Ils sont là, se ressemblant comme deux gouttes d’eau.
« Je me présente, capitaine Haddok de la police judiciaire.
- Et moi, capitaine Haddoc, de la police judiciaire. »
Bon sang de bon sang, comment les distinguer ? Mais ils poursuivent :
« Nous enquêtons dans le cadre d’une accusation portée contre vous. Vous avez fait passer une de vos médiocres pâtisseries pour un gâteau de Christophe Felder. Vous êtes un aiglefin !
- Je dirais même plus, un aiglefin de haut vol nageant dans des eaux troubles. »
Je tombe des nues, et ça fait mal…
« Mais de qui provient ce mensonge ? Quant à moi, je n’ai rien d’un aiglefin et encore moins d’un aigrefin. Je nie tout en blog, pardon, en bloc !
- Oui, c’est plutôt aigrefin, mais ce lapsus ne change rien à votre affaire.
- Je dirais même plus, votre attitude narquoise l’aggrave. »
Et les Haddock se mettent à fouiller la maison.
« Tiens tiens, un livre de Felder. Même trois. Si ce n’est pas un indice…
- Je dirais même plus. Trois indices ! »
Ils entrent dans la cuisine et reniflent.
« Eh eh, ça sent la culpabilité ici… »
Je rétorque que ça sent plutôt les pommes de terre sautées découpées dans le reste des patates en robe des champs qui avaient accompagné des tripes la veille.
« On arrache les robes, on étripe. C’est pire que je pensais.
- Un violeur, un assassin pervers. Passons lui les menottes ! »
C’en est trop ! Dans une grande casserole frémit du lait. J’y balance Haddok et Haddoc.
Cinq minutes plus tard, je les sors et les étends. Ils sont encore plus petits morts que vivants, dis-je avant de me tourner vers mes mignons poireaux. À peine arrivés du jardin, je les ai lavés et j’en ai ciselé la partie tendre. Je jette cette découpe sur une noix de beurre moussant au fond d’une petite casserole, ajoute un demi-verre d’eau, une pincée de sel et un trait de balsamique blanc. Je couvre et laisse cuire à feu doux jusqu’à évaporation presque complète.
Je passe à la réalisation de ma célèbre
sauce Mornéerlandaise - une sauce Mornay où le gruyère est remplacé par du gouda vieux.
Tous les éléments du plat sont prêts. Je dépose les Haddock et les nappe de sauce. Je construis un chemin en
opus incertum traversant le plat avec comme dalles les pommes de terre sautées. J’emplis les vides avec ma compotée de poireau. Un peu de gouda râpé et de curry sur elle, un saupoudrage de paprika sur la sauce.
J'enfourne cinq minutes à 170 °C. Le plat est bien chaud : je l’apporte sur la table.
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Haddok et Haddoc sont dans un plat chaud |
Je sais désormais ce qui différencie Haddok de Haddoc : l’un a des arêtes, l’autre pas.