C’est décidé, cette année mon Noël sera déstructuré.
Eh oui, pour moi la magie de Noël manque de sel.
Maggi de Noël |
Aussi c’est avec une grande satisfaction que je vais narguer le ramoneur à la barbe moisie. Quoi de plus odieux que ce personnage ! Non seulement il trompe les moins éveillés de nos rejetons en leur faisant croire qu’il existe, utilisant de piteux subterfuges qui vont de l’embauche de clodos couperosés, dont fort heureusement - merci COVID - l’haleine empestant la vinasse va épargner cette année les têtes blondes qu’ils agrippent sur leurs genoux cagneux en dépit des cris et pleurs de désespoir, jusqu'à la subornation de parents pauvres invités aux agapes familiales moyennant une pitoyable prestation - la houppelande rouge de la honte et la barbouze en filasse habillant le malheureux d’un ridicule qui ne tuera point les appétits, sauf ceux des gens sensibles comme moi.
Ceci n’est cependant pas le pire, et un minimum de ruse permet
d’échapper à ces chausse-trappes. Les dégâts collatéraux sont encore plus
abominables.
Ah, ces grotesques villas SAM SUFFIPAS enguirlandées
clignotant à tout va leurs couleurs agressives sous l’admiration des passants honnêtes
et le ricanement des pervers nains de jardin… Ah, ces envahissants marchés de Noël
qui défigurent nos plus belles cités dans l’exhibition d’un pseudo-artisanat
mercantile - leurs vins chauds frelatés, j’ai envie de le cracher à la gueule
des marchands du Temple… Ah, ces recyclages de décors à la pékinoise démontrant
que qui veut faire l’ange fait le dragon dans de mortelles animations qui éblouissent
les gogos par leurs criardes fulgurations.
Et ces réveillons à la festivité citoyenne et obligatoire…
Alors, je confirme, cette année, je nique le Daron Noël !
Je serai un précurseur. Le plat déstructuré, c’était tendance, eh bien je lance
la festivité déstructurée. Un bout par ci, un bout par là…
En ce jour, premier acte : le plateau de fruits de mer.
Qui d’ailleurs sera lui aussi déstructuré dans l’espace-temps (à suivre… ).
Je sers un plateau camarguais, que je baptiserai entre
pourpre et violet. Il comprend le pourpre, des murex que j’ai fait cuire une vingtaine
de minutes dans de l’eau très salée où je les ai jetés à froid après deux heures
de dégorgement, et le violet, des fruits de mers éponymes que je tranche en
deux pour en faire apparaître la juteuse chair jaune, regorgeant de saveurs
iodées, protégée par une coriace cuirasse. Entre, des petits oursins qui m’envoient
des embruns de Méditerranée quand je les décapite.
Plateau entre pourpre et violet |
Je dispose aussi d’un kilo de palourdes blanches de Camargue
- ouais, des émigrées de nième génération, il suffit de reluquer leur carte d’identité
où figure l’inscription Ruditapes Philippinarum, mais très jolies sous leurs
bariolages multiples et aussi bonnes que les palourdes grises autochtones.
J’en prélève la moitié que je dispose sur un autre plateau.
De la palourde sur la planche |
Citron et bol de mayonnaise posé sur la table, seau où gît une bouteille de Gros-Plant au milieu de glaçons (oui, un blanc de Cassis eut été plus en situation, mais je ne suis pas assez prévoyant… ) et nous pouvons nous exclamer
« Joyeux L o e n ! ».
Pour le lendemain il me reste une livre de palourdes. Je les
destine à un plat de pâtes - des fettuccine all’uovo - aux coquillages. Ma
première intention était de cuisiner des tellines, mais des conditions
climatiques défavorables à sa pêche ont fait tomber mon projet à l’eau où il a sombré
dans un oubli forcé.
Je rince bien mes palourdes après un quart d’heure dans l’eau
froide pour évacuer les souillures éventuelles. Je verse un petit verre de vin
blanc sec - un reste de sauvignon de cuisine - dans une casserole. Je fais plonger un oignon partagé en quatre, deux feuilles de laurier, des brins de romarin, d’origan
et de persil, une gousse d’ail, six baies de la Jamaïque, un clou de girofle.
Je porte à ébullition, ajoute les palourdes. Je recouvre d’un couvercle, agite
la casserole afin qu’aucun coquillage soit privé de la chaleur du fond. Rapidement,
toutes les palourdes sont ouvertes, sauf deux que j’écarte sans pitié. Sur le
feu voisin réglé au minimum se trouve une poêle dans laquelle j’ai versé deux
cuillerées d’huile d’olive et une persillade obtenue en hachant cinq gousses d’ail
et un petit bouquet de persil. Je complète du jus de la casserole d’ouverture
des palourdes filtré à travers une passette à mailles fines. Je laisse réduire légèrement
à feu doux pendant que la grande casserole emplie d’eau salée monte en
température. J’en profite aussi pour extraire la chair de la majorité des
coquilles, ne conservant que quelques palourdes entières que pour le visuel des
assiettes.
Ça y est, l’eau s’est mise à bouillonner.
J’y plonge les pâtes que je retire au bout de deux minutes pour
les transférer dans la poêle où elles poursuivent leur cuisson pour la minute
manquante. Je retire du feu, ajoute la chair des palourdes et brasse.
Palourdes empâtées |
Passons au dressage ! Je dépose un monticule de fettuccine au creux de chaque assiette que j’agrémente d’un sextuor de palourdes non décortiquées décoratives. J’arrose d’un bon filet d’huile d’olive. Je termine par un tour de moulin de poivre noir de Penja.
Pâtes à la plage |
Nous pouvons nous exclamer « Joyeuses Pâtes ! »