mercredi 5 septembre 2018

À côté de la plaque

J’étais pourtant à côté de la plaque !
Tout à côté de cette plaque en fonte qui, posée sur deux brûleurs de mon fourneau, fait fonction de plancha… J’avais allumé le gaz puis j’avais disposé des légumes du jardin tranchés, simplement badigeonnés d’huile et assaisonnés de sel fin…

plancha, légumes
Planche couleur


Ben non, ma vigilance n’a pas suffi… J’avais pourtant posé l’aubergine sur la surface la moins chaude, côté petit brûleur réglé au minimum. Et voilà qu’en retournant les découpes de ce légume, j’ai découvert un côté pile cramé insoupçonnable côté face. J’ai goûté : c’était bon …si l’on excluait la surface brûlée ; sinon, amer comme chicotin. Pas trente-six solutions : hop, direction poubelle, et comme je n’avais utilisé que le tiers de cette grosse aubergine tirée, j’ai re tranché d’urgence et envoyé les remplaçants oints abondamment sur le terrain, les tournicotant en continu jusqu’à un début de coloration. Ils ont rejoint en derniers leurs collègues au sein du plat de service que j’ai enfourné à 110 °C pendant que je procédais à la deuxième cuisson à la plancha : celle de gambas que j’avais fait mariner une heure durant dans une huile d’olive parfumée de poivre rouge et de cinq épices.

gambas, plancha
Sieste de gambas


Une fine persillade sur les gambas, un dernier trait d’huile d’olive et un soupçon de jus de citron sur les légumes, un tour de moulin de poivre et nous pouvions passer à table.

repas à la placha, cambas, légumes du jardin
Bi plat


Pour dessert, une charlotte à la mangue rehaussée de confiture de pétales de roses d’Ispahan. Un accord parfait entre les parfums…

charlotte à la mague et aux pétales de roses
Charlotte voyage

lundi 3 septembre 2018

L'horloger de Paimpol

Qui connaît de nos jours Michel Le Comb ?
Pourtant ce personnage bien oublié, qui fut horloger à Paimpol au 19e siècle, est le créateur d’une méthode originale de mesure du temps. Entouré d’horloges qui égrainaient les secondes qui passent, il finit par ressentir une vive hostilité envers ces cœurs de métal qui ponctuent notre vie.
Écologiste avant l’heure, si j’ose dire pour ce chantre de la ponctualité, il tenta de mettre au point un système basé sur le haricot local. Il avait remarqué qu’écosser les gousses permettait de définir une nouvelle unité de temps : le coco, de symbole cq  (coco de Quimper). Il se heurta néanmoins au fait que la vitesse cq/h  était sujette à de nombreuses fluctuations. D’autre part les bourgeois locaux voyaient d’un mauvais œil la nécessité d’avoir une écosseuse comtoise en permanence dans leur salon et renâclaient devant la dépense importante que représentait l’approvisionnement régulier en gousses.
Confronté à toutes ces difficultés ainsi qu’à la tragédie de se découvrir un fils assassin, il ne tarda pas à perdre la raison. Repéré par le professeur Charcot en villégiature sur les côtes bretonnes, il fut transféré à la clinique parisienne du docteur Blanche où il s’éteignit quelques années plus tard en fredonnant :
Le brave horloger se résigne
En faisant un signe de croix
Et le pauvre gars
Quand vient le trépas.
Serrant la médaille qu’il baise
Glisse dans le temps sans fond
En songeant à la Paimpolaise
Qui l’attend au pays breton.

Deux infirmiers qui passaient par là se regardèrent. L’un d’eux hocha la tête et s’exclama :
« Ah ça, pour sûr, il a un grain ! ».


Je m'apitoyais sur le destin de ce malheureux horloger en plongeant mes Cocos de Paimpol dans l’eau bouillante en compagnie d’un oignon, de deux gousses d’ail, d’une feuille de laurier, d’un brin de thym, d’un bout de poivre long et d’un clou de girofle.
Pour les mettre en valeur tout en faisant hommage à l’inventeur maudit, j’ai posé sur ces haricots des crépinettes en forme d’oignons que l’on glisserait volontiers dans un gousset…

crépinettes, cocos de Paimpol
Avec le temps tout s'écosse…

mercredi 29 août 2018

Le Balto ivre

Paris, où sont passés tes bistrots où l’on allait s’acheter un paquet de Gitanes avant de griller une clope devant le zinc en s’enfilant un caoua arrosé d’un petit calva, une mousse ou un pastaga selon l’heure ? La nef fluctuat nec mergitur, mais les Balto coulent…
Adieu pochetron larmoyant s’épanchant en votre giron, adieu ivrogne agressif qu’il faut bien éviter de regarder dans les yeux, adieu complexé qui s’offre une psychanalyse à un bock de l’heure en se cramponnant à votre bras, adieu politicien de comptoir se croyant à la tribune de la Mutualité, adieu solitaire rêvant qu’il est entouré d’amis, adieu étranger baragouinant à peine le français qui trouve sa naturalisation en ce temple, adieu intellectuel qui a flairé le complice en vous et vous bassine de ses théories, adieu habitué persécuteur de patron et serveur, adieu énervé joueur de flipper en quête de partie gratuite qu’il faut chasser à l’heure de fermeture, adieu mystérieux inconnu de passage dont je me plais à imaginer le destin…
Bref, adieu la vie.
Tout ça pour dire que le fait de constater que ma cave à cigare était vide m’a plongé dans la nostalgie du café-tabac et a ranimé ma haine envers la tyrannie des hygiénistes donneurs de leçon qui veulent nous imposer une longue (et ça, ce n'est même pas certain…) vie bien chiante.

Et c’est ainsi que j’ai réalisé un plat que j’aurais bien pu manger jadis le midi à la table d’un de ces bougnats de salut publique, espèce en voie de disparition dont se désintéressent les écolos :
Faux-filet grillé sauce bleu d’Auvergne et haricots verts.
J’ai fait fondre un gros morceau de bleu de Laqueuille que l’on m’avait rapporté d’un passage par Clermont-Ferrand au sein de deux bonnes cuillerées de crème épaisse d’Isigny. Une pincée de sel, des grains de poivre rouge de Kampot et de poivre blanc de Panja écrasés au mortier, et la sauce était prête.

sauce au ble de Laqueuilleu, faux-filet grillé
Faux filet et vrai Laqueuille

Les haricots frais cueillis du jardin étaient tendres et goûteux.
Mais il n’y a pas à dire, je préfère quand même l’entrecôte au faux-filet !

mardi 28 août 2018

Plein de boulettes...

Pourquoi me fatiguer à décrire une recette que j’ai suivie scrupuleusement selon les instructions de son auteur,         Pierre-Brice Lebrun.
Je l’ai découverte dans son excellent ouvrage :

Petit traité de la boulette
Éditions Le Sureau 2009


Elle m’avait semblé propre à régaler les deux jeunes infantes que je recevais chez moi…


Boulettes Monsieur

700 g de viande de bœuf
2 œufs et 1 jaune
1 pincée de cumin et de paprika
2 cs de persil
2cs de coriandre
2 gousses d’ail
1 oignon
crème fraîche

autant de fromage râpé que de crème fraîche

Écrasez la viande de bœuf avec les œufs entiers, le cumin et le paprika, le persil et la coriandre. Salez, poivrez, ajoutez l’ail (écrasé) et l’oignon (pareil).
Roulez des boulettes. Faites-les dorer à la poêle


boulettes
Je dore


, ajoutez une cuillère de bouillie de crème fraîche (ou de lait) et de fromage râpé — du gruyère, par exemple — et un jaune d’œuf.


boulettes
Bouillie comtoise


Enfournez sous le gril, comme un croque-monsieur, 


boulettes
Quatorze boulettes


Tellement ça sentait bon, que j’ai ouvert un Chinon (et en plus, ça rime).

Bon, les jeunes invités n’ont pas eu droit au Chinon- ni moi d’ailleurs…
J’avais accompagné ces boulettes de feuilles d’arroche parfumées à l’huile d’argan. Mais ce plat n’a pas obtenu le résultat escompté.
L’aînée :
« J’veux pas d’épinards, j’aime pas ça ! »
La cadette :
« J’veux pas de boulettes !
- Une bouchée pour goûter…
- D’accord, mais sans fromage ! »
Moi qui croyais que les enfants se régalaient de gratins, cordons-bleus et autres plats dégoulinant de fromage fondu. D’autant plus qu’habituellement la contestataire fait un sort au plateau de fromages à la fin des repas… Elles étaient pourtant sympathiques, ces boulettes repassées sous le gril au moment de servir et parsemées du restant d'herbes hachées !

boulettes
Un peu plus bronzées...


Tant pis pour elles. Elles se rattraperont sur le dessert, un pâté de prunes façon angevine.

pâté de prunes angevin
Beau pâté de prunes


Las, les reines-claudes pourtant de belle apparence et de bonne saveur étaient d’une variété évacuant beaucoup trop de jus et ne tenant pas à la cuisson.

pâté de prunes, Anjou
Reine Claude fondant en larmes



Une boulette de plus !

dimanche 26 août 2018

Comparution pour récidive

Le 15 août de l’année 2017, désemparé devant une productivité tomatesque agressive, j’avais écrit ces mots :
Devant l’abondance de tomates au jardin, j’ai pensé à en consacrer une partie à la confection d’un plat de tendrons de veau à la tomate.


Eh bien, cette année, j’ai récidivé. Ce sont encore des tendrons de veau qui sont venus me prêter main-forte dans ma politique d’intégration de ces tomates dans ma cuisine…
J’avais bien effectué une première action UNITED COLORS dans le style Benetton en superposant des strates assaisonnées de sel et de poivre pour présenter une salade dans un récipient en verre :

1) tomates rouges, échalote finement hachée
2) dés de bœuf cuit, estragon, rondelles de cornichon
3) tomates vertes, persil ciselé
4) feta, menthe ciselée dosée avec parcimonie
5) meli-melo de tomates rouges et vertes
6) dés de bœuf cuit, estragon, rondelles de cornichon
7) échantillon des diverses variétés de tomates figurant dans la salade, feta et bœuf cuit.

salade de tomates, boeuf cuit feta
Quelles strates ai-je ?


Le tout arrosé d’une vinaigrette constituée de vinaigre de cidre et d'huile d’olive fruitée d’Italie.

salade de tomates, boeuf cuit feta
Echantillon représentatif


Un bon repas, mais il me restait encore beaucoup de tomates…



Alors le lendemain j’ai fait dorer mes tendrons de veau au fond d’un rondeau sur de l’huile d’olive avant de les retirer et réserver pour les remplacer par un gros oignon paille haché. Quand après avoir sué à feu doux il a commencé à colorer, j’ai réintégré les morceaux de veau. J’ai singé, tourné la viande sur toutes les faces puis versé un grand verre de vin blanc sec et une bonne cuillerée de vinaigre balsamique de Modène. J’ai recouvert de la chair des tomates que je venais de monder. Deux gousses d’ail écrasées, une feuille de laurier, une branche de thym, un petit brin de romarin, quelques grains de poivre Voatsiperifery, un clou de girofle, et je pouvais coiffer et laisser mijoter à feu doux.
Trois quarts d’heure plus tard, je soulevais le couvercle afin de m’enquérir du résultat…
Il ne restait que peu de liquide. Mais c’était encore trop ! Je haussais la flamme - raisonnablement, s’entend… Quand le fond a commencé à attacher, dégageant une agréable odeur de caramélisation, j’ai transvasé le tout dans le plat de service, retirant branchettes déparfumées et autre affûtiaux devenus inutiles et même gênants. Un tour de moulin de poivre rouge, le jus d’un demi-citron et une pluie de persil haché : mes tendrons de veau à la tomate ont voisiné sur la table le saladier empli de pâtes escargots alsaciennes cuites al dente que je venais d'y poser.

tendrons de veau à la tomate
Tendrons attendris


Je ne pouvais cependant m’empêcher de penser devant ce retour que je manquais cruellement d’imagination… Aurais-je la cuisine qui bégaye?

jeudi 23 août 2018

Queen Purple




Pour accompagner le dernier voyage de deux côtes de porc dans l’échine, les haricots ont porté le deuil. Ces membres du club Purple Queen se sont habillés de noir.

haricots purple queen
Deep Purple cerné par du hard metal


Pour ma part, j’ai jeté de la sauce basque Sakari dans la tombe en guise de dernier hommage.

côtes de porc, haricots filets
J'irai saucer sur votre tombe


Les membres du cortège était furieux : leurs costumes n’étaient pas grand teint. Ils n'avaient pas résisté à l'eau et la flamme.



Mais est-ce plus mal ? La cérémonie s’était ainsi teintée d’une nuance d’espérance…



P.S.

Purple Queen ! Et nous, on compte pour du beurre ?



lundi 20 août 2018

Les chaudes lances des Chevaliers de la Table Carrée

En l’an de grâce un peu plus de 400, une troupe armée de longues piques s’éloignait du château de Nanar.
À sa tête caracolait le roi Nounours, suivi de ses preux chevaliers : Lancevin, Gauleau, Trouval, Gaitan, Cartintin et bien d’autres.
La nuit précédente, la Dame de La Mare avait rendu visite au souverain et lui avait susurré dans le creux de son oreille velue : « Le moment est venu d’agir. Tu es l’élu, le plus fort, car tu es le seul à avoir réussi à extraire Expolymere du sommet du Mont Roucous avec la seule force d’une rotation entre le pouce et l’index de ta dextre. À toi maintenant de partir à la conquête du Gras ! »
Elle venait juste de disparaître quand la fée Clara se jeta sur le lit du roi. « Alors, mon gros Nounours, quand est-ce que je te fais visiter mon île sacrée, Gobon ? ». Mais la suite est une autre histoire…


Pour le moment, la troupe avance, la lance ornée de gueule, argent et or, les couleurs du royaume.

Bientôt Cartintin a faim. Il avise un troupeau de brebis entourées de leur progéniture paissant au milieu de la lande.
« Vous avez vu ce que j’ai vu ? Ça devrait être tendre sous la dent. Notre repas est servi ! »
« Ouais, c’est pas faux… » réplique Trouval.
Sitôt dit, sitôt fait. On pourchasse l’agneau, on le pourfend, on le tranche, on l’embroche sur les lances.
« Un peu d’huile, ça ne serait pas plus mal. Gauleau, passe-moi le flacon qui encombre ta besace. »
Le roi Nounours s’insurge.
« Ah non, pas la Sainte-Huile !
-  Bah, sainte ou pas sainte, c’est de l’huile. En direct de Rome. Sont pas fous ces romains, ça embaume l’olive. »
Cartintin cueille des graines, les écrase, décapite un des pieds de thym qui abondent le long du sentier, l’effeuille.

brochettes d'agneau
En bivouac


Il soupire. « Ça va faire un peu juste… Mais regardez les copains ! » et il fouille ses poches, sort un vieux quignon de pain, une tranche de pâté entamée, commence à désespérer, puis brandit victorieusement une belle aubergine ventrue.
« Heureusement que je suis prévoyant, je l’ai cueillie ce matin à la fraîche. Et puis c’est pas tout… ». Il continue ses recherches. « Ah, voilà ! ». Il pose dans l’herbe un papier chiffonné et graisseux.
« C’est de la graisse de bœuf. Un pote venu de Chtimie me l’a offerte. Je la trimballe toujours sur moi. Ça peut dépanner
-  Ouais, c’est pas faux…
-  Lancevin, file-moi deux œufs.
-  Mais…
-  Ne mens pas. Je sais que tu les as. Merci ! Et, Sire, il me faudrait de votre farine pour préparer ma pâte à beignet. Avouez que ce sera meilleur que les tristes galettes réglementaires prévues ! Et pour le lait, no problemo, le paysan dont j’aperçois la hutte non loin nous en vendra.
-  Ou nous en donnera.
-  Ça m’étonnerait !
-  Ouais, c’est pas faux… »
Quelques minutes plus tard, après avoir battu les blancs d’œuf avec une branche de genêt, le chevalier gourmand a terminé sa pâte. Le casque d’un barbare envahisseur trucidé lors d’une précédente bataille en ces lieux est dégagé d’un buisson et sert de friteuse.

beignets d'aubergine
Cht'ite friture d'aubergine


Cartintin distribue les disques dorés. « C’est-y pas beau ! On dirait des boucliers de korrigans.
En plus comestible toutefois ! »
Puis il pose les lances sur le feu.

brochettes d'agneau, gril
Présentez ARMES !!!


Bientôt l’agneau est bien grillé. Chacun récupère son arme.
« Fissa, les amis. Il faut déguster quad ces lances sont encore chaudes. Hum que c’est bon !
-  Ouais, c’est pas faux… »


brochettes d'agneau, beignets d'aubergine
En carré pour la Table Carrée

Et la quête du Gras, c'est reparti !