mardi 10 septembre 2019

Métamorphoses

Il se passe de drôles de choses chez moi…
Ne voilà-t-il pas qu’un serpent métamorphosé en haricot s’est caché au milieu des herbes pour attaquer un caneton métamorphosé en quetsche !

métamorphose
ô, monde cruel !


Qui osera dire encore que la nature a horreur d’Ovide ?

Métamorphoses
Ovide métamorphosé en père castor

dimanche 8 septembre 2019

Je vais me les farcir !

Toutes ces tomates, je vais me les farcir, disais-je, submergé par ces envahisseuses multicolores.
Eh bien, c’est désormais chose faîte.
Je leur ai préparé une bonne farce.

Dans une bassine je mélange la chair de porc hachée avec :
- deux fines tranches de jambon de pays ardéchois victimes de mon acharnement sur la planche pour les réduire en particules élémentaires
- la mie d’un quignon de baguette mise à tremper dans du lait
- un œuf
- deux échalotes et un petit bouquet de persil ciselés
- trois gousses d’ail écrasées au presse-ail
- des feuilles de thym et d’origan
- plusieurs tours de moulin de poivre rouge
- une pincée de quatre-épices
- une cuillerée rase de sel fin
Je réserve au frais.
Je décapite les tomates et les creuse avec une cuillère parisienne. La chair et les pépins prélevés sont mis dans une petite casserole sur un trait d’huile d’olive avec un petit oignon haché, un chaton de poivre long, une feuille de laurier, un brin de thym. Je laisse compoter sur une petite flamme que j’éteins quand il ne reste presque plus d’eau.
Je laisse refroidir, puis j’ajoute cette préparation à la farce en la passant à travers un chinois.
Il me faut maintenant emplir les fonds creusés de cette farce. Je n’ai pas réalisé cette opération de parsemer l’intérieur de sel afin de faire dégorger en retournant sur une grille. Ce n’est pas un oubli : je procède toujours de cette façon, car je ne suis pas le moins du monde gêné par l’abondance de liquide au fond du plat. Après tout, il fournira une atmosphère humide dans le four propre à conserver le moelleux de la farce. Mais surtout le goût de ce jus est fameux ; d’ailleurs n’est-il pas en majeure partie constitué de cette eau de tomate qu’il était très à la mode d’extraire à cru il y a quelques années ?
Mes tomates farcies trônent dans le plat, bien dodues, le chapeau rivé par un cure-dent.

tomates farcies
Nées coiffées...


Elles passent un quart d’heure au four à 180 °C, puis une demi-heure à 170 °C.
Quand je les sors, la cuisson me semble parfaite, et un bon parfum embaume la cuisine.

tomates farcies
Nuances plus automnales


Il vient ensuite se répandre dans la salle à manger.
Je mélange chair de tomate, farce et jus dans une cuillère que je porte à ma bouche. Ah, ma bonne dame, mon bon Monsieur, des tomates farcies, on ne s’en lasse jamais. D’autant plus que la farce n’est jamais tout à fait la même, et que les variétés de tomates sont nombreuses…

tomate farcie
Je suis accueilli à bras ouverts



Bon, opération tomate farcie réussie, mais ce n’est pas pour autant que je suis venu à bout de ma pléthore invasive.

Il me faut employer la manière forte.
Ces tomates de toutes variétés, de toutes couleurs qui occupent mes cagettes et autres paniers, je les pourfends, je les tranche, je les éventre, je les jette dans une grande casserole sur une petite mare d’huile d’olive. Puis, une fois mon attaque terminée, je bombarde les victimes entassées de ce qui me passe par la tête pour conférer d’agréables fragrances et parsème d’une cuillerée de gros sel.

sauce tomate
De toutes les couleurs !


Je laisse à feu doux un peu plus de deux heures en brassant régulièrement. La consistance me paraît alors convenable.

sauce tomate
Il n'y a plus qu'à mouliner


Je passe alors le tout dans un moulin à légumes. La crème obtenue - une bonne sauce tomate maison - est versée dans des bacs en plastique (4 récipients, c’est-à-dire 2 litres) et mise au congélateur.
J’espère que dans l’avenir je leur trouverai bon usage !

P.S. : il arrive encore plein de tomates, je dois repartir à zéro, je suis le Sisyphe de ce fruit…











jeudi 5 septembre 2019

ORONGE MAKANEK

De quoi me réjouir : à l’étalage du marchand de champignons, des oronges, appelées aussi amanites des Césars.

oronge, amanite des Césars
Rendons à César...


Il y a bien longtemps que je n’avais pu me régaler de ce mets impérial. La dernière photo de mes archives remonte à 2013…


oronge, amanite des Césars..
Rosace des Césars 2013

Bien entendu, devant un produit offrant autant de finesse, pas question de saboter l’œuvre de la nature par des ajouts intempestifs, je ne ferai qu’ajouter une larme d’huile d’olive pour une fois la moins parfumée possible - ce sera celle que j’utilise pour la cuisson - simplement pour apporter un peu d’onctuosité, quelques gouttes de jus de citron afin de mettre à l’ouvrage les papilles endormies, et une pincée de fleur de sel en tant qu’exhausteur de goût.
Il me reste à concevoir la suite du repas… Pas un vrai plat cuisiné, qui viendrait réduire le subtil prélude à une mise en bouche vite oubliée. C’est décidé, ce sera une sorte de mini-mezze.
Il y a un marchand de produits orientaux sous les halles. Alors résonne dans ma tête cet accord qui devient une évidence : oronge, makanek. Oronge makanek, oronge makanek…



Je me lance peu après dans la préparation de ce mezze retour de marché.
Il me faut d’abord trancher les champignons soigneusement nettoyés en carpaccio.



Mais non, pas au couteau, mais avec la mandoline. Découpe qui aboutit à une présentation pas très esthétique, mais la petite taille de ces oronges et sans doute un réglage sur une épaisseur trop fine ne me permettent pas de soigner le dressage.

amanite des Césars, oronge, carpaccio
Foutoir des Césars 2019


Mais tant pis, c’est le goût qui importe, et il sera présent.
Je passe ensuite au déballage des makaneks.

makaneks
Makaneks à plat


Ces petites saucisses façon libanaise ont été écrasées par la mise sous vide. Aussi, pour la première fois de ma vie, je me surprends à rouler des makaneks - entre les paumes de ma main afin de leur redonner leur forme cylindrique.
D’habitude, après les avoir fait dorer à la poêle et obtenu une peau croustillante, je déglace avec de la mélasse de grenade, ce qui donne un résultat aigre-doux fort plaisant. Mais là, je préfère déglacer avec le jus d’un citron, plus discret, et qui de plus fournira une sorte de pont gustatif en rappelant ce même ingrédient dont un soupçon avait vivifié le carpaccio d’oronge.

mekanek
Makaneks un peu huilées


Que dire de plus sur ce mezze ORONGE MAKANEK, si ce n’est que le dessert consistait en quelques figues bien mûres qui m’avaient semblé pouvoir fournir la meilleure conclusion pour ce repas.
Un repas qui est passé comme une lettre à la poste…



Mais qui ne manquait pas de cachet !

mercredi 4 septembre 2019

Process de Nuremberg

1 - Laver et brosser une livre de Kartoffeln de taille moyenne.
2 - Les plonger dans une casserole emplie d’eau salée.
3 - Porter à ébullition et laisser cuire 18 minutes.
4 - Vérifier la cuisson avec la pointe d’un couteau
5 - Quand la lame pénètre sans effort, retirer les Kartoffeln du feu à l’aide d’une araignée.
6 - Les débarrasser de leur peau en n’hésitant pas à se brûler les doigts.
7 - Les découper en tranches de 6 mm environ.
8 - Regrouper ces tranches au milieu du plat de service.
9 - Préparer une vinaigrette relevée en mélangeant :
       1 cuillerée de moutarde douce au riesling
       3 cuillerées de vinaigre Melfor
       6 cuillerées d’huile vierge de colza
       3 pincées de sel fin
       7 tours de moulin de poivre rouge de Kampot

10 - Arroser les Kartoffeln de la vinaigrette.
11 - Ciseler les feuilles de deux brins d’estragon et en parsemer la salade de Kartoffeln.

salade de pomme de terre
Kartoffelsalat


12 - Sortir 10 Nürnberger Bratwürste de leur prison glacée.
13 - Les aligner côte à côte et les mettre sur le gril.

Saucisses de Nuremberg
Nürnberger Bratwürste


14 - Les laisser 12 minutes sur feu moyen en retournant régulièrement.
15 - Se saisir des Nürnberger Bratwürste à l’aide d’une pince pour les disposer en cercle autour de la salade de pommes     de terre.
16 - Donner deux derniers tours de moulin de poivre rouge et servir.

saucisses de Nuremberg, salade de pomme de terre
Nürnbergring !


lundi 2 septembre 2019

Sorti du pétrin

Ce matin-là, il ne restait plus de pain pour mon petit-déjeuner.
La reine de ces lieux rétorqua : « S’il n’y a plus de pain, mange de la brioche ! ».
Le problème, c’est qu’il n’y avait pas de brioche non plus.
« Qu’est-ce que je fais alors ?
- Eh bien, il y a de la farine…
- Tu es certaine ?
- J’en mettrais ma tête à couper. »

Alors je m’empare du sac de Gruaudor T55 des Moulins de Versailles, et pose ma balance sur le plan de travail.
J’ai exhumé des rayons de ma bibliothèque le livre de Christophe Felder consacré aux brioches et viennoiseries de la collection leçon de pâtisserie éditée par Minerva.
Je me baserai pour le processus (enfin presque…) et les proportions sur la recette consacrée à la brioche de base.


Il me faut tout d’abord peser :
330 g de beurre
Je poursuis en jetant en vrac dans la cuve de mon batteur mélangeur :
500 g de farine
60 g de sucre
2 cuillerées à café de sel
20 g de levure fraîche
6 œufs
4 cuillerées à soupe de lait

Je mélange lentement au crochet pour obtenir une pâte homogène. J’incorpore ensuite le beurre qui s’est ramolli à température ambiante.
J’augmente la vitesse progressivement jusqu’au moment où le pâton se décolle des parois de la cuve. Je laisse ensuite pousser durant une bonne heure.
Je la dégaze et l’entrepose dans le réfrigérateur pendant deux nouvelles heures. Pour le petit-déjeuner du jour, c’est loupé !
Je partage alors en deux la masse de pâte à l’aide d’une corne et dépose dans les deux grands moules à brioche généreusement beurrés. J’esquisse sans conviction de vagues têtes, car la pâte est un peu plus molle qu’elle ne devrait. Normalement, il y aurait dû avoir 300 g d’œufs, mais le calibre était probablement trop gros. Que ceci me serve de leçon !
Je laisse pousser dans les moules à température ambiante pendant deux nouvelles heures. Heureusement qu’il restait quelques biscottes dans le placard…
Je passe au pinceau une couche de jaune d’œuf dilué dans l’eau, et j’enfourne à 180 °C.
Si, comme Felder, j’avais confectionné de petites brioches individuelles, je me serais contenté de les sortir après 10 minutes de cuisson. Pour mes grosses pièces, je baisse le thermostat à 150 °C au bout de 5 minutes, laisse encore une vingtaine de minutes. Je vérifie la cuisson avec la lame d’un couteau. Il ressort avec une trace de pâte. Comme la surface est déjà dorée suffisamment, je baisse à 140 °C et remets au four pour une dizaine de minutes.
Bon, les brioches sont bien cuites désormais. Je les démoule et les place sur une grille.


Le lendemain matin, je m’en suis coupé une part. Elle dégageait un bon parfum de beurre, la texture moelleuse était plutôt filante et la croûte était fine en dépit d’une cuisson ventilée qui n’est pas l’idéal pour ce genre de pâtisserie.

brioche, Felder
Rien de révolutionnaire...


Que demande le peuple ?
Si c’est une tête, je ne puis même pas lui donner…

samedi 31 août 2019

Tomat urge


L’état d’urgence est déclaré en Grisbichie devant la déferlante de tomates venues du jardin se réfugier entre quatre murs.
Il me faut accomplir des miracles pour empêcher une fin tragique mêlant déchéance et abandon à ces fruits encore dans la force de leur maturité - mais pour combien de temps encore ?


Une de mes premières actions fut de les faire participer à la confection d’un plat de pâtes.
J’émonde des tomates Cuor di Bue (une variété italienne de cœur de bœuf) puis je les partage en quartiers que je fais fondre au fond d’une poêle dans de l’huile d’olive avec trois gousses d’ail fraîchement récolté, une feuille de laurier, une petite branche d’origan et une pincée de sel. J’ajoute des tranches d’une oblongue tomate San Marzano encore verte afin de conférer de la vivacité et de la mâche. Je retire du feu avant que les morceaux de tomate soient complètement délités. Je réserve.
Je mets à cuire parallèlement les pâtes, des mezzi rigatoni, dans une casserole d’eau bouillante salée suivant la fameuse règle des 10, 100, 1000, et quatre saucisses aux herbes provenant de mon élevage de porc normand - déchu de son titre de favori depuis le massacre de la Sainte Godeliève* - sur une poêle bien chaude.
Les pâtes égouttées rejoignent les tomates dans la poêle remise à température à feu doux. Je brasse, puis dépose les saucisses dorées, versant aussi le rare jus qu’elles ont dispensé.
Je parsème de tris ou quatre pincées de piment d’Espelette, parfume de moult tours de moulin de poivre rouge, éparpille des déchirures de basilic à petites feuilles et à puissante fragrance.
Un trait d’huile d’olive italienne herbacée, et je peux apporter la poêle sur la table.

tomates, saucisse aux herbes
Tomato rescue


Le plat regorge de parfums. Le régal serait parfait si les saucisses, trop maigres, n’étaient pas aussi sèches, sans le moindre moelleux. Cette dérive vers une production mercantilo-diététicienne va me faire fuir définitivement…
Mais enfin, opération SOS-tomate réussie !


D’ailleurs, ces sauvetages en terre réservent souvent de bonnes surprises.
Ainsi, hier, je me suis trouvé confronté à une tomate qui offrait fort triste mine. Bien que sont aspect fût verdâtre, la moindre pression des doigts laissait craindre qu’elle n’éclate au creux de la main. D’ailleurs un choc malencontreux avait déjà produit une plaie dont commençait à s’écouler un filet de jus visqueux. Bref, il s’agissait d’une de ces tomates plus apte à inspirer des envies de jets sur le chanteur ou le politicien de votre choix que de confection de salade gourmande. Et pourtant..
Dans un esprit de pure curiosité anatomique, j’ai entrepris de la fendre en deux. Eh bien, l’intérieur, bien que tendre, ne tombait pas dans une purée déliquescente. Tel un médecin plus ou moins malgré lui reniflant les urines du malade au Grand Siècle, j’ai approché mon nez et humé : ça sentait très bon. Pronostic favorable… Poursuivant mon étude, j’ai pensé que dans ces conditions une approche gustative pouvait s’ajouter aux étapes visuelle, tactile et olfactive sans trop de risque pour mon intégrité physique.
La peau s‘est détachée aisément de l’hémisphère telle celle d’un brugnon bien mûr. J’ai goûté timidement, du bout des lèvres pour finir en mordant goulûment dans le second hémisphère.
Bon diou de bon diou, que c’était bon. J’ai regretté que ce fruit parfumé, sucré avec une pointe d’acidité, ne fût pas plus gros !
Aussi aujourd’hui, j’ai remis le couvert. Et d’une seule tomate je suis passé à deux. L’addiction, vous dis-je !

tomate, moldovan green
Ma dose d'aujourd'hui


Pas de déception, une chair abondante toujours aussi savoureuse qui démontre sans contestation possible que la tomate est un fruit et non un légume.
N’a-t-on pas envie de mordre dans cette chair à la fois verte et bien mûre ?

Green Moldovan
Encore verte à l'âge mûr


Au fait, quelle est cette sublime tomate ?
Eh bien il s’agit la Moldovan Green, une variété ancienne originaire de Moldavie comme son nom l’indique.
Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle a bien fait de venir jusque chez moi !


Sainte Godelieve : 30 juillet, date du massacre de côtes de porc.

cf    http://sosgrisbiche.blogspot.com/2019/08/usulegume-titre-temporaire.html






lundi 26 août 2019

Les carottes sont cuites

Le canard poussa la porte de la cuisine et s’adressa à la fermière d’une voix nasillarde :
« Je ne sais pas si tu as vu comme moi cette publicité envoûtante, Comme j’aime. En la regardant je me suis rendu compte que j’avais quelques bourrelets… Aussi, c’est de ta faute, tu me gaves vraiment en me gavant autant ! Je viens te dire que je vais commander une semaine gratuite, ça ne te coûtera rien, il l’a bien confirmé, ce bel homme qui…

Au cas où vous ne connaissiez pas :




Je sais, je suis un pervers...


- Pas la peine, je vais m’occuper de ton cas illico. ».
Le canard lança un regard méfiant vers la maîtresse de céans.

Mais c’est déjà trop tard. Il se voit jeté sans autre forme de procès au sein d’un sauna. « Ah tu voulais perdre de la graisse, eh bien ton vœu est exaucé ! » éructe le visage ricanant qu’il entrevoit à travers la buée.
« Ah, si j’aurais su, j’aurais pas venu… », qu’il gémit, le pauvre mulard.

Quand il vit le résultat, le canard, honteux et confit, jura, mais un peu tard, que l’on ne l’y prendrait plus.
Pour lui les carottes étaient cuites.


Et c’est moi qui les ai cuites, ces carottes du jardin : blanchies une douzaine de minutes épluchées tout juste après leur récolte, puis passées dans le beurre demi-sel avec une pincée de cumin. Certes, elles ne sont pas calibrées, mais quel parfum !
Aussi les cuisses confites du canard à la peau croustillante n’auront nul besoin d’un autre accompagnement.

confit de canard, carottes
T'as de belles cuisses, tu sais...