20 décembre.
Réfléchissant aux menus des repas de Noël, je me dis que j’aimerais bien refaire le
pâté de foie gras d'oie Maréchal de Contades, spécialité strasbourgeoise qui avait été très appréciée au réveillon de 2013.
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Maréchal 2013 |
Je ne savais pas dans quelle galère je m’embarquais…
22 décembre.
Je déballe le foie d’oie cru envoyé par un artisan du Périgord et me lance dans son déveinage…
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Un foie qui n'a pas de veine ? |
Puis je le déchire en plusieurs morceaux que je vais faire mariner sous vide avec une cuillérée de cognac, un quart de verre de vin blanc, une petite cuillerée de sel, un peu moins de cassonade, quelques tours de moulin de poivre rouge, une pincée de quatre-épices. J’ouvre un bocal de truffes. Je suis étonné par le parfum qui s’en dégage, dépassant presque celui de truffes fraîches – de celles que je n’achète pas en cette période où les prix sont boostés et la maturité n’est pas à son optimum. Il est vrai qu’il s’agit de truffes de catégorie extra n’ayant subi qu’une seule ébullition, conserves de la sérieuse maison Plantin, et non de ces produits délavés dont des malfaisants font d’une pierre deux coups en vendant séparément une dépouille et son ectoplasme… Je dépose les diamants noirs sur la surface avant de fermer la boîte et faire le vide.
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Un foie brisé |
Je poursuis en réservant le même traitement aromatique à une livre de chair de veau hachée, y ajoutant en plus le jus du bocal de truffes et une petite cuillerée de fond de veau.
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Mon deuxième bac |
Bon, tous les éléments de la farce du pâté sont sous vide et attendent sagement au réfrigérateur un lendemain qui chante.
Il s’agit maintenant de préparer la pâte. En 2013, j’avais eu du mal à foncer le moule et une légère fissure était apparue. Je décide donc de modifier ma recette habituelle, consistant en une banale pâte brisée dans laquelle je remplace 10% du beurre par du saindoux. Il traine sur le Web une recette de
pâté Maréchal des (sic) Contades prescrivant ces quantités :
– 137,5 g de saindoux
– 375 g de farine
– 10 g de fleur de sel
– 2,5 cl d’eau tiède
– 75 g de beurre
Je vais essayer. Après moult pétrissage la pâte très friable semble enfin agglomérée. Enfermée dans un film, elle rejoint au froid son futur contenu.
Il ne faut pas m’arrêter en si bonne voie ! Préparons le moule pour demain..
Ses deux flancs sont vite découverts, avec leurs deux axes de charnière. Mais pas le fond !
Je cherche, cherche, appelle la maîtresse de maison experte en rangements à la rescousse. Nous explorons les placards, nous nous agenouillons pour investiguer les dessous du plan de travail, escaladons la face ouest du réfrigérateur afin de voir si la terrine à baeckeoffe ou la poissonnière qui trônent à son sommet ne cacheraient pas le disparu. Que nenni… Nous déplaçons l’escabeau et vidons l’étagère sur laquelle étaient perchés les deux éléments retrouvés pour vérifier si un disque rond - au fait, j’ai du mal à le visualiser, ce fond ; sans doute des mêmes couleurs que les côtés, mais lisse ou non, je ne sais plus… - ne se trouve pas coincé entre deux moules à manqué ou sous l’amas de petits ustensiles qui emplissent le wok. Rien, toujours rien. Il faut remettre en place. Et revenir à terre.
Pose réflexion.. Où aurions-nous dû le caser logiquement ? Mais toutes les hypothèses ont été vérifiées. Peut-être pas ? Retour à quatre pattes pour sortir toutes les verrines, terrines et ferrines du placard. Rien dedans, rien dehors…
Bon, y a pas à tergiverser, la logique mène désormais à la conclusion que ce fond fut rangé, si l’on peut dire, en un endroit illogique. Je commence à émettre quelques commentaires sur le fonctionnement des cerveaux féminins qui me semblent mal appréciés par ma compagne chercheuse.
Elle m’aide cependant à prospecter tous les endroits où ce fond n’a aucune raison d’être.
La démarche s’avère être un mélange de tours de Hanoï, de poupées gigognes et de puzzle 3D. Mais mon épouse ne trouve pas ça ludique, je suis taxé de bordélisme, je réplique en évoquant la psychorigidité. Bref, nous sommes au bord du divorce…
Épuisés, nous décidons d’interrompre les recherches et de reporter les démarches de séparation à plus tard. Qui sait, peut-être que la sérénité sera de retour quand le fond du moule sera enfin trouvé ?
Je me couche et ai du mal à m’endormir, perplexe sur cette disparition, et à la recherche d’un plan B afin de pallier ce manque. Je ferme les yeux espérant qu’un dieu de la cuisine viendra m’insuffler miraculeusement le chemin vers ce disque fugitif…
23 décembre.
Ben non, le petit dieu informateur n’est pas passé me voir…
Je n’ai pas le courage de réitérer les recherches, il me semble avoir tout passé au peigne fin. Aussi je décroche le téléphone et appelle la boutique locale spécialisée en matériel de cuisine pour professionnels et particuliers :
« Allo, avez-vous en rayon un moule à pâté rond à charnière ?
-Ah non, il faut le commander ! »
Je ne suis qu’à moitié étonné, ne trouvant jamais mon bonheur dans ce magasin… Il n’en reste pas moins qu’il me faut déclencher le plan B. Ce plan, c’est d’utiliser les flancs du moule comme un cercle posé sur une plaque couverte d’une feuille de papier siliconé. Et alors, le déclic. Mais oui, bien sûr !
Je consulte mes archives de 2013. C’est bien ça.
Ce moule n’a jamais eu de fond !
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Moule sur moule 2013 |
Je tente auprès de ma compagne un timide :
« Après tout, ce n’est pas plus mal d’avoir cherché… Ça nous a permis de récapituler… »
Je m’interromps devant le regard noir qu’elle me lance et me dépêche de passer au montage du pâté.
J’avais retenu l’astuce donnée par un contributeur compétent sur le forum où je sévissais naguère : préformer la pâte sur un relief de la taille approximative de l’intérieur du moule avant de l’introduire. C'est le moment de passer à l’application de cette méthode. Il me semble avoir trouvé un récipient en terre qui, renversé, sera apte à cet usage. Las, sortie du réfrigérateur, la pâte est friable et cassante. Un peu échauffée, elle devient plus modelable, mais se fissure un peu partout. Je me résous à étendre une forme grossière à l’intérieur du moule et de la plaquer contre les parois à l’aide du bout du rouleau à pâtisserie en rustinant tant bien que mal les fissures apparues.
Je commence à comprendre pourquoi il y avait écrit dans la recette source qu’après le montage il fallait laissez reposer 24h au frais, puis démouler, enrobez de papier sulfurisé et ficeler en cerclant. Mais c’est trop tard, et je n’ai pas la place pour loger le pâté sur son support dans le réfrigérateur.
Alors je continue, introduit la farce de veau puis le foie d’oie parsemé de tranches de truffe, dépose par-dessus le tout une couche couvrante de veau et coiffe d’un couvercle de cette pâte qui fond dans les mains quand on essaye de la modeler. Un peu de dorure…
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C'est le fond qui manque le moins |
Et hop, au four. À 200°C pendant une cinquantaine de minutes. Pour la suite à 140°C je compte sur la sonde pour savoir quand les 57°C seront atteints à cœur. Mais voilà, les malheurs continuent, je m’aperçois qu’une fois la sonde plantée, la hauteur est trop grande pour le four ; qu’à cela ne tienne, je sortirai régulièrement le pâté afin de vérifier la température atteinte, ce sera simplement plus fastidieux.
Ainsi fais-je. Je plante la sonde après la première sortie. Même pas 50°C au centre… J’attends donc une dizaine de minutes, revérifie. Et là l’affichage monte allégrement : 55, 60, 65°C, on se dirige vers les 70°C. Je préfère ne pas savoir ! De toute façon, ce qui est fait est fait, simplement le pâté ne retournera pas au four que j’éteins aussitôt. Et dire que dans la recette le pâté du Maréchal poursuivait 20 minutes à 150°C… Ne nous fions pas à ce qui est écrit !
Il ne reste plus qu’à réserver au frais ce chef-d’œuvre - glissé depuis son support de cuisson sur une assiette, le pâté trouvera enfin sa place dans le réfrigérateur avant de le démouler le lendemain et de combler les vides avec de la gelée…
Il me faut maintenant m’atteler à une autre tâche : je viens de recevoir un
chapon cendré du Gers.
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Belle plume, n'est-ce pas ? |
Il est simplement effilé. Il me faut donc l’habiller. J’ai déjà fait ça l’année dernière pour un chapon gascon, aussi je me lance sans trop d’anxiété dans cette opération. Plumé, débarrassé de ses ailerons et de ses pattes (en utilisant le couperet redécouvert la veille après une longue disparition, pour moi une première car jusqu’alors en son absence je tranchais avec un couteau à l’articulation), flambé, vidé, il est devenu prêt à cuire.
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Champ opératoire |
Je le réserve au frais dans un torchon. Il en sortira le 25 décembre.
Ouf, j’en ai terminé pour la journée…
24 décembre.
Je commence par démouler de tôt matin le pâté maréchalesque. Dieu merci, ne se produit pas l’écroulement que je craignais . Mais un éclat dans un coin inférieur me fait présager une fuite à l’introduction de la gelée dont j’ai pourtant attendu prudemment la baisse de température vers les 30°C. Je tente de boucher cette fissure provisoirement pendant le temps de prise de la gelée avec un lutage avec une petite boule d’une pâte de farine et d’eau. Autant appliquer un cataplasme sur une jambe de bois, le trou est trop grand et le bouchon se délite… J’entreprends une autre manœuvre : je pose le pâté sur une plaque froide sortie du congélateur afin de provoquer une prise rapide de la gelée à la base. Dans un premier temps, la tactique semble avoir fonctionné. Il n'y a plus d’écoulement apparent… Je continue donc à verser de la gelée et transfère rapidement au réfrigérateur pour achever la prise. Dix minutes après je vérifie le résultat. Horreur ! La gelée s’est répandue à ras bord dans l’assiette, que je cogne contre une boîte en la sortant : le quart du liquide poisseux se retrouve sur le carrelage de la cuisine. Je remets le pâté au frais le temps de sortir la serpillère et de nettoyer le sol collant. Je ressors le pâté, le liquide est devenu visqueux, ce qui me donne de l'espoir. Je repose une rustine et entreprends un nouveau remplissage. Las, un quart d’heure plus tard, le pâté était toujours fuyant. Ce qui, on en conviendra, est la honte pour un Maréchal..
Enfin, après une heure d’un combat acharné, je réussis à maîtriser la situation. Le Maréchal a fait prisonnière la gelée ! Il peut retrouver sa place . Pour en sortir demain.
Mais ce soir, le thème du repas sera un
NOËL CANADIEN
Le plat principal consistera en une
tourtière du Lac Saint-Jean.
Mais avant de passer à sa réalisation, je commence par le dessert : un
Pouding chômeur, spécialité traditionnelle du Québec.
J’ai retenu le recette suivante extraite du blog Papilles & Pupilles
https://www.papillesetpupilles.fr/2015/02/pouding-chomeur.html/
Pour le gâteau :
225 g de farine
1 sachet de levure chimique
60 g de beurre
200 g de cassonade
1 oeuf
250 ml de lait
Pour la sauce :
200 ml de sirop d’érable
75 g de cassonade
200 ml d’eau
60 g de beurre légèrement fondu
Préchauffez le four à 180 °C.
Versez la levure chimique dans la farine, mélangez.
Mettez dans un saladier le beurre et le sucre. Fouettez puis, une fois que le mélange est crémeux, ajoutez l’oeuf. Ajoutez ensuite en alternance la farine et le lait (un peu de farine, un peu de lait, mélangez et continuez jusqu’à épuisement des ingrédients).
Versez cette préparation dans un moule à gâteau.
Dans une casserole, versez tous les ingrédients de la sauce. Portez à ébullition. Mélangez.
Laissez refroidir 5 minutes puis versez sur le gâteau. Ne mélangez pas.
Déposez le gâteau au four et laissez cuire 40 minutes. Pour vérifier la bonne cuisson, enfoncez la lame d’un couteau dans le gâteau, elle doit ressortir sèche.
Comme cassonade, j’ai utilisé de la (vraie) vergeoise que j'avais en réserve…
Pour la première fournée, le moule était plein à ras bord, et bien entendu débordement puis nettoyage du four avant de reprendre une seconde fournée dans un moule plus grand - en effet le premier chômeur s’était vu brisé dans une tentative de démoulage malencontreuse…
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Chômeur brisé |
Nous nous sommes bien gardés de retourner ce nouveau chômeur pour l’extraire de sa situation : il y aura un service à l’assiette.
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Chômeur en pleine forme |
Pendant cette seconde cuisson il était grand temps pour moi de commencer la découpe de la viande destinée à la tourtière.
Ma recette pour cette tourtière du Lac Saint-Jean sera un mix du résultat de mes diverses lectures sur ce sujet.
Vont être tranchés en petits cubes 600g de viande de bœuf, 600g de viande de porc, ainsi que, l’orignal étant difficile à trouver près de chez moi (peut-être à Thoiry, mais la chasse ne doit pas y être ouverte) 300g de viande de chevreuil et 300g de viande de biche.
Puis j’attaque environ un kilo de pommes de terre, des Samba du jardin, formatées à l’unisson sur une planche qui, elle, ne chôme pas.
Dans une bassine, je mélange la viande avec trois oignons tranchés, deux gousses d’ail hachées, de la cannelle, du clou de girofle écrasé au mortier, de la râpure de muscade et plusieurs tours de moulin de poivre noir. Je réserve quelques heures au frais. Les pommes de terre sont plongées dans de l’eau glacée.
Profitons de ce répit pour préparer deux appareils à glace, l’un (1 litre)
à la chicorée (grains de chicorée infusés dans le lait utilisé pur la préparation de la crème anglaise qui sera mélangée à de la crème fraîche), l’autre destiné à l’insert (1/2 litre)
à la cannelle parfumé avec deux bâtons de cette épice...
Cet insert, parlons-en ! Le moule principal est une tentative de figuration assez laide de morceau de bois par une tôle emboutie revêtue d’une couche anti-adhésive, achat effectué jadis dans l’urgence chez
y a qu'ça en stock et qu’il faut bien quand-même de temps à autre tenter de rentabiliser… Et il n’y a rien a priori dans la cuisine d’utilisable pour mouler une forme apte à s’y insérer convenablement..
J’appelle la boutique locale spécialisée en matériel de cuisine pour professionnels et particuliers :
« Allo, avez-vous en rayon des moules pour insert dans une bûche ?
-Ah non, il faut le commander ! »
Je commence à me demander si je ne suis pas connecté à un répondeur automatique…
Toujours est-il qu’il me faut improviser. Heureusement je découvre qu’un moule à bûche demi-cylindrique est à peu de chose près de la bonne longueur. C’est lui que j’emplis en premier de la glace à la cannelle sortie de la turbine. Il est aussitôt entreposé dans le congélateur réglé en
super frost afin d’obtenir un barre bien dure. Le faux tronçon de bois en ferraille s'emplit une demi-heure plus tard de la première tournée de glace à la chicorée jusqu’à mi-hauteur. Y enfoncer l’insert n’est pas chose aisée, mais cet objectif finit par être atteint. J’espère simplement qu’il ne subsiste pas de poches d’air…
Pendant le turbinage du reste d’appareil, il faut ranger la bûche. Aïe aïe aïe, il n’y a pas la place dans le congélateur. Et c’est reparti pour le puzzle 3D ! Une partie de la glace est renversée dans le tiroir pendant les grandes manœuvre, il faudra nettoyer. Mais pas tout de suite. Un peu plus tard, le moule est ressorti afin de combler le vide restant avec la deuxième tournée. Ce n’est pas chose aisée. Mais l’objectif est atteint : la bûche glacée sera là demain. Il ne restera plus qu’à achever la présentation.
Et c’est reparti pour la tourtière. Je fonce un moule à tarte Tatin choisi pour son contour plat facilitant la soudure acheté en catastrophe la veille sur Internet (pas possible dans la boutique il faut le commander..) parvenu le matin même - un miracle de Noël ! - avec une pâte brisée façonnée par ma collaboratrice. J’alterne une couche de viande(s),
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...et une couche de viande |
une couche de pomme de terre,
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...et une couche de pomme de terre |
une deuxième couche de viande, une deuxième couche de pomme de terre et une couche finale de viande. Sur chaque couche, sel et poivre rouge moulu. Je recouvre de pâte brisée étalée pas trop finement, colle les deux surfaces mouillées à cet effet, découpe au couteau en suivant la bordure du moule , pince pour assurer une bonne fermeture. Je badigeonne de jaune d’œuf délayé, perce un trou central. Je verse par cet orifice avec l’aide d’un entonnoir qui s’est révélé rapidement peu fonctionnel et superflu pour cet usage deux verres d’un bouillon de bœuf préparé en début de matinée et mis à refroidir.
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Beau dôme |
J’enferme dans du papier d’alu et enfourne pendant une heure à 220°C.
Je sors la tourtière, la découvre, refais le plein de bouillon, emballe à nouveau de papier d’alu, renfourne, mais cette fois ce sera pour environ six heures à 120°C, avec une pause à mi-cuisson afin de vérifier le niveau et lui refaire une beauté par une nouvelle couche de jaune d’œuf. Remise dans son carcan d’alu, elle en sera extraite une vingtaine de minutes avant la sortie du four afin de parfaire la coloration, puis reposera une demi-heure avant d’être servie. Il est quinze heure. Ça devrait être bon pour le timing !
Il me faut maintenant éplucher les
navets arrivés tout juste du jardin et destinés à accompagner cette tourtière : des marteaux et des boules d’or. Une fois parés, je les réserve ans de l’eau salée glacée.
L’heure du repas est enfin arrivée.
La maîtresse de maison a joué le grand jeu. Nappe blanche et pliage festif des serviettes !
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Sapin blanc sur assiette blanche sur nappe blanche |
En entrée, un
foie d’oie mi-cuit d’un artisan alsacien acheté au Salon des Coqs d’Or.
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Il vient d'Alsace |
Pas très canadien, me direz-vous.. Cependant l’oie est une bestiole courante (et volante) chez nos amis Québécois. Alors, bof… Je le sers avec un
chutney de pruneau fort agréable en contrepoint.
Dans les verres, un
Maury ambré dégageant moult fragrances...
Pendant ce temps la tourtière du Lac Saint-Jean dénudée et bronzée s’est langoureusement reposée,
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Dôme redoré |
me regardant finir le glaçage des navets que j’avais commencé en fin d’après-midi après les avoir blanchis cinq minutes dans de l’eau bouillante salée. Ils s’étaient roulés sur la poêle dans cinq millimètres d’eau additionnée de sel, de sucre et de beurre et vite évaporée. Il reste juste assez de liquide pour remettre en température et achever la cuisson.
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Mes navets |
Échaudé par la mésaventure du gâteau, j’ai décidé de ne pas tenter le diable et de poser simplement
la tourtière du Lac Saint-Jean jouxtée du plat de
duo de navets au centre de la table pour y procéder au partage dans le plat sans démoulage hasardeux.
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Elle vient du four |
Il semble d’ailleurs que ce soit une pratique courante pour servir ce plat.
Accompagné d’un excellent vin rouge libanais, un
Wardy Château Les Cèdres 2009, c’était un régal avec sa note gustative de gibier.
Je n’ai pas réussi hélas à me procurer du fromage canadien, pourtant parfois fort bon, alors nous nous en sommes consolés en attaquant les fromages variés d’une
cagette de la maison Beillevaire.
C’était enfin le moment d’attaquer le dessert, servi à l’assiette arrosé d’un trait de sirop d’érable.
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Un beau chômeur |
Eh bien, contrairement à mes craintes, il n’avait rien d’écœurant, car dégageant plus un goût de caramel que de sucre. Même moi qui suis tout sauf un (Qué)bec sucré, j’ai apprécié ce pouding du chômeur ! C’est dire. Et le champagne
Moët & Chandon 2008 recommandé par le caviste pour ce dessert a supporté sans sourciller cette proximité.
Quant à moi, j’étais soulagé après le déroulement convenable de ce repas.
Tout en me demandant si tout se passerai aussi bien le lendemain…
25 décembre.
Début de matinée, corvée d’épluchage : navet, carottes qui vont aller dans une grande marmite avec un poireau, une branche de céleri, un oignon clouté, du persil, une feuille de laurier, une branche de thym, du poivre long, du poivre de Voatsiperifery et être recouverts d’eau froide. Je porte à ébullition et laisse sur le feu une quinzaine de minutes.
Après avoir salé le bouillon ainsi obtenu, j’y plonge mon chapon qui y séjourne à petits frémissements une trentaine de minutes.
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Sous le couvercle en verre... |
Je sors la bête et la dépose sur une plaque à débarrasser.
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Sortie de bain |
Pendant qu’elle refroidit dans son coin, je mets à tremper des champignons séchés dans un peu d’eau tiède, d’une part des cèpes, d’autre part des morilles.
En effet j’ai décidé cette année d’une préparation simple pour le chapon : j’introduis dans son coffre assaisonné de sel fin et de poivre rouge non pas une farce élaborée, mais les cèpes réhydratés, trois échalotes que je viens de tailler grossièrement, deux quignons de pain frottés à l’ail et une petite branche d’estragon. Puis j’empale le chapon (décidément sa vie ne fut pas un long fleuve tranquille...) sur mon support vertical à poulets. Vérification faîte, ça entre dans le four, même si le sommet frôle le grill qu’heureusement je n’utiliserai pas.
Je porte ce four à 230°C et y enfourne la bête assaisonnée. Au bout d’une demi-heure, je baisse le four à 150°C pour deux heures. Je l’arroserai régulièrement avec le jus écoulé au fond du plat dans lequel j’ai versé l’eau de trempage des cèpes. Puis je laisserai reposer le chapon rôti au four à 60°C jusqu’au moment de le découper pour le servir.
Premier arrosage : le tube de métal de la poire se détache, tout le jus prélevé va s’étaler sur le sol. La serpillère doit reprendre du service. Qui c’est qui a mal inséré ? Suivez mon regard.
« Eh, dis, tu n’avais qu’à vider toi-même le lave-vaisselle ! »
Je sens que mon couple rebat de l’aile…
Dieu soit loué, la suite se poursuit sans incidents.
La fin de matinée approche, il est grand temps d’éplucher les deux variétés de pomme de terre, des Samba et des Highland Burgundy, qui s’affronteront côte à côte dans des écrasées destinées à accompagner le chapon rôti.
Je verse à la louche le bouillon de cuisson du chapon dans deux casseroles. J’y plonge les pommes de terre, ajoutant l’eau de trempage des morilles pour les blanches, et une branche d’estragon pour les colorées . Vingt minutes plus tard je les sors et les écrase dans des bassines avec un presse-purée. Je les brasse avec des grosses noix de beurre. Pour l’une -les Samba-, j’ajoute les morilles, pour l’autre des feuilles d’estragon. Je réserve au bain-marie.
L’heure du repas est arrivée…
J’apporte sur la table, en compagnie du reste de la bouteille de
Maury appréciée la veille, le Maréchal de Contades qui tente de camoufler ses imperfections derrière des buissons de cresson.
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Bien que fêlé... |
Je tremble au moment d’en extraire la première tranche… Katastrophe ou pas ?
Ouf, ça ne s’est pas trop mal passé …
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Truffé |
Dans les assiettes, ce Maréchal aurait presque l’air convenable.
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Sous mes yeux |
Il n’en reste pas moins que je ne reprendrai pas cette recette de fonçage. Car, en dehors des problèmes de structure, le goût rustique du saindoux - que pourtant j’apprécie habituellement – écrase les saveurs discrètes et raffinées du foie d’oie.
C’est l’instant de découper
le chapon cendré du Gers rôti.
Madame s’en charge, pendant que je m’occupe de dresser
le duo d'écrasées de pommes de terre. Elle trouve l’animal trop cuit. Je prétends qu’il est à point, je lui fais admirer la peau croustillante, fait remarquer que la chair n’est absolument pas desséchée.
« Oui mais il est trop cuit »
Je sens la rupture se rapprocher à nouveau dangereusement.
Nous apportons malgré tout la succession du Maréchal avec des visages souriants.
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Comment la cendre se transforme en or |
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Garanti sans colorant |
Tout le monde se dispute les lambeaux de peaux dorée. Je suis dans le vrai : le plat est réussi, je viens de créer le chapon laqué sans laque.
Je lève mon verre de
Fixin à la gloire de tous les chapons morts pour Noël ! Celui-ci ne sera pas mort pour rien, n’en déplaise à Madame.
L’unanimité, repue, décide de zapper le fromage.
Ça ne m’arrange pas, car il me faut rapidement finaliser
la bûche glacée. D’abord la démouler.
Mais voilà, le moule n’et pas vraiment antiadhésif… J’ai beau taper, rien ne sort. À vrai dire, je ne suis pas étonné, j’avais prévu l’utilisation du chalumeau pour balayer la surface extérieure de la tôle, il est déjà sur le plan de travail. Je parcours le moule come un soudeur fou, mais rien n’y fait. Je décide alors de poser deux ou trois minutes la bûche au fond de l’évier obturé où j’ai fait couler de l’eau chaude. Sans résultat… Je réitère la méthode du chalumeau. En vain… J’insiste, et enfin, hourrah, la bûche de glace se décroche et vient reposer sur un support d’inox dont je la fais glisser à l’aide d’une spatule sur le plat de service en faïence.
Je saupoudre d’un nuage de poudre de cacao à travers un fin tamis et ajoute en décor deux bâtons de cannelle et trois étoiles de badiane.
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Elle a fini par se rendre |
Oui, je sais, les esprits critique diront que ces étoiles n’ont rien à faire sur une glace aux parfums chicorée et badiane. À ceux-ci je répliquerai que l’arrivée d’un général de division à la table d’un maréchal n’a rien d’incongru.
Là encore, le stress avant la découpe : l’insert a-t-il fonctionné ? Eh bien oui.
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Elle est très bonne |
Le dosage de la chicorée est optimum, de même que celui de la cannelle dont je redoutais une présence trop grande. La crème donne à la glace une texture proche de celle de ces parfaits onctueux que je ne retrouve plus sur les tables des brasseries…
Finalement, malgré quelques péripéties, ces deux repas de Noël 2017 ne furent pas le désastre annoncé.
Un miracle !