mercredi 2 octobre 2019

Comment faire bonne chair sans vraiment se fatiguer

J’ai aperçu sur l’étal du boucher charcutier un bac empli de chair hachée sur laquelle était fichée une étiquette : « FARCE PORC ET VEAU ». Comme j’avais ajouté dans mes bagages la dernière récolte de tomates du jardin, comme je regrette souvent de ne pas disposer de veau haché, comme je revendique le droit à la paresse - surtout quand je suis en villégiature-, je me suis empressé d’acheter une livre de cette bienvenue préparation afin de farcir les plus gros exemplaires de cœurs de bœuf.
Le maître des lieux m’a confirmé que cette chair était déjà bien assaisonnée par ses soins. Ses charcuteries et plats maison sont toujours de haut goût - ce qui n’est pas hélas toujours le cas chez tous les artisans en ces terres où les habitants me semblent avoir la papille frileuse-, aussi je lui ai fait confiance et me suis contenté de creuser les tomates et y insérer la farce telle quelle.
J’ai posé ces tomates farcies sur un lit d’herbes aromatiques cueillies dans la cour recouvert de l’abondante chair provenant des cavités, et zou, cinq gousses d’ail fraîchement récolté, une bonne pincée de sel et quelques grains de poivre ainsi qu’un clou de girofle. Je savais que beaucoup de jus en sortira, mais tant mieux, nous, on aime !
Quarante-cinq minutes au four à 180 °C, et c’était prêt.


tomates farcies
Coeurs de boeuf, chair de porc et de veau


Il ne restait plus qu’à poser les tomates sur les assiettes arrosées de quelques cuillerées de jus et tomate compotée prélevées au fond du plat.

tomates farcies
La possibilité d'une île


Pour ma part je me suis régalé. Il paraît que mes farces sont encore meilleures.
Possible, mais celle-ci m’ajoute certes le goût de la facilité mais surtout celui de la découverte. Et pas de repentirs sur ce que je n’ai pas mis ou ce que je n’aurais pas dû mettre…

mardi 1 octobre 2019

Bernache, bernique !

Je viens d’arriver sur mes terres poitevines…
Je pensais y effectuer une cure uvale. Aussi, la voiture à peine déchargée, j’ai repris le volant pour me rendre chez le caviste de la petite ville voisine afin de me procurer la bernache propre à accompagner les rillons et les rillettes de mon petit boucher charcutier favori. Mais le repas traditionnel simple mais festif saluant mon retour automnal en terre ancestrale a dû se passer du breuvage tant attendu. La bernache nouvelle n’est pas arrivée, quant à elle ! On l’attend pour les prochains jours.
J’ai dû me résoudre – sans trop de tristesse néanmoins- à déboucher une dive bouteille de chinon, qui a effectué le miracle de me faire oublier l’absente bernache.


Le surlendemain, autre déception en parcourant mon petit marché tourangeau : c’est la période des naissances ovines, et point de ces tomes goûteuses de brebis ni de ces yaourts crémeux, le berger a d’autres occupations. Un petit panneau indique que tout reprendra son cours en décembre. Mais alors c’est moi qui ne serai plus là…

Une bonne surprise cependant : un marchand de fruits de mer, dont le déclin attristant de la qualité de son offre m’avait fait abandonner une fréquentation quasi hebdomadaire pendant mes villégiatures, semble avoir repris du poil de la bête (si tant est que les huîtres aient des poils) comme en témoignent à la fois la vue de son étal et la renaissance de ces files d’attente de clients qui m’agaçaient et me rassuraient tout à la fois. Il faut encourager la bonne volonté, alors je me suis senti obligé de me lancer dans l’achat non prévu d’un petit plateau de fruits de mer.
Le soir, je me suis donc attelé à l’ouverture des huîtres, une douzaine de fines de claire et une demi-douzaine de spéciales. En les disposant sur le plat en compagnie des palourdes, des crevettes grises et bouquets d’Oléron, je ne peux m’empêcher de songer au plateau de fruits de mer servi il y a quelques jours par ma fille en entrée du repas qu’elle nous avait préparé.


plateau de fruits de mer
Amateur



plateau de fruits de mer
Pro



Je glisse sur la même pente comparative à propos du plat servi ensuite, un poulet rôti au couscous parfumé sur son lit de patates douces à la façon de Jamie Oliver.
(Un poulet farci de graines de couscous brassées avec dattes, abricots, figues, raisins, pignons de pin, amandes, menthe et persil plat grossièrement hachés, le zeste et le jus d’1 orange et d’1 citron, 2 cuillerées d’huile d’olive et imbibées par 1 verre d’eau tiède, puis badigeonné d’huile d’olive et enrobé d’épices écrasées au mortier avec du gros sel (graines de fenouil, graines de coriandre, graines de cumin, graines de cardamome, cannelle, grains de poivre noir), enfin posé sur un mélange de pommes de terre et de patates douces pour être enfourné 30 minutes à 190 °C et ensuite 1 heure à 170 °C.)



Poulet Jamie Oliver
Amatrice

Poulet Jamie Oliver
Pro



 
Ben, là, la différence n’est pas flagrante…

Quant au Tourment d’Amour qui était ma contribution à ce repas, il est difficile de trouver une référence vraiment pro, car il s’agit d’un dessert ménager, même s’il est proposé par certaines boutiques.


tourment d'amour
Amateur


tourments d'amour
Pro


 
La recette en est simple. Il s’agit d’un fond de pâte brisée recouvert d’une couche de confiture de noix de coco, éventuellement une couche supplémentaire de confiture de fruit – en général de goyave- pour finir par une pâte à génoise.
Pour ma part, bien que cette pâtisserie soit en général présentée sous forme individuelle, je l’ai réalisée en grand format à partager. Hérésie ? Pas forcément, plutôt un retour vers la genèse si j’en crois cet excellent article fort documenté :
 
 
Je me suis inspiré de la procédure décrite avec dynamisme sur le site Prez K Facile.



N’ayant pas trouvé de confiture de goyave, je l’ai remplacée par de la confiture de banane et agrumes.

tourment d'amour
Tourmenté



Pas mauvais, ce tourment, bien qu’un peu trop sucré à mon goût…
Et pour une fois qu'il y a vraiment de l'amour dans une préparation, même si ce n'est que dans  le nom !

samedi 28 septembre 2019

Au revoir Ma darne

La dérive des métiers de bouche ne cessera de m’étonner. Sur les médias paradent les artisans de l’extrême, allant à la quête du Grall-Double dans les quatre coins de la planète pour trouver l’éleveur psychotique qui fait masser son troupeau par la plus compétente pensionnaire du lupanar local recommandée par la mère maquerelle -ou, mieux encore, testée sans complaisance par l’exigeant paysan en personne personnellement, pour reprendre la formulation dénuée d’ambiguïté du dévoué Catarella s’adressant au commissaire Montalbano- et qui héberge dans une masure insalubre un violoneux local, voire un joueur de biniou ou un tapeur de bambous -tout dépend du contexte-, lui offrant gîte et couvert en contrepartie de l’exécution de valses tristes, rumbas ou autres mazurkas destinées à ravir les oreilles musiciennes du cheptel qui finiront farcies sur les meilleures tables.
Bref, l’amour et le bonheur doivent être dans le pré avant qu’un grand sacrificateur ne vienne occire la bête une nuit de pleine lune à l’aide d’une lame de silex pendant qu’un chœur de neuf pleureuses recrutées (difficilement) parmi les jeunes vierges présentables des environs psalmodie un chant lancinant pour que l’âme de la victime soit acceptée au Paradis, condition nécessaire pour que l’on soit remercié de son respect par une viande merveilleusement tendre et goûteuse.
Néanmoins je sens que ma vision est dépassée. Je ne doute pas que bientôt un Boucher de l’Espace viendra maturer sa viande sur cette planète Mars si propice à nous conduire vers la perfection.
En ce qui concerne vingt mille lieues sous les mers, les artisans d’élite s’efforcent de nous afficher sur chaque poisson le nom du bateau qui l’a pêché. L’on sait déjà si c’est une ligne qui a été utilisée. Bientôt l’on connaîtra l’appât -bio, bien entendu- qui a attiré funestement la victime. Il existe même Super Poissonnier capable -si l’on ne se trouve pas trop loin de l’océan- de vous tuer l’animal à quelques centimètres du plan de cuisson. Une saveur exceptionnelle, vous dis-je !

Mais dans ma vie quotidienne ? La préposée aux côtes de porc effectue un massacre sans tronçonneuse. Le garçon boucher est le baron de la Tranche en Biais, et le nouveau volailler remplaçant le compétant retraité joue et rejoue dans ses découpes le naufrage de la belle poule. Quant au tripier, il est porté disparu, plus personne n’est digne de foie.
La même incompétence (ou manque de motivation ?) se rencontre dans le domaine de la poissonnerie, où qui demande de se faire préparer un poisson s’expose à le voir revenir comme éventré par un morse affamé ayant renoncé à poursuivre devant l’amertume de la peau noire résiduelle.

Je n’ignorais donc pas la méconnaissance du produit devenue monnaie courante, et la technique sommaire dans son traitement. Mais là quand même je suis tombé de haut.
Projetant de concocter une vague ratatouille destinée à profiter des récoltes du jardin (grosse aubergine, courgettes vertes et blanches, poivron jaune, tomates diverses) j’avais envisagé de la servir en accompagnement d’une tranche de saumon simplement grillé. Diététique, ce plat, pas vrai ?
Dialogue client-poissonnier autour de l’étal de l’ex meilleur marchand de produits de la mer sous les halles locales :
« Bonjour. Je souhaiterais acheter du saumon ; je vois qu’il s’agit de Label Rouge d’Écosse, c’est bien, mais je ne vois pas la découpe que je souhaite..
- Kekcé que vous voulez ?
- Ben, j’aurais préféré une darne.
- Une quoi ?
- Une darne.
- Kekçékça !!!!! »
Et c’est ainsi que la paresse de consommateurs arêtophobes qui nous orientent progressivement vers une nourriture prémâchée et la rapacité de commerçants rechignant à embaucher du plus coûteux personnel compétant convergent pour me confronter à des pavés de saumon.
On se demandera pourquoi je préfère la darne. Eh bien, pour deux raisons. La première est qu’une cuisson sur l’arête est toujours plus savoureuse. La seconde est que l’épaisseur de la darne est constante, donc facile à gérer pour une dégustation optimale. Or ce que le poissonnier appelle pavé n’a rien d’un parallélépipède…





Oui, je sais, la cuisson à l’unilatérale… Sauf que la forme en sifflet entraîne le choix entre deux aboutissements :
1 - du bien cuit et du presque cuit avec un cœur quasiment cru
2 – du trop cuit et du bien cuit avec un cœur rosé
N’ayant aucun goût pour le poisson cotonneux, j’ai choisi la première solution, m’attirant les foudres de mon épouse qui n’aime le poisson cru que sous forme de sashimi. J’aurais dû personnaliser mes cuissons…
Elle s’est consolée avec la ratatouille à laquelle j’avais conféré une touche d’acidité avec une touche de citron vert et un peu de mâche avec quelques tomates cerises ajoutées au dernier moment.


pavé de saumon, ratatouille
Pas darne, pas darne...


lundi 23 septembre 2019

Escalopes à la bonne franquette

Deux escalopes de veau à la fois toutes simples et d'excellente extraction sont venues prendre un peu de couleur au fond de ma poêle sur une petite noix de beurre demi-sel. Je les ai évacuées encore rosées à cœur (si l’on peut parler de rosé pour une viande à la crudité d’un blanc quasi (de veau ?)  virginal.
Une grosse noix de beurre doux les a remplacées, et j’ai versé les girolles (françaises, scrogneugneu !) achetées au marché que j’avais nettoyées en maugréant en dépit de leur origine, car elles étaient si humides que j’ai suspecté un trempage destiné à leur donner plus de poids. Mais je suis peut-être trop méfiant, il n’est pas impossible qu’elles aient poussé à la faveur d’orages qui les ont détrempées… Toujours est-il que je n’ai pas été étonné de les voir rendre beaucoup d’eau à la cuisson, les déchirures de feuilles d’estragon que j’avais ajoutées barbotant dans la pléthore d’exsudat. Dès que ce liquide fut à la fois évaporé et réabsorbé, je n’ai pas laissé le temps aux girolles de jouir de leur sécheresse retrouvée : elles se voyaient plongées dans un nouveau bain, celui d’une crème entière liquide dont j’ai commencé la réduction en la parfumant d’une pincée de ce cinq-épices dont la note anisée fonctionne si bien avec les champignons.
Quand on n’était pas loin de la consistance crémeuse souhaitée (ce qui n’est pas une performance inatteignable pour une crème, fut-elle liquide…), j’ai réintégré mes escalopes au centre de la poêle en chassant les girolles vers la périphérie - façon vieux Parisiens délogés par les Néos - afin de permettre une fin de cuisson de la viande sans desséchement.
J’ai terminé en rectifiant l’assaisonnement, ajoutant quelques pincées de poivre blanc de Penja écrasé au mortier sur les escalopes et une petite pluie de persil plat ciselé finement sur les girolles.

escalope de veau, girolles
Escalopes bonne franquette


La poêle est allée directement sur la table, où a eu lieu la répartition entre les assiettes à la bonne franquette.
En même temps, à deux, ça ne pose pas – en principe — de difficulté particulière…

jeudi 19 septembre 2019

Cuis'ine

La vie nous apporte parfois des déceptions : quittant la route triomphale, elle dérape dans la triste routine.

Ainsi une belle rêvant du bal des debs se trouva dans la débine, un banlieusard se croyant prince du rap ne vécut que de rapine, un gourmand breton d’un far n’eut que la farine, un mystique enrhumé rata l’office pour aller à l’officine et je connais même l’amoureuse éconduite d’un chauve des Balkans qui, dépitée, partagea sa vie avec une chauvine de Montélimar.
Bref, qui veut faire l’ange fait l’angine…
Et moi qui aurais bien aimé me régaler d’une langouste, je dus me résoudre à cuire des langoustines.


Pour ce faire, je les ai plongées dans de l’eau bouillante où nageaient quatre feuilles de laurier, une branche de thym classique, une autre de thym citronnelle, trois brins de persil, quelques lambeaux de zeste prélevés d’un citron. Une douzaine de grains de piment de la Jamaïque, une cuillerée de poivre noir ajoutaient leur parfum. Enfin une douzaine de gouttes de Tabasco ajoutaient leur vigueur.

langoustines
En plongée


J’avais prévu, pour ces langoustines relativement grosses, de les laisser cinq minutes. Délai au bout duquel je me suis trouvé perplexe, car à ce moment l’ébullition reprenait à peine… J’ai décidé de les laisser deux minutes de plus. Mal m’en a pris, car elles se sont révélées légèrement surcuites.
Je les ai sorties à l’aide d’une araignée pour les déposer sur un plat.

langoustine
Ah, c'était épuisant !


Pendant qu’elles refroidissaient, j’ai confectionné une mayonnaise, montée en premier lieu en utilisant de l’huile d’arachide, à partir d’un jaune d’œuf mélangé avec une petite cuillerée de moutarde forte de Dijon Puis j’ai continué avec de l’huile de colza vierge pour finir par un trait d’huile d’olive aux parfums herbeux. J’ai détendu avec une cuillerée de jus de citron. Cette tentative de mélange d’huiles a abouti à un résultat gustativement convaincant. Il n’en est pour preuve qu’à la fin de la dégustation des langoustines il ne restait même pas une larme de cette mayonnaise au fond de la petite soupière dans laquelle je l’avais servie et que le surplus resté dans le coin des assiettes fut saucé sans vergogne avec un quignon de pain.
Mais avant cette happy end, il m’a fallu disposer les bêtes et leur sauce sur un plat.

langoustine mayonnaise
Langoustines fâchées se tournant le dos


Et en dépit du léger loupé dans la cuisson que j’ai déjà mentionné, c’était quand même bien bon…

lundi 16 septembre 2019

Le petit monde du bon cabillaud

Je suis un grand amateur de cabillaud. J’ai même failli en faire ma vocation. Monter toute une industrie autour du cabillaud. J’aurais appelé cela : Le petit monde du bon cabillaud.
Jean Yanne


Et non seulement il est bon, mon cabillaud, mais aussi il est beau !
Je dépose mes deux pavés sur une poêle bien chaude barbouillée d’une larme d’huile d’olive et une noisette de beurre pour une cuisson à l’unilatérale.
Bon Cabillaud me demande quel sera l’accompagnement.
« Ce seront des haricots.
- Pas des cocos, j’espère !
- Si, ameutés par Peperone… Mais non, je blague. Ce sont des verts.
- Des verts ? Bon, ce sera moindre mal… »
Mais un rouge s’est quand même invité sur la place…

cabillaud haricots verts
Bon Cabillaud

samedi 14 septembre 2019

T'as le look, coco !

Vraiment beaux, ces cocos de Paimpol…
Et aussi bons que beaux !
Dégagés manu militari de leur cosse par mon pouce-pousse, ils pouvaient parader dans leur blancheur immaculée presque nacrée et leur remarquable régularité de taille.
Une demi-heure de cuisson (en compagnie d’un petit oignon, d’un tronçon de carotte découpé en trois et d’une feuille de laurier) au sein d’une eau bouillante que j’ai salée pour les cinq dernières minutes en même temps que dans la poêle dorait l’entrecôte destinée à les mettre en valeur , et je les égouttais dans une passoire.

cocos de Paimpol
Beaux cocos


De consistance parfaite, une peau évanescente  en fermant une chair tendre et goûteuse, il ne fallait pas gâcher ces admirables cocos par un apprêt tarabiscoté. Je me suis contenté de les barbouiller du jus restant dans la poêle, mélange de beurre demi-sel et de suc de la viande et de donner un furtif tour de moulin de poivre.

cocos de Paimpol
Poêlée de cocos


La cuisine était simple, mais le repas était un festin…