jus et ne détrempent la pâte ».
Mais voilà, le four n’avait pas encore atteint la bonne température, et j’étais parti vaquer à d’autres occupations. Le petit bruit du thermostat coupant, le chauffage, j’accours, j’enfourne…
J’ai donc sorti du four la tarte en début de cuisson, pensant que c’était moins dommageable que pour une pâte levée, une brioche par exemple. J’ai réparti le sucre en poudre, et j’ai réenfourné.
Une demi-heure plus tard, la tarte aux mirabelles était cuite à point. Sauf que…
Bien que piqué à la fourchette avant la dépose des fruits (j’en ai obtenu la confirmation) le fond de celle-ci est tout bombé, gonflé comme une montgolfière. Alors une théorie s’ébauche dans ma tête : ma sortie du four et le refroidissement induit par cette évacuation impromptue n’auraient-ils pas induit un phénomène comparable à la formation des pommes soufflées ? Il me faudrait me lancer dans une expérimentation…
En attendant, quelques coups des pointes d’une fourchette, et la baudruche se dégonfle. Je dois toutefois remettre en place les mirabelles que la pente a fait glisser vers le bas.
Ouf ma bévue est réparée !
Malheureusement, pas d’images de cette tarte aux mirabelles. J’ai oublié de la photographier…
Ah, la vieillesse est un long naufrage. Alzheimer ou sucrer les fraises, il faut choisir…
J’avais fait le faraud en affirmant qu’aborder une telle côte ne m’effrayait pas le moins du monde. Mais confronté à ses 1200 g dont une majorité de gras, je n’ai pas pu en venir à bout, même avec l’assistance d’une partenaire aguerrie.
Il me restait donc trois tranches aux tronches de guanciale. Je les ai réservées sous vide. Or qui dit guanciale dit le plus souvent pâtes a la carbonara… J’allai donc reconvertir ces restes dans une telle recette.
Du moins tel était mon projet. Mais entre-temps arrivèrent du jardin moult tomates ainsi qu’un rutilant petit poivron. Devant ces légumes appétissants, j’ai changé mon fusil (à aiguiser) d’épaule, même si je reste sur une recette de pâtes. Je n’ai pas regretté cette décision en tranchant et épépinant le poivron qui dégageait un plaisant parfum. Moi qui ne suis pas très fan de ce légume, j’étais tout étonné de cette suavité… Ce poivron douxcorno di toro rosso de pleine terre francilienne n’a rien à voir avec le poivron rouge de pleine serre néerlandaise - ou même française d’ailleurs…
Je découpe mes tranches de gras coiffées de couenne en lardons que je mets à fondre sur une larme d’huile d’olive au fond d’une poêle. J’y fais tomber des quartiers de tomates, ajoute cinq gousses d’ail violet nouveau. Je laisse compoter à feu doux en ajoutant un demi-verre de vin blanc et une petite cuillerée de harissa afin de relever.
Sur un autre feu j’ai mis à cuire des linguine. Une minute avant la fin des dix prescrites sur le paquet, je transfère ces pâtes dans la poêle et mélange. J’assaisonne de quelques tours de moulin de poivre rouge, déchiquette une branche de basilic qui vient ajouter ses fragrances au plat.
J’ai bien fait de laisser la couenne, elle est devenue très tendre et a apporté au jus qui barbouille les linguine une onctuosité bienvenue.
Sauterie à Ibaiama
Quelques jours plus tard, second retour au porc. Toujours le même : le porc Ibaiama.
Mais cette fois-ci ; le cochon s’est déguisé en escargot, sous le nom de xixtora.
Cette saucisse basque, je ne la traiterai pas avec des haricots écossés, comme le fait Hélène Darroze. Là encore, c’est le jardin qui va guider la recette. Il ne faut pas traîner avant de cueillir le dernier rang de tétragones : ce légume va donc se mettre au service de mes escargots. Pour une fois, ce ne sera pas la cagouille qui bouffera la feuille du jardin ! Toutes les deux seront croquées.
Je lave soigneusement mes tétragones, ils en ont bien besoin. Comment ont-ils fait pour se saloper autant ? Se roulent-ils dans le sable quand on a le dos tourné ? Ou bien des malfaisants, à quatre ou à deux pattes viennent-ils en ricanant terrepoudrer nos feuillages ? Toujours est-il que ce n’est qu’après plusieurs bains douches que je puis faire tomber mes épinards fantoches dans une grosse noix de beurre pendant que les deux escargots de service se font dorer la peau sur le gril en fonte.
L’heure de la fusion a sonné : chaque escargot vient se vautrer sur une litière de tétragone.
Très introverti...
Je n’y croyais qu’à moitié au départ, mais l’accord entre ces deux produits se révèle remarquable. Une fois de plus la contrainte est une source créative
Le marchand de primeurs avait fait présent d’un bouquet de persil.
Je n’avais jamais vu un semblable. Bon, il y avait encore les racines… Mais surtout c’était un persil plat, et cependant ses feuilles légèrement ondulées offraient la fermeté d’une variété frisée. Drues, proches de la tige sans ses longs pédoncules superfétatoires qui réclament une opération plumaison avant le ciselage, elles dégazaient dans leur découpe un puissant parfum herbacé. Bref c’était une quintessence de persil, pas de ces branchouilles tristounettes tout juste bonnes à apporter la petite note de couleur verte à l’instant du dressage.
Aussi je n’ai pas manqué d’en charger mes plats pour un plaisir gustatif certain.
La première utilisation fut dans une persillade alliant ce feuillage magique à l’oignon blanc nouveau.
Elle vint rafraîchir une salade de cervelas et gruyère arrosée d’une rémoulade - une vraie, sans jaune d’œuf - réalisée à partir d’une moutarde douce alsacienne.
Trip alsacien
Le trip commençait : je me voyais en Alsace assis à la table de la sœur de mon grand-père, me régalant de sa Python-Salad - c’est ainsi que l’on nommait ce classique dans la famille.
Le lendemain, c’est avec de l’ail rose de Lautrec que mon persil s’acoquina. Des sardines venant de faire un rapide aller-retour sur la plancha virent cet odoriférant mélange se déverser sur elles alors qu’elles venaient tout juste de s’étonner d’une pluie de sel et de poivre.
Trip catalan
Un délice, car la qualité tant de l’ail que du persil leur a permis de donn.er la réplique avec subtilité et de ne pas priver les sardines du premier rôle.
Le trip continuait : j’étais dans un petit bistrot de Port-Vendres, nous venions de terminer la montagne de sardines grillées noyée sous la persillade que la patronne nous avait apportée sur la table branlante ; je traversais la minuscule cuisine en désordre où elle venait de s’affairer, et qui était le sas d’accès vers les toilettes où j’allais me laver les mains ointes des croustillantes frites accompagnatrices que j’avais chopées à même le plat. Hélas, il n’existe plus guère de tels endroits loin de la frime où l’on pouvait faire bombance pour trois francs six sous…
Je m’interrogeais : quelle pouvait être cette variété de persil si goûteuse ?
Je me suis lancé dans les recherches. Sans grand succès dans le domaine de la botanique et du jardinage. Toutefois j’ai découvert que le persil se nommait en russe петрушка. Petrouchka…
Comme le ballet ?
Eh bien, rien à voir, une simple homonymie, mais de fil en aiguille, je me suis trouvé confronté avec une photo de Nijinsky dans le rôle de la célèbre marionnette.
Et là je n’ai pu m’empêcher de songer à un fusain d’Odilon Redon :La Folie.
Son fou
Et là nouveau trip : je suis en cours de dessin d’art, une option que j’avais choisie en Math Spé, plus pour le plaisir que pour l’utilité. Aussi mes ambitions y étaient autres que de tenter de reproduire à main levée la potiche garnie de fleur trônant sur un drapé sous la houlette du prof. Enseignant guère plus âgé que nous, par ailleurs fort sympathique, mais visiblement navré de coacher dans une fin compétitive des matheux purs et durs plutôt que de partager sa flamme picturale avec ses pairs - il faut bien pouvoir casser la croûte à défaut de la vendre… Si sympathique qu’il m’a permis de choisir la dissidence.
Dans un carton enfermant des reproductions, je tombe en arrêt sur ce fou qui me fascine. Mon objectif, ce sera de transposer cette œuvre en version colorée. Le brave jeune homme m’extrait d’un tiroir le Cartoil 35 x 27 (5 francs) sur lequel je pourrai appliquer mes touches d’une peinture à l’huile elle aussi offerte par le lycée.
Mon fou
Je regarde mon tableau. Pas de doute, les clochettes sont à chier. Mais je ne suis pas trop mécontent du reste. Même si le fou n’est plus tout à fait le même. Moins accablé et en retrait du monde, il semble désormais le scruter avec une pointe d’ironie amère.
Mais qu’y a-t-il dans cette herbe pour me faire ainsi voyager dans le passé ?
« En tant que délégué du Syndicat des Aulx, je suis chargé de vous transmettre une revendication !
- Ah bon, laquelle ? Chaque ail est bien traité chez moi… »
Il prit un air gêné et bredouilla.
« Ben oui, pour nous autres, ça peut aller, bien que parfois les conditions de température ne soient pas idéales… Ouais, ouais. M’enfin (et là il prit un air encore plus penaud), m’enfin, c’est pas pour nous. C’est la Princesse au Petit Pois qui m’envoie, eh ben, eh ben…
- Eh ben, crache le morceau !
- Eh ben, elle trouve que depuis que le petit pois est dans une boîte elle dort encore moins bien. Voilà ! »
Je lui répondis, primo, de s’occuper de ses oignons, deuxio qu’il était grave malade et qu’il ferait mieux d’aller se coucher.
Je suis allé le border moi-même.
Ail au lit
Je venais de créer une toute nouvelle recette d’ail au lit.
Nul n’est censé ignorer la loi ni les péripéties de jeunesse des trois petits cochons.
Mais petit cochon deviendra gros, et la suite de l’histoire reste méconnue…
Il faut savoir que la famille du grand méchant loup - en particulier son épouse, dont le chagrin lui avait permis d’écrire une chanson poignante, Goodbye Mari Loup - avait porté plainte et nos petits cochons, accusés de guet-apens suivi de lupicide, avaient préféré prendre le large. C’est ainsi que le trio se trouva ventilé aux quatre coins de l’hexagone.
Au terme d’une longue enquête digne d’un journaliste de la revue Society, j’ai pu les retrouver.
Le premier s’était réfugié à la Ferme des Bonshommes, en Normandie, sans doute tenté par les toits en chaume. Il a dû être déçu...
Après la paille, le bois, la brique : le fer
Pas méfiant le moins du monde, il est venu chez moi après une rencontre sous les halles de Versailles, où il était venu faire un tour de déconfinement..
Idée funeste pour lui… Justice a été faite, sous la forme d’une côte de porc passée à la poêle sur une noisette de saindoux. Il avait bien profité, le bougre, avec sa bonne couche de gras cachée sous la couenne.
Il manquait cependant un peu de virilité. Pas comme les deux autres…
Le deuxième fut plus compliqué à découvrir : caché en Gascogne, il avait pris un pseudo et se faisait désormais appeler Prince Noir de Biscay. Devenu mythomane, il s’était même créé une ascendance fictive avec l'aide du Bureau des Légendes :
Surnommé le Prince Noir pour son penchant guerrier et sanguinaire, un soir de croisade, Edouard de Woodstock fit escale dans une étable landaise ; reconnaissant les qualités gustatives des porcs de cette ferme, l’idée lui vint de faire venir des verrats d’Angleterre (mâles reproducteurs) afin de les croiser avec cette souche gasconne, et c’est ainsi que sur les terres d’Aquitaine, il fit naître une nouvelle race qu’il nommera avec fierté : Le Prince Noir de Biscay (Gascogne en Anglais) d’où force et qualité mêlées engendrent une viande unique et précieuse.
Il fut d’abord réticent avant de se rendre à mon invitation. On le comprend, il se la coulait douce dans sa province.
Mais ce pseudo-aristocrate ne pouvait qu’être flatté d’être convié à un dîner en la ville royale. Il vint.
Soumission funeste pour lui… Justice a été faite sous la forme de ribs cuits doucement sur le gril.
Le morceau est d’abord resté enfermé sous vide toute une nuit, enduit d’une bonne marinade. Il s’agissait de la Sesame Ginger Teriyaki Sauce de l’excellente maison Stonewall kitchen ( sauce soja, sucre brun, sucre de canne, gingembre, miel, vinaigre de cidre, huile de sésame, ail ).
Le lendemain, le Prince sortit de son lit parfumé, frais et dispos.
Sesame, ouvre-toi !
Il ne s’attendait pas à ce que je le mette aussitôt sur le gril - placé sur une petite flamme décentrée, car la cuisson devait être longue et je ne tenais pas à carboniser ce précieux invité.
Tout nu, tout bronzé
Après une heure et quart de passages de pinceau et de retournements sur la plaque striée en fonte placée sous surveillance thermique - ne t’emballe pas, ma vieille ! -, il m’était possible d’étendre le Prince sur une planche. Oserai-je dire qu’il était encore plus grand cuit que cru ?
Part ribs (sera toujours part ribs)
En tout cas les tranches offraient du goût et de la mâche. Tout m’incitait à poser sur la table une salade de maïs, ce que j’ai fait.
Le troisième, finalement, était presque voisin du précédent : c’est en pays basque qu’il avait établi ses pénates. Quant à lui, Ibaiama était son nouveau nom.
On le sait, les basques sont de la gueule, dans tous les sens du terme.
Gourmets et gourmands d’abord, ce qui m’a permis de l’attirer en ma demeure en lui promettant de se mettre à table autour de pimientos del piquillo de Navarra, mais surtout d’un succulent ail rose de Lautrec dont il m’en dirait des nouvelles.
Mais aussi grande gueule… Il me l’a joué façon porc de l’angoisse en m’affirmant : « Éloigne-toi de moi, homme de peu de foie ! ». En effet, sous sa couenne virile, la couche de graisse était impressionnante.
Falaise en graisse
Mais j’en ai vu d’autres, et pour moi cette abondance relève plus de l’épatant que de l’hépatite. Alors j’ai osé me lancer dans la confrontation.
Car il était là, bien là, le dernier du trio.
Déplacement funeste pour lui… Justice a été faite, sous la forme d’une côte de cochon dite "Txuleta" cuite en cocotte.
Permettez que je me lance dans la narration de cet événement…
Je commence par verser une larme d’huile d’olive au fond de ma cocotte. J’y fais dorer à feu vif sous toutes les faces ma côte, saupoudrée de fleur de sel et dont j’ai incisé la couenne.
Une fois ma pièce bien colorée, je la réserve sur une plaque à débarrasser et plonge dans la graisse chaude des quartiers de pommes de terre rattes que j’avais épluchées et découpées auparavant. Quand ils commencent à colorer, je les écarte pour replacer ma côte dans la cocotte. Sept minutes à couvert sur feu moyen pour une face, puis même opération pour l’autre face.
J’ai préparé un maxi-bouquet d’herbes du jardin, avec en particulier beaucoup d’origan.
C'est l'bouquet !
Je le glisse sous la côte que j’ai placée à la verticale, couenne vers le bas. J’ajoute les gousses d’une tête d’ail rose de Lautrec - alors tu es content, vieux cochon ? - ainsi que les quartiers d’une tomate charnue mondée et épépinée. J’inonde deux verres d’eau. Ah, j’allais oublier : une feuille de laurier et un chaton de poivre long… Je fais tomber une grosse pincée de sel. Je recoiffe, et c’est parti pour une nouvelle cuisson de sept minutes, maintenant à feu doux.
Il est temps de finaliser la cuisson. J’enlève le couvercle de la cocotte, pique une sonde entre deux os, choisissant de surveiller particulièrement cette zone sensible où la chaleur tournante a du mal à pénétrer.
J’enfourne à 140 °C.
Je règle l’alerte à 62 °C - un degré en dessous de la température préconisée pour un porc rosé afin de tenir compte de l’inertie thermique. Il ne me reste plus qu’à attendre la sonnerie…
Bip, bip, bip…
Je me précipite pour sortir la cocotte du four.
Rosé du soir ?
J’extrais ma côte d’Ibamaia et la laisse reposer. Je remets la cocotte sur le feu après en avoir évacué mon bouquet et la feuille de laurier.. Les pommes de terre y achèvent leur cuisson à feu vif. Je retire ces rattes à la peau croûtée pour les réserver avec les quartiers de tomate et les gousses d’ail dans un petit bac que je maintiens au chaud dans le four éteint.
Falaise érodée
Il ne reste plus au fond de la cocotte que des îlots caramélisés baignant dans un jus poisseux odoriférant. Je déglace avec une cuillerée de vinaigre de Maury (l’autre bout des Pyrénées…) et un petit verre d’eau. J’ajoute une petite cuillerée de sauce soja sucrée et un trait de sauce Worcestershire. Je laisse réduire doucement pendant que je passe au dressage sur assiettes.
Je découpe des tranches d’un demi-centimètre d’épaisseur en travers de la côte. Je les dispose en éventail.
Les légumes, mélange de rattes, gousses d’ail rose de Lautrec et tomate du jardin, se regroupent à leur pied. Et, pour finir, je tiens ma promesse : j’offre des pétales de pimentos à ce vieux cochon.
Un coup d’œil vers la cocotte : le jus a bien réduit, il est devenu sirupeux. J’en déverse une coulée barbouillant les tranches, souillant la graisse immaculée mais lui offrant aussi un bénéfique contrepoint.
Nous pouvons passer à table.
Ibamaia
Madame Veuve Méchanloup était vengée. Elle me caressait d’un regard affectueux. « Tu es mon Remus, tu es mon Romulus ! »
Ah non, je ne suis pas son petit loup ! Même si j’aime bien de temps à autre croquer un petit cochon - même devenu gros.