J’inaugurais une nouvelle procédure que j’avais imaginée pour le façonnage d’un pâté aux prunes.
Jusqu’à présent j’utilisais un cercle en inox. Mais il était impossible de le retirer pour la finition au moment crucial où l’on constitue le joint entre le disque de pâte supportant les prunes et le second disque qui les recouvre, car sinon le bourrelet de la soudure empêchait de le remettre en place. Autant dire que le résultat de la manip pendant que le haut de la feuille d’inox me gênait dans l’action du bout des doigts de mes paluches déjà pas si agiles que ça ne me donnait qu’une satisfaction toute relative.
Ma solution : le moule à charnière.
Aussi étais-je tout content, après avoir déposé ma pâte brisée au fond d'un tel moule et l’avoir garnie de belles reines-Claude (orthographe de Flaubert…) de la replier sur le dessus avant de trancher l’excédent suivant un cercle un peu plus petit que le diamètre du moule, puis d’écarter le bord du moule en basculant le petit levier : j’avais ainsi libéré l’espace pour pincer à l’aise !
Bon, c’est terminé, ce n’est pas parfait, mais au moins je n’aurai pas ce trottoir pavé de bonnes intentions mais trop brut de coffrage qui cerne de malheureuses reines qui n’en demandaient pas tant…
Je referme l’entourage du moule à manqué qui vient prendre le pâté dans son étau.
Un coup de pinceau de jaune d’œuf battu avec de l’eau, une petite incision en croix pour faire cheminée, et je vais pouvoir enfourner.
Enfer et damnation !!! Je me rends compte subitement que j’ai oublié de saupoudrer de sucre les reine-claudes (orthographe de Colette…). Heureusement, tout n’est pas perdu, petite incision deviendra grande. J’obtiens une fenêtre carrée en soulevant les pans, par laquelle j’introduis le sucre en poudre. Et comme le pâté est dans un moule, je peux incliner dans tous les sens afin de disperser les grains vers le bord - avantage collatéral de ma méthode…
Une quarantaine de minutes plus tard, le pâté sort du four.
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Pâté crucifié
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Ouf, ma bévue est réparée !
Ce ne serait rien si quelques jours plus tard je n’avais encore oublié le sucre en enfournant une tarte aux mirabelles.
Elle était déjà depuis huit minutes au four quand j’ai pris conscience de cet oubli. À ma décharge, cette tarte avait été réalisée par ma conjointe tenant le rôle de pâtissière domestique (et non domestique pâtissière, je tiens à le préciser…) qui, après avoir rangé en beaux cercles concentriques les demi-mirabelles dénoyautées, avait dû partir en coup de vent vers un rendez-vous extérieur en me glissant rapidement au creux de l’oreille : « Je suis pressée, je te confie la suite… » Pour être honnête, elle avait quand même ajouté : « je n’ai pas mis le sucre afin d’éviter que les prunes ne rendent du jus et ne détrempent la pâte ».
Mais voilà, le four n’avait pas encore atteint la bonne température, et j’étais parti vaquer à d’autres occupations. Le petit bruit du thermostat coupant, le chauffage, j’accours, j’enfourne…
J’ai donc sorti du four la tarte en début de cuisson, pensant que c’était moins dommageable que pour une pâte levée, une brioche par exemple. J’ai réparti le sucre en poudre, et j’ai réenfourné.
Une demi-heure plus tard, la tarte aux mirabelles était cuite à point. Sauf que…
Bien que piqué à la fourchette avant la dépose des fruits (j’en ai obtenu la confirmation) le fond de celle-ci est tout bombé, gonflé comme une montgolfière. Alors une théorie s’ébauche dans ma tête : ma sortie du four et le refroidissement induit par cette évacuation impromptue n’auraient-ils pas induit un phénomène comparable à la formation des pommes soufflées ? Il me faudrait me lancer dans une expérimentation…
En attendant, quelques coups des pointes d’une fourchette, et la baudruche se dégonfle. Je dois toutefois remettre en place les mirabelles que la pente a fait glisser vers le bas.
Ouf ma bévue est réparée !
Malheureusement, pas d’images de cette tarte aux mirabelles. J’ai oublié de la photographier…
Ah, la vieillesse est un long naufrage. Alzheimer ou sucrer les fraises, il faut choisir…
Si l’on peut !