samedi 31 août 2019

Tomat urge


L’état d’urgence est déclaré en Grisbichie devant la déferlante de tomates venues du jardin se réfugier entre quatre murs.
Il me faut accomplir des miracles pour empêcher une fin tragique mêlant déchéance et abandon à ces fruits encore dans la force de leur maturité - mais pour combien de temps encore ?


Une de mes premières actions fut de les faire participer à la confection d’un plat de pâtes.
J’émonde des tomates Cuor di Bue (une variété italienne de cœur de bœuf) puis je les partage en quartiers que je fais fondre au fond d’une poêle dans de l’huile d’olive avec trois gousses d’ail fraîchement récolté, une feuille de laurier, une petite branche d’origan et une pincée de sel. J’ajoute des tranches d’une oblongue tomate San Marzano encore verte afin de conférer de la vivacité et de la mâche. Je retire du feu avant que les morceaux de tomate soient complètement délités. Je réserve.
Je mets à cuire parallèlement les pâtes, des mezzi rigatoni, dans une casserole d’eau bouillante salée suivant la fameuse règle des 10, 100, 1000, et quatre saucisses aux herbes provenant de mon élevage de porc normand - déchu de son titre de favori depuis le massacre de la Sainte Godeliève* - sur une poêle bien chaude.
Les pâtes égouttées rejoignent les tomates dans la poêle remise à température à feu doux. Je brasse, puis dépose les saucisses dorées, versant aussi le rare jus qu’elles ont dispensé.
Je parsème de tris ou quatre pincées de piment d’Espelette, parfume de moult tours de moulin de poivre rouge, éparpille des déchirures de basilic à petites feuilles et à puissante fragrance.
Un trait d’huile d’olive italienne herbacée, et je peux apporter la poêle sur la table.

tomates, saucisse aux herbes
Tomato rescue


Le plat regorge de parfums. Le régal serait parfait si les saucisses, trop maigres, n’étaient pas aussi sèches, sans le moindre moelleux. Cette dérive vers une production mercantilo-diététicienne va me faire fuir définitivement…
Mais enfin, opération SOS-tomate réussie !


D’ailleurs, ces sauvetages en terre réservent souvent de bonnes surprises.
Ainsi, hier, je me suis trouvé confronté à une tomate qui offrait fort triste mine. Bien que sont aspect fût verdâtre, la moindre pression des doigts laissait craindre qu’elle n’éclate au creux de la main. D’ailleurs un choc malencontreux avait déjà produit une plaie dont commençait à s’écouler un filet de jus visqueux. Bref, il s’agissait d’une de ces tomates plus apte à inspirer des envies de jets sur le chanteur ou le politicien de votre choix que de confection de salade gourmande. Et pourtant..
Dans un esprit de pure curiosité anatomique, j’ai entrepris de la fendre en deux. Eh bien, l’intérieur, bien que tendre, ne tombait pas dans une purée déliquescente. Tel un médecin plus ou moins malgré lui reniflant les urines du malade au Grand Siècle, j’ai approché mon nez et humé : ça sentait très bon. Pronostic favorable… Poursuivant mon étude, j’ai pensé que dans ces conditions une approche gustative pouvait s’ajouter aux étapes visuelle, tactile et olfactive sans trop de risque pour mon intégrité physique.
La peau s‘est détachée aisément de l’hémisphère telle celle d’un brugnon bien mûr. J’ai goûté timidement, du bout des lèvres pour finir en mordant goulûment dans le second hémisphère.
Bon diou de bon diou, que c’était bon. J’ai regretté que ce fruit parfumé, sucré avec une pointe d’acidité, ne fût pas plus gros !
Aussi aujourd’hui, j’ai remis le couvert. Et d’une seule tomate je suis passé à deux. L’addiction, vous dis-je !

tomate, moldovan green
Ma dose d'aujourd'hui


Pas de déception, une chair abondante toujours aussi savoureuse qui démontre sans contestation possible que la tomate est un fruit et non un légume.
N’a-t-on pas envie de mordre dans cette chair à la fois verte et bien mûre ?

Green Moldovan
Encore verte à l'âge mûr


Au fait, quelle est cette sublime tomate ?
Eh bien il s’agit la Moldovan Green, une variété ancienne originaire de Moldavie comme son nom l’indique.
Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle a bien fait de venir jusque chez moi !


Sainte Godelieve : 30 juillet, date du massacre de côtes de porc.

cf    http://sosgrisbiche.blogspot.com/2019/08/usulegume-titre-temporaire.html






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