J’ai d’abord eu un mouvement d’étonnement en voyant cette photo :
J’avais gardé, par leur fréquentation dans une époque pas si lointaine que ça, le souvenir de gîtes ruraux nettement plus avenants, pour ne pas dire pimpants.
La France d’en bas en serait-elle arrivée à ce triste niveau de décrépitude ? Un tel hébergement pour les cochons de payants que sont les touristes… Quelle honte ! Dans quel monde vivons-nous?
Mais un regard plus approfondi m’oriente vers ce qui me semble être la vraie explication.
Voilà le résultat de trop de liberté accordée à des cochons. Surtout s’ils sont gascons…
Perce-Bedaine et Casse-Trogne
Sont leurs sobriquets les plus doux ;
De gloire, leur âme est ivrogne !
Perce-Bedaine et Casse-Trogne,
Dans tous les endroits où l’on cogne
Ils se donnent des rendez-vous…
Perce-Bedaine et Casse-Trogne
Sont leurs sobriquets les plus doux.
Et zou, l’on commence par quelques incivilités, l’on va fourrer son groin dans le champ d’un voisin, l’on glande en territoire prohibé. Les petits larcins deviennent de gros casses, et l’on se laisse aller à chourrer des camions qui permettent de s’établir un camp style voleurs de poules (ou plus si affinités).
Cependant il y a une justice. La fumette devient fumage au bois de hêtre, et l’on passe du car jacking au fast cooking.
Quant à moi, je passe à la dépouille. Celle de quatre saucisses achetées sur le Net à un dealer landais souteneur de truies gasconnes. Dans quel monde vivons-nous ! N’empêche… Pourtant, que la saucisse est belle, comment peut-on s’imaginer en voyant une harde de gorets qu’la charcutaille va arriver ?
Si je vire cette peau, c’est pour le bon motif : obtenir une chair à saucisse de qualité afin de réaliser mon plat. Et dire que quelqu’un s’est évertué à pratiquer l’embossage, pour voir le fruit de son labeur destroy quelques jours plus tard… Dans quel monde vivons-nous !
Mon plat, c’est un alignement de fleurs de courgettes farcies entrelardé, si j’ose dire, de petites tomates coiffées de la même farce.
Alors, bien entendu, c'est par la confection de cette dite farce qu'il me faut commencer.
Avant mon opération dépouille, j’ai mis à tremper une grosse poignée de mie prélevée sur un pain maison
Avant le sacrifice |
dans un demi-verre de lait prélevé sur la bouteille de lait cru destinée à être transformé en yaourts maison. Le pain a absorbé presque entièrement le liquide, je peux donc verser ce mélange dans le cul-de-poule où se trouve la chair à saucisse. Je cisèle le plus finement possible une petite échalote, trois gousses d’ail, un brin de persil et des feuilles de romarin. Je bascule ma planche sur le récipient, fait tomber les feuilles d’une branche de thym et d’une autre d’origan. J’assaisonne de plusieurs tours de moulin de poivre rouge et d’une bonne pincée de piment d’Espelette. Je mélange bien, manu coqui - des pognes même pas passées au gel hydroalcoolique.
L’heure de la tâche la plus ardue est venue : farcir mes dix fleurs de courgettes (d’espèces diverses mais à l’ouverture de la corolle aussi rétive pour les unes que pour les autres…). Je confectionne avec ma mixture des ballons de rugby pour Lilliputiens que j’insère tant bien que mal par la petite ouverture. M’est avis que la prochaine fois je passerai ma farce au mixer afin d’obtenir une sorte de crème épaisse à insérer avec une poche à douille...
Bon, j’ai enfin réussi à farcir mes fleurs de courgette. Je les aligne au fond d’un plat en fonte rectangulaire que j’ai barbouillé d’huile, côte à côte et en alternance (comme de vulgaires étudiants). Je m’empare de petites tomates arrivées le matin du jardin, Des Gardener’Delight… Vont-elles mériter leur nom de variété ? Pour l’instant, je les décapite, m’emparant sans vergogne de ces soustractions afin de combler un petit creux qui commence à se manifester dans mon estomac - ben oui, elles sont charnues, sucrées et parfumées, j’en ai même oublié de parsemer ma prise de guerre d’une pincée de sel. Je répartis le reste de farce sur les surfaces découpées et dispose mes dix fruits entre les fleurs de courgette. J’ajoute une feuille de laurier, une branchouillette de romarin et un chouïa de persil.
Eh ben ça y est, le plat est prêt à passer au four.
Gasconades |
Il y restera à peu près une demi-heure à 170 °C.
Je le sors, la cuisson me semble réussie, néanmoins je réenfourne pour cinq minutes à 200 °C afin d’obtenir une coloration. Je verse un trait d’huile d’olive final.
Les fleurs sont cuites |
Le plat arrive sur la table, l’on se sert avec une bonne franquette toute méridionale. En même temps, à deux, c’est plutôt facile. Et l'on se régale. Le Gascon a tenu sa promesse. Cochon qui s'en dédie!
Diversité... |
Ces farcis sont copieux, il reste de quoi se régaler une seconde fois. Le lendemain ces reliefs seront présentés froids, en les arrosant de quelques gouttes de balsamique blanc. Comme souvent, ce service différé est encore le meilleur, par l’alchimie de fragrances s’étant joyeusement mélangées.
Et personne ne pourra venir me dire que ce n’est que du réchauffé !