Elle était inerte quand il me l’avait tendue, lovée au fond d’un sac.
Mais voilà, quand j’avais entrepris de l’inciser afin de la dépouiller, elle était revenue du royaume des morts… Il m’a fallu la maintenir d’une main pendant que j’opérais. Je ne m’étais jamais rendu compte qu’une anguille pouvait être aussi costaude ! Tel un nouveau Laocoon, j’ai dû me livrer à un bras de fer avec cet animal serpentiforme.
En pleine action ! |
Sauf que moi je fus vainqueur dans cet affrontement !
Je passe sur les détails sanguinolents de la mise en tronçons du vaincu...
Après le combat, je versai un filet d’huile d’arachide au fond d’une sauteuse placée sur un feu vif. Quelques instants plus tard les morceaux d’anguilles se faisaient saisir brièvement avant d’être retirés du feu.
Dans une casserole, je fis dorer sur une noix de beurre demi-sel les lardons que j’avais taillés dans un morceau de lard, puis j'y fis suer une dizaine d’échalotes grises, des cives ciselées grossièrement et une demi-carotte découpée en bâtonnets. Je vidai les ¾ d’une bouteille de vin de Chinon rouge sur ces légumes et plongeai dans le liquide une feuille de laurier et une branche de thym. Je rajoutai quelques grains de poivre de Voatsiperifery. Je me suis lancé dans une réduction pour environ un quart d’heure. Puis je recouvris les anguilles dans la sauteuse du contenu de la casserole et poursuivis la cuisson à feu doux une vingtaine de minutes.
Anguille faisant la course à l'échalote |
Comme il n’est prévu de manger cette matelote d’anguille que le surlendemain, je me suis contenté de rectifier l’assaisonnement par une pincée de sel, et de transvaser le contenu de la sauteuse dans un bac que j’ai mis sous vide.
Le jour J est arrivé. Dans une poêle, des champignons de Paris escalopés en quatre reviennent dans une noix de beurre demi-sel. Je ressors la sauteuse et y vide le bac sorti du réfrigérateur contenant l’anguille en sauce. J’ajoute une petite cuillerée de vinaigre balsamique de Modène, quelques gouttes d’arôme Patrelle et les champignons cuits al dente. Je laisse encore mijoter à feu doux sept à huit minutes. Je termine par un tour de moulin de poivre rouge.
Anguille reposant sous ses lauriers |
Je répartis entre deux assiettes creuses avec des pommes de terre Prunelle dont je pensais que la couleur s’harmonisera avec les nuances brun violet du plat. Ouais, leur rendu est quand même un peu flashy… Je suis peut-être aussi tombé dans l’excès avec la touche verte du persil…
L'anguille a trois prunelles |
Quoi qu’il en soit, il n’y a rien à redire sur le plan gustatif.
Je n’ai pas joué au Laocoon pour rien !