Finita la farsa |
Cuisine qui ne roule pas à Vegelib. Comment se creuser pour que ses plats ne finissent pas en reliefs....
samedi 17 février 2018
FARCE suite MENT et fin
Dernières tranches du farcement passées à la poêle dans la fonte du confit puis mises au four où il fait un chaud de canard - à tel point que l’on voit bien que ce dernier a la chair de poule…
jeudi 15 février 2018
Suivre Savoie
La neige a fondu, et c’est bien dommage. Car elle aurait créé une ambiance idéale pour mon plat de ce jour, un farcement savoyard.
C’est donc en voyant les gouttes de pluie dégouliner sur les vitres que je m’attelle à la réalisation de cette recette.
Je commence par râper un peu plus d’un kilo et demi de pommes de terre. Des bintjes achetées au marché que je dois non seulement éplucher, mais aussi débarrasser de pas mal de noir… Honte à ce producteur ! Je n’ai plus le courage de râper à la main, ce qui sans doute serait préférable, mais j’ai hâte de voir se terminer la corvée de patates, alors je sors le robot, et zou, les tubercules sont avalés par l’engin en quelques secondes…
Je verse le résultat dans un torchon afin d’essorer le magma tant que peut se faire, le jus tombant dans un saladier en verre qui supporte une passoire contenant la bintje râpée qui y versera ses dernières larmes. Le liquide va décanter, et je pourrai ainsi récupérer la fécule déposée au fond du récipient.
Puis je hache un oignon, découpe un morceau de lard demi-sel en petits lardons, et verse le tout dans une poêle où j’ai fait fondre une petite cuillerée de saindoux. Je laisse fondre quelques minutes et réserve.
Pendant que cette préparation refroidit, je tapisse soigneusement ma rabolire barbouillée de saindoux avec des tranches de lard fumé coupées à environ un demi-millimètre d’épaisseur par le charcutier. Je prends bien soin de couvrir de la même façon le fonds et la cheminée.
Coup de chance, le nombre de tranches, quarante - comme les académiciens et les voleurs… -, colle pile-poil avec la quantité nécessaire pour couvrir la surface !
Je range au frais ma raboline prête à accueillir l’appareil que j’entreprends sitôt de réaliser.
Dans un cul-de-poule je déverse la pomme de terre râpée, ajoute le contenu de la poêle, deux cuillerées de farine, la fécule des bintjes recueillie au fond du saladier, deux œufs, une cuillerée de crème fraîche. Je mélange bien à la main en introduisant une vingtaine de pruneaux non dénoyautés et en assaisonnant de plusieurs tours de moulin de poivre noir, de noix de muscade râpée sur la Microplane et de deux pincées de quatre-épices.
Je m’empare de la raboline et l’emplis de ma préparation en prenant soins de ne pas décoller les tranches qui revêtent ce récipient. Je tasse sans excès. Il ne me reste plus qu’à replier la tapisserie afin de recouvrir le dessus du farcement cru.
Je coiffe la raboline de son couvercle et la dépose au fond d’un grand faitout contenant l’eau nécessaire pour un bain-marie au trois-quarts de sa hauteur.
J’enfourne à 180°C et j’ajoute de temps à autre de l’eau chaude afin de maintenir le niveau.
Trois heures et demie plus tard, je défourne.
Arrive l’instant le plus stressant, le démoulage. Est-ce que les feuilles de lard fumé ne vont pas rester collées ou le contenu s’effondrer lamentablement ?
Retournons, une main sur le plat remplaçant le couvercle, l’autre sous la raboline dont la chaleur commence à transpercer la manique… Un, deux, trois. Non, je ne le sens pas… Recommençons, en se plaçant un peu mieux. Un deux... Courage ! Un deux, trois, hop, hop-là comme on dit non pas en Savoie mais en Alsace… Ça y est, le farcement se dresse fièrement sur son plat, intact ( adjectif qui s’applique au mets, mais aussi à la porcelaine, qui eut pu aussi bien y passer... ).
J’imagine la déception du lecteur. Quoi de plus réjouissant à lire que le récit d’un beau plantage !
Non mais vous n’espériez tout de même pas que j’allai me priver d’un bon farcement pour le plaisir d’amuser la galerie ! Alors contentez-vous de cette œuvre dans la banalité de son achèvement :
Il ne me reste plus qu’à trancher et à servir. J’ajoute sur chaque assiette une des saucisses italiennes parfumées au romarin achetées chez le traiteur italien des halles locales mises à dorer sur une poêle pendant la fin de cuisson du farcement.
Un couple qui fonctionnera…
Le temps d'un repas.
C’est donc en voyant les gouttes de pluie dégouliner sur les vitres que je m’attelle à la réalisation de cette recette.
Je commence par râper un peu plus d’un kilo et demi de pommes de terre. Des bintjes achetées au marché que je dois non seulement éplucher, mais aussi débarrasser de pas mal de noir… Honte à ce producteur ! Je n’ai plus le courage de râper à la main, ce qui sans doute serait préférable, mais j’ai hâte de voir se terminer la corvée de patates, alors je sors le robot, et zou, les tubercules sont avalés par l’engin en quelques secondes…
Râpons ! |
Fécule maison |
Puis je hache un oignon, découpe un morceau de lard demi-sel en petits lardons, et verse le tout dans une poêle où j’ai fait fondre une petite cuillerée de saindoux. Je laisse fondre quelques minutes et réserve.
Pour une bonne farce... |
Pendant que cette préparation refroidit, je tapisse soigneusement ma rabolire barbouillée de saindoux avec des tranches de lard fumé coupées à environ un demi-millimètre d’épaisseur par le charcutier. Je prends bien soin de couvrir de la même façon le fonds et la cheminée.
Coup de chance, le nombre de tranches, quarante - comme les académiciens et les voleurs… -, colle pile-poil avec la quantité nécessaire pour couvrir la surface !
Je range au frais ma raboline prête à accueillir l’appareil que j’entreprends sitôt de réaliser.
Dans un cul-de-poule je déverse la pomme de terre râpée, ajoute le contenu de la poêle, deux cuillerées de farine, la fécule des bintjes recueillie au fond du saladier, deux œufs, une cuillerée de crème fraîche. Je mélange bien à la main en introduisant une vingtaine de pruneaux non dénoyautés et en assaisonnant de plusieurs tours de moulin de poivre noir, de noix de muscade râpée sur la Microplane et de deux pincées de quatre-épices.
Après avoir reçu quelques pruneaux |
En recouvrement... |
J’enfourne à 180°C et j’ajoute de temps à autre de l’eau chaude afin de maintenir le niveau.
Trois heures et demie plus tard, je défourne.
Raboline sortant de son bain |
Retournons, une main sur le plat remplaçant le couvercle, l’autre sous la raboline dont la chaleur commence à transpercer la manique… Un, deux, trois. Non, je ne le sens pas… Recommençons, en se plaçant un peu mieux. Un deux... Courage ! Un deux, trois, hop, hop-là comme on dit non pas en Savoie mais en Alsace… Ça y est, le farcement se dresse fièrement sur son plat, intact ( adjectif qui s’applique au mets, mais aussi à la porcelaine, qui eut pu aussi bien y passer... ).
J’imagine la déception du lecteur. Quoi de plus réjouissant à lire que le récit d’un beau plantage !
Non mais vous n’espériez tout de même pas que j’allai me priver d’un bon farcement pour le plaisir d’amuser la galerie ! Alors contentez-vous de cette œuvre dans la banalité de son achèvement :
Fieffé fier farcement ! |
Il ne me reste plus qu’à trancher et à servir. J’ajoute sur chaque assiette une des saucisses italiennes parfumées au romarin achetées chez le traiteur italien des halles locales mises à dorer sur une poêle pendant la fin de cuisson du farcement.
On s'en paye une bonne tranche |
Le temps d'un repas.
dimanche 11 février 2018
Le royaume d'Aster X
Je suis bien placé pour parler du couronnement d’Aster X, car c’est moi qui me suis chargé de l’organisation de la cérémonie.
Aster, dit le Maritime, est arrivé béni par l’Abbé de Somme.
Il s’est ébroué tout d’abord au fond d’une passoire, avant de plonger dans le bain parfumé que je lui avais préparé…
Mais commençons par le commencement !
Ce sont d’abord deux soles venues tout droit de Saint Gilles-Croix de Vie qui se présentent en première ligne, si j’ose dire. Je les habille, en tire huit filets. Leurs parures sont jetées dans une petite casserole sur une noix de beurre demi-sel commençant à fondre en compagnie de deux échalotes tranchées en deux, de trois épaisses rondelles de carotte, d’une feuille de laurier, d’un brin de thym.
Il va sans dire que tout ce petit monde se met à suer sur la petite flamme bleue allumée sous ses pieds. Compatissant, j’arrose d’un vert de vin blanc -un Gros-Plant du Pays Nantais- et de deux verres d’aqua simplex. Je bombarde de trois grosses baies de piment de la Jamaïque et d’une dizaine de petits grains de poivre de Voatsiperifery. Un quart d’heure plus tard, il ne reste qu’un demi-verre de liquide concentrant les saveurs. Je le transfère dans une autre casserole à travers un chinois.
Aster qui n’est pas encore classé X se plonge avec bonheur dans ce bain. Il ne me reste plus qu’à l’oindre de chrême de Sainte-Mère. Un nouveau petit tour sur le feu que j’interromps après une bonne réduction et...
Vive Aster X, le roi du jour !
Je le réserve.
Je me consacre alors aux hôtes de céans.
En premier, quatre tranches fines de ventrèche roulée arrivées du Pays Basque.
Je laisse leur manteau de couenne rougi par le piment au vestiaire, je les allonge au fond d’une poêle et les couvre d’un drap de papier siliconé. Mais elles se comportent comme des enfants : « On ne veut pas dormir, il fait trop chaud ! » et gigotent pour se lever. J’emploie la manière forte en les maintenant par le poids d’un aplatisseur à viande. Non mais ! Quelque temps après, elles ont bien sué, se tiennent raides, et je peux les laisser sommeiller dans un coin.
Les autres invitées sont plus nombreuses, ce sont des lentilles vertes du Berry qui arborent avec fierté leur Label Rouge.
Un peu plus du double d’eau, un oignon cloué, un morceau de carotte, une feuille de laurier, un brin de thym, poivre long, poivre blanc de Penja… Vingt minutes à petit bouillon, une pincée de fleur de sel, encore cinq minutes… Les lentilles sortent guillerettes de leur caldarium. Mais elles ne sont pas entièrement satisfaites. Il me faut leur prodiguer un massage avec un bon beurre. « Du Surgères ! », réclament-elles. Comment ces berrichonnes connaissent-elles cette petite ville du Pays d’Aunis ? Toujours est-il que je m’exécute.
Désormais tout est prêt pour la fête finale.
Arrivent les filets de sole qui plongent dans du beurre demi-sel mousseux. Deux oignons blancs fendus en deux sur toute leur longueur s’invitent à leur côté. J’arrose abondamment de beurre fondu pendant deux minutes, puis je glisse la poêle au four à 70°C le temps de placer l’hémicycle des lentilles et de remettre en température la ventrèche. Aster X doit aussi s’échauffer avant son entrée.
Je dispose les filets de sole comme quatre banquette sur lesquelles trônera Aster X - allongé à vrai dire comme un roi fainéant…
Les tranches de ventrèche se bousculent pour être au premier rang, alors que les oignons blancs s’allongent mollement à leurs pieds, tels des chiens fidèles.
Je tapisse le sol de tours de moulin de poivre noir de Kampot et de poudre de piment d’Espelette.
Aster X arrive, majestueux.
Il prononce sa fière devise : « Toujours vert ! »
Le chœur des Berruyères répond en écho : « Toujours vertes ! »
Le règne d’Aster X a commencé.
Pas pour longtemps. Une révolution de palais vient l’interrompre prématurément.
Je confie à mon épouse : « Eh oui, il était trop bon… »
Elle me confirme : « Ça, c’est bien vrai ! »
Aster, dit le Maritime, est arrivé béni par l’Abbé de Somme.
Aster dans sa jeunesse |
Mais commençons par le commencement !
Ce sont d’abord deux soles venues tout droit de Saint Gilles-Croix de Vie qui se présentent en première ligne, si j’ose dire. Je les habille, en tire huit filets. Leurs parures sont jetées dans une petite casserole sur une noix de beurre demi-sel commençant à fondre en compagnie de deux échalotes tranchées en deux, de trois épaisses rondelles de carotte, d’une feuille de laurier, d’un brin de thym.
Il va sans dire que tout ce petit monde se met à suer sur la petite flamme bleue allumée sous ses pieds. Compatissant, j’arrose d’un vert de vin blanc -un Gros-Plant du Pays Nantais- et de deux verres d’aqua simplex. Je bombarde de trois grosses baies de piment de la Jamaïque et d’une dizaine de petits grains de poivre de Voatsiperifery. Un quart d’heure plus tard, il ne reste qu’un demi-verre de liquide concentrant les saveurs. Je le transfère dans une autre casserole à travers un chinois.
Aster qui n’est pas encore classé X se plonge avec bonheur dans ce bain. Il ne me reste plus qu’à l’oindre de chrême de Sainte-Mère. Un nouveau petit tour sur le feu que j’interromps après une bonne réduction et...
Vive Aster X, le roi du jour !
Je le réserve.
Je me consacre alors aux hôtes de céans.
En premier, quatre tranches fines de ventrèche roulée arrivées du Pays Basque.
Je laisse leur manteau de couenne rougi par le piment au vestiaire, je les allonge au fond d’une poêle et les couvre d’un drap de papier siliconé. Mais elles se comportent comme des enfants : « On ne veut pas dormir, il fait trop chaud ! » et gigotent pour se lever. J’emploie la manière forte en les maintenant par le poids d’un aplatisseur à viande. Non mais ! Quelque temps après, elles ont bien sué, se tiennent raides, et je peux les laisser sommeiller dans un coin.
Les autres invitées sont plus nombreuses, ce sont des lentilles vertes du Berry qui arborent avec fierté leur Label Rouge.
Un peu plus du double d’eau, un oignon cloué, un morceau de carotte, une feuille de laurier, un brin de thym, poivre long, poivre blanc de Penja… Vingt minutes à petit bouillon, une pincée de fleur de sel, encore cinq minutes… Les lentilles sortent guillerettes de leur caldarium. Mais elles ne sont pas entièrement satisfaites. Il me faut leur prodiguer un massage avec un bon beurre. « Du Surgères ! », réclament-elles. Comment ces berrichonnes connaissent-elles cette petite ville du Pays d’Aunis ? Toujours est-il que je m’exécute.
Désormais tout est prêt pour la fête finale.
Arrivent les filets de sole qui plongent dans du beurre demi-sel mousseux. Deux oignons blancs fendus en deux sur toute leur longueur s’invitent à leur côté. J’arrose abondamment de beurre fondu pendant deux minutes, puis je glisse la poêle au four à 70°C le temps de placer l’hémicycle des lentilles et de remettre en température la ventrèche. Aster X doit aussi s’échauffer avant son entrée.
Je dispose les filets de sole comme quatre banquette sur lesquelles trônera Aster X - allongé à vrai dire comme un roi fainéant…
Les tranches de ventrèche se bousculent pour être au premier rang, alors que les oignons blancs s’allongent mollement à leurs pieds, tels des chiens fidèles.
Je tapisse le sol de tours de moulin de poivre noir de Kampot et de poudre de piment d’Espelette.
Aster X arrive, majestueux.
Il prononce sa fière devise : « Toujours vert ! »
Le chœur des Berruyères répond en écho : « Toujours vertes ! »
Le règne d’Aster X a commencé.
Sacre d'Aster X |
Pas pour longtemps. Une révolution de palais vient l’interrompre prématurément.
Je confie à mon épouse : « Eh oui, il était trop bon… »
Elle me confirme : « Ça, c’est bien vrai ! »
mercredi 7 février 2018
Les crêpes de la Saint-Eutyche
Pour des raisons indépendantes de ma volonté, il m’a fallu différer la préparation des crêpes du jour de la Chandeleur à celui de la Saint-Eutyche…
Pour autant, le résultat gustatif n’en fut pas tellement modifié, et de toute façon, au regard de l’instrument de cuisson utilisé, il m’eut été difficile de faire sauter une crêpe tout en serrant une pièce dans ma main gauche.
Or donc, en cet après-midi du 4 février de l’an de grâce 2018, jour où l’on fête le Bienheureux Saint Eutyche -qui, sous l'empereur Dioclétien, fut emprisonné, resta sans nourriture ni eau pendant douze jours avant de mourir noyé-, je me lance dans la séance de rattrapage de ma Chandeleur manquée.
Je confectionne deux pâtes.
La première, celle destinée aux crêpes sucrées se compose de :
500 g de farine type 65
1 l de lait
5 œufs
100 g de sucre
50 g de beurre
½ cuillerée à soupe de gros sel gris
Je verse la farine et le sel dans un grand cul-de-poule et crée un puits en son centre.
Je bats les œufs avec le quart du lait dans un petit cul-de-poule. Je transvase ce mélange au creux de la farine, et l’incorpore précautionneusement avec une spatule afin de ne pas avoir de grumeaux. Dans la pâte relativement ferme obtenue j’ajoute le sucre puis progressivement le reste de lait. Je peux terminer au fouet, tout en veillent à ne pas rendre mousseux.
Je réserve au frais. Le beurre, fondu, sera ajouté au moment de la cuisson.
La seconde, celle dévolue aux galette salées, se compose de :
500 g de farine de sarrasin
1 œuf
1 poignée de gros sel gris
1 litre d’eau à augmenter selon résultat.
Je verse la farine et le sel dans une bassine et crée un puits en son centre. J’y dépose l’œuf battu avec un peu d’eau, et je pétris. J’ajoute ensuite un verre prélevé sur le litre d’eau, continue à pétrir, puis ajoute le reste. Ce ne sera pas suffisant, il me faudra ajouter encore un peu d’eau pour obtenir la consistance voulue. Je réserve au frais.
Quatre heures plus tard, je sors la billig, l’enduis de saindoux avec le tampon.
Je commence par les crêpes au froment qui s’entassent sur un plat, environ une quinzaine…
J’enchaîne sur les galettes au blé noir, qui se superposent sur un autre plat, en nombre à peu près équivalent…
C’est le moment de passer à la dégustation.
Galette complète jambon, œuf et emmenthal :
Galette andouille de Guéméné, compotée d’oignon :
Galette jambon, emmenthal :
Crêpe au sucre :
Bien entendu, avec chaque galette ou crêpe, une grosse noix de beurre demi-sel !
Finalement, je me suis à peu près rattrapé aux branches des Chandeliers du 2 février…
Pour autant, le résultat gustatif n’en fut pas tellement modifié, et de toute façon, au regard de l’instrument de cuisson utilisé, il m’eut été difficile de faire sauter une crêpe tout en serrant une pièce dans ma main gauche.
Or donc, en cet après-midi du 4 février de l’an de grâce 2018, jour où l’on fête le Bienheureux Saint Eutyche -qui, sous l'empereur Dioclétien, fut emprisonné, resta sans nourriture ni eau pendant douze jours avant de mourir noyé-, je me lance dans la séance de rattrapage de ma Chandeleur manquée.
Je confectionne deux pâtes.
La première, celle destinée aux crêpes sucrées se compose de :
500 g de farine type 65
1 l de lait
5 œufs
100 g de sucre
50 g de beurre
½ cuillerée à soupe de gros sel gris
Je verse la farine et le sel dans un grand cul-de-poule et crée un puits en son centre.
Je bats les œufs avec le quart du lait dans un petit cul-de-poule. Je transvase ce mélange au creux de la farine, et l’incorpore précautionneusement avec une spatule afin de ne pas avoir de grumeaux. Dans la pâte relativement ferme obtenue j’ajoute le sucre puis progressivement le reste de lait. Je peux terminer au fouet, tout en veillent à ne pas rendre mousseux.
Je réserve au frais. Le beurre, fondu, sera ajouté au moment de la cuisson.
Pâte 1 |
500 g de farine de sarrasin
1 œuf
1 poignée de gros sel gris
1 litre d’eau à augmenter selon résultat.
Je verse la farine et le sel dans une bassine et crée un puits en son centre. J’y dépose l’œuf battu avec un peu d’eau, et je pétris. J’ajoute ensuite un verre prélevé sur le litre d’eau, continue à pétrir, puis ajoute le reste. Ce ne sera pas suffisant, il me faudra ajouter encore un peu d’eau pour obtenir la consistance voulue. Je réserve au frais.
Pâte 2 |
Quatre heures plus tard, je sors la billig, l’enduis de saindoux avec le tampon.
Je commence par les crêpes au froment qui s’entassent sur un plat, environ une quinzaine…
Billig et froment |
Billig et sarrasin |
C’est le moment de passer à la dégustation.
Galette complète jambon, œuf et emmenthal :
C'est complet ! |
J'ai fait l'andouille |
Moins un |
Tout est à l'intérieur |
Finalement, je me suis à peu près rattrapé aux branches des Chandeliers du 2 février…
lundi 5 février 2018
Mon irish stew...
Comme beaucoup de recettes régionales* traditionnelles, l’irish stew se décline suivant de multiples versions propres à chaque famille. Mais après avoir consulté diverses sources, tant sur le net que dans ma bibliothèque, j’ai pu constater que ce mets bat tous les records dans le domaine de la géométrie variable. Je crois que le seul point commun -et encore, pas toujours..- est la présence de collier d’agneau cuit doucement et de façon prolongée avec les légumes dans un bouillon. Quant à ces végétaux, il s’agit majoritairement de pommes de terre, carottes et oignon, aux quelles peuvent s'ajouter diverses racines. On constate parfois, mais rarement, l’ajout de poireaux, ce qui rapproche encore plus ce plat de son cousin, le bäckehofe alsacien. Et j’ai même surpris une lady britannique, distinguée épouse d’un ex ambassadeur de Grande-Bretagne en France, en train de balancer une boîte de flageolet dans son irish stew. Certes, il s’agit d’un livre de cuisine rédigé ad usum Gallorum, mais ne doit-on pas y voir le reflet du mépris anglais envers la civilisation irlandaise ?
Bref, après ces saines lectures, je n‘ai eu aucun scrupule à non pas revisiter cette recette, mais à l'interpréter à ma façon. Simplement, pour bien m’imprégner de ce rôle, j’ai essayé de me m’insérer dans la peau de la fermière irlandaise qui voit revenir son époux épuisé par le labeur avec dans sa besace ce qu’il a pu extraire d’une terre ingrate.
Aussi je me suis servi de légumes déterrés du jardin : pommes de terre, panais, navets, carottes et oignons.
En l'absence d’un troupeau -pas même étique- de moutons sur mes terres, j’ai dû me résoudre à me fournir en ville. J’ai toutefois dédaigné le tendre agnelet proposé par le volailler pour me tourner vers un agneau proche de quitter la toge prétexte pour enfiler la toge virile -bref, un presque mouton…- trouvé sur l’étal d’un boucher, bête à la chair foncée qui me paraissait plus apte à conférer les parfums d’une viande ovine.
Voici ma recette…
IRISH STEW
Je fais dorer cinq colliers d’agneau et cinq côtes dans une poêle sur un léger trait d’huile d’arachide.
Je partage deux oignons paille en pétales que je fais suer dans cette même poêle après en avoir retiré la viande que j’ai réservée.
Je taille grossièrement mes racines en tranches et hache du persil plat.
Je me saisis d‘une cocotte en fonte.
Puis je dispose des couches successives que j’assaisonne chaque fois de sel fin, de poivre noir moulu et de noix de muscade râpée :
une couche de pommes de terre et de racines
une couche de côtes d’agneau
une couche d’oignon parsemée de persil
une couche de pommes de terre et de racines
une couche de collier d’agneau
une couche d’oignon parsemée de persil
une couche de pommes de terres et de racines
J’arrose le tout de trois quarts de litre de bouillon de bœuf, je pose sur le feu. Quand l‘ébullition commence, je recouvre la cocotte de son couvercle et j’enfourne à 160°C pour une heure et demi environ.
Je sors la cocotte qui sera conservée au frais durant la nuit et la matinée qui suit.
Le lendemain, je sors donc l’irish stew de sa torpeur et je l’enfourne à nouveau une heure avant le repas où il va trôner sur la table.
C'est le moment fatidique. Je décoiffe la cocotte. De bonnes odeurs me montent aux narines.
Chacun aura dans son assiette un morceau de collier et une côte accompagnés des légume bien fondants baignant dans un jus onctueux, et s’en régalera.
Hélas, pour le fromage, je suis en dessous de tout, je n’ai ni Irish Cheddar, ni Cashel Blue sur la table. L’honorable assistance se contentera donc de fromages franchouillards…
Et pour le dessert, ce sera une Tatin pie…
…with cream !
* Je tiens à préciser auprès de l’improbable membre de l’IRA qui se serait égaré sur ce blog par l’odeur d’irish stew attiré que je ne considère certes pas l’Irlande comme une région de la Grande-Bretagne…
Bref, après ces saines lectures, je n‘ai eu aucun scrupule à non pas revisiter cette recette, mais à l'interpréter à ma façon. Simplement, pour bien m’imprégner de ce rôle, j’ai essayé de me m’insérer dans la peau de la fermière irlandaise qui voit revenir son époux épuisé par le labeur avec dans sa besace ce qu’il a pu extraire d’une terre ingrate.
Aussi je me suis servi de légumes déterrés du jardin : pommes de terre, panais, navets, carottes et oignons.
En l'absence d’un troupeau -pas même étique- de moutons sur mes terres, j’ai dû me résoudre à me fournir en ville. J’ai toutefois dédaigné le tendre agnelet proposé par le volailler pour me tourner vers un agneau proche de quitter la toge prétexte pour enfiler la toge virile -bref, un presque mouton…- trouvé sur l’étal d’un boucher, bête à la chair foncée qui me paraissait plus apte à conférer les parfums d’une viande ovine.
Voici ma recette…
IRISH STEW
Je fais dorer cinq colliers d’agneau et cinq côtes dans une poêle sur un léger trait d’huile d’arachide.
Je partage deux oignons paille en pétales que je fais suer dans cette même poêle après en avoir retiré la viande que j’ai réservée.
Je taille grossièrement mes racines en tranches et hache du persil plat.
Je me saisis d‘une cocotte en fonte.
Puis je dispose des couches successives que j’assaisonne chaque fois de sel fin, de poivre noir moulu et de noix de muscade râpée :
une couche de pommes de terre et de racines
une couche de côtes d’agneau
une couche d’oignon parsemée de persil
une couche de pommes de terre et de racines
une couche de collier d’agneau
une couche d’oignon parsemée de persil
une couche de pommes de terres et de racines
J’arrose le tout de trois quarts de litre de bouillon de bœuf, je pose sur le feu. Quand l‘ébullition commence, je recouvre la cocotte de son couvercle et j’enfourne à 160°C pour une heure et demi environ.
Je sors la cocotte qui sera conservée au frais durant la nuit et la matinée qui suit.
Le lendemain, je sors donc l’irish stew de sa torpeur et je l’enfourne à nouveau une heure avant le repas où il va trôner sur la table.
C'est le moment fatidique. Je décoiffe la cocotte. De bonnes odeurs me montent aux narines.
Mon irish stew
|
Une part d'Irlande |
Hélas, pour le fromage, je suis en dessous de tout, je n’ai ni Irish Cheddar, ni Cashel Blue sur la table. L’honorable assistance se contentera donc de fromages franchouillards…
Et pour le dessert, ce sera une Tatin pie…
Ma pie |
Cream qui paye (à être connue avec la Tatin)... |
* Je tiens à préciser auprès de l’improbable membre de l’IRA qui se serait égaré sur ce blog par l’odeur d’irish stew attiré que je ne considère certes pas l’Irlande comme une région de la Grande-Bretagne…
dimanche 4 février 2018
À l'aise dans mes basquaises
Pas grand travail pour ce repas : juste un couteau et une planche pour découper…
Dans l’assiette, oreille farcie et boudin basques, andouille de la vallée des Aldudes.
Ces excellentes charcuteries étaient agrémentées de guindillas et de pimientos del piquillo.
Cette escapade gourmande entre les quatre murs de ma salle à manger était, ma foi, fort plaisante !
Dans l’assiette, oreille farcie et boudin basques, andouille de la vallée des Aldudes.
Ces excellentes charcuteries étaient agrémentées de guindillas et de pimientos del piquillo.
Basquaise |
Cette escapade gourmande entre les quatre murs de ma salle à manger était, ma foi, fort plaisante !
jeudi 1 février 2018
Un échec de Sherlock Holmes
Je m’aperçus en déballant le paquet qu’il n’y avait pas la douzaine habituelle, mais seulement dix sardines.
Dérouté par ce nombre anormal, je les cuisinais, les mettais sur le gril, sans pour autant éclaircir le mystère. Renonçant à venir à bout de cette énigme, je me suis donc décidé à faire appel à Sherlock Holmes.
Il était déjà tard quand je frappai à la porte de sa logeuse qui me souffla dans le creux de l’oreille :
« Monsieur, je vous saurais gré de le ménager… Le pauvre me semble bien fatigué ces jours-ci… »
Elle s’effaça pour me laisser entrer dans le salon.
Comme d’habitude Watson était vautré dans un fauteuil club en cuir qui avait connu des jours meilleurs avant d’être labouré par les griffes du chat de la logeuse et défoncé par des années de bons et loyaux services. Il leva à peine la tête pour me gratifier d’un sec « Bonjour ! » avant de se replonger dans la lecture de son journal. Il avait sans aucun doute deviné le peu d’affection que je lui portais et l’agacement que je ressentais par la présence importune de ce docteur au cours du colloque singulier client-détective. Holmes, quant à lui, me tournait le dos, sa haute silhouette se découpant en contre-jour sur un fond de rideaux en dentelle de Calais. Je l’entendis proférer d’une voix morne:
« Et vous me dérangez pour un simple problème avec des sardines ? »
J’en restai bouche bée. Mais Watson grommela :
« Pas difficile, ça pue la sardine à plein nez. »
Holmes se retourna, se rapprocha de moi.
« Pas que, pas que… Watson, vous ne pouvez pas ne pas avoir remarqué ces quelques écailles qui sont restées collées à la manchette de la chemise ! Mais il est vrai que L’Equipe semble plus vous intéresser que notre aimable visiteur… »
Puis il sortit une loupe cerclée de laiton du fond d’une poche de son ample mais élimée robe de chambre taillée dans une soie grège qui ne lui allait pas vraiment au teint.
« Hum, hum ; aucun doute possible, bien caractéristiques, les écailles sessiles de la Sardina pilchardus… Je peux même vous affirmer, grâce à la scaligraphie, que vos sardines étaient âgées de cinq ans. »
J’entendis ronchonner derrière le paravent titrant en gros caractères LES NOUVEAUX DIEUX DU STADE :
« C’est ça, fais ton intéressant, élémentaire mon cher Holmes ! »
Le grand détective, tout à ses réflexions, n’avait rien entendu. Il poursuivit sa féconde pensée.
« Pourquoi sais-je que ce sympathique gentleman vient me consulter à propos de ces sardines ? Eh bien, c’est élémentaire, mon cher Watson ! »
Nouveau grognement :
« J’en étais sûr ! Eh, pépère, ton numéro commence à s’user… »
Heureusement Holmes n’avait rien entendu. Il continua sa brillante démonstration.
« Si ce n’était parce que ce contact avec des sardines avait été à l’origine de cette visite inopinée, cet homme du monde bien mis et soigneux de sa personne eut eu bien soin de se changer ou tout au moins de s’épousseter et de se parfumer par une vaporisation discrète d’eau de toilette.
Cher ami, narrez-moi les prémices de cette affaire que vous voudrez bien, mon cher Watson, relater sous le titre : Les sardines disparues. »
J'étais interloqué.
« Mais comment savez-vous ?
- C’est bien simple. Qu’a-t-il pu arriver à vos sardines, sinon disparaître ? Ne pas être fraîches ? Vous vous seriez dans ce cas adressé au poissonnier, et non à moi. D’ailleurs, neuf fois sur dix c’est pour une disparition que l’on a recours à mes talents…
- Je ne sais pas, j’aurais pu par exemple découvrir une perle au sein de l’une d’elle...
- Peuh, une sardine n’est pas une huître, et puis dans ce cas vous vous seriez contenté de profiter de l’aubaine.. »
Je racontai donc comment les sardines se trouvèrent dix en arrivant au port.
Je montrai les photos à l’appui : quand je les mets sur le gril,
et quand je me résous à les aligner sous un drap de persillade à côté d’une salade de mesclun.
Holmes me semblait perplexe. Il prit son violon et sortit quelques grincements de son crincrin.
Là, Watson s’insurgea ouvertement :
« Ah non, vous n’allez pas encore nous casser les oreilles, Holmes ! Si vous continuez, nous allons être expulsés par la mère Hudson, ce n’est pas une tendre, vous le savez bien… »
Holmes rangea à regret son instrument dans son étui.
Je le vis tirer une petite boîte en métal argenté d’une autre poche de sa robe de chambre, en dévisser le couvercle.
Elle contenait une poudre blanche sur laquelle il plongea son nez et renifla. Il se redressa, me toisa d’un œil d’aigle et asséna :
« J’ai trouvé ! »
Watson posa son journal et répliqua :
« Moi, ce que je trouve, c’est que vous devriez arrêter. Regardez-vous avec votre pif enfariné. Tenez, vous me faites pitié ! »
Holmes le fusilla du regard :
« Chacun ses vices, mon cher. À vous l’Equipe et le whisky… »
Puis il se tourna vers moi et, d’un ton docte, me fournit ses conclusions :
« C’est bien simple. Une seule explication est possible. Mais oui, bien sûr… Comme le dit l’un de mes confrères, il suffit de faire fonctionner ses petites cellules grises.
C’est le chat le coupable. Il a mangé deux de vos sardines, d’ailleurs c’est la capacité normale d’absorption du felis silvestris catus.
- Seul problème, il n’y a pas de chat à la maison.. Le mien est mort il y a quelques années, et je n’ai pas eu le cœur de le remplacer...
- Vous eussiez dû avoir un chat… Mais puisque ce n’est pas le cas, je lui donne ma langue.
Pour vous, la consultation sera exceptionnellement gratuite.
Watson, inutile de prendre des notes ! Au plaisir, Monsieur le sans chat… »
Quand je sortis, la logeuse me tira par la manche et chuchota :
« Je suis inquiète pour la santé de ce pauvre Monsieur Holmes. Et ne trouvez-vous pas que le couple bat de l’aile ? »
J’opinai et m’éloignai.
Je ne suis plus si certain qu’au départ elles étaient douze. Il me revient même qu’en raison de la taille des bestiaux…
Dérouté par ce nombre anormal, je les cuisinais, les mettais sur le gril, sans pour autant éclaircir le mystère. Renonçant à venir à bout de cette énigme, je me suis donc décidé à faire appel à Sherlock Holmes.
Il était déjà tard quand je frappai à la porte de sa logeuse qui me souffla dans le creux de l’oreille :
« Monsieur, je vous saurais gré de le ménager… Le pauvre me semble bien fatigué ces jours-ci… »
Elle s’effaça pour me laisser entrer dans le salon.
Comme d’habitude Watson était vautré dans un fauteuil club en cuir qui avait connu des jours meilleurs avant d’être labouré par les griffes du chat de la logeuse et défoncé par des années de bons et loyaux services. Il leva à peine la tête pour me gratifier d’un sec « Bonjour ! » avant de se replonger dans la lecture de son journal. Il avait sans aucun doute deviné le peu d’affection que je lui portais et l’agacement que je ressentais par la présence importune de ce docteur au cours du colloque singulier client-détective. Holmes, quant à lui, me tournait le dos, sa haute silhouette se découpant en contre-jour sur un fond de rideaux en dentelle de Calais. Je l’entendis proférer d’une voix morne:
« Et vous me dérangez pour un simple problème avec des sardines ? »
J’en restai bouche bée. Mais Watson grommela :
« Pas difficile, ça pue la sardine à plein nez. »
Holmes se retourna, se rapprocha de moi.
« Pas que, pas que… Watson, vous ne pouvez pas ne pas avoir remarqué ces quelques écailles qui sont restées collées à la manchette de la chemise ! Mais il est vrai que L’Equipe semble plus vous intéresser que notre aimable visiteur… »
Puis il sortit une loupe cerclée de laiton du fond d’une poche de son ample mais élimée robe de chambre taillée dans une soie grège qui ne lui allait pas vraiment au teint.
« Hum, hum ; aucun doute possible, bien caractéristiques, les écailles sessiles de la Sardina pilchardus… Je peux même vous affirmer, grâce à la scaligraphie, que vos sardines étaient âgées de cinq ans. »
J’entendis ronchonner derrière le paravent titrant en gros caractères LES NOUVEAUX DIEUX DU STADE :
« C’est ça, fais ton intéressant, élémentaire mon cher Holmes ! »
Le grand détective, tout à ses réflexions, n’avait rien entendu. Il poursuivit sa féconde pensée.
« Pourquoi sais-je que ce sympathique gentleman vient me consulter à propos de ces sardines ? Eh bien, c’est élémentaire, mon cher Watson ! »
Nouveau grognement :
« J’en étais sûr ! Eh, pépère, ton numéro commence à s’user… »
Heureusement Holmes n’avait rien entendu. Il continua sa brillante démonstration.
« Si ce n’était parce que ce contact avec des sardines avait été à l’origine de cette visite inopinée, cet homme du monde bien mis et soigneux de sa personne eut eu bien soin de se changer ou tout au moins de s’épousseter et de se parfumer par une vaporisation discrète d’eau de toilette.
Cher ami, narrez-moi les prémices de cette affaire que vous voudrez bien, mon cher Watson, relater sous le titre : Les sardines disparues. »
J'étais interloqué.
« Mais comment savez-vous ?
- C’est bien simple. Qu’a-t-il pu arriver à vos sardines, sinon disparaître ? Ne pas être fraîches ? Vous vous seriez dans ce cas adressé au poissonnier, et non à moi. D’ailleurs, neuf fois sur dix c’est pour une disparition que l’on a recours à mes talents…
- Je ne sais pas, j’aurais pu par exemple découvrir une perle au sein de l’une d’elle...
- Peuh, une sardine n’est pas une huître, et puis dans ce cas vous vous seriez contenté de profiter de l’aubaine.. »
Je racontai donc comment les sardines se trouvèrent dix en arrivant au port.
Je montrai les photos à l’appui : quand je les mets sur le gril,
Sur le gril |
Sur le plat |
Holmes me semblait perplexe. Il prit son violon et sortit quelques grincements de son crincrin.
Là, Watson s’insurgea ouvertement :
« Ah non, vous n’allez pas encore nous casser les oreilles, Holmes ! Si vous continuez, nous allons être expulsés par la mère Hudson, ce n’est pas une tendre, vous le savez bien… »
Holmes rangea à regret son instrument dans son étui.
Je le vis tirer une petite boîte en métal argenté d’une autre poche de sa robe de chambre, en dévisser le couvercle.
Elle contenait une poudre blanche sur laquelle il plongea son nez et renifla. Il se redressa, me toisa d’un œil d’aigle et asséna :
« J’ai trouvé ! »
Watson posa son journal et répliqua :
« Moi, ce que je trouve, c’est que vous devriez arrêter. Regardez-vous avec votre pif enfariné. Tenez, vous me faites pitié ! »
Holmes le fusilla du regard :
« Chacun ses vices, mon cher. À vous l’Equipe et le whisky… »
Puis il se tourna vers moi et, d’un ton docte, me fournit ses conclusions :
« C’est bien simple. Une seule explication est possible. Mais oui, bien sûr… Comme le dit l’un de mes confrères, il suffit de faire fonctionner ses petites cellules grises.
C’est le chat le coupable. Il a mangé deux de vos sardines, d’ailleurs c’est la capacité normale d’absorption du felis silvestris catus.
- Seul problème, il n’y a pas de chat à la maison.. Le mien est mort il y a quelques années, et je n’ai pas eu le cœur de le remplacer...
- Vous eussiez dû avoir un chat… Mais puisque ce n’est pas le cas, je lui donne ma langue.
Pour vous, la consultation sera exceptionnellement gratuite.
Watson, inutile de prendre des notes ! Au plaisir, Monsieur le sans chat… »
Quand je sortis, la logeuse me tira par la manche et chuchota :
« Je suis inquiète pour la santé de ce pauvre Monsieur Holmes. Et ne trouvez-vous pas que le couple bat de l’aile ? »
J’opinai et m’éloignai.
Je ne suis plus si certain qu’au départ elles étaient douze. Il me revient même qu’en raison de la taille des bestiaux…
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