mardi 23 octobre 2018

Agitées, les gambas...

Qu’elles étaient tentantes, ces  belles gambas agitant leurs petites gambettes et donnant des coups de rein…
Il s’agissait de crevettes impériales vivantes des Marais Charentais que leur éleveur vendait sur son étal de mon marché poitevin favori.



Une dizaine faisaient largement l’affaire pour deux, d’autant plus qu’après pesée j’ai eu droit à une onzième gratuite, attention louable mais qui ne me faciliterai pas un partage équitable dans le futur…
Je range le sac dans le coffre de la voiture. Ça gigote à tout va…
La gambas était toujours vivante.

Arrivé à la maison je transfère dans une boîte. Les bêtes font des bons de cabri.  L’une d’elles tente le saut de l’ange, elle se réfugie sous la table. Il faut chasser le décapode à quatre pattes.
La gambas était toujours vivante.

Je sors la boîte du froid où elle avait passé l’après-midi. Je soulève prudemment le couvercle. L’ambiance a l’air  paisible. Je vais pouvoir commencer la préparation. Je saisis une crevette qui a l’air toute endormie. Las, la chaleur humaine réveille la chaleur animale. Je lâche lâchement l’impériale japonaise naturalisée charentaise, surpris que je suis par un sournois coup caudal. Elle se démène sur le marbre. Va-t-elle me refaire le coup du grand plongeon ? Je la bloque et l’incarcère en détention provisoire entre les murs d’acier d’un bac.
La gambas était toujours vivante.

Je vois que ses copines commencent elles-aussi à s’agiter. Il va falloir faire vite, d’autant plus que l’opération à laquelle je dois me livrer est délicate et risque de ne pas leur plaire : il s’agit de les transpercer d’une pique en bois de la queue à la tête afin qu’elles restent droites à la cuisson.
Bon, quand fut  y aller, faut y aller.
Je m’empare d’une des crevettes et enfonce la mini brochette le plus rapidement possible dans un but humanitaire – je me souviens de la multi piqure effectuée au ralenti et d’une main tremblante à l’infirmerie du régiment  par un appelé dont pour lequel c’était la première et qui avait pris la fuite quand du sang avait jailli de l’aiguille…
Je tiens la patiente allongée sous la paume de ma main, elle se cabre.
Ça y est, c’est fait, j’ai eu le dessus, elle est désormais bien droite (sous ma botte ?).
Je  la dépose dans  un bac rectangulaire. Elle me regarde d’un sale œil et tricote l’air avec ses pattes avec  tout autant de vivacité que sur son étal matinal.
La gambas était toujours vivante.

Je recommence l’opération pour les dix suivantes. Le bac est plein et…
les gambas étaient toujours vivantes.
Je verse sur elles une marinade constituée d’un grand verre de Lillet, du jus d’un citron, de quatre cuillerées d’huile d’olive et d’herbes effeuillées ou déchirées : thym, romarin, persil, laurier.  J’y ajoute quatre pincées de fleur de sel et un tour de moulin de poivre rouge. Ça n’a pas l’air de les affecter plus que ça !
La gambas était toujours vivante.


crevette impériale vivante
Crevettes en eskimos



Je laisse mariner une bonne heure. Je plonge mon regard dans le bac, l’agitation de mes victimes se poursuit.
La gambas était toujours vivante.


Il me faut maintenant passer à la cuisson. Je ne dispose pas de plancha , je dois trouver une autre méthode : ce sera une cuisson au four.
Je dispose les crevettes impériales sur une plaque au revêtement antiadhésif.



crevettes impériales vivantes
Encore plus grandes allongées que debout


J'enfourne à 180 °C  pour six à sept minutes avec retournement à mi-cuisson,. Je termine  par un flash sous le gril allumé.
La gambas n’était plus toujours vivante…

Le dressage en assiette s’est fait avec à côté de ces  crevettes impériales des Marais Charentais badigeonnées au pinceau du vernis de la marinade quelques branches de cresson arrosées d’huile d’olive et de vinaigre balsamique et assaisonnées d’une pincée de fleur de sel.


crevettes impériales vivantes
Hommage à ces vaillantes crevettes


Je ne saurais trop vanter la saveur de ce produit exceptionnel. Pourrais-je encore prendre plaisir à manger ces tristes gambas venant de contrées lointaines qui sont hélas mon lot habituel ?

Six céteaux

Six  céteaux…



…c’est pas tard !

céteaux

lundi 22 octobre 2018

Un boeuf-carottes pas ripou...

À la vue de magnifiques carottes cultivées dans le sable des Landes, je ne pus m’empêcher d’en faire l’emplette tout en songeant déjà à l’emploi qui les mettra en valeur.
Aussitôt je m'orientais vers le bœuf à la gelée de Françoise, la cuisinière du narrateur parti à la Recherche du Temps Perdu. Ce mets dont M.de Norpois disait : « Voilà ce qu’on ne peut obtenir au cabaret, je dis dans les meilleurs : une daube de bœuf où la gelée ne sente pas la colle, et où le bœuf ait pris parfum des carottes, c’est admirable ! »
C’est donc de ce plat dont je tirerai mon inspiration et dont j’essaierai de m’approcher – sans toutefois prétendre égaler la talentueuse Françoise. D’autant plus que si moi aussi, à l'instar de cette dernière, je vivais dans l’effervescence de la création comme j’attachais une importance extrême à la qualité intrinsèque des matériaux qui devaient entrer dans la fabrication de mon œuvre, je ne pouvais compter sur les Halles de Thouars (Deux-Sèvres) pour me faire donner les plus beaux carrés de romsteck, de jarret de bœuf, de pied de veau, comme Michel-Ange passant huit mois dans les montagnes de Carrare à choisir les blocs de marbre les plus parfaits pour le monument de Jules II… Mais tout au moins je ne ferai pas cuire trop à la va-vite - comme le répondait Françoise en parlant des grands restaurateurs quand on lui demandait de dévoiler le mystère qui enrobait la constatation que personne ne faisait la gelée aussi bien qu’elle (quand elle le voulait). « Il faut que le bœuf, il devienne comme une éponge, alors il boit tout le jus jusqu’au fond », continuait-elle dans sa tentative d’explication. J’en étais bien d’accord.
Et, de fait, si le romsteck était bien présent sur les étals, nul jarret de bœuf ne répondait présent. Aussi, quitte à trahir la Michel-Ange des fourneaux, j’ai remplacé ses ingrédients par deux joues de bœuf offertes – ou plutôt vendues – par le tripier local.
Revenu à la maison, ma première tâche fut de parer les joues brutes de décrânage



et les découper. Puis je les ai fait dorer sur une cuillerée d’huile d’arachide au fond d’une cocotte en fonte, pour être remplacées par un oignon blanc haché mis à suer à feu doux avec deux gousses d’ail dégermées et deux échalotes grises ciselées. J’ai poursuivi en déglaçant avec un verre de pineau des Charentes. J’ai remis les morceaux de joue, allongé le liquide de trois verres d’eau. J’ai ajouté une feuille de laurier, une branche de thym, un brin de persil, quelques baies de genièvre et grains de poivre à queue, une petite cuillerée de sel fin.


joues de boeuf
Bain de joues...


La cocotte a bloublouté sous surveillance à feu doux durant deux heures et demie. Après ce délai la viande avait bien fondu en exprimant toute sa gélatine et s’était imprégnée des parfums des herbes et des épices.


joues de boeuf
Elles ont fondu...


Durant la dernière demi-heure j’avais fait cuire pendant une vingtaine de minutes les carottes épluchées et tranchées en rondelles dans de l’eau bouillante salée.



carottes, joues
Les carottes sont cuites



Sorties et égouttées, elles étaient al dente. Je les ai ajoutées aux morceaux de joue dans la cocotte dont j'avais retiré les aromatiques épuisés désormais inutiles, ai bien mélangé - avec précaution afin de garder les rondelles intactes. J’ai remis sur feu doux pour un quart d’heure.


boeuf carottes en gelée
In the cocotte !


Une fois la flamme éteinte, il ne me restait plus qu’à verser le contenu de la cocotte rehaussé d’un tour de moulin de poivre noir dans un plat rectangulaire et laisser refroidir avant d’enfriguer (ou enfrigoter - au choix, c’est cadeau…) tout en croisant les doigts dans l’espérance de la prise d’une vraie gelée.
Une nuit passe…

Le lendemain, je sors le plat du réfrigérateur.


boeuf en gelée
In the glass dish !
 


Hourra, la gelée se tient bien - il ne manquerait plus que ça, qu’elle fasse des caprices ! -, elle est presque transparente – il ne manquerait plis que ça, que ma présence ne la trouble ! -, bien que fort éloignée des énormes cristaux de gelée pareils à des blocs de quartz transparent obtenus par Françoise.
Et je dois dire que les tranches disposées sur les assiettes n’ont pas trop mauvaise allure…


boeuf en gelée façon Françoise, Proust
In the plate !

 

Mais surtout c’est très bon, la texture absolument pas caoutchouteuse fond dans la bouche et dégage de subtiles fragrances.
Ce temps passé à cuisiner n’était pas perdu…

samedi 20 octobre 2018

Ça ira !



maquereaux
Maquereaux SDF


Un couple de maquereaux, las de dormir sur les bancs, alla consulter la voyante la plus réputée de l’Atlantique Nord Est, une anguille surnommée La Pythonisse dans l’espérance qu’elle leur prédira un avenir meilleur.
La Pythonisse, flanquée de son fidèle poisson-chat noir, plissa ses petits yeux méchants, se tortilla, et ouvrit sa large bouche un peu édentée.
« Si j’étais en eau douce comme il m’arrive parfois, je vous ferais un tirage de brèmes. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Je me suis fait voler mon poisson-globe par un japonais qui l’avait pris pour un fugu. Mais fi de cette technologie superfétatoire ! Mon fluide suffira… »
La voyante s’enroula en spirale, prit un regard inspiré et marmonna d’une voix sépulcrale.
« Oui, oui, je vois ! Je vois un voyage en France… Vous y finirez comme des rois. »
« Tu crois à ça, Marie-Lisette ? Il nous prend pour des thons…
– Mais non, La Pythonisse a toujours raison. Je serai reine, tu seras roi, mon Louïe ! »
Une semaine plus tard ils débarquèrent aux Sables d’Olonne.
Le lendemain ils étaient décapités.


maquereaux en escabèche
Le couperet est tombé



Ce fut moi qui fus chargé de l’autopsie. La découverte d’un petit poisson à l’intérieur d’un estomac m’a permis de conclure qu’ils avaient dîné en mer avant d’accoster.


maquereau, nourriture
Petit poisson ne deviendra pas grand...


J’entrepris aussitôt une nouvelle dissection. Mais ce petit poisson avait le ventre vide.
La chaîne alimentaire était rompue.
Du moins dans cette extrémité… Qu’à cela ne tienne, j’allai la prolonger à l’autre bout !


Ce sera donc au menu du lendemain : maquereaux en escabèche.
Je farine les maquereaux étêtés et vidés en prenant bien soin de débarrasser la cavité de sa peau noire amère. Je les fais revenir à la poêle dans trois bonnes cuillerées d’huile d’olive deux minutes sur toutes les faces.
Auparavant, j’avais versé dans une petite casserole un verre de vinaigre de cidre, une cuillerée de vinaigre blanc, une cuillerée de balsamique blanc, trois verres d’eau, une carotte partagée en bâtonnets, la découpe d’un demi-oignon paille, une petite échalote cuisse de poulet fendue en deux, deux échalotes grises ciselées, une gousse d’ail dégermée, la moitié d’un piment habanero débarrassé de ses pépins, une feuille de laurier, une branche de thym, quelques baies de genièvre et grains de poivre rouge ; une cuillerée de gros sel de l’île de Ré. J’avais posé sur le feu, porté à ébullition, puis laissé infuser.
Je répands le contenu de la casserole ramené à ébullition sur mes maquereaux, laisse sur le feu trois minutes supplémentaires en retournant les poissons à mi-cuisson.
Je transvase en un plat que je recouvre de cellofrais avant de ranger au frigidaire une fois refroidi.
Je sors cette préparation le lendemain pour le repas du soir.


maquereaux en escabèche
Maquereaux en escabèche


C’est bon, mais surtout je suis content car j’ai réussi ma cuisson, ce qui n’était pas gagné d’avance : la chair des maquereaux se détache de l’arête tout en restant ferme. Bravo moi !


vendredi 19 octobre 2018

Retour de flamme

Voulant un repas rapide et vite préparé, j’avais acheté un flammekueche tout prêt au supermarché.
Grave erreur ! Ce produit s’est révélé infâme ! En tout cas bien pire que les acceptables flammekueches des magasins Lidl qu’il m’est parfois arrivé de manger certains soirs de retour du travail sous la pression de l’urgence et de la paresse réunis.
Aussi, ne voulant pas rester sur ce mauvais souvenir d’un produit alsacien, je me suis lancé dans la confection de flammekueches maison.

Tout d’abord j’entreprends la confection d’une pâte à pain hydratée à 50 % et tendue légèrement croustillante par l’addition d’une bonne cuillerée d’huile d’arachide, et pétrie avec l’aide de mon robot quadragénaire Kenwood Major qui vient de prendre une retraite à la campagne à la fois méritée et active.
Pendant que la pâte repose au frais sous son linceul transparent, je mélange du fromage blanc avec de la crème fraîche épaisse dans la proportion 2/3 et 1/3. J’assaisonne de sel fin et de tours de moulin de poivre rouge. J’ajoute une pincée de quatre-épices.
Je découpe un oignon blanc en tranches fines. Je fais fondre à la poêle dans une noisette de beurre.
Il s’agit maintenant de passer au dernier ingrédient. Je sors le lard fumé acheté au rayon boucherie – las, à ce même supermarché…
Je me souviens. Quand le jeune garçon boucher qui venait de faire ses preuves en tant qu’expert en découpe d’entrecôtes avait pris en main la pièce de lard dans laquelle était plantée une étiquette LARD FUMÉ nous nous étions regardés, Madame et moi, et la question avait fusé : « C’est bien du lard cru ? ». Le professionnel prit un air perplexe, considéra d’un regard scrutateur le morceau qu’il avait entre les mains, le soupesa dans une démarche obscure, prit du recul. Son regard oscilla entre la viande et l’étiquette qu’il venait de déposer sur un coin du billot. Conceptualisme ou nominalisme ? Le damoiseau tranchait mieux dans la bidoche que dans la philosophie.
Enfin la sentence tomba : « Oui, oui, il est cru ! »
Mon erreur, c’est de l’avoir crû, ce spécialiste, car ne l’aurait-il pas crû cru, ce lard, je ne l’aurais pas crû cru pour ma part, car au premier regard je l’avais crû cuit. Et là, à la maison, je déballe et je vois bien qu’il est cuit, ce lard dit cru par un garçon boucher bouché. Mais maintenant je suis confronté à la réalité : je n’ai rien d’autre sous la main en matière de lard. Dieu soit loué, ce morceau ne semble pas imprégné d’une odeur choucroutière, il a dû cuire dans un bouillon bien neutre. Résigné, je le découpe en lardons, espérant qu’un passage à la poêle leur redonnera cette fermeté que j’attends d'un lard bien né : après tout, ce lard n’a subi qu’un blanchiment un peu poussé…

Je puis donc maintenant sortir la pâte obtenue à partir de 500 g de farine T60 et la diviser en deux pâtons que j’étale au rouleau afin de me rapprocher de la surface rectangulaire de la plaque qui est à ma disposition.
Le résultat est un peu épais à mon gré, sans doute aurais-je dû partager en trois…
Premier flammekueche : je tartine la pâte de mon mélange fromager. Puis je dispose oignon et lard.


flammekueche
Chute de lard cuit cuit


J’enfourne dans le four à 250 °C et laisse une douzaine de minutes, les trois dernières avec le gril allumé.


flammekueche
Première flammekueche


C’est bon, sans être exceptionnel.


flammeküche
En part à part


Je trouve que le dessous devrait être plus cuit, je vais donc tenter d’améliorer pour le second flammekueche. Me croyant malin, je décide de remplacer la plaque de métal par une simple feuille de papier siliconé. Je pose sur la grille du four. Et le papier se plisse, j’obtiens un flammekueche  accordéon que je m’empresse de retirer et d’étendre avec son papier tant bien que mal …sur la plaque trop vite délaissée. Je passe à un plan B : hausser un peu plus la température tout en diminuant le temps passé sous le gril.


flammenkueche
Seconde flammekueche

Bilan : des mésaventures, mais pour le résultat, il n’y a pas photo avec les produits industriels, tout alsaciens fussent-ils. Même si c’est encore bien loin de la saveur obtenue dans une cuisson au four à bois…

lundi 15 octobre 2018

Deux souris et un homme

Les souris, elles sont poitevines, bien dodues même si l’on peut en voir les os… Et douces comme un agneau.



L’homme c’est moi.



Allez, dans la cocotte, mes souris… Faites-vous dorer dans un trait d’huile d’olive !
Bon, je vous en sors quelques instants, le temps d’y faire fondre un gros oignon blanc découpé en tranches fines saupoudré d’une pincée de sel fin. De l’île de Ré, vous ne serez pas dépaysées. J’ajoute trois gousses d’ail dégermées, puis des filaments de safran. De Touraine, vous êtes gâtées. Mais oui, je sais, ça va vous donner le teint jaune… Et alors ?
Zou, retour cocotte, mes mignonnes souris ! Un verre de vin blanc du Haut Poitou, de cépage sauvignon gris, un verre d’eau du robinet pour vous baptiser. D’ailleurs, désormais, vous serez Artémise et Cunégonde…



C’est prêt pour le voyage ! Ah non, j’oubliais le sel et les grains de poivre à queue…
Je vous offre un bouquet parfumé, romarin, thym, origan frais cueillis et enfermés avec un brin de persil au creux d’une feuille de poireau.


souris d'agneau
Souris au bain


Silence, on ferme ! En route pour un voyage de trois heures à 120 °C. Oui, c’est la porte du four qui claque, mais rassurez-vous, je viendrais vous voir de temps en temps pour m’assurer que vous n’avez pas trop soif. Et je vous réserve une surprise.
La surprise, ce sera un gratin de légumes du soleil en provenance directe de nos jardins.
Je commence par faire revenir dans une cuillerée d’huile d’olive les dés taillés dans un poivron noir et une petite aubergine blanche. J’ajoute les tranches d’une tomate cornue des Andes.


gratin de légumes
On revient


Puis je répartis entre deux petits plats ronds à oreilles qui ont donc le mérite d’être toujours à mon écoute.


gratin de légumes
En faire un plat


Je découpe en six tranches horizontales un chabichou fermier du Poitou. Je les dispose sur les légumes, donne un tour de moulin de poivre rouge et arrose d’un léger filet d’huile d’olive.


gratin de légumes du soleil au chabichou
Le chabichou se met en six


Il reste encore pas mal de temps avant que les frangines ne revoient la lumière du jour, alors je réserve.

Mes souris ont désormais besoin après ces trois heures de farniente d’un bon coup de fouet pour leur donner de la couleur.
Après une nouvelle heure à la cocotte dans le four à 180 °C, je les découvre toutes attendries et bronzées. Mais elles ont bu moins que je ne le pensais, ces filles de bonne famille. Cinq minutes supplémentaires à découvert sur une flamme, et l’onctuosité de leur bain sera parfaite…


souris d'agneau
Mes souris


Le voyage des deux sœurs Fenouillard est terminé.



Elles ont fort bonne mine quand je les allonge sur leur lit rond immaculé. Ah, mes tendres Artémise et Cunégonde… Laissez-moi vous arroser des parfums de mon jardin et du safran de Touraine.




souris
Cunégonde



souris
Artémise



Je leur présente ma surprise, encore plus dorée qu’elles : un gratin tout juste sorti de sous le gril auquel j’ai ajouté le turban d’une cuillerée de crème d’ail noir.

gratin légumes chabichou
La surprise d'Artémise


Chacune reçoit la sienne que je place à ses côtés. Elles en fondent de plaisir… Peut-être Cunégonde un peu plus qu’Artémise…

samedi 13 octobre 2018

Je montre les croques

Le 22 juin 1967 vers 17 heures je mangeais un croque-monsieur.

Eh oui… Je me souviens !
Pas de miracle mnémonique. En effet je venais de quitter le théâtre Marigny où je faisais partie du public invité à assister à la représentation de la pièce "La Mamma" d’André Roussin avec comme principale interprète Elvire Popesco.

 

Peu après le tomber de rideau - « les décors sont de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell »-, une grande soif unie à une petite faim avait guidé mes pas et ceux de ma compagnie vers le proche Berkeley, avenue Matignon. Si l’une des convives, prétextant un violent mal de tête, avait refusé toute nourriture et avait réclamé au serveur un cachet d’aspirine et un cocktail Alexandra pour le faire descendre, pour ma part j’avais commandé un croque-monsieur.
Et – c’est pour cette raison que j’en ai gardé le souvenir -, il s’était révélé bien différent de ceux adaptés à mon budget d'étudiant que je m’offrais de temps en temps dans des bistrots parisiens.
Eux, ils sortaient du toaster à côté du comptoir, dégoulinant de béchamel roussie mais pas souvent réussie, enfermant une fine et tristounette tranche de jambon insipide cachant sa honte sous du pain de mie anémique.
Lui, il arriva fièrement, jouxté de la verdure d’un cresson mettant en valeur la blondeur de la nudité d’un pain légèrement brioché croustillant imbibé de beurre sans excès. Je soulevai délicatement la tranche supérieure pour trouver un jambon de Paris moelleux et parfumé à la fois couvert et soutenu par deux couches d’un emmenthal fondu de haut goût, épicé à souhait, dont les filaments assuraient l’unité de ce croque-monsieur en démontrant que l’empilage disparate formait désormais un tout. Bref, dans ma jeunesse impulsive, je me le suis enfilé certes goulûment, mais avec néanmoins le respect qu’il méritait.


Le 8 octobre 2017 vers 10 heures je faisais des courses.

Eh oui… Je me souviens !
Manquerais plus que j’ai la maladie d’Alzheimer… En effet je venais de pénétrer dans le Super-U d’une petite ville réputée pour ses diables (tiens, encore eux…) et son empoisonneuse, et je cherchais une idée pour réaliser sans trop me fatiguer un repas simple mais bon pour le soir, quand me vint l’idée de laver la honte de la réalisation d’un désastreux croque-monsieur au printemps dernier :



En effet j’avais eu la désastreuse idée de le revisiter en utilisant du pain italien et en y ajoutant de la moutarde douce et de l’estragon. Si l’on ajoute à cette alliance de saveur déplorable l’amertume excessive de la bière tourangelle qui avait imbibé le pain, l’on peut considérer que ma création était d’une nullité absolue…

Ce sera donc le croque-monsieur qui sera inscrit au menu.
Mais réalisé loin des excentricités qui m’ont servi de leçon.
J’ai donc acheté un pain de mie, certes industriel, mais classique, et un morceau d’emmenthal pas trop bas de gamme. Restait le jambon. Échaudé par mes achats fermiers locavores, c’est sans trop d’état d’âme que je me suis résolu à prendre du Fleury-Michon, marque plutôt honorable dans la qualité de ses produits. Mais sous quelle version ? La "Label Rouge", ou la "élevé sans antibiotique" ? Incapable de choisir selon des critères objectifs, je répondrai : les deux, mon caporal (chef) ! L’occasion de réaliser un test comparatif…


Alors, le soir, je réalise deux versions.
Je commence par découper des tranches fines dans l’emmenthal en évaluant la quantité nécessaire.

Version 1, jambon sans antibio :
J’humecte quatre tranches de pain de mie d’une cuillerée de lait.
J’y dépose quelques noisettes de beurre, je recouvre de lamelles d’emmenthal et donne un tour de poivre noir. Je place sur deux des tranches de pain une tranche de jambon pliée en deux. Je recouvre des deux autres tranches de pain.

Version 2, jambon label :
Même processus, sauf que mon estimation était fausse, j’ai utilisé toutes mes découpes de fromage pour recouvrir le pain Heureusement il me reste environ le tiers du morceau d’emmenthal. Malheureusement ça ne suffira pas pour recouvrir uniformément le pain. Je décide donc de râper ce reste, qui pourra ainsi être mieux réparti. Je strie le pain avec la lame d’un couteau afin de distinguer à coup sûr la version.

Bien que ce geste soit probablement inutile. Pour la comparaison, c’est plutôt mal parti, avec la différence de proportion de fromage…
De plus je m’aperçois que les quatre croque-monsieur ne peuvent tenir ensemble sur la plus grande de mes poêles. Je me résous donc à effectuer deux cuissons successives.
Je fais fondre au fond de la poêle une grosse noix de beurre dans laquelle je fais dorer sur les deux faces la version 1 à feu doux. Je réserve sur une plaque.
Je réitère cette opération avec la version 2. Les deux nouvelles pièces viennent rejoindre les deux premières sur la plaque.
J’enfourne trois minutes à 150 °C afin de remettre la version 1 à température mais aussi parfaire la cuisson centrale pour l’ensemble.


croque-monsieur
Jouer aux quatre coins...



Le résultat :
En toute honnêteté, il est impossible de hiérarchiser la qualité des jambons, qui pour les deux variétés est correcte. En revanche j’estime l’épaisseur des tranches trop fine pour les deux produits.

Il va sans dire que la version 1 peut être qualifiée de plus gourmande avec sa forte quantité d’emmenthal fondu.


croque-monsieur
Croque 1


Il n’est pas certain pour autant je la préfère à la version 2, où le croustillant plus présent avec le parfum du bon beurre fermier et la présence du jambon plus affirmée donnent un caractère que je n’irai pas jusqu’à qualifier de gastronomique, mais plus subtil en saveurs…


croque-monsieur
Croque 2


Mais je n’ai pas pour autant retrouvé la saveur post Mamma…