lundi 15 juillet 2019

Les fèves utiles

Je me réjouissais de la proche récolte des fèves du jardin de la variété Green Hangdown qui devaient m’offrir leur verdeur goûteuse (ancienne variété néerlandaise de la ville de Leiden, grain moyen vert foncé avec une excellente saveur, c’est ce qui m’avait fait jeter mon dévolu sur elles…)



quand la canicule est venue faire tomber cet espoir à l’eau, si j’ose dire.
En effet la récolte ayant été différée, chapeau et crème solaire n’assurant pas la même protection que des volets fermés, force a été de constater que les gousses avaient troqué leur tenue réglementaire vert olive contre un uniforme kaki sans doute plus en adéquation avec la chaleur ambiante.
Récolte abondante, certes, mais pas absolument conforme… De plus, un départ vers le Haut-Poitou étant programmé, ces malheureux grains ont dû faire le voyage tout juste protégés par leurs coques déjà traumatisées. Bon, j’ai eu la bonté d’âme de ne pas les enfermer dans le coffre et les faire bénéficier de la clim, mais quand même !
Et ce n’est que deux jours plus tard, après avoir acheté le matin à une fermière exposant ses volailles sur mon marché tourangeau favori les deux filets de canette avec lesquels je pensais qu’ils feraient bon ménage et déjeuné ensuite de rillons du boucher local accompagnés d’une salade de tomates cœur-de-bœuf (des vrais, bio qui plus est, je ne me refuse rien) et d’un fromage de chèvre pas aussi sec que je l’espérais, terminant par un morceau de nougat richelais, que faisant fi de la sieste à laquelle ce repas campagnard, mais plus copieux que frugal, m’invitait que je me lançais avec courage dans l’écossage. Le milieu de l’après-midi approchait, et à ma gauche ne restaient plus que qu’une poignée de gousses pleines, à ma droite un imposant tas de coques éventrées démontrant que l’artichaut n’est pas le seul légume dont il en reste plus dans le plat après consommation, et au centre devant moi, une bassine de grains laborieusement obtenus démontrant que l’avantage de l’artichaut, c’est que c’est le mangeur qui fait le boulot.
Ouf, ça y est, tous les grains sont libérés !
Ouf très provisoire, car maintenant il faut les débarrasser de leur peau !
Je mets à bouillir une grande casserole d’eau, j’y verse les grains que je retire après deux ou trois minutes pour les plonger dans une bassine d’eau froide avant de les égoutter et de les déposer dans une grande plaque en inox.
Et la corvée de fèves commence…
Je fends la peau de la pointe d’un couteau d’office dont je serre la lame de ma main droite, je comprime l’extrémité inverse du grain entre le pouce et l’index de la main gauche, avec prudence, pour ne pas écraser la chair, et les deux cotylédons jaillissent, souvent unis (pour le pire et le meilleur), parfois partant chacun de son côté. Dans le meilleur des cas… Car il existe aussi des grains rétifs, de ceux qui veulent sauver leur peau à tout prix…
Les grains défilent, l’horloge comtoise égrène les minutes. La fin de l’après-midi approche. Je vais bientôt voir le bout du tunnel.
Eh bien ça y est, c’est chose faîte. Bon le vert n’est pas celui de mes espérances ; mais elles sont belles, quand même, mes fèves sous l’éclairage du soleil couchant.


fèves, Green Hangdown
Fèves du soir...


Il me faut passer à la confection du plat. Après tout, c’est pour ça que je me suis donné tout ce mal.
Je pare et incise mes filets de canette, enlevant le gras superflu ainsi que les aponévroses laissées à la découpe de la bête.
Je verse dans une petite casserole un verre de vinaigre balsamique dans lequel je plonge un brin de romarin et laisse réduire à feu doux.
J’épluche un oignon blanc que je partage en deux, le petit bout de tige compris. Je gratte deux carottes tout en longueur qui m’ont séduit dans une boutique de producteurs chinonaise.
Je mets ces légumes à glacer avec de l’eau à effleurement, une petite noix de beurre une pincée de sel et une autre de sucre. Je réchauffe une partie des fèves dans du beurre demi-sel mousseux et assaisonne d’un tour de moulin de poivre noir.
Je pose côté peau les filets de canette bombardés de sel fin sur une poêle gril chauffée à feu moyen, laisse trois minutes, baisse le feu et retourne les filets. Après deux minutes, j’éteins et laisse reposer.
Le vinaigre balsamique est devenu sirupeux.
Je partage chaque filet en deux, je les dispose sur les assiettes à côté des fèves. Je fais couler sur ces morceaux ma réduction parfumée. Je n’oublie pas la moitié d’oignon, ainsi que la carotte qui vient s’allonger flegmatiquement en dominatrices. Pas certain que les fèves se laissent faire…
Des feuilles de sauge cueillies minute dans la cour viennent compléter le tableau.


fèves, filet de canette
Le rouge et le vert


Ben finalement ces fèves caniculisées ne s’en sont pas si mal tirées…

lundi 8 juillet 2019

Le dernier carré

C’était le dernier carré.

lasagnes
Plus pour longtemps


Quand je me suis exclamé « Il faut finir ! », je l’ai entendu répliquer « Je n’en sortirai que par la force des fourchettes ! », à moins qu’il n’ait proféré le mot de Cambronne, je n’ai pas très bien distingué, la lasagne a la voix pâteuse…


Tout avait commencé la veille.
Cet après-midi-là je découpe un gros oignon paille. Je partage 4 grosses tomates bien charnues venues d’Avignon en six secteurs, pèle trois gousses d’ail.
Je fais fondre les deux tiers des oignons dans une cuillerée d’huile d’olive au fond d’une casserole, recouvre de moult herbes du jardin : persil, origan, thym, romarin, basilic, et même un brin de sarriette de Pologne qui se demande bien ce qu’il fait là. Je n’oublie pas la feuille de laurier. J’assaisonne d’une bonne pincée de sel, de quatre grains de piment de la Jamaïque, d’une petite cuillerée de poivre blanc de Penja et de deux clous de girofle. Je verse sur ce petit monde un verre de vin blanc sec et un verre d’eau et je fais réduire à feu doux.

Puis je hache un morceau de basse côte au couteau.

hachage  de la viande au couteau
Opération musculation


Je fais dorer le résultat sur une cuillerée d’huile, ajoute le reste d'oignon haché, une feuille de laurier, un brin de thym, une pincée de sel. Je recouvre d’un litre d’eau et porte à petite ébullition.

J’arrête ces cuissons quand il ne reste presque plus de liquide.

viande hachée, lasagnes
Basse côte en immersion


Je passe les tomates au presse-purée.

coulis de tomate, lasagnes
Le superflu


Je verse le coulis obtenu dans la casserole de la viande hachée dont j’ai retiré le thym et le laurier.

lasagnes, ragu
Pseudo ragu en gestation


Je mets à réduire doucement, faisant attention à ce qu’il reste suffisamment d’humidité pour la cuisson de la pâte des lasagnes.
Pendant ce temps, je cisèle un oignon nouveau violet et hache une gousse d’ail. J’émonde et épépine une dizaine de petites tomates en grappe. Je réserve pour ajouter au dernier moment à ma farce afin de donner un peu de fraîcheur et de mâche.

lasagne
Un îlot de fraicheur


Je confectionne une béchamel dans laquelle j’incorpore deux cuillerées de parmesan râpé, sans oublier un soupçon de noix de muscade.

béchamel, parmesan
Béchamel parmesane


Pendant que mes deux préparations refroidissent, je m’attelle à la confection des plaques de lasagnes. Dans la cuve du batteur mélangeur, je pétris 400 g de farine avec 4 œufs et une pincée de sel.
Je passe la boule obtenue et partagée en six morceaux dans le laminoir. Le plus dur est d’obtenir des surfaces suffisantes pour découper des rectangles de la taille du plat. En définitive, ce seront quatre belles plaques que je réussirai à découper…

Je passe ensuite au montage.
Je dépose une plaque au fond du plat.

lasagne
En attente de recouvrement


Je recouvre de mon ragú approximatif mélangé avec son complément fraîcheur. Je recouvre de ma béchamel au parmesan.
Encore une plaque…
Je mélange dans du lait un œuf battu avec du gruyère râpé et un soupçon de parmesan.
J’étends ce mélange pour en recouvrir mon plat.
J’ai des restes, je confectionne un deuxième plat de lasagnes plus petit, où les plaques sont un peu rafistolées.
J’enfourne le tout un quart d’heure à 160 °C, puis trois minutes à 180 °C pour colorer.
Je sors mes deux plats que je laisse refroidir avant de les réserver au réfrigérateur.

lasagnes
Lasagnes et lasagnes bis




Il me reste des chutes de pâte. Je les découpe au ciseau pour obtenir des maltagliati qui me serviront pour le repas du soir. Elles iront bien avec le rognon prévu.
Je découpe le rognon, devenu ainsi rognons que je saisis à la poêle et mets à égoutter sur une grille après une brève cuisson.
Pendant qu’ils exsudent, je verse mes maltagliati dans de l’eau bouillante salée.
Dans la poêle évacuée du jus des rognons je verse un bocal de sauce arrabiata toute prête (eh oui, le droit à la paresse…) et la réchauffe à feu doux. Quand les pâtes sont devenues al dente, elles vont la rejoindre. Je brasse, hausse la flamme, dépose les rognons et laisse deux minutes sur le feu.
Un tour de moulin de poivre, un peu de ciboulette ciselée…

maltagliati, rognons de veau
Maltagliati sauce arrabiata et rognons de veau


Eh bien cette récup a permis un plat pas mauvais du tout !



Mais revenons à notre dernier carré. Vae victis ! Je m’empare de ma pelle. Le sort en est jeté…
Il ne reste plus rien du plat fringant sorti du four quelques minutes auparavant.

lasagnes
Lasagnes repassées au four


J'ai accompli ma tâche, et j'ai mangé ma part.

lasagnes
Ma part


Mon rôle est terminé. En dessert, une tarte aux cerises à la pâte croustillante.

tarte aux cerises
Au milieu du trottoir


tarte, cerises
La part de l'ange que je suis...


Et là c’est Madame qui s’en est chargée…

samedi 6 juillet 2019

Chaud derrière

J’avais l’intention de déguster la seconde récolte de petits pois Kelmerveil du jardin comme il convient, c’est-à-dire avec la gousse entière. C’était sans compter sur la canicule, qui a retardé la cueillette et frappé ces pauvres plantes d’insolation.
Ce sont donc des gousses ayant triste mine qui sont arrivées à la maison, même si une bonne partie avait conservé une verdeur toute relative. Un test de cuisson sur un échantillon de deux gousses choisies non pas au hasard, mais parmi les plus vaillantes, m’a démontré que la coque épaisse, dont la chair était effectivement goûteuse et sucrée, était désormais recouverte d’un parchemin filandreux et que les grosses billes qu’elles renfermaient étaient affublées d’une peau désagréable à la mâche.
J’ai donc entrepris d’écosser la récolte, de la cuire une dizaine de minutes dans l’eau salée, puis, à l’aide du mixer plongeant, réaliser une purée enrichie de moult noix de beurre.

purée de petits pois
Dans la purée de pois


Finalement, le goût y était quand même, et cet avatar nous a permis de réaliser dans nos assiettes de petits monticules au cratère bien pratique pour y verser le bon jus des onglets passés à la poêle.

onglets
Les onglets, ou plutôt un onglet coupé en deux


Nos fèves d’Aguadulce elles aussi ont souffert, et n’enfermaient plus les tendres grains de leur jeunesse. Aussi il m’a paru judicieux de les mélanger à de la grenaille de pommes de terre offerte par un voisin de parcelle du jardin.
Après avoir écossé les longues gousses bien garnies, j’ai blanchi les grains à la grosse peau coriace dans de l’eau bouillante avant de les éplucher.
Quant aux pommes de terre, qui avaient trempé une heure dans de l’eau fraîche, je me suis aperçu qu’elles étaient emmitouflées (c’est malin, par cette chaleur !) dans une peau impossible à gratter, mais partant relativement facilement en lambeaux si on la soulevait avec un couteau. Je me suis donc attelé à cette nouvelle tâche de dépouille, encore plus fastidieuse que la précédente.
Cette grenaille, séchée dans un torchon, a été jetée dans une poêle barbouillée d’huile d’olive.

grenaille, pommes de terre
Sous la grenaille


Elle y est restée dix minutes sous l’abri d’un couvercle afin de cuire dans leur vapeur, puis cinq à découvert pour dorer.
J’ai alors ajouté deux grosses noix de beurre demi-sel, j’ai introduit les fèves et laissé trois minutes à petit feu après avoir remis le couvercle. Il ne restait plus ensuite qu’à parsemer de persil ciselé et apporter la poêle sur la table.

pommes de terre, fèves
Vert et or



À côté étaient posées sur un gril en fonte bien chaud des grillades de porc que j’avais mariné dans de l’huile d’olive, de la sauce soja et de la sauce Tabasco teriyaki.

grillade de porc
Laissons les mariner


Je les retournais régulièrement en les repeignant de marinade avec un pinceau.

grillade, porc, Tabasco teriyaki
Première couche



grillade de porc, gril, marinade
Couche de finition



Elles aussi, posées sur un plat sont arrivées sur la table.
Y a plus qu’à…
Pour moi le plus dur a été fait. Et le résultat n’est pas décevant.


mercredi 3 juillet 2019

Le boeuf sur le froid

Ouf, j’ai enfin échappé à ma malédiction culinaire. La période de chaleur, celle où l’on doit tirer les volets - enfin pour moi c’est plutôt les pousser car ils sont intérieurs -, et non pas celle où le bouc parfumé est tout émoustillé par les entrechats des biquettes -, venait pourtant d’atteindre son acmé.
J’avais donc décidé de faire frais.
Alors j’ai placé un plat en inox dans un tiroir du congélateur.
Puis j’ai tranché dans une pastèque sans pépins et deux petits concombres des cubes d’une dimension approchant celle de la coupe de l’épaisse tranche de bœuf cuit obtenue chez un boucher des halles. J’ai réservé la préparation de pastèque au frais et mis à tremper les morceaux de concombre dans de l’eau glacée salée en compagnie que quelques rondelles extraites d’un petit oignon violet.
Une demi-heure plus tard, c’est le bœuf cuit que j’ai détaillé en cubes avec le maximum de célérité dont j’étais capable.
J’ai égoutté le concombre et l’ai épongé dans un torchon.
J’ai sorti le plat en inox du congélateur et y ai disposé mes cubes colorés et mes cercles d’oignon. J’ai ajouté quelques feuilles de livèche cueillie à l’aube au jardin. Une pincée de sel sur la pastèque, puis j’ai arrosé mon damier du jus d’un citron jaune.
J’ai terminé en déversant directement de la bouteille l’équivalent de quatre à cinq cuillerées de mon huile d’olive de Sicile dont je savais qu’à elle seule elle pouvait jouer le rôle d’un assaisonnement parfumé.

boeuf cuit, pastèque, concombre
Mon damier


J’ai enfermé le plat dans le réfrigérateur pour le sortir au dernier moment, quand les convives seraient assis autour de la table.
Quand je l’ai apporté, je n’en menais pas large, car l’improvisation était totale et j’avais en tête mes fiascos précédents. Eh bien tout le monde s’est régalé, adultes et enfants, moi le premier. Ce mets était à la fois goûteux et rafraîchissant, idéal pour la température ambiante.


En dessert il y avait une glace maison à la vanille de la Réunion, accompagné d’une tombée de cerises. Hélas pas du jardin, le petit arbre ayant été vandalisé par une coalition perruches et pigeons avant même que les fruits aient eu le temps de rougir. Ce sont les merles qui ne vont pas être contents eux non plus !
Les cerises dénoyautées furent sautées au beurre demi-sel recouvertes de trois cuillerées de sucre cristallisé.

cerises poêlées
Quand je fais rouler les cerises


Il fallait faire vite avant que la glace ne soit entièrement liquéfiée !

glace vanille, tombée de cerises
La coupe est pleine


Honte aux infantes indignes qui ont pris plaisir à touiller tout ça pour obtenir une bouillie infâme style vomi d’ivrogne. Je les renie - au moins de façon temporaire…

lundi 1 juillet 2019

Des disques et des billes

Ben oui, la période n’est pas faste pour ma cuisine…
Ou plutôt je n’y mets pas l’application que je devrais.

Par exemple je me proposais de confectionner une omelette avec les belles girolles trouvées au marché. Eh bien, un peu par curiosité sur le résultat, mais beaucoup par paresse et par envie de ne pas multiplier les vaisselles, j’ai dérogé à mon processus habituel. Au lieu de cuire les champignons à part pour ensuite les enrober d’une omelette cuite dans une autre poêle, j’ai fait revenir les girolles dans un fond d’huile (en trop grande quantité d’ailleurs) et de beurre.

girolles
Girolles en attente d'oeufs


Et puis zou, que je te verse les œufs fortement battus pour les faire mousser directement sur les girolles.
Ce qui devait arriver arriva : impossible d’empêcher l’omelette de coller au fond par un simple mouvement de va-et-vient de la poêle.

omelette aux girolles
Disque d'or


Et comme de plus la consistance de l’œuf coagulé en était certes plus aérée, mais aussi plus fragile, ma tentative de décoller l’omelette avec une spatule pour la déposer sur un plat s’est traduite par une casse disgracieuse.
Heureusement, ce n’a pas eu d’incidence sur le goût, mais quand même, quelle stupidité de ma part.



Ma seconde bévue concerne la cuisine de petits pois du jardin.
Je les écosse péniblement, car la cosse bien pleine est très épaisse.

petits pois, Kelmerveil
Quel travail !


Puis je les cuis le plus simplement du monde, avec simplement un verre d’eau, deux petits oignons blancs, une feuille de laurier, une branche de thym et une noix de beurre demi-sel. Je recouvre d’un cercle de papier siliconé troué en son centre. Pas la peine ! Peu après j’entends le bruit d’un débordement, de l’eau sort sur les côtés du couvercle. Je décoiffe rapidement. Le disque gonflé comme une montgolfière a pris la forme du Dôme des Invalides… Je m’en débarrasse, et quelques minutes plus tard les petits pois sont prêts.

petits pois, Kelmerveil
Quelle mer veille !


Ils sont délicieux et accompagnent à merveille des crépinettes poêlées rapidement, la chaleur ne m’incitant pas à pratiquer la cuisson longue.

crépinette
La crépinette dore


Je suis si satisfait que je me lance dans des recherches pour retrouver dans mes archives de semis le nom de cette variété si savoureuse.
Elle s'appelle Kelmerveil. Nom bien grotesque dont un si bon grain ne méritait pas d’être affublé ! J’approfondis. Voyons sur le site du vendeur… Je lis :
grains ridés, amélioration de merveille de Kelvedon, gousses plus longues, plus productif, plus précoce, meilleure résistance aux maladies, 9/10 grains sucrés par gousse,

Bon d’accord, et les petits pois du jardin ressemblaient bien à la photo d'illustration…



Mais je découvre surtout :
(CROQUETOUT) Inconnus en France, les pois croquants ou pois beurres sont des variétés spéciales dont les graines et gousses se consomment sans être écossées, comme le pois mangetout, mais le pois croquant présente une gousse de section ronde comme les variétés classiques de pois et non plates. Les parois de la gousse sont épaisses, charnues, tendres, particulièrement croquantes et le goût est sucré. Vous pouvez les déguster crus en salade ou cuits comme les autres pois, le rendement est élevé car il n’y a pas de déchet. Appelés Snap Peas en Angleterre et Knackerbsen en Allemagne.

Ou plutôt je redécouvre. Car je me rappelle soudain que c’était pour cette caractéristique que je les avais choisis, outre le fait qu’il s’agissait de pois nains - les abominables perruches bouffant avec une voracité hargneuse dans notre jardin tout ce qui dépasse la quarantaine de centimètres au-dessus du sol.
Je comprends maintenant pourquoi les gousses étaient si pénibles à ouvrir!
Heureusement il devrait y avoir une autre récolte. Mais tout de même, qu’est-ce que je suis nase !

vendredi 28 juin 2019

Poulpe friction

Quelle mauvaise idée de vouloir cuisiner du poulpe…

Tout a commencé quand j’ai vu une recette de poulpe sur La Cachina, un blog dont l’authenticité réussit à me réconcilier avec une Provence bien différente de celle des kékés, des pagnolades ostentatoire et du stupide mépris du reste de la France. Tiens, il me rendrait presque sympathiques ces cigales gâchant la quiétude campagnarde, voire périurbaine (il me souvient…), par ce que la fourmi, qui non seulement est radine mais de surcroît n’a pas l’oreille musicale, qualifie de chant.

cigale
Danse, maintenant !


Tout ça pour dire que je n’en veux pas à ce brave blogueur de m’avoir conduit vers un traquenard en m’alléchant par ce plat qui en outre devait pouvoir me permettre d’écouler le gros oignon doux dont je n’avais prélevé que deux minces tranches pour réaliser ma salade de cervelas. Joindre l’utile à l’agréable…


Tout avait pourtant bien débuté : aux halles locales, l’un des poissonniers avait sur son étal du poulpe frais, d’assez bonne mine ma foi. Néanmoins une demi-bête était bien suffisante, et c’est ainsi qu’un peu plus d’un kilo de poulpe s’est séparé de sa moitié pour se rendre chez moi.

Le lendemain, je sors ma moitié à moi du réfrigérateur où elle avait une nuit paisible (rassurez vous, ma moitié est celle du poulpe et non la mienne bien qu'elle soit à moi..) et commence la mise en place.
Zut, j’ai beau chercher, il ne me reste que quelques malheureuses pommes de terre dans les réserves, pas assez pour le plat de La Cachina, et de toute façon trop petites. Il va falloir improviser.
Je songe tout d’abord à accompagner le poulpe de pâtes relevées par le bocal d’une sauce italienne au noir de seiche que j’ai repéré dans le placard. Mais non, ce serait un plat redondant, mêlant le frais et la conserve, et qui ne me permettrait pas de tirer parti de mon oignon entamé.
Alors me vient une idée. J'ai souvenir d’un sachet entamé de tarbais, ils pourraient peut-être remplacer (avantageusement ?) les pommes de terre…
Je mets aussitôt à tremper ces haricots dans une bassine d’eau.
J’étale ma bestiole, ou plutôt hémibestiole sur une blanche et entreprends de la nettoyer en enlevant une bonne parie de la peau et de la découper en tronçons. Voilà, c’est fait, ça m’a pris du temps. Pas plus mal pour le trempage des haricots.
Je hache ensuite grossièrement l’oignon
Je sors un sautoir, y verse une cuillerée d’huile d’olive dans laquelle je fais fondre l’oignon à feu doux.
J’ajoute le poulpe que je laisse à feu moyen jusqu’à ce que son eau se soit évaporée

.
Et là, L’ERREUR !

Il faut dire que j’ai un coup de mou culinaire. L’arrivée de l’été m’a toujours rendu dépressif, avec son stupide ciel bleu, avec ces lâchers de cons de France ou d’importation qui envahissent nos côtes ou nos campagnes alors que nos villes où se procurer une baguette relève de l’exploit sont piétinées sans le moindre respect par des transhumances de touristes moutonniers. Et pas question de se réfugier dans des villages épargnés par ces hordes sauvages, car ils réussissent le miracle d’être encore plus inanimés que le reste de l’année. Bref, on n’a le choix qu’entre la hargne ou l’ennui… Belle saison que cette saison-là !

Alors je fais ce que je n’aurais pas fait au printemps, en automne ou en hiver : je me laisse soudoyer par mon démon gardien qui me suggère la solution de facilité : puisque poulpe et haricots doivent cuire longtemps, eh bien ils cuiront ensemble.
Je recouvre le poulpe d’une bonne hauteur d’eau et y balance aussitôt les tarbais extraits de leur eau de trempage. Pour parfumer, suivent une cuillerée de graines de maceron de l’île de Ré, trois clous de girofle, quelques grains de poivre blanc de Penja, trois petites feuilles de laurier, un brin de thym.
Quand la température a remonté et que ça commence à bloublouter, je coiffe d’un couvercle et pose le sautoir sur une petite flamme.
Une heure plus tard, je soulève le couvercle. Le haricot était toujours dur.
Une demi-heure plus tard, je resoulève le couvercle. Le haricot était toujours dur.

poulpe, haricots tarbais
Allez Tarbes !


Une demi-heure plus tard, je re-resoulève le couvercle. Le haricot était nettement moins dur.
Je sale.
Tout ce temps m’avait permis de gamberger. Aussi l’idée m’était venue de revaloriser ce plat en lui ajoutant une tendance terre mer. Alors j’avais tranché un morceau de joue de porc séchée corse et l’avais découpé en petits lardons. Je les fais choir dans mon sautoir et continue la cuisson.
Vingt minutes plus tard, je soulève le couvercle. Les haricots ne sont pas fondants, mais je les considère comme cuits, ça ira comme ça...
Il n’y a presque plus de liquide, je peux servir après avoir donné un tour de moulin de poivre rouge et parsemé de persil ciselé.

poulpe, haricots tarbais
Terre mer qui ne manque pas d'air


Le plat est trop salé, le poulpe est surcuit et le tarbais sous-cuit. Le visuel est déplorable
Le goût n’est pas trop mauvais quand même…
Heureusement, car en plus il y en a pour deux repas ! Le second étant servi froid avec un ajout d’huile et de vinaigre, mais pour autant guère plus réussi…

Eh oui, ce misérable poulpe m’a fait un bras d’honneur ! Mais je ne dois pas me plaindre, il aurait pu m’en faire huit…

mercredi 26 juin 2019

Une grosse gourde

Une scarmoza, par mon couteau menacée, m’invectiva en ces termes :
« Cazzo, si tu me touches, c’est mon grand frère des Pouilles qui viendra s’occuper de toi, stronzo di merda ! »
Je n’aurais jamais cru que cette petite enfumée fût aussi vulgaire. Mais je n’allais pas me laisser faire, et après une brève recherche italo-lexicale, je lui répliquai ;
« Vai a farti fottere ! »
Et sans autre forme de procès, je m’en payais une bonne tranche.

scarmoza
Une petite gourde



Eh bien, quelques jours plus tard, qui l'eût cru, ce grand frère sonne à ma porte, tout de noir vêtu.
« Je m’appelle Caciocavallo Nero. Où est ma sœur ?
- D’abord, montre-moi tes papiers.
- Tiens, les voilà, figlio di puttana ! »
Décidément, aussi vulgaire que sa sœur… Mais il me tend quand même ses papiers. Il y est écrit
 :
Le fromage Caciocavallo est, sans aucun doute, un des plus anciens et des plus typiques fromages à pâte filée du sud de l’Italie. Déjà en 500 avant J.C., en fait, Hippocrate parlait de l’utilisation par les Grecs de l’art de préparer le "Cacio". De la vieille expérience Cordisco est né le Cacionerone des Pouilles, un vrai fromage caciocavallo géant. Produit exclusivement à partir du lait contrôlé, il a un goût aromatique, agréable, qui fond dans la bouche. Le fromage Cacio Nerone des Pouilles Cordisco a un format unique avec un poids de 4 kg, et sa maturation prolongée naturelle améliore le piquant agréable.

Une photo est jointe.



Aucun doute n’est permis, c’est bien lui.
« Alors, où qu’elle est ? »
Bon, la formulation n’est qu’approximative, mais il n’y a pas à s’insurger du fait qu’il parle français comme une vache italienne. C’est dans sa nature… Et la question est directe et pertinente. Que lui répondre ? Car s’il savait… 
Je tergiverse.
« Ah, tu voudrais savoir ce qu’elle est devenue ?
- Si, si
- Eh bien, eh bien…
- Accouche presto !
- Eh bien, eh bien… Oui tu ne crois pas si bien dire, elle se repose, car elle a mis au monde un enfant…
- Canaglia, scellerato ! Tu as souillé cette blanche colombe. Vendetta ! Vendetta ! À moi la mafia, à moi ! »
Zut, dans quel pétrin je me suis mis avec ma stupide défense…
« Mais non, absolument pas ! Elle est arrivée enceinte. D’ailleurs n’avais-tu pas remarqué son ventre rond, déjà, en Italie ? »
Je le vois réfléchir, enfin tenter de réfléchir. Il est manifestement perplexe. Puis il me lance, d’un air triomphant :
« Tu me sors des vannes ! Moi aussi j’ai un gros ventre, et je ne suis pas enceinte.
- Oui, mais toi, c’est la bouffe, l’abboffata ! »
Je sens que je l’ai ébranlé. Il lâche un « C’est pas faux » à regret. Il me faut enfoncer le clou.
« Bon, comme tu sembles revenu à la raison, je vais te la montrer. Elle repose au frais. Surtout, ne la réveille pas, elle est fatiguée… »
Je lui montre le plateau de marbre sur lequel repose une part de tome de brebis.
« Mais ce n’est pas ma sœur !
- Comment ça, frère indigne, on ne reconnaît même pas sa sœurette ! Tu oublies qu’elle vient d’accoucher, avec épisiotomie, qui plus est, alors c’est normal que sa bedaine ait disparu - ce qui ne risque pas de t’arriver, entre nous soit dit.
- C’est pas faux…
- Tu vois bien. Mais tu dois être épuisé par ton voyage, je te propose de t’allonger à côté d’elle et de faire une bonne siesta.
- Si, si, t’es un pote ! »
Ouf, la grosse gourde a cru à mes boniments ! Je le vois s’endormir sur le marbre frais.

cacionerone di Puglia
Un Pouilleux



Alors je me saisis d’un couteau et le décapite.
Comment, cruel, moi ? Après tout, ce n’est qu’un fromage…