Sonde ou pas sonde ? Là est la question pour tout rosbif.
La raison voudrait que le rôti soit piqué d’une banderille lui donnant l’allure d’un
toro en la arena, et de surveiller la température à cœur avec l’aide d’un thermostat.
En revanche, outre le fait que l’on ne souhaite pas forcément transformer une cuisson en corrida, c’est aussi se priver du plaisir de mener la danse et de la satisfaction d’une réussite. À vaincre sans péril on triomphe sans gloire. Et puis donner les degrés Celsius au centre n'informe pas pour autant sur la graduation des cuissons depuis la surface...
Mais la réponse peut attendre. La viande, taillée dans du rumsteck, repose à température ambiante, et dans un premier temps je dois me lancer dans la préparation de sa garniture. Ce seront des légumes printaniers.
La première tâche consiste en la mise en place. J’écosse les petits pois et les réserve dans un bac.
J’épluche et je taille une gosse carotte ainsi qu’un navet. Je partage en quatre deux oignons blancs nouveaux. Je verse le tout dans un bac empli d’eau glacée salée.
J’effeuille et lave une salade du jardin. Je la débarrasse de ses grosses côtes et la réserve dans une bassine, toujours avec de l’eau glacée salée.
Je raccourcis et écussonne une botte de pousses d’asperges vertes qui va se revivifier elle aussi dans une bassine d’eau glacée salée.
Je gratte cinq petites pommes de terre nouvelles de Noirmoutier, les partage en deux et les réserves dans l’eau d’une bassine.Que d'eau, que d'eau !
Je ficelle un bouquet garni : enfermées dans du vert de poireau, une feuille de laurier, une branche de thym, des feuilles prélevées sur un bulbe de fenouil et des queues de persil.
Passons maintenant aux cuissons.
C’est décidé, pas de sonde. Je m’empare du rôti, hélas abominablement bardé. D'où vient cette manie traditionnelle chez la plupart des bouchers ? Jadis, il y avait un artisan des halles qui à la demande acceptait de remplacer cette superfétatoire barde porcine par de la panoufle de bœuf. Las, une fois il m’a vendu une entrecôte quasi avariée qui a dû finir à la poubelle. Je fuis donc désormais ce commerçant… Bref, je pose mon rôti assaisonné côté barde, puisque barde il y a, sur mon plat en fonte où mousse une noix de beurre fondue au milieu d’une cuillerée d’huile d’olive. Je fais prendre couleur sur toutes les faces (enfin si l’on peut parler couleur pour cette barde honnie…), ajoutant une garniture aromatique de carotte, échalote, persil, laurier, thym.
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Sous le rosbif, la barde |
Puis j’enfourne à 180 °C pour 10 minutes. Je baisse alors la température du four à 160 °C et sors le rosbif au bout de 8 minutes. Je laisse cette viande reposer sur une planche.
Pendant que le rosbif vit sa vie de four en planche, je m’attaque aux légumes.
Je fais suer carotte, oignon et navet parsemés d’une pincée de sel dans une noix de beurre au fond d’une casserole.
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Petits légume de printemps |
Je recouvre d’une couche de feuille de salade, puis verse les petits pois, ajoute le bouquet garni, des noix de beurre et une pincée de sel.
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Arrivée de petits pois |
À côté, sur un autre feu, j’avais effectué une précuisson des pommes de terre à l’eau salée durant 10 minutes. Je répartis ces dernières à la surface des petits pois. J’arrose d’un petit verre d’eau et termine par une seconde couche de feuilles de salade que je parsème de fleur de sel.
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Cachés sous la salade |
Je coiffe d’un couvercle et laisse cuire doucement sur une petite flamme jusqu’à évaporation presque complète de l’eau.
Je me saisis d’une poêle antiadhésive, y verse un verre d’eau, une pincée de sucre, une pincée de sel, quelques noisettes de beurre. J’y allonge les asperges et les coiffe d’un disque de papier siliconé. Je porte à une petite ébullition.
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Asperge fantôme |
Au bout de 5 minutes je découvre. Il ne reste plus qu’une mince pellicule d’eau. Je retire la poêle du feu quand les asperges sont à sec.
Je transfère le contenu de la casserole dans un plat mis à chauffer dans le four qui venait d’être éteint. Je me saisis des asperges avec une pince pour les poser sur le lit de légumes.
J’ai posé le plat en fonte avec sa garniture aromatique sur une flamme. J’ajoute un verre d’eau - je ne dis pas que je déglace, car il serait dommage de jeter la graisse parfumée et non brûlée qui baigne son fond. Zut, je m’aperçois que je n’ai plus de sauce Worcestershire. Alors me vient une idée. Je vide deux cuillerées de mélasse de grenade dans le liquide, complète d’une cuillerée de vinaigre balsamique de Modène et relève d’un trait de sauce au piment doux thaï. Je laisse réduire après avoir gratté les dépôts avec le bout d’une spatule pendant que je découpe sur la planche la viande reposée après en avoir chassé ignominieusement ficelle et barde.
Les tranches sont sur un plat de service
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Enfin débardée |
Elles vont sur la table, suivies par le plat de légumes de saison et par la saucière.
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Printemps |
La cuisson de la viande me semble réussie et je ne subis aucune réclamation de la part des convives. Pas de remords, donc, pour la relégation de la sonde !
Je reçois des compliments pour ma sauce, même de la part de mes petites filles qui n’arrêtent pas d’en arroser leurs morceaux de viande. De plus la saucière permet de satisfaire les hygiénistes ou les gourmands par un habile dosage entre le bec de surface et le bec de profondeur.
Quant aux légumes, ils feraient presque croire que c’est le printemps…
Je me dois aussi de mentionner la savoureuse tarte à la rhubarbe sur un lit de crème aux amandes réalisée par la maîtresse de céans.
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Tarte pas tartignolle |
Un beau baissé de rideau...