mardi 3 décembre 2019

Novembre rouge

Rouge comme les feuilles d’un chou.
Rouge comme la robe d’un vin de Pays d’Hérault
Rouge comme la tranche d'un rôti de biche
Rouge comme les baies de cranberries.



LE CHOU

Je tranche le chou à l’aide d’une mandoline afin d’obtenir d’étroites lanières.
Je le verse dans une grande casserole où fond une cuillerée de graisse d’oie et l’y fais suer saupoudré d’une pincée de sel durant six ou sept minutes en brassant de temps à autre. Puis je l’arrose d’un demi-verre de Melfor et remue pour bien imprégner le chou. Je verse ensuite la moitié d’une bouteille de vin rouge de Pays d’Hérault.
Pendant le temps que met le liquide pour monter en température et commencer à bloublouter j’écrase au mortier sur le lit constitué par une bonne pincée de gros sel : six baies de piment de la Jamaïque, deux clous de girofle, une petite cuillerée de grains de poivre blanc de Panja, la moitié d’une petite cuillerée de poivre de Voatsiperifery. Je verse la poudre grossière obtenue dans la casserole, y ajoute une petite cuillerée de cannelle en poudre, une douzaine de baies de genièvre et une feuille de laurier.
Je laisse mijoter à feu doux une cinquantaine de minutes jusqu’à ce qu’il ne reste pratiquement plus de liquide.
Je réserve en attenant l’heure du repas.
Quand ce moment est arrivé, j’ajoute un demi-verre du même vin, deux cuillerées de vinaigre de cidre, quelques gouttes de Tabasco (rouge, bien sûr), et je remets sur le feu pour un bon quart d’heure en plongeant neuf pruneaux au sein du chou rouge et en déposant à la surface huit quartiers de pomme. Je les ai découpés dans une de mes variétés préférées, la goûteuse Clochard, achetée il y a quelques semaines dans son pays natal, les Deux-Sèvres.
Pour finir je transvase dans le plat de service après avoir donné un tour de moulin de poivre rouge.

chou rouge, vin, vinaigre
Clochard dans les choux



LA SAUCE

Il me reste des cranberries échappées à la confection des muffins. Je les recouvre au fond d’une petite casserole en cuivre du jus d’une orange pressée. Je complète d’une petite cuillerée de cassonade, d’un verre de gros-plant et d’une cuillerée de balsamique blanc. Je n’oublie pas la pincée de sel. Je fais réduire jusqu’à ce que le liquide devienne sirupeux. Je réserve. Au moment de servir, je remets à température, rehausse de quelques tours de moulin de poivre rouge, vivifie d’un léger trait de jus de citron. Je sors la casserole du feu et vanne avec une noisette de beurre pour donner du brillant.

sauce aux cranberries
Concert de cranberries



LE RÔTI DE BICHE

Le rôti est emmailloté avec un morceau de barde, heureusement d’épaisseur raisonnable et ne servant pas de cache-misère pour une de ces pièces reconstituées qui explosent quand on enlève le ficelage unificateur.
Je commence par dorer à feu moyen toutes les faces assaisonnées du rôti resté une heure à température ambiante au fond de ma vieille poêle en acier sur une noisette de beurre. Puis j’enfourne à 160 °C pour huit minutes. Je sors alors la poêle sur laquelle je laisse reposer la viande le temps de la finalisation de la sauce - prenant bien soin de conserver la manique signalétique en place, car qui n’a pas saisi par distraction à pleine main nue comme cela m’est arrivé deux ou trois fois, la poignée ou le manche d’un ustensile tout frais (si j’ose dire..) sorti du four ne sait pas vraiment ce qu’est un souvenir cuisant !

rôti de biche
Biche, ô ma biche...


Je découpe sur une planche la viande débarrassée de ses affûtiaux superfétatoires, allonge les tranches sur un plat, parsème d’une pincée de fleur de sel et arrose du jus de cuisson.


rôti de biche, chou rouge
La biche et le chou



LE REPAS

Chacun s’est vraiment régalé, la biche était tendre et goûteuse, la sauce aigre-douce ben équilibrée réveillait à la fois la bête dans le plat et celle  qui dormait dans les convives carnivores. Je n’ai eu droit qu’à une plainte : j’aurais dû en préparer une plus grande quantité.
Mais c’est de mon chou-rouge que je suis le plus satisfait. C’est assurément le meilleur que j’ai jamais cuisiné et même simplement mangé. Il explosait de parfums dont la sauvagerie était refrénée par la douceur des pruneaux et de la pomme. La touche d’acidité affirmée évitait la lassitude et relançait la gourmandise.

Eh oui, je suis fier, mon chou rouge n’a pas fait chou blanc.
Pourtant il n’est pas toujours facile de ménager la biche et chou…

4 commentaires:

  1. "Pourtant il n’est pas toujours facile de ménager la biche et chou…" Faudrait demander l'avis du Chat...http://www.chabichou-du-poitou.eu/...

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  2. Comme vous parlez de chèvre, le chevreau serait-il proche, en saveur et dans cette préparation, de la biche ???

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    1. Le chevreau, qui doit d'ailleurs avoir plus peur pour sa vie vers Pâques que vers Noël, est notablement différent de la biche. C'est une viande jeune, presque blanche, à vrai dire plutôt fade si elle n'est pas bien apprêtée, alors que la biche fournit une viande rouge goûteuse (mais pas pour autant trop marquée dans la note gibier). Rien d'étonnant, le chevreau n'est pas parvenu à l'âge adulte et est d'ailleurs vendu le plus souvent sous la forme de la moitié d'une bête. En revanche la biche est une adulte - la femelle du cerf - et pèse environ une centaine de kilos. Un peu gros pour entrer dans une marmite, même coupé en deux. Peut-être chez un Obelix las du sanglier cuisiné en civet à la potion magique ?
      Pour l'anecdote, j'avais une fois servi un rôti de biche à un invité qui d'un air étonné m'a affirmé : "Il est vraiment très tendre votre roastbeef ! je n'ai jamais mangé de bœuf aussi fondant…".

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