Ras la hotte de ce pédophile sournois et libidineux à la barbe moisie (que font les réseaux sociaux si prompts à défendre l’ordre moral ?) qui envahit nos villes et nos campagnes en fin d’année, vidant nos églises et nos escarcelles. Un malfaisant qui souille notre paysage urbain de lumières clinquantes bariolées et de baraques mercantiles (que fait Stéphane Bern ?). De quoi voir rouge !
À quoi s’ajoute le méthane dégagé par ses rennes pétaradant, sans oublier le massacre de sapins innocents (que font les défenseurs de la Planète d’habitude si sourcilleux ?).
Bref, je m’insurge.
Je m’y prends un peu trop tard pour cette année, mais j’exhorte pour décembre 2020 les masses populaires à troquer leurs gilets jaunes contre des pulls rouges moches et à bloquer les carrefours susceptibles d’être empruntés par le traîneau du Père Noël. J’invite aussi tous les citoyens responsables à boucher leurs cheminées par toute obturation que ce soit, linge, métal ou même ciment - bien entendu en excluant les âtres où crépite un bon feu de bois, bien suffisant pour éloigner l’intrus dans la crainte de s’y brûler les roustons.
Quant à moi, pour cet an de grâce 2019, j’ai décidé de cesser d’être le ravi de la crèche : je me suis mis en grève des fourneaux pour le réveillon du 24 décembre.
Néanmoins, craignant que cette action ne porte trop de préjudice (d’ailleurs surtout moral…) à mon entourage, j’ai consenti à une trêve pour le repas du 25 décembre.
Repas dont je m’apprête à narrer les préparatifs et le déroulement dans les lignes qui suivent.
REPAS DU 25 DÉCEMBRE
La réalisation a commencé la veille. J’ai suivi scrupuleusement – excepté pour le décor — la recette donnée par Bernard Dauphin sur son blog remarquable pour sa rigueur dans la transmission des techniques.
http://www.dauphingourmet.com/2019/12/chaud-froid-d-huitres-homardine.html
Beaucoup de transvasements, de filtrages, de mises en réserve. Cependant le résultat en vaut la peine…
L’appareil n’est absolument pas granuleux, mais délicatement soyeux, offrant un bon équilibre des saveurs avec sa dominante de bisque tempérée par un apport crémé sachant rester discret en goût. Et l’on extrait à la dégustation une huître à peine affermie qui apporte sa note de fraîcheur iodée qui vivifie la rondeur de ce chaud-froid. Fort heureusement la bisque achetée pourtant chez Franprix – mais sans doute suis-je empreint de préjugés — se révèle fort bonne avec ses 27 % de homard (12 % dans la classique Liebig que je n’ai pas réussi à trouver dans les boutiques locales…).
Avant de servir ces huîtres posées sur un lit de goémon soigneusement lavé, j’y dépose quelques œufs de saumon et des feuilles d’aneth à l’aspect très graphique.
Je suis H.S. (huître saumon) |
Entrée : Bouchées à la reine aux cèpes
Là encore c’est la veille que je commence la préparation.
Tout d’abord je mets à tremper 50 g de cèpes séchés d’origine française dans de l’eau tiède.
Puis je blanchis un ris de veau d’un peu plus de 400 g en le recouvrant d’une eau que je porte à une ébullition que je poursuis 5 minutes. Je le dégraisse, le débarrasse de sa peau, le réserve.
J’épluche une carotte et un oignon, les découpe grossièrement. Je laisse ces morceaux quelques minutes à feu doux au fond d’une casserole dans une noix de beurre demi-sel.
J’ajoute alors 400 g de blanc de poulet label rouge des Landes que je saisis légèrement sur toutes les faces et recouvre largement d’un bouillon de volaille (obtenu à l’aide d’un sachet Ariaké) allongé d’un grand verre de sauvignon. Je laisse cuire à petit bouillon 5 minutes en complétant d’une feuille de laurier, d’un brin de thym et d’épices : poivre de la Jamaïque, clou de girofle, poivre blanc de Penja, poivre de Voatsiperifery.
J’introduis ensuite le ris de veau et poursuis la cuisson pendant 20 minutes.
J’extrais avec une araignée le blanc de poulet et le ris de veau que je découpe en cubes que je réserve.
Je fais réduire le liquide de cuisson dans lequel j’ai versé le bain filtré des cèpes.
Dans une autre casserole je réalise un roux avec une cuillerée de farine et une noix de beurre que j’arrose de la réduction passée au chinois et d’un petit verre de porto. Dans la sauce obtenue j’incorpore les dés de poulet et de ris ainsi que les tranches de cèpes réhydratées. Je rectifie l’assaisonnement, parfume d’une pincée de noix de muscade râpée.
Enfin j’effectue une précuisson de 10 minutes de 2 quenelles fraîches nature Giraudet dans de l’eau bouillante salée. Je les découpe aussi en dés qui viennent compléter la garniture que je mélange et remets sur le feu pour 5 minutes. Je réserve au frais jusqu’au lendemain.
Des dés... |
Quand le moment de servir ces bouchées est arrivé, j’enfourne les croûtes que j’avais commandées à une boulangerie dont j’apprécie les feuilletages gourmands - les meilleurs de la ville sans aucun doute. Elles resteront au four à 160 °C pendant 8 minutes, en même temps que leur garniture se réchauffe sur une petite flamme.
Service à l’assiette, le contenu du puits croustillant y étant versé avec un petit pochon.
Bouchées dans l'arène |
Le parfum apporté par le cèpe est vraiment un plus par rapport aux bouchées à la reine traditionnelles aux champignons de Paris…
Plat : Rôti d’oie à l’ardéchoise, pommes sarladaises à la truffe
Tôt le matin j’avais déballé et mis à température ambiante le rôti tout préparé provenant d’une ferme de l’Yonne. L’oie est entièrement désossée puis farcie avec une farce d’oie, veau, châtaignes, foie gras et morilles.
Conforme à cette illustration |
Je l’enfourne à 180 °C avant de baisser la température à 150 °C une demi-heure plus tard, ajoutant dans la graisse fondue une brunoise de carotte, oignon et céleri branche, un bouquet garni et un verre de sauvignon. Une heure plus tard, je complète avec des trompettes-de-la-mort fraîches nettoyées en début de matinée. La cuisson se poursuit un quart d’heure que je mets à profit pour passer à la poêle dans du beurre demi-sel mousseux deux poignées de mousserons sentant bon la forêt.
Je laisse reposer le temps que les convives finissent l’entrée, puis découpe le rôti sur une planche. Je dispose les tranches obtenues sur un plat au milieu de feuilles de roquettes et de pousses de betteraves sur lesquelles j’ai fait tomber quelques gouttelettes de balsamique de Modène. J’ai fait réduire le jus de cuisson passé au chinois dont le contenu est étalé sur la viande en ajoutant aux extrémités les mousserons cuits à point. J’enlève l’excès de graisse qui surnage, relève de quelques tours de moulin de poivre rouge et arrose l’oie farcie. Le plat peut aller sur la table.
J'avais des dés, maintenant j'ai le jeu de l'oie |
En accompagnement, des rondelles de pommes de terre avaient été sautées dans une grande poêle avec de la graisse d’oie.
Elles sont bien dorées – certaines même un peu trop —, je les parsème de persil haché mais aussi d’une truffe fraîche du Quercy taillée à la mandoline.
Où l'on voit la truffe remplacer l'ail... |
D’habitude je m’abstiens d’acheter de la truffe en cette période où les prix sont excessifs pour une maturité pas toujours estivale, mais là j’étais parti dans ce repas vers une accumulation mycologique, cèpes, morilles, trompettes-de-la-mort, mousserons, que je ne voulais pas arrêter en si bon chemin. Pour une fois que je pouvais appuyer sur le champignon sans être flashé outrageusement !
Non, ce jeu de l’oie ne m’a pas mené à la case prison, ni pour excès de champignon, ni même pour dettes. Et c’était une bonne farce…
Plateau de fromages
Fromage Napoléon (brebis des Pyrénées)
Tomme céronnée (lait de vache de Savoie, oubliée en cave sans brossage, d’où développement des acariens)
Bleu de Sassenage (fromage du Vercors)
Elutcha des Cabasses (brebis de l’Aveyron dégageant un parfum marqué de champignons …on y revient !)
Pavé de Mazières (chèvre fermier des Deux-Sèvres)
Ces fromages goûteux choisis dans la boutique d’un Meilleur Ouvrier de France offraient un affinage parfait.
Bûches de Noël
Les convives ont le choix entre deux bûches ( la paire Noël…) - en réalité ces morfales se jetteront sur les deux…
Bûche de Madame :
Une bûche glacée marron avec un insert de mangues reposant sur un socle de biscuit joconde et décorée de fruits exotiques.
Côté fraicheur |
Bûche de Monsieur :
Une bûche crème au beurre parfumée au café réalisée en souvenir d’une pâtisserie de Saumur aujourd’hui disparue, La Petite Duchesse, confectionnant des gâteaux de style traditionnel, pour ne pas dire vieillot, mais de grande qualité où nous achetions notre bûche quand nous passions Noël en Haut Poitou. Cette maison offrait aussi une gamme de petits fours remarquable par une diversité - pâte feuilletée, brioche, pâte à chou et pâte sablée se côtoyant avec gourmandise - que je ne rencontre plus guère actuellement.
Pour cette réalisation empreinte de nostalgie, j’ai retenu la recette du blog Véronique et la Chouquetterie, la suivant scrupuleusement à part l’ajout d’Armagnac au sirop d’imbibage.
https://www.veroniqueetlachouquetterie.fr/sucrees/buche-de-noel-traditionnelle-au-beurre
Non, ce n’est pas un Père Noël qui a l’honneur de s’introduire dans le décor kitsch, certainement pas, mais un bonhomme de neige. Et, pour rester dans la lignée du repas mycophile, deux champignons - de plastique… - ont poussé non loin.
Côté tradi |
Mes enfants m’ont assuré avec indulgence qu’ils avaient presque retrouvé la bûche saumuroise devenue mythique de leur enfance. Ce presque est déjà une réussite...
Vins
Pour accompagner ces plats :
muscat d’Alsace 2016
margaux 2009 Ségla
champagne MAGELIE, une de nos découvertes récentes, au rapport qualité prix remarquable
Cafés
Expressi Papouasie Wahgi de Nouvelle-Guinée
Papou sait faire un bon café ! |
MIRACLE DE NOËL
Les infantes ont patienté sagement pendant la durée du repas sans réclamer à cor et à cri l’ouverture des cadeaux dont les paquets enrubannés s’offraient pourtant sous leur regard tout à côté au pied de la cheminée.
Je vais finir par croire au père Noël !