Tout a commencé quand j’ai vu une recette de poulpe sur La Cachina, un blog dont l’authenticité réussit à me réconcilier avec une Provence bien différente de celle des kékés, des pagnolades ostentatoire et du stupide mépris du reste de la France. Tiens, il me rendrait presque sympathiques ces cigales gâchant la quiétude campagnarde, voire périurbaine (il me souvient…), par ce que la fourmi, qui non seulement est radine mais de surcroît n’a pas l’oreille musicale, qualifie de chant.
Danse, maintenant ! |
Tout ça pour dire que je n’en veux pas à ce brave blogueur de m’avoir conduit vers un traquenard en m’alléchant par ce plat qui en outre devait pouvoir me permettre d’écouler le gros oignon doux dont je n’avais prélevé que deux minces tranches pour réaliser ma salade de cervelas. Joindre l’utile à l’agréable…
Tout avait pourtant bien débuté : aux halles locales, l’un des poissonniers avait sur son étal du poulpe frais, d’assez bonne mine ma foi. Néanmoins une demi-bête était bien suffisante, et c’est ainsi qu’un peu plus d’un kilo de poulpe s’est séparé de sa moitié pour se rendre chez moi.
Le lendemain, je sors ma moitié à moi du réfrigérateur où elle avait une nuit paisible (rassurez vous, ma moitié est celle du poulpe et non la mienne bien qu'elle soit à moi..) et commence la mise en place.
Zut, j’ai beau chercher, il ne me reste que quelques malheureuses pommes de terre dans les réserves, pas assez pour le plat de La Cachina, et de toute façon trop petites. Il va falloir improviser.
Je songe tout d’abord à accompagner le poulpe de pâtes relevées par le bocal d’une sauce italienne au noir de seiche que j’ai repéré dans le placard. Mais non, ce serait un plat redondant, mêlant le frais et la conserve, et qui ne me permettrait pas de tirer parti de mon oignon entamé.
Alors me vient une idée. J'ai souvenir d’un sachet entamé de tarbais, ils pourraient peut-être remplacer (avantageusement ?) les pommes de terre…
Je mets aussitôt à tremper ces haricots dans une bassine d’eau.
J’étale ma bestiole, ou plutôt hémibestiole sur une blanche et entreprends de la nettoyer en enlevant une bonne parie de la peau et de la découper en tronçons. Voilà, c’est fait, ça m’a pris du temps. Pas plus mal pour le trempage des haricots.
Je hache ensuite grossièrement l’oignon
Je sors un sautoir, y verse une cuillerée d’huile d’olive dans laquelle je fais fondre l’oignon à feu doux.
J’ajoute le poulpe que je laisse à feu moyen jusqu’à ce que son eau se soit évaporée
.
Et là, L’ERREUR !
Il faut dire que j’ai un coup de mou culinaire. L’arrivée de l’été m’a toujours rendu dépressif, avec son stupide ciel bleu, avec ces lâchers de cons de France ou d’importation qui envahissent nos côtes ou nos campagnes alors que nos villes où se procurer une baguette relève de l’exploit sont piétinées sans le moindre respect par des transhumances de touristes moutonniers. Et pas question de se réfugier dans des villages épargnés par ces hordes sauvages, car ils réussissent le miracle d’être encore plus inanimés que le reste de l’année. Bref, on n’a le choix qu’entre la hargne ou l’ennui… Belle saison que cette saison-là !
Alors je fais ce que je n’aurais pas fait au printemps, en automne ou en hiver : je me laisse soudoyer par mon démon gardien qui me suggère la solution de facilité : puisque poulpe et haricots doivent cuire longtemps, eh bien ils cuiront ensemble.
Je recouvre le poulpe d’une bonne hauteur d’eau et y balance aussitôt les tarbais extraits de leur eau de trempage. Pour parfumer, suivent une cuillerée de graines de maceron de l’île de Ré, trois clous de girofle, quelques grains de poivre blanc de Penja, trois petites feuilles de laurier, un brin de thym.
Quand la température a remonté et que ça commence à bloublouter, je coiffe d’un couvercle et pose le sautoir sur une petite flamme.
Une heure plus tard, je soulève le couvercle. Le haricot était toujours dur.
Une demi-heure plus tard, je resoulève le couvercle. Le haricot était toujours dur.
Allez Tarbes ! |
Une demi-heure plus tard, je re-resoulève le couvercle. Le haricot était nettement moins dur.
Je sale.
Tout ce temps m’avait permis de gamberger. Aussi l’idée m’était venue de revaloriser ce plat en lui ajoutant une tendance terre mer. Alors j’avais tranché un morceau de joue de porc séchée corse et l’avais découpé en petits lardons. Je les fais choir dans mon sautoir et continue la cuisson.
Vingt minutes plus tard, je soulève le couvercle. Les haricots ne sont pas fondants, mais je les considère comme cuits, ça ira comme ça...
Il n’y a presque plus de liquide, je peux servir après avoir donné un tour de moulin de poivre rouge et parsemé de persil ciselé.
Terre mer qui ne manque pas d'air |
Le plat est trop salé, le poulpe est surcuit et le tarbais sous-cuit. Le visuel est déplorable
Le goût n’est pas trop mauvais quand même…
Heureusement, car en plus il y en a pour deux repas ! Le second étant servi froid avec un ajout d’huile et de vinaigre, mais pour autant guère plus réussi…
Eh oui, ce misérable poulpe m’a fait un bras d’honneur ! Mais je ne dois pas me plaindre, il aurait pu m’en faire huit…