mardi 13 mars 2018

Haddock et Bakewell

C’est décidé, le dessert sera une tarte Bakewell.
« Mais, hum, une recette prise sur Internet… » dis-je d’un ton peu enthousiaste, m'adressant à ma moitié à qui cette pâtisserie avait tapé dans l’œil au cours de ses recherches d’idée pour gaver les petites filles pointilleuses de passage le lendemain.
À ce propos, gloire à Stéphane Jégo qui a su débarrasser l’épreuve des enfants dans Top Chef de ces stratégies abominables que sont le dressage dans le style Tête à Toto et, encore pire, le camouflage sournois…

Mais ceci est une autre histoire. Pour l’instant, c’est le repas du lendemain qu’il faut planifier. Bon, moi qui suis plutôt porté vers les desserts à base d’amande, je ne puis qu’adhérer à ce choix. Cependant j’ai envie d’aller plus loin. J’ai dans ma bibliothèque quelques livres consacrés à la cuisine britannique, je vais les consulter.

Et c’est ainsi que je découvre au sein de la réédition par l’excellent éditeur MENU FRETIN du livre paru en 1894 du cuisinier français Alfred Suzanne, LA CUISINE ET PÂTISSERIE ANGLAISE ET AMÉRICAINE Traité de l’alimentation en Angleterre et Amérique, cette recette qui devrait nous permettre de voyager non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps :

BAKEWELL PUDDING

Foncer un plat à pudding avec une abaisse de pâte fine sur laquelle on étend une couche de marmelade d’abricots.
Mêler dans un mortier une demi-livre d’amandes moulues avec 30 grammes de mie de pain, 250 grammes de beurre, 100 grammes de sucre en poudre, un verre de crème, un grain de sel, un peu de poudre de vanille et trois jaunes d’œufs dont on fouette les blancs bien fermes, et qu’on mélange en dernier lieu. Emplir avec cette préparation le plat à pudding et mettre au four pendant une demi-heure.


Reste à trouver le plat principal. Pourquoi ne pas rester dans la british food ?
Je feuillette le livre de Suzanne. Tiens, tiens, voici de quoi amuser les enfants :

TÊTE DE CABILLAUD FARCIE
STUFFED COD’S HEAD

On remplit le vide de la tête avec de la farce à l’anglaise (veal stuffing), puis on place la tête du poisson, ainsi farcie, sur un plat au fond creux bien beurré.
On ajoute du vin blanc et un peu de bouillon, on l’assaisonne et on le met au four en l’arrosant de temps à autre avec la cuisson. Dix minutes avant de sortir le poisson du four, on le saupoudre de mie de pain frite ou de chapelure fine.
On sert avec le cod’s head une sauce aux œufs ou aux huîtres. On peut avantageusement remplacer la farce à l’anglaise par une bonne farce de poisson assaisonnée aux fines herbes. Mêler dans un mortier une demi-livre d’amandes moulues avec 30 grammes de mie de pain, 250 grammes de beurre, 100 grammes de sucre en poudre, un verre de crème, un grain de sel, un peu de poudre de vanille et trois jaunes d’œufs dont on fouette les blancs bien fermes, et qu’on mélange en dernier lieu. Emplir avec cette préparation le plat à pudding et mettre au four pendant une demi-heure.


Voyons donc ce qu’est la farce à l’anglaise… Ah, voilà :

FARCE COMMUNE
VEAL STUFFING
Recette : Hacher très fin une livre de graisse de rognon de bœuf, que l’on mélange avec la même quantité de mie de pain fraîche passée au tamis à quenelle. On ajoute à la farce deux œufs entiers, du sel, du poivre, une pincée d’épices et du persil haché.


« Comment ? Ça ne plairait pas aux enfants ? Une tête, et il ne reste plus qu’à ajouter une pomme de terre pour le corps et des petites carottes pour les bras et les jambes. Peut-être un peu de cresson pour une perruque ? Non, même comme ça ? Pourtant c’était une bonne idée… ».
Finalement le consensus se crée sur un plat de haddock. Je ressors le livre d’Alfred Suzanne. Voyons, chapitre premier, potages anglais -english soups, chapitre II,  poissons….bon, sautons la honnie tête de cabillaud, juste après, sprats, puis soufflé de morue salée -salt fish souflé… pudding de filets de sole, ah, nous y voilà, merluche fraîche -haddock à l’anglaise, eh, eh, on y retrouve l’omniprésent veal’stuffing, mais non, il ne s’agit pas de mon haddock dénomination française, ici le poisson est frais, eurêka, je trouve mon bonheur dans la recette suivante :

MERLUCHE FUMÉE
FINNAN HADDOCK
La ville de Finnan est un petit port de mer situé à six milles d’Aberdeen. C’est probablement de cet endroit, où les merluches abondent, que le procédé de les fumer est originaire. Aujourd’hui, il est pratiqué sur une grande échelle, non seulement à Finnan, mais dans toute l’Écosse.
Walter Scott, dans un de ses romans, donne la description de ce poisson qu’il qualifie d’incomparable. L’opinion de l’éminent romancier est confirmée par tous ceux qui ont goûté du finnan haddock, et je suis surpris que cette excellente manière d’apprêter la merluche soit si peu connue en France. La ville d’Aberdeen en fait un commerce considérable, et sa consommation dans le Royaume-Uni est énorme.
Le haddock, aussitôt pêché, est ouvert par le ventre dans toute sa longueur, frotté de sel et suspendu par la queue pour être fumé pendant vingt-quatre heures. Ce court espace de temps suffit à lui donner une saveur particulière et un goût d’une extrême délcatesse. Il est vrai que le poisson ainsi préparé ne se conserve que peu de jours, et c’est probablement pour cette raison qu’on ne l’exporte en France qu’en petites quantités.
Pour le servir, on le fait simplement griller quelques minutes après l’avoir badigeonné d’huile et lui avoir coupé les nageoires, et, lorsqu’il est prêt et dressé sur le plat, on l’arrose de beurre frais fondu. On peut également le mettre à l’eau bouillante pendant cinq minutes, au lieu de le faire griller. Le finnan haddock se sert généralement pour le déjeuner du matin ou avec le thé de cinq heures.
On le sert aussi quelquefois avec le fromage à la fin du dîner. Dans ce cas, on le coupe en petits dés qu’on fait chauffer dans un peu de sauce curry ou à la diable, et l’on en garnit de petites croustades.



Le lendemain, fini de gloser, il faut passer à l’acte.
Commençons par le Pudding Bakewell.
Notre cuisinier Suzanne s’adresse à des pros, il considère que la recette d’une pâte fine est un acquis et ne la donne pas dans son ouvrage. Espérant ne pas être trop à côté de la plaque, je pars sur ces proportions :
250 g de farine
125 g de beurre
50 g de sucre glace
1 œuf
1 pincée de sel


La petite boule obtenue après pétrissage est réservée au frais pendant la préparation de l’appareil en suivant strictement les instructions de Suzanne.
Il ne reste plus qu’à effectuer le montage. La pâte étalée recouvre le fond du moule.
Il faut badigeonner de confiture. Las, la confiture présumée d’abricot par une inspection sommaire se révèle être un abominable (j’ai goûté !) mélange où les 25 % d’abricot sont liés avec force pectines avec un peu de pêche, de mangue et de jus de fruit de la passion. Il n’est pas question de gâcher ce dessert par cette infamie. Tant pis, il y aura une légère entorse à la recette authentique. La confiture d’abricot sera remplacée par de la confiture de framboise - fruit qui est d’ailleurs celui utilisé dans les recettes actuelles.
Allez, au four à 180 °C pour 40 minutes !
Il en sort un produit de bonne mine. Reste à savoir s’il régalera les convives…

Bakewell, pudding, tarte
Voyage à Bakewell



Pour le plat, je vais revisiter (eh oui, il m’arrive parfois de tomber dans ce travers !) le haddock grillé arrosé de beurre fondu.
Je place simplement les filets de haddock sur le plat de service parsemé de quelques noix de beurre, j’étale sur lui les coupes d’environ 2 mm d’épaisseur réalisées dans un oignon doux des Cévennes. Je répartis sur le plat quelques nouvelles noix de beurre et j’arrose les tranches d’oignon de quelques gouttes de vinaigre balsamique blanc. Je termine en saupoudrant de graines de maceron de l’île de Ré écrasées au mortier.

haddock, oignon doux des Cévennes
Sur le haddock


J’enfourne pendant 12 minutes à 190 °C.
Le plat sort du four. Je l’arrose d’une grosse noix de beurre fondu. Je sème des câpres.

haddock, beurre fondu
Sorti du four


Nous sommes prêts pour passer à table. Il est temps, des gamines affamées expriment leur impatience. Les pommes à l’anglaise adjointes au plat de haddock devraient leur rétablir leur taux de glycémie et les rendre moins insupportables.
Miracle ! Elles se régalent – tout comme les adultes.

Repus, nous sautons le fromage. Arrivent les parts de Pudding Bakewell.

Bakewell pudding
Coupe de Bakewell


C’est vraiment une bonne pâtisserie. À tel point qu’il nous faut recharger les assiettes avec du rab découpé dans le grand morceau resté en cuisine.

tarte de Bakewell
Ma chère moitié de Bakewell


Ma fille me fait remarquer la ressemblance de ce dessert anglais avec le nougat de Tours.
C’est effectivement flagrant.  Ce le serait encore plus si la confiture était d'abricot, comme c'est le cas pour la spécialité ligérienne.

Décidément, plus je voltige d’un pays à l’autre dans mes lectures culinaires que parfois je tente de concrétiser, plus je découvre de fratries dont je ne sais si elles sont le fruit de transmissions au gré de migrations, de guerres, de voyages, ou simplement de démarches créatives parallèles dans des lieux différents mais avec des contraintes similaires…
Mais qu’importe… Pourvu que l’on se régale !

dimanche 11 mars 2018

Cardons !

Cardons ! Cardons !

Mais non, je ne vais pas bramer le chant altier cher au Gravos équipier de San-Antonio.
« Cardons, cardons, car nous sommes matelassiers. »
Même si une vision s’impose à moi.
Oui, c’est Béru. Il balance son hymne : les Matelassiers, avec un clapotis, des gargouillis, des bulles, des borborygmes, des soupirs, des gloussements.
« Car nous sommes matelassiers, mes frères ! Oui, nous sommes matelassiers. »

Cardons, certes, mais cardons "Cynara cardunculus altilis" dont je dois préparer un pied qui vient d’arriver à la cuisine.
Pour commencer, une longue corvée d’épluchage afin de débarrasser les côtes de leurs épines et de leurs fils. Dans la plaque faisant office de poubelle de table s’amasse de quoi tisser un petit mouchoir. Mais ce sera pour une autre fois. Là, je balance les rectangles obtenus dans une casserole d’eau bouillante et citronnée où ils vont cuire pendant environ une demi-heure.
Je sors mon cardon et le dispose au fond d’un plat à gratin.
Las, je n’ai pas de moelle sous la main. Je me contente donc de réaliser un roux avec une noix de beurre et une bonne cuillerée de farine, et de le mouiller avec une louche de l’eau de cuisson et une autre louche de fond de veau. La sauce obtenue est encore fluide, un peu nappante, comme je le souhaitais. Je la verse sur le cardon.

cardons, gratin
Cardons !


Puis je parsème la surface du plat avec de la chapelure en une couche légère et râpe par-dessus un petit morceau de gruyère.

cardons, gratin
Sous un voile...


Pour finir j’arrose de beurre fondu et j’enfourne à 190 °C pour une douzaine de minutes.
Pendant que le gratin est en train de dorer, je saisis à feu vif sur leurs deux faces un couple de grenadins de veau au fond d’une poêle où a fondu une noisette de beurre. Je baisse la flamme au minimum et fais fondre une échalote hachée saupoudrée de sel à côté de la viande. Puis je passe à feu moyen et verse 15 cl de crème liquide que j’ai colorée d’une pincée de curcuma. Elle réduit. Quand elle a presque atteint la consistance voulue, je rectifie l’assaisonnement par une pointe de sel et ajoute du poivre blanc de Penja grossièrement concassé au mortier.
C’est le moment de sortir le gratin de cardon. Il est doré à souhait.

cardons, gratin
C'est le gratin !


Je pose un grenadin de veau sur chaque assiette, déverse la sauce au poivre. Je découpe des parts de gratin que j’étends à côté de la viande. Une mâche fraîche cueillie du jardin apportera sa verdeur.


grenadin, veau, cardons, gratin
Grenadin et cardons...



Bon, ça va, le veau est bien resté légèrement rosé à cœur. La sauce est onctueuse, bien parfumée - avec du poivre blanc de Penja, il ne pouvait en être autrement… Seul bémol, le gratin est un peu trop salé : je ne me suis pas assez méfié de l’eau de cuisson, ne pas saler la sauce n’a pas suffi.

Qu’à cela ne tienne. Ça ne m’empêchera pas de chanter :
« Cardons, cardons, nous sommes rassasiés, mes frères. »

mardi 6 mars 2018

Parenthèse de boudins noirs

En égoïste, pour moi tout seul, je vais me cuisiner deux tronçons de boudin achetés à Mortagne-au-Perche…
Le premier est tranché dans un boudin noir classique contenant du gras, des oignons et un trait de crème fraîche, le second dans un boudin noir fumé.
Je fais un petit tour dans les réserves de fruits et légumes, et je découvre un oignon doux des Cévennes ainsi qu’une pomme de la variété Granny Smith. D’habitude je ne suis pas très enthousiaste devant le tristement convenu mariage boudin pomme. Mais là, je vais tenter…
J’appellerai ma recette :

PARENTHÈSE DE BOUDINS NOIRS


Ouvrons la parenthèse !

Je pèle la pomme Granny Smith, la partage en huit quartiers que je réserve arrosés de jus de citron.
Je découpe quatre tranches dans une carotte violette du jardin, et je les mets à glacer pendant que je hache finement le quart d’un bouquet de persil. Je réserve.
Je débarrasse un petit oignon doux des Cévennes de sa pelisse, je le saupoudre de fleur de sel, et je l’enferme dans du papier d’aluminium. Je l’enfourne à 180 °C pour une dizaine de minutes.
Je dépose les tronçons de boudin sur une poêle où j’ai fait fondre une noisette de beurre. Je les y laisse cuire à feu moyen pendant que l’oignon continue à s’attendrir (sur son sort ?) dans sa prison aluminée.
Je jette les tranches de pomme dans une grosse noix de beurre mousseux et les fais revenir non salées à feu vif deux ou trois minutes.
Le moment est venu de dresser mon assiette.
Je la recouvre d’un tapis clairsemé de persil haché. Je dépose les deux tronçons de boudin symétriquement sur son bord. Au centre, je fais trôner l’oignon sorti de son enveloppe d’aluminium.
Je répartis les quartiers de Granny Smith dorés mais encore al dente. Je les arrose du jus restant au fond de la poêle de cuisson du boudin. Puis je les parsème de baies de Timut de Katmandou écrasées au mortier avec une pincée de gros sel. Je viens de remettre à température les tranches de carotte. Elles prennent place dans mon assiette.
Pour finir, je décore la blancheur immaculée de l’oignon par le vert d’un peu de persil et le violet de quelques gouttes du glaçage de la carotte.

boudin, boudin fumé, boudin aux pommes, GrannySmith, oignon doux des Cévennes
Où je suis tombé dans les pommes...


Fermons la parenthèse !


Il ne me reste alors plus qu’à passer à table et détruire le fruit de mon labeur. Ma fourchette et mon couteau vont se livrer à cette autre tâche avec un plaisir évident. Je leur pardonne ce vandalisme, car le plaisir est partagé. Ces boudins sont fort bons. Je ne tiendrai pas rigueur au valeureux charcutier de la perte d’onctuosité de la version fumée, car ce traitement confère un goût et un parfum intéressants.
Et je m’autofélicite d’être parvenu à me faire apprécier une garniture de pomme fruit… Je n’aurais jamais cru que quiconque en fut capable !

lundi 5 mars 2018

Test à test

Deux oursins se sont retrouvés en test à test chez moi.

oursins
Une relation piquante

Cette rencontre était émouvante, mais, quitte à passer pour un pervers, il me faut avouer que j’aurais préféré carrément une orgie d’oursins s’éclatant la gonade…
Me demandant bien d’où me venait cette attirance vers des individus à l’accueil a priori peu amène, alors que nul atavisme provincial ne m’y prédisposait, j’ai eu recours à une séance sur le divan du célèbre psychanalyste Sigmund Chaud-Rond.
Je fus invité à m’allonger, et je me laissais aller à une remontée de mes souvenirs ponctuée par les lapidaires « tiens, tiens… » et « intéressant ! » de mon aspirateur de confidences soulevant les vieux moutons accumulés dans les recoins de ma mémoire.

Je me revois en classe de quatrième disséquant ces bestioles.


Oursin, coupe

L’un de mes camarades, plus déluré ou plus opportuniste que les autres, je ne sais, porte un petit bout à sa bouche et déclare : « Mais c’est que c’est bon, ce machin-là… ». Chacun fait de même, jusqu’à ce que le professeur, ayant remarqué ce manège, nous tance : « Je ne vous ai pas invités à une dégustation gastronomique ! Je vois que vos croquis n’ont guère avancé, remarquez, il vous sera peut-être difficile de représenter les massacres que j'aperçois sur vos paillasses, il faudrait que vous fussiez de nouveaux Leonard de Vinci, ce qui est loin d’être le cas… ». Il se penche au-dessus de mon épaule : « Mon ami, ne vous vexez pas si je vous dis que votre lanterne d’Aristote ressemble plutôt à un lampion. Quoi qu’il en soit, je ramasserai vos chefs-d’œuvre dans une demi-heure ! ».
Pas loin du lycée, c’est le jour du marché. Je le traverse avec deux copains. Nous avisons l’étal d’un poissonnier. Mais oui, il vend des oursins… Il nous vient alors une idée. Nous abordons le commerçant. « Nous sommes des élèves du lycée, et en ce moment nous étudions les Échinodermes. Ça serait vraiment sympa si vous nous donniez quelques oursins pour nos travaux pratiques, on doit en disséquer. ». Il est bien brave, ce marchand, il saisit une page de journal et y enferme une demi-douzaine de ces animaux.
Notre subterfuge a fonctionné, nous recommençons l’opération auprès des autres poissonniers, et bientôt notre trio de malfaisants peut s’attabler dans un coin et ouvrir tant bien que mal avec un vieux canif les oursins posés sur les journaux à même le trottoir qui nous servent de nappe. Sortir la partie comestible rien qu’avec la pointe de la lame du canif et le bout des doigts n’est pas facile, mais mon dieu que c’est bon, ce festin gratuit…


Je m’attendais à ce que mon auditeur rémunéré émette un « Ah, ah, nous y voilà ! », mais non, rien, le silence. Ou non, plutôt un petit ronflement… Il s’était endormi, le bougre !
Je me levai de mon divan où pourtant j’aurais aimé entreprendre une sieste moi aussi. Je sortis sur la pointe des pieds. Mais la séance n'allais pas être aussi gratuite que les oursins de ma jeunesse. Une virago qui devait être la secrétaire - à moins que ce soit l’épouse ou la maîtresse – m'a barré le chemin. « Eh, Monsieur, il vous faut payer maintenant. Pour des raisons thérapeutiques, bien sûr ! Et en liquide, c’est indispensable pour l'efficacité de votre séance… ».
Et c’est ainsi que, des années plus tard, j’ai payé le repas de mes copains de lycée !

Revenons à mon tête à tête d’oursins. En manque d’oursinade, je cherche à compenser en me gavant d’huîtres.
Mais qu’est-ce que je vois : un cochon jaune au milieu du plateau…

huitres, citron, queue de cochon
Ben, mon cochon !

Un cochon jaune
Qui coure dans le goémon
Je l’attrape par la queue,
Je le montre à madame
Cette dame m’affirme :
Trempe-la dans l’huile,
Trempe-la dans l’eau,
Ça fera un bigorneau
Tout chaud.


Il me semble qu’il va me falloir une nouvelle séance d’analyse chez ce brave docteur Sigmund Chaud-Rond…


samedi 3 mars 2018

Tête à tête

Comme je le laissais prévoir dans un article du mois d’octobre précédent consacré à l’immense artiste méconnu Jean-Baptiste Chaud-Rond, sa période neo’ poireau fut brève. Il n’est pas revenu. pour autant au pop’ lard qui lui procura un groupuscule de fervents admirateurs.
Après un bref détour par le cavi' art qui aurait pu lui valoir la faveur des critiques de la rive gauche mais dont il se détourna en regard du coût des fournitures, son moyen d’expression est désormais le tête’ art, pavé jeté dans la mare où grenouillent tant de prétendus créateurs qui ne cherchent qu’à se faire des ronds…

Voici deux de ces œuvres :

Normandy's

Hungary's

Avouez qu’elles mériteraient d’être exposées à la Tête Gallery !



En attendant, l’artiste affamé fut bien obligé de croquer ses modèles.

Le premier, un brave paysan tout droit arrivé d’un élevage normand qui accepta sans sourciller de recevoir de l’échalote et du persil sur la tronche et d’être arrosé d’une vinaigrette légèrement moutardée unissant huile d’arachide et vinaigre de cidre .
Le second, un immigré hongrois gavé de paprika qui ne voulut bien poser qu’à côté d’un émincé de légumes aigre-doux contenant choux, poivrons, concombres, tomate verte et pastèque qui l’avait accompagné dans son voyage.

pâté de tête hongrois
Tête à tête hongrois

Dans l'exposition à mon palais, le comparatif des deux pâtés de tête n’a fourni aucun gagnant.
Excellents tous les deux...

jeudi 1 mars 2018

Se prendre le chou...

Hier soir, je me suis pris le chou. Le chou-fleur, plus précisément.
Ce chou était destiné à accompagner des onglets passés rapidement à la poêle sur un beurre mousseux.

onglet, poêle
L'onglet tel qu'on le pare

D’habitude, je me contente de séparer les bouquets, de les cuire à l’eau bouillante salée et légèrement citronnée et simplement les passer dans le jus de cuisson des steaks.
Mais là m’est venue l’envie de réaliser une recette plus élaborée, ce chou-fleur étant d’une taille relativement petite.
Je l’ai donc conservé entier après l’avoir dégagé de sa gangue de feuilles vertes et débarrassé le plus possible de son trognon. Je l’ai posé, vivifié par un séjour dans de l’eau citronnée, sur un film de Carta Fata.
J’ai ajouté :
-le quart d’une gousse de vanille fendue et grattée
-quelques piments végétariens cueillis sur l’arbuste et tranchés en deux sur la longueur
-une feuille de laurier
-une feuille de caloupilé
-des grains de poivre blanc de Penja
-un tour de moulin de poivre rouge de Kampot
-quatre noix de beurre de baratte demi-sel


Même avant la cuisson, des effluves odoriférants me montaient aux narines.
La vanille, en particulier, venue directement de l’île de La Réunion, dispensait son parfum pénétrant. J’avais pu prendre conscience de la puissance olfactive de ce produit en l’utilisant pour parfumer la crème anglaise des œufs à la neige, et c’est pour cette raison qu’il m’a semblé opportun de me limiter à un quart de gousse… Et je crois que je n’avais pas tort.
Toujours est-il que, pour l’instant, je relève les pans de la feuille transparente et ferme la bourse contenant le chou-fleur et ses aromates par une ceinture dorée qui, je l’espère, ne me privera pas d’une bonne renommée.

chou-fleur, Carta Fata
Chou-fleur dans sa prison fatale

Je place au creux d’un petit plat de cuisson, et j’enfourne pour 35 minutes à 210 °C.
Le minuteur sonne. J’ouvre le four, et sors une montgolfière.

chou-fleur, Carta Fata
Gonflé, non ?

Un coup de ciseau, et je peux dégager le chou-fleur un peu doré que je dépose au creux d’un plat et arrose du jus trouvé dans le creux de la feuille de Carta Fata déployée.

chou-fleur, vanille, piment végétarien
Chou-fleur à la vanille


J’appréhendais le résultat de cette improvisation, mais le triumvirat chou-fleur, vanille, piment végétarien a fonctionné à merveille.

mardi 27 février 2018

Que la teuf commence !

Il y a quelque temps, j’avais profité d’une offre avantageuse pour acheter une petite boîte de caviar osciètre de qualité. Elle était restée enfermée au frais dans un bac du réfrigérateur. Aukazoù…
Mais le kazoù de la festivité justifiant une sortie de son obligation de réserve ne s’est jamais produit. Et c’est ainsi qu’hier, lors de ma tournée d’inspection, j’ai constaté que ces précieux grains s’étaient approchés dangereusement de leur date de péremption.

Mais, après tout, une fête n’est jamais aussi jouissive que quand elle ne résulte d’aucune programmation ou contrainte sociale. Pas de raison de continuer à différer, je me suis lancé aussitôt dans la préparation des deux assiettes improvisées d’une petite teuf impromptue…


Je fais cuire à l’eau des pommes de terre du jardin choisies afin de varier tant les formes que les couleurs : cinq Cornes de Gatte, trois Highland Burgundy Red, une Samba. Puis je les épluche et les tranche en deux dans le sens de la longueur.
Je les répartis par moitié sur chaque assiette. Je dispose aussi des cercles réalisés en tranchant un oignon violet, et place en leur centre un peu de sauce au raifort. Je saupoudre la porcelaine avec des pincées de flocons d’algue nori séchée.
Je dépose sur les pommes de terre tièdes de petits monticules de caviar. Arrivent d’autres grains imprégnés de saveurs marines : des œufs de saumon sauvage.
Il ne reste plus qu’à saccager les tableaux colorés obtenus…




Et pour que la fête soit complète, de la vodka coulant à flots ! Sauf qu’il n’en reste plus qu’un fond de bouteille… Tant pis, on fera avec.

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Que d'œufs !

Et puis zut, j’ai oublié le dessert.
Qu’à cela ne tienne, il reste encore deux parts de brioche au pavot. Plutôt raccord, d’ailleurs…