mardi 19 décembre 2017

Coup de chaleur

Voici quelques photos qui témoignent du dérèglement climatique dans ma cuisine…

La première atteste de la fonte prématurée de la banquise.

blanc de boeuf, friteuse, fonte
La débâcle


La deuxième révéle les souffrances d’un bœuf de Chalosse sous la chaleur ambiante.

boeuf de Chalosse, entrecôte, gril
Un animal en détresse...


Enfin la troisième montre les traces du passage d’Agata.

frites, Agata
Tristes dépôts !

lundi 18 décembre 2017

Le blé en vert

En croquant les attributs virils de mon poisson, leur aspect et leur consistance m’ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une poissone.
Alors, je vous le demande, pourquoi les femmes auraient-elle le monopole de cette magnifique évolution de la langue française qui nous permet, sans soulever sa jupe, de savoir que l’on a bien affaire à une écrivaine doublée d'une auteure (d'ailleurs je préférerais autrice comme un amateur devient amatrice, un facteur devient factrice et sans nul doute un mateur devient matrice) et non à un écrivain asexué qui n’existerait que par l’écriture -pfff.. !- ? Je déclare donc solennellement que ma limande-sole sera baptisée désormais limand-sol afin de lever toute ambiguïté - sans  précision, point d’égalité !
Tout comme à l’inverse un maquereau garni de rogue deviendra maquerelle, un bar pourvu d’œufs (ah, il est terrible le petit bruit de l'œuf dans un coin du bar, il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim…) s’appellera bare ou encore loupe sur la Riviera, un hareng arborera sa féminité sous le nom de harengue tout comme une sardine sa virilité sous le nom de sardin. Et quelle honte d’appeler un barbu une barbue ! Le brochet dans sa robe irisée méritera bien de se voir brochette. On pourrait ajouter colin/colinemulet/mulette, éperlan/émerlan, saint-pierre/sainte-pierrette, etcétéra, etcétéra - sans oublier le vieux de la vieille

Je pourrais multiplier de tels exemples. Mais il me faut revenir au vrai thème de ce blog : la cuisine.
Ce limand-sol, je me suis contenté de le poser sur la plancha simplement vidé et ébarbé. Après une rapide cuisson, la peau peut se décoller avec la pointe d’un couteau, et il ne reste plus qu’à lever les filets qui se détachent facilement de l'arête centrale.

limande-sole, plancha
Limand-sol sur sa plancha


Je voulais changer de mon accompagnement habituel de riz. J’ai remplacé cette céréale par du frekeh, blé vert grillé à la flamme. Je l’ai cuisiné façon risotto.

Je prépare un bouillon de crustacés - concocté par Aryaké, je l’avoue. Je le laisse frémir sur une petite flamme, une fois les sachets infusés puis retirés. Je fais fondre dans une cuillerée d’huile d’olive trois échalotes coupées en deux au fond d’une sauteuse, puis ajoute un verre de grains de blé vert. Une fois qu’ils commencent à peine à colorer, je verse un verre de bouillon et plonge une feuille de laurier et une branche d’origan. Ils s’imbibent, se gonflent, et bientôt il ne reste presque plus de liquide. Je reverse du bouillon, touille de quelques tours de mouvette. Je poursuivrai ainsi une quarantaine de minutes, jusqu’à ce que le frekeh soit cuit, légèrement al dente à cœur. Je retire alors du feu et réserve au four à 60°C après m’être débarrassé du laurier et de l’origan, le temps de faire cuire le limand-sol, profitant de la plancha pour y caraméliser quelques cercles prélevés sur un petit oignon qui vont aller se poser sur mon "frekhotto" avec quelques feuilles de menthe comme voisines.

frekeh, blé vert
Frekhotto ou blesotto ?


Ben, c’était bien bon, ce blé vert et cette chair  blanche que j’ai arrosée dans l’assiette d’une sauce rouge, sorte de sauce vierge rudimentaire constituée de jus de citrons vert et jaune, d’huile d’olive et de poudre de piment d’Espelette

samedi 16 décembre 2017

Hongrie encore plus fort

boudin, Hongrie, hurka, poivrons farcis au choux
Revoilà du boudin

Récidive… J’ai encore fait du boudin !
Et encore du boudin hongrois. Mais cette fois-ci du boudin non pas aux abats, mais au sang, le veres hurka, plus proche du classique boudin de nos campagnes même s’il contient du riz.
Je l’ai accompagné de poivrons farcis de choux à l’aigre doux, des káposztával töltött paprika. Ils baignaient dans leur jus flanqués de piments allongés, aussi, même si le vendeur qualifie cette spécialité de légèrement piquants, ces boules pâlottes à l'aspect innocent dégagent bien ! Même moi qui adore escalader sans broncher l’échelle de Scoville, j’ai dû reconnaître que ce léger était trompeur. J‘ai imaginé la tête de mes petites-filles si on leur avait servi ce mets… Hurlements garantis.
Mais en ce qui nous concerne, mon épouse et moi, nous avons éprouvé un grand plaisir à alterner les bouchées de boudin et de poivrons farcis. Un festival de haut goût...
J’avais aussi posé dans l’assiette une cuillerée de sauce au raifort. Elle s’est révélée inutile, dépassée qu’elle était par les événements. La capsaïcine a battu la gluconasturtiine par KO !

vendredi 15 décembre 2017

De toutes les couleurs

Il restait à la cave un des giraumons récoltés dans le jardin.

giraumon
Giraumon monté aux étages

Il fallait bien qu’il passe à la casserole, ou plutôt à la sauteuse.
J’ai choisi une recette qui me rappelle des souvenirs de mon enfance, quand ma tante d’origine guadeloupéenne préparait des giraumonades dont je me régalais.
J’ai repris cette savoureuse recette, un peu adaptée car je n’avais pas de cives sous la main.
Faute du vrai giraumon antillais, ma tante utilisait des pâtissons appelés aussi bonnets d’électeur, quant à moi, si la dénomination est bien là, le produit est quand même autre que celui cultivé dans les Îles. Mon giraumon donne un résultat avec un peu plus de sucre et de corps que le pâtisson, mais ces nuances distinctives sont quand même subtiles…

J’enlève l’écorce de mon giraumon, le débarrasse de ses graines. Si je voulais donner encore dans la nostalgie, je parlerais des graines de potiron brunissant en sautillant sur la plaque du fourneau à charbon familial avant d’être croquées avec gourmandise… Celles que je prélève sont encore plus dodues, mais je ne vais quand même pas allumer la flamme sous la plaque !
Je découpe sa chair en cubes de deux à trois centimètres de côté. Je les mets à fondre au fond de la sauteuse sur une cuillerée d’huile avec une pincée de gros sel. D’habitude j’utilise de l’huile d’arachide, mais en son absence momentanée de mes étagères, je la remplace aujourd’hui par de l’huile d’olive.
Je couvre, et pendant que la cuisson se poursuit à feu doux, je hache quatre gousses d’ail dégermées ainsi que plusieurs piments végétariens, verts et rouges réunis, que je cueille sur le pied installé à côté d’une fenêtre. Je cisèle une poignée de persil.
Je soulève le couvercle, verse cette découpe sur le giraumon et brasse. Comme je n’ai pas de cives (décidément, à l’arrivée de l’hiver je me trouve fort dépourvu…), le persil va fournir la verdeur, et comme en revanche j’ai la chance d’avoir sous la main un flacon de vinaigre de canne à sucre antillais aromatisé à la cive, ce dernier va fournir le parfum.
Je renforce le piment végétarien par une petite cuillerée de piment rouge à la vigueur manifeste - je viens de le goûter pour évaluation…
Il ne me reste plus qu’à laisser compoter.
Un quart d’heure plus tard, le légume est prêt.

giraumonade,giraumon, Antille
Giraumonade

Il est destiné à accompagner les pavés de saumon que je cuis rapidement à l’unilatéral et que je pose sur les assiettes.

saumon, unilatérale
Saumon...

Dressage que l’on qualifiera de bâclé, simpliste, minimaliste ou épuré suivant son  degré de sévérité ou de flagornerie.

jeudi 14 décembre 2017

Mort d'un cornichon

J’avais déposé un Mont d’Or au fond d’un récipient en terre offert pour l’achat d’un de ses frères aînés au temps jadis. J’avais découpé à sa surface une croix avec la pointe d’un couteau, ce qui m’avait permis de soulever quatre pans de la croute vallonée. Dans la cavié obtenue j’avais versé un petit verre de vin blanc et inséré quelques éclats d’une gousse d’ail. Après que j’ai donné plusieurs tours de poivre rouge du moulin, je n’avais pas pu m’empêcher de jeter un coup d’œil sur les épices, me demandant si j’allais ajouter par exemple un peu de ce poivre de Voatsiperifery si parfumé, quand mon œil avait été attiré par un pot contenant de la poudre de mousseron séchée. Mais oui, son parfum délicat de sous-bois devait bien s’allier dans une sorte de camaïeu avec celui de la fleur du fromage !
J’ai pris le risque, j’ai saupoudré…

fromage rôti, Mont d'Or
Perspective sur le Mont d'Or

Puis j’ai enfourné à 190°C.


Un quart d’heure plus tard, je dresse un état des lieux : le fromage est bien fondu, mais la dessus n’est pas doré .
Je renfourne sous le grill allumé. Au bout de cinq minutes, le Mont d’Or a pris des couleurs. Il peut sortir.
Quelques lambeaux découpés dans l’épaule de Bellota lui fourniront un goûteux accompagnement.
Un peu d’acidité en contrepoint sera la bienvenue dans ce qu’il faut quand même bien appeler un festival du gras… Je dispose  une douzaine de petits cornichons dans une coupelle.
Et là c’est le drame. Un cornichon, sans doute par l’odeur alléchée, n’a pas meilleure idée que d’aller piétiner la surface du Mont d’Or. Ce qu’il ignore, c’est qu’il évolue sur du fromage mouvant ! Rien ne peut l’empêcher de s’enfoncer inexorablement. Même dans la position du pèlerin couché conseillée aux lambins de la baie du Mont Saint-Michel, la lise continue à l’engloutir. On n’aperçoit plus que la main du malheureux, et bientôt ce ne seront plus que cinq doigts désespérément  dressés vers le ciel qui émergeront.

Mont d'Or rôti
Fait d'hiver

Au secours, au secours ! C’est lui qui m’a poussé !

mardi 12 décembre 2017

Une affaire sordide

Ce malheureux  lyonnais ne soupçonnait pas le sort qui l’attendait quand il a répondu à une invitation en région parisienne.

Il croyait prendre un bon bain dans un jacuzzi, prémices à un bonheur plus accompli.

saucisson lyonnais
Sur le banc des jacuzzis

Quarante minutes plus tard il était dépouillé !

saucisson lyonnais
Dépouilles

Mais ce  qui n’aurait pu être qu’un banal entôlage s’est transformé en crime sordide : le lyonnais fut  plongé dans un coffrage au sein d'une pâte  mouvante constituée de 250g de farine, 3 œufs, 20cl de crème fraiche et 1 sachet de levure chimique.

pâte, brioche, saucisson lyonnais, oeufs, crèm, levure chimiquee
Derrière les barreaux

La bétonnière avait bien tourné en cette soirée fatale !

pâte, saucisson brioché
Silence, on tourne !

On imagine le corps s’enfonçant doucement dans ce qui allait devenir son cercueil, le criminel impatient activant cette descente aux enfers par l’aiguillon d’une longue perche et soupirant d’aise quand la masse visqueuse avait englouti son forfait…

saucisson brioché
Le masque de fer

Cet homme pressé ne sut pas attendre simplement la prise de son ciment, il fit subir au coffrage un passage à 180°C durant quarante nouvelles minutes.
Devant la croute dorée, il se réjouissait d’avoir effacé toute trace : le corps était bel et bien disparu pour toujours.

saucisson brioché
Sous la croute, le corps

Du moins le croyait-il…. Car un voisin, citoyen plus exemplaire que ceux de Landru à Gambais, alerta les autorités à propos d’odeurs inhabituelles sur son palier.
Nous avons retrouvé cette personne qui se qualifie lui-même en toute modestie d’homme ordinaire. Elle nous a décrit ces effluves :
« Ce qui m’a paru bizarre, c’est que l’on sentait comme un parfum de morille, alors qu’on est loin de la forêt et que de toute façon ça n’est pas la saison. Et puis un autre relent de champignons ( des trompettes de la mort, les bien nommées NDLR ) se mêlait à ce qui ressemblait bien à une odeur de chair, mais une chair qui n’est plus de la chair, si vous voyez ce que je veux dire… »
Nous ne voyons toujours pas... Mais grâce à ce signalement la police est intervenue (presque) immédiatement et a procédé à un décoffrage. Le parallélépipède a été livré au célèbre médecin-légiste, le Professeur Chaud-Rond.
La découpe lui livra une vision d’horreur dont nous avons pu nous procurer une photo.

saucisson lyonnais, brioche
Tranche de vie


Le distingué praticien n’a voulu se livrer à aucune déclaration. Nous savons simplement par une indiscrétion de garçon de laboratoire que le lyonnais avait ingéré des pistaches avant sa triste fin.

dimanche 10 décembre 2017

Mezzo mezzé

J’aime le crissement sous la dent de la surface zébrée de brun quand on déguste du fromage halloum grillé à sec dans une poêle. Sensation jouissive -tout au moins pour moi, car je sais que d’aucuns détestent tout au contraire ce qui leur rappelle le déplaisant souvenir d'un dérapage de craie sur le tableau noir- comparable à celle ressentie en mordant la croute noir ébène d’un tourteau fromager…
J’ai inséré ce petit bonheur dans le cadre d’un mini mezzé, ronde se quelques plats autour d’un parfumé verre d’arak de Kefraya.

Mezzé rudimentaire, comprenant sur des lits de salade du jardin :

- des bâtons de halloum grillés parsemés de menthe séchée et arrosés d’un trait d’huile d’olive ainsi que de quelques gouttes de jus de citron
- du hommos
- des rondelles de saucisse soujouk séchée
- des tranches de bastorma
- des condiments (olives, concombres sauvage, feuilles de menthe fraîche, citron)

mezzé, halloum, hommos, bastorma, soujouk, arak
Mezzo mezzé
Hélas, la saison ne permettait pas de réaliser un taboulé façon libanaise, avec moult persil et quelques tomates bien goûteuses… Cette pause rafraichissante manquait cruellement.

Après ce repas tout compte fait pas si frugal que ça, un dessert libanais s’imposait.
J’ai sorti de leur boîte quelques baklavas aériens, pas écœurants le moins du monde contrairement à beaucoup de leurs frères baignant dans une mare de glucose…

baklavas
Bons baklavas


L’un deux porte le surnom de kol w'chkor, ce qui signifie mange et remercie.
Alors, merci mille fois !