En l’an de grâce un peu plus de 400, une troupe armée de longues piques s’éloignait du château de Nanar.
À sa tête caracolait le roi Nounours, suivi de ses preux chevaliers : Lancevin, Gauleau, Trouval, Gaitan, Cartintin et bien d’autres.
La nuit précédente, la Dame de La Mare avait rendu visite au souverain et lui avait susurré dans le creux de son oreille velue : « Le moment est venu d’agir. Tu es l’élu, le plus fort, car tu es le seul à avoir réussi à extraire Expolymere du sommet du Mont Roucous avec la seule force d’une rotation entre le pouce et l’index de ta dextre. À toi maintenant de partir à la conquête du Gras ! »
Elle venait juste de disparaître quand la fée Clara se jeta sur le lit du roi. « Alors, mon gros Nounours, quand est-ce que je te fais visiter mon île sacrée, Gobon ? ». Mais la suite est une autre histoire…
Pour le moment, la troupe avance, la lance ornée de gueule, argent et or, les couleurs du royaume.
Bientôt Cartintin a faim. Il avise un troupeau de brebis entourées de leur progéniture paissant au milieu de la lande.
« Vous avez vu ce que j’ai vu ? Ça devrait être tendre sous la dent. Notre repas est servi ! »
« Ouais, c’est pas faux… » réplique Trouval.
Sitôt dit, sitôt fait. On pourchasse l’agneau, on le pourfend, on le tranche, on l’embroche sur les lances.
« Un peu d’huile, ça ne serait pas plus mal. Gauleau, passe-moi le flacon qui encombre ta besace. »
Le roi Nounours s’insurge.
« Ah non, pas la Sainte-Huile !
- Bah, sainte ou pas sainte, c’est de l’huile. En direct de Rome. Sont pas fous ces romains, ça embaume l’olive. »
Cartintin cueille des graines, les écrase, décapite un des pieds de thym qui abondent le long du sentier, l’effeuille.
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En bivouac |
Il soupire. « Ça va faire un peu juste… Mais regardez les copains ! » et il fouille ses poches, sort un vieux quignon de pain, une tranche de pâté entamée, commence à désespérer, puis brandit victorieusement une belle aubergine ventrue.
« Heureusement que je suis prévoyant, je l’ai cueillie ce matin à la fraîche. Et puis c’est pas tout… ». Il continue ses recherches. « Ah, voilà ! ». Il pose dans l’herbe un papier chiffonné et graisseux.
« C’est de la graisse de bœuf. Un pote venu de Chtimie me l’a offerte. Je la trimballe toujours sur moi. Ça peut dépanner
- Ouais, c’est pas faux…
- Lancevin, file-moi deux œufs.
- Mais…
- Ne mens pas. Je sais que tu les as. Merci ! Et, Sire, il me faudrait de votre farine pour préparer ma pâte à beignet. Avouez que ce sera meilleur que les tristes galettes réglementaires prévues ! Et pour le lait, no problemo, le paysan dont j’aperçois la hutte non loin nous en vendra.
- Ou nous en donnera.
- Ça m’étonnerait !
- Ouais, c’est pas faux… »
Quelques minutes plus tard, après avoir battu les blancs d’œuf avec une branche de genêt, le chevalier gourmand a terminé sa pâte. Le casque d’un barbare envahisseur trucidé lors d’une précédente bataille en ces lieux est dégagé d’un buisson et sert de friteuse.
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Cht'ite friture d'aubergine |
Cartintin distribue les disques dorés. « C’est-y pas beau ! On dirait des boucliers de korrigans.
En plus comestible toutefois ! »
Puis il pose les lances sur le feu.
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Présentez ARMES !!! |
Bientôt l’agneau est bien grillé. Chacun récupère son arme.
« Fissa, les amis. Il faut déguster quad ces lances sont encore chaudes. Hum que c’est bon !
- Ouais, c’est pas faux… »
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En carré pour la Table Carrée
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Et la quête du Gras, c'est reparti !