samedi 6 juin 2020

Flamant rose, violet et pourpre

La cigogne n’est plus la seule a assuré des livraisons.
Le flamant rose s’est mis de la partie.



20 h 43 : il s’envolait des terres de Marignane.
Le lendemain matin, j’ai entendu un grand bruissement d’ailes sur mon palier. Ce brave animal venait de se poser. Il n’arrivait pas les pattes vides : il m’apportait deux bourriches, l’une d’huîtres, l’autre de fruits de mer divers.

Le soir même nous nous régalions d’un plateau de deux douzaines d’huîtres. J’ai été fort heureusement surpris de leur qualité, moi qui ai un préjugé défavorable envers celles sortant de la Méditerranée. Il faut dire que j’ai le souvenir d’un restaurant de Mèze qui avait osé servir un plateau d’huîtres abominables où les coquilles, en sus d’une chair au bord de l’agonie, contenaient de belles noix de vase dont on pouvait obtenir quelques gouttes de pétrole brut par première pression à froid. Mais j’ai sans doute eu tort de généraliser en mettant toute l'ostréiculture locale dans le même panier, fuyant dès lors cette origine comme la peste. Le reste du repas était à l’avenant. Plutôt que de tout mettre sur le dos du malheureux coquillage, c’est plutôt celui du sinistre gargotier qu’il m’eût fallu charger…
En tout cas les huîtres que j’ai reçues étaient exceptionnelles. Mais en contrepartie quelle galère ce fut pour moi que leur ouverture ! Moi qui enchaîne avec aisance les figures libres avec mon couteau sur les spécimens de l’Atlantique et force les coquilles pour découvrir leur trésor avec la virtuosité d’un Arsène Lupin devant un coffre-fort, devant ces résistantes j’ai dû me démener, additionnant des attaques aussi vaines que sournoises, tentatives par la charnière, sur le côté, avec la lame fine et large, avec celle pointue et triangulaire, que sais-je encore... Autant dire que j’étais en sueur quand je suis enfin venu à bout de la vingt-sixième bête, en arrivant presque à regretter les treize à la douzaine qui m’ont permis de déposer vingt-cinq Perles de Camargue sur le plateau (j’en avais massacré un exemplaire que je me suis enfilé discrètement mine de rien avant de balancer les débris de coquilles au milieu de la poubelle des couvercles). Après avoir ajouté quelques violets, j’ai pu apporter l’objet des réjouissances du jour sur la table.

perles de Camargue, violets
Enfilons les Perles...


Je me suis réconforté de mon dur labeur à l’aide de quelques verres d’un Côtes de Gascogne Domaine du Tariquet servi bien frais.



Un pain de seigle maison nous a fourni des tranches qu’il ne restait plus qu’à tartiner de beurre demi-sel pour que la fête soit complète.

pain de seigle
Il est épanoui




Le lendemain, il me faut sans attendre tirer profit de la seconde bourriche dont je n’avais extrait que quelques violets la veille. Elle contient en plus des violets un filet empli de murex vivants et cinq bottes ligaturées contenant chacune une dizaine de couteaux. Puisque Méditerranée il y a, ces produits seront traités en aïoli.
Je commence par préparer ce dernier. J’écrase une douzaine de gousses à l’aide d’un presse-ail et déverse la purée obtenue au fond d’un bol. J’ajoute une pincée de sel et quelques gouttes de jus de citron. Je sais bien que ce n’est pas orthodoxe, mais je monterai l’aïoli assisté d’un jaune d’œuf. Je crains que l’ail ne reste accroché au fouet si j’utilise cet instrument, aussi je me contenterai d’une fourchette. J’attaque à l’huile d’arachide en doses prudentes. Alléluia, le mélange devient crémeux. Encore de l’huile, cette fois-ci sans ménagement, et il devient ferme. Je détends avec le jus d’un demi-citron, et je poursuis à l’huile d’olive. Je goûte, c’est parfait, la consistance est réussie et le parfum d’ail est très présent sans âcreté. Je réserve.
Je cuis les murex - ayant dégorgé auparavant un couple d’heures - dans de l’eau salée en compagnie de feuilles de laurier, de romarin, de thym, d’un éclat de fenouil et de grains de poivre noir. Départ dans l’eau tiède, frémissements pendant 25 minutes et refroidissement dans le bouillon.
Je fais ensuite bouillir de l’eau dans une grande casserole parfumée par un demi-citron, des feuilles de laurier, des feuilles de sauge, une branche de thym, une branche de romarin, une tranche de fenouil, des grains de poivre blanc. Je fais tomber une grosse poignée de gros sel dans ce bouillon et déverse les couteaux qui ne resteront à cuire que deux minutes avant que je les retire à l’aide d’une araignée pour les réserver au fond d’une plaque à débarrasser.
En ce qui concerne les violets, je les servirai crus, simplement fendus afin que l’on puisse en extraire la goûteuse chair avec une cuillère.
Pendant que je me livrais à ces préparations, j’avais mis à cuire à la vapeur pour une vingtaine de minutes une grosse poignée de pommes de terre primeurs de l’île de Ré qui ne vont rien n’y comprendre devant leurs nouvelles fréquentations, les taillages d’un couple de carottes et deux tranches de fenouil. Cinq minutes avant la fin, j’ajoute des sommités de brocoli, ce qui n’est pas une bonne idée car la cuisson à la vapeur ne confère pas une couleur très glamour à ce légume. J’aurais certes mieux fait de les jeter quelques instants dans de l’eau bouillante fortement salée. Mais il est trop tard, brocoli jacta est !
Tout est prêt. Il s’agit désormais de dresser. Pour ce faire, je m’empare des larges assiettes à pizza. Quelques couteaux conserveront leur belle mais fragile coquille. Les autres apparaîtront décortiqués sur l’assiette, entre murex et violets. Les légumes viennent apporter leurs touches de couleur (ou pas…). Finalement ce sont les violets qui fourniront les notes les plus vives. Les murex qui cachent jalousement leur compétence teinturière au fond de leur coquille

Murex, pourpre
La  découverte de la pourpre - Theodoor van Thulden (1606-1669


se situent plutôt dans le registre des formes, même si leurs nuances minérales sont plutôt plaisantes. J’ai réparti la sauce aïoli dans des petits ramequins individuels dont la couleur noire met bien en valeur le jaune pâle. Enfin deux aigrettes de feuilles de fenouil fournissent le volume à la fois précis et aéré dont l’absence se faisait sentir dans cet étalage de fruits de mer.

aïoli, murex, couteaux, violets, fruits de mer
Couteaux tentant d'éloigner violets et murex


Mais autant dire que cette composition chiadée (mais oui, mais oui…) ne va pas faire long feu, la gueule reprenant vite la primauté sur l’esprit.
Ce que je ne regrette nullement. Vive la Camargue*!

*à ce propos j’ai dans mon placard un riz rouge auquel je devrais bien trouver rapidement une vocation…

mercredi 3 juin 2020

Alcmaria en Re, Requiem pour une andouille

L’Asselot du bac (du réfrigérateur) est une andouille.

Je tiens à rassurer mes proches, ce n'est pas une andouille de 2018 que j'ai mangée...


Qui l’eut cru, l’Asselot va se découvrir une passion soudaine pour Alcmaria.

Qui est donc cette Alcmaria ? Tout simplement une cul-terreux de l’Île de Ré. Pas certain que le roi encouragerait une telle union. Mais moi je sais que la belle est d’excellente extraction.



Alors j’ai pomponné Alcmaria qui est sortie de son bain toute maquillée de beurre frais par-dessus son magnifique bronzage.
C’est alors que l’impensable se produit. L’Asselot repousse Alcmaria. « Quoi ! Maintenant elle est toute ridée, elle qui avait de si belles joues rebondies à la peau tendre d’une pâleur virginale. J’en veux plus ! ». Eh oui, bien souvent chevalier varie, bien fol est qui s’y fie.
Mais, comme je l’ai déjà dévoilé, l’Asselot est une andouille.
Il m’a été facile d’en venir à bout avec une lame qui n’était même pas Excalibur pour l’inviter à ma table ronde - et l’on ne m’appelle pas Arthur… Une fois ce chevalier pourfendu, il fait un bref aller-retour. Ah, tu n’aimes pas le bronzage d’Alcmaria ! Eh bien toi aussi je vais te dorer…
J’étends alors l’Asselot à côté d’Alcmaria. Genièvre est bien loin…
J’ai réalisé une duxelles avec trois champignons de Paris, deux échalotes et une noix de beurre demi-sel. J’y ai ajouté deux bonnes cuillerées de moutarde à l’ancienne et mis à réduire à feu doux. Le marquis d’Uxelles ne se doutait pas qu’un jour il serait invité à la cour du roi Arthur…
Pour finaliser, j’ai ajouté une pincée de curcuma (surtout en tant que colorant…), un trait de vieux vinaigre balsamique de Modène. J’ai relevé de plusieurs tours de moulin de poivre rouge de Kamelott Kampot et rectifié l’assaisonnement par une bienvenue pincée de sel (de l’île de Ré...).
Je suis fier de cette potion dont je ne doute pas qu’elle permettra de ranimer cette union mort-née, et que la moutarde qui montera au nez de l’Asselot dégagera le fond de son âme.

andouile de Vire, Asselot, pomme de terre primeure, Ré, alcmaria
L'Asselot du Bac, dit l'Andouille de Vire (cf l'œuvre de Crétin de Troyes, le spécialiste de l'andouillette)


À Merlin, Merlin et demi !
Un enchantement pour le palais.

lundi 1 juin 2020

Droit au milieu de mes bottes

D’habitude, ce sont des bébés que livrent les cigognes.




Cette fois-ci, ce sont des asperges que la brave bête est venue m’apporter.



Fort heureusement, car qu’aurais-je fait d’un bébé ? Je ne suis pas babyvore et encore moins baby-sitter. En revanche ces asperges alsaciennes sont arrivées fort opportunément pour recentrer mes lieux d'approvisionnement pour ce produit, dont le centre de gravité se situant aux confins de la Touraine et du Haut Poitou où je villégiature habituellement quand l’asperge prospère - yop la boum - s’est vu cette année déplacé vers les Landes, région certes fort honorable en qualité, mais dont les turions n’émergent pas de mes racines. Avec le contrepoids du Nord-Est et du Sud-Ouest, mon AVC (Asperge Virtuelle Consommée) devait effectuer une remontée de localisation la rapprochant de ma norme. Enfin, c’est ce que je croyais, car après tracé de la droite reliant ces deux territoires, je viens de constater que mes visualisations cartographiques mentales très approximatives m’ont joué un mauvais Tours : j’aboutis à un Berrycentre.
Je me console ; le Berry, ce n’est pas la Touraine, mais on se rapproche quand même…


Je ne veux pas être le seul à tenter de me rapprocher de mes racines.

En ce qui concerne les asperges des Landes, je les avais servies quelques jours auparavant accompagnées de tranches de ventrèche de porc basque.

asperges landaises, ventrèche, oeuf miroir
Si belle sur ce miroir ?


Bon, l’œuf miroir avait été pondu en Lozère et la sauce ne comportait que des produits italiens ; huile d’olive et balsamique de Modène. Sorry, nobody is perfect.

Pour les asperges d’Alsace, j’essaye d’être plus à la hauteur.
Je commence par cuire les asperges que je viens de peler. Je procède de la même façon que pour les précédentes : un séjour d’environ un quart d’heure à la vapeur. Le résultat est cependant bien différent : les Landaises étaient en légère surcuisson, alors qu’après vérification il me faut ajouter quatre minutes pour obtenir des Alsaciennes encore al dente.

asperges d'Alsace
Elles ont une bonne tête


Je présume que cette différence provient du fait que ces dernières asperges du Sud-Ouest étaient passées par le circuit de la grande distribution et avaient subi un long séjour en chambre froide…
Oublions les pour revenir à mes bonnes Haut Rhinoises !
Le vinaigre de la sauce dans laquelle elles seront trempées est bien alsacien : c’est du Melfor. L’huile - de colza vierge - est tourangelle. Ben oui, ma petite Sparichle, tu ne penses tout de même pas que je vais stocker des variétés d’huile de toutes les régions de France, de Navarre, de la Communauté et du Monde pour tes beaux bourgeons, d’ailleurs des huiles typiquement alsaciennes, t’en connais beaucoup ? Alors sois déjà reconnaissante que je ne t’accompagne point d’un jambon Herta, mais d’une magnifique saucisse blanche venue d’Alsace rien que pour toi.
« Mais il y a de l’emmental dedans, tu parles, comme alsacien on fait mieux ; du munster, j’dis pas…
-  M’sieur Eric, le charcutier qui vient de la créer, sait mieux que toi ce qui convient pour fabriquer une saucisse, d’ailleurs la saucisse au fromage parfumée de petits bouts d’emmental est un classique que l’on aime poser à côté de la Lyonerwurscht, de la Schambungwursch et de la saucisse à la bière.
-   P’t-être, mais arrêtez de me tutoyer ! C’est un monde, parce que je ne suis qu’une asperge. »
L’asperge est fière, alors l’asperge alsacienne, pensez donc ! Mais je préfère cette attitude plutôt que de la voir baisser honteusement la tête…
Que ça lui plaise ou non, mes saucisses viennent se dorer doucement dans la poêle. En fin de cuisson, quelques filets de fromage fondus viennent s’écouler sur le beurre fondu, formant de savoureuses petites croûtes qui ajouteront encore plus de saveur à ce plat simplissime ( vade retro Jean-François Mallet 😛😛😛).

saucisse blanche au fromage, Alsace
Une fondue confinée


Je pique gaiement dans mon assiette. Encore un que nos ennemis Fritz n’auront pas !

samedi 30 mai 2020

La cuisine Bette

En fait, le sachet de semence portait l’inscription : poirée blonde. Mais l’un et/ou l’autre se disent/dit.
Alors, comme je suis le maître de céans, j’ai préféré cette cuisine Bette à une cuisine Poirée.
J’avoue avoir un moment pensé titrer Ma cuisine Poirée (et ses rots), mais c’était du dernier mauvais goût. Et de plus même pas vrai !
Le vocable blette était aussi possible, et j’ai songé durant un bref instant à un La blette dans son bocal ce qui était bien plus proche de la réalité, option finalement repoussée car je voyais la blette tourner comme un ide vulgaire (famille des cyprinidés) dans sa prison. Et tourner, pour une conserve, ce n’est pas le meilleur destin.
Car c’est bien de conserves qu’il s’agit, réalisées avec la dernière récolte du rang de poirée blonde à carde blanche dans le jardin.
Pas mal de temps de préparation - en particulier pour enlever les fils des côtes (les fils de la côte sont aussi malfaisants que les frères de la côte) - et de stérilisation pour obtenir un stock qui ne permettra pas de soutenir un siège…
Mais le résultat est plutôt sympathique.

conserves, bocaux de poirées
La langue pendante


Et c’est ainsi que la cuisine Bette passera l’hiver pour finir dans le gratin…

mercredi 27 mai 2020

Comment j’ai sauté ma poule de luxe après ses vapeurs

Pour la première fois le pape Merle I ressentit comme un doute sur son infaillibilité.

En effet, parcourant le blog SOS Grisbiche sur l'écran de son téléphone Papamobile d'un œil à la fois bienveillant- c’est tout lui, les trois lettres SOS l’avaient attiré comme un ver frétillant attire le gardon… - et gourmand - si tant est qu’un œil puisse être gourmand - le Souverain Pontife avait sursauté en lisant ce titre : « Comment j’ai sauté ma poule de luxe après ses vapeurs ».
Ah, non, s’était-il écrié, je veux bien être bon, mais pas… Bref, Merle I, désenchanté, bascula vers la page appel de son Papamobile pour tancer vertement la Curie pour son incurie.
« M’enfin, qu’est-ce que vous faites tout de ces saintes journées, je vous avais dit de bloquer avec la fonction Index toutes les publications contraires à la morale. Alors c’est moi qui dois faire votre job ? Je vous signale… bla bla bla… ».
L’abbé Chamel, blanc de peur devant cette réprimande, s’était empressé d’exécuter les ordres. Dix minutes suffirent pour que la poule de luxe soit mise à l’Index.
Mais quelques heures plus tard le cardinal Thermidor, un prélat d’origine cubaine que les méchantes langues (la méchante langue ne manque pas au Vatican, où elle supplante sans peine la langue latine) surnommaient Fidèle Castré en raison de sa voix haut perchée, toutefois pas suffisamment vers les cieux pour être qualifiée de vox Dei, avait entrepris de superviser le travail de son chargé d’Index… Ces inspections, outre la nécessité de recadrer les choix d’un jeunot alliant le manque d’expérience à une sottise notoire et dont la principale qualité était la servilité, lui procuraient souvent le bonheur de lectures affriolantes dont il n’avait même pas à confesser le plaisir pervers qu’il y prenait, car elles relevaient d’un cadre strictement professionnel - Thermidor était un peu jésuite sur les bords…
Aussi notre Cubain croyant accoster sur la baie du cochon avait entrepris de suivre les aventures de la poule de luxe avec une lippe concupiscente. Il en avait été fort déçu, sa gourmandise ne portant point sur la chère, mais sur la chair. « La chère est triste, je n’en lirai pas tous les livres », s’était-il dit en se levant pour aller sermonner le pauvre abbé Chamel avec une vigueur à la mesure de sa déception.
« Mais c’est le pape Merle qui me l’a demandé en personne personnellement !
-  Ah bon ? Eh bien il voulait vous tester. Et vous l’avez déçu, comme vous m’avez déçu. Pour cette fois, je vous absous, mais veillez à me dénicher de textes plus… Enfin plus… Bref vous me comprenez. D’ailleurs je ne suis pas le seul à observer ce fléchissement. Pas plus tard qu’hier Sœur Marie-Thérèse me confiait qu’ah cet Index, il n’est plus aussi satisfaisant qu’autrefois. Il est vrai qu’elle sait ce dont elle parle, ce n’est plus une colombe de l’année. Mais je m’égare… »
L’abbé Chamel eut la lourde tâche de contacter le Souverain Pontife pour justifier la sortie de la poule de luxe de l’Index. Comme il était sot mais loin de d’être bête, il pensa que la meilleure tactique était de lui mettre le texte sous les yeux.
« Seul le titre prête un tantinet à équivoque, mais il n’y a pas de quoi fouetter un chat… »
« Peut-être une béarnaise… » ajouta-t-il d’un air benêt.
Merle I lui sourit avec bonhomie.
« Au temps pour moi. J’aurais dû lire jusqu’au bout. Ne pas être comme ces lecteurs de blogs qui survolent sans rien voir vraiment. Mais surtout, mon fils, ne va pas répéter urbi et orbi que le pape est faillible ! »

Le lecteur qui, contrairement à Merle I, est parvenu jusqu’à ces lignes pourra construire sa propre opinion, Index or not Index, en parcourant les lignes suivantes :


Comment j’ai sauté ma poule de luxe après ses vapeurs


Un beau poulet de plus de deux kilos est arrivé de sa Lozère natale. Voici ses frères :



Lui, désormais, n’a pas que le cou qui soit nu…

Pour changer, j’ai tenté une méthode de cuisson différente de celle de mon pal habituel. J’ai introduit dans son coffre assaisonné de gros sel et de poivre blanc de Penja tout un lot d’herbes fraîches du jardin : thym, serpolet, origan, marjolaine, estragon ainsi que deux feuilles de laurier, des lambeaux de zeste de citron, deux chatons de poivre Timiz pour ajouter ses notes de fumée et de résine et quelques grains de poivre de Cayenne pour relever le tout. Une branche de persil mise en boule bouchait le tout. Après avoir parsemé la peau de sel fin et de plusieurs tours de moulin de poivre rouge, j’ai mis la bête à cuire une heure et demie à la vapeur réglage 100 °C avec à ses côtés le cou et le gésier.

poulet, cuisson vapeur
À toute vapeur…


Le poulet était alors parfaitement mangeable, mais il faut reconnaître que son aspect n’était pas spécialement attirant. Il a donc été doré en l’enfournant sur un plat pour sept huit minutes à 200 °C.
J’en ai profité pour ajouter le foie accompagné du cœur.
Pendant le temps où le poulet reposait sur sa planche en attente de la découpe

poulet, cuisson à la vapeur
Bronzage rapide


j’ai placé le plat en fonte sur une flamme et y ai étendu des asperges vertes qui y ont poursuivi une cuisson jusqu’à l’al dente dans le jus qui s’était écoulé.

poulet à la vapeur, asperges vertes
abats, asperges


La découpe révéla une chair bien blanche, à la fois ferme et juteuse, légèrement parfumée par la farce d’herbes et d’épices. Le passage au four avait permis l’obtention d’une peau croustillante.

poulet, cuisson vapeur
Lozérien pourfendu


En revanche le jus n’était pas du tout agréable en bouche, avec ce côté un peu écœurant que peut avoir la graisse de gallinacés, même quand l’animal de ferme est d’excellente qualité. Les asperges, déjà pas fameuses - elles arrivaient d’Espagne en ayant visiblement emprunté le chemin des écoliers - étaient achevées par ce bain.
Je me suis consolé au dessert avec une compote de pommes agrémentée de découpes de tiges de rhubarbe et d'angélique quant à elles fraichement cueillies au jardin.

compote de pommes, angélique, rhubarbe
Les aventures d'Angélique


On comprendra que dans l’avenir je m’en tiendrai à un rôtissage plus traditionnel…
Finalement, le meilleur dans ce repas, c'était cette touche inattendue d'angélique.
Et quand j’écris ça, je suis sérieux comme un pape.

dimanche 24 mai 2020

Lamb-chop de sa montagne, petits artichauts violets barigoule mais presque

Un plat rustique mais goûteux…

Les pièces de lamb-chop - taillées dans un savoureux agneau du Massif Central -, après avoir été assaisonnées d’une pincée de sel fin, sont simplement posées sur un gril bien chaud barbouillé au pinceau d’un soupçon d’huile d’olive. À la sortie elles reçoivent un tour de moulin de poivre rouge de Kampot.

lamb-shop, agneau du Massif Central
Quand un auvergnat se fait choper...


Les petits artichauts, tournés et partagés en deux, sont blanchis deux minutes dans de l’eau bouillante salée citronnée. Puis ils sont sautés rapidement à la poêle sur un trait d’huile d’olive avant d’y finir à couvert et à feu doux, accompagnés de deux gousses d’ail et parsemés de feuilles de thym, arrosés du jus d’un demi-citron et d’une bonne cuillérée de sauce pimentée basque Sakari. Au bout d’une dizaine de minutes, le couvercle est retiré.

artichaut violet
Artichauts  basco-barigoulais


On peut alors déposer dans l'assiette à côté de l’agneau les artichauts arrosés du jus de fond de poêle.
Puis passer à l'attaque en en se régalant...

Et quoi de mieux qu'une tarte à la rhubarbe du jardin pour clore ce bon repas ?

tarte à la rhubarbe
Par la sorcière de la rhubarbe

Et moi je compte pour du beurre...



mardi 19 mai 2020

Quand un végétarien végète

Quand j’ai voulu transformer en acras le reste de la morue séchée achetée pour le traditionnel gratin du Vendredi saint, je me suis senti fort dépourvu.
En effet depuis plusieurs années j’avais pris l’habitude d’aller cueillir mes piments végétariens sur le pied domestique qui prospérait à côté d’une fenêtre de l’appartement.

piment végétarien
Végétarien du temps jadis


Mais cette année je ne retrouve pas cet arbuste vigoureux en permanence couvert de fleurs et/ou de fruits gorgés de parfum.
Pour tout dire, de la végétation luxuriante ne restent plus que des branches étiques aux feuilles rabougries et sur lesquelles les rarissimes fleurs ne vivent même pas ce que vivent les roses, car elles tombent sur le sol avant même d’être fanées.

piment végétarien
Végétarien déplumé


Situation désolante ! Je ne puis me résoudre à euthanasier ce fidèle compagnon de cuisine - peut-être qu’une coupe vers la base permettrait une pousse de nouvelles branches ? J’ai semé d’autres pieds de cet excellent piment végétarien, mais ils ne sont encore que des bébés à l’avenir incertain…
Alors, en attendant un avenir meilleur, il me faut faire avec les moyens du bord.
J’ai appelé à la rescousse deux bocaux que j’avais dans mes réserves :
l’un contenant une conserve de piment cabri vert de la Réunion à l’huile et au vinaigre



l’autre renfermant du piment habanero des Antilles confit au vinaigre



Mais le piment n’entre pas encore en scène.

Il me faut d’abord pocher la morue mise à dessaler depuis la veille. Je la plonge dans une eau froide que je conduis à frémissement. Je poursuis cette cuisson un quart d’heure durant
Je débarrasse la chair de la peau et des arêtes, aie aie aie, c’est chaud… Puis je hache finement la morue. Bon, découper grossièrement et écraser au mortier, ce serait mieux, mais avec mon petit mortier je ne serais pas près d’avoir fini !

Maintenant je prépare une détrempe - dans une quantité estimée à vue de nez suffisante pour permettre de bien enrober la morue - en délayant la farine avec de l’eau jusqu’à une consistance voisine de la pâte à crêpe. J’y ajoute une pincée de sel et une cuillerée de bicarbonate.

acra
Spatule blanche sur sauce blanche


Je suis décidément fort démuni : je n’ai à ma disposition aucune cive.
Tant pis, je remplacerai ce produit par deux petits oignons blancs nouveaux dont je hache les bulbes et une partie des queues.
Je procède au premier brassage : la morue est mélangée avec l’oignon, la moitié du pot de piment cabri, du poivre rouge moulu, du zeste de citron vert, des feuilles détachées d’une branche de thym frais. Pris de remords pour n’avoir pas utilisé le mortier, j’envisage une méthode de substitution : je sors mon lourd aplatisseur de viande et tente d’écraser la mixture sur le fond de ma bassine en inox. Mais cette procédure se révèle fort peu efficace, même en effectuant des rotations. Peut-être n’ai-je aussi pas laissé cuire la morue assez longtemps, il ne s’agissait pas de servir une belle tranche façon plat portugais accompagnée de pois chiches et d’olives !
J’en étais au vert du cabri, maintenant je passe au rouge… Je fais tomber quelques cuillerées de piment habanero confit. J’ajoute aussi le jus d’un demi-citron jaune.

acra
Tache rouge sur fond blanc


Je mélange encore et verse le contenu de cette bassine dans l’autre bassine, celle qui contient la détrempe de farine. Je brasse bien afin d’incorporer. Voilà, c’est chose faite…

acra
Vallons blancs


La friteuse est allumée depuis quelques minutes, elle a atteint les 170 °C souhaités.
Il ne reste plus qu’à installer la bassine à côté et se munir d’une cuillère à soupe et une petite cuillère destinées à déposer des petites quantités de pâte dans l’huile.

acra
Proximité


Premiers plongeons !

acra
Maintenant ça baigne


Une araignée permet de retourner les beignets qui se sont développés afin de les colorer sur l’autre face, puis de les retirer pour les déposer sur un papier absorbant.

acras
L'araignée aux aguets


Bientôt le plat de service est recouvert d’un petit monticule d’acras bien dorés.

acras
De l'acra en pagaille


La petite escapade vers les Îles va pouvoir commencer.
Un petit verre de ti-punch va permettre de se mettre dans l’ambiance. Toujours aussi démuni, je ne peux toutefois y introduire ma pulpe de fruit de la passion habituelle…

Voyons le résultat de cette recette approximative. C’est bon, certes. La coque croustillante enrobe un intérieur moelleux où la morue est bien présente.

acra
Fond dans la bouche, graisse la main


Mais il me manque le parfum subtil et irremplaçable du piment végétarien. Et, de plus, les autres piments n’ont même pas conféré une vigueur suffisante. C’est de ma faute, j’aurais dû regarder de plus près les caractéristiques de ces bocaux. Si le piment cabri vert montait à la hauteur convenable de 300 000 sur l’échelle de Scoville, la pusillanime Dame Besson avait castré son habanero en le mélangeant avec de la carotte et de l’oignon, abaissant sa force au minable score de 2000. Et dire que je n’avais pas goûté ce bocal, faisant confiance à l’appellation habanero, une variété de piment que je connais bien, alors que j’ai posé une miette de cabri sur ma langue afin de tester la vigueur de ce produit qui m’est moins familier.

Quoi qu’il en soit, cette avalanche d’acras a quand même eu le mérite de convoquer le soleil à ma table…

acra, accra
Sous le soleil couchant

Et pour le dessert j'ai même découvert un pot de confiture de banane qui se planquait dans le placard....

confiture de banane
Ce n'est pas régime...