dimanche 28 janvier 2018

Dénouons l'aiguillette !

La mélancolie enlève l'appétit, le goût, noue les aiguillettes. -Jean Giono -Le hussard sur le toit

Entre les nœuds savamment élaborés par le boucher, une aiguillette.
Sanguinolente aiguillette de bœuf, toute emmitouflée dans sa barde, que je m’apprête à rôtir...
Je l’enfourne à 200°C pour environ un quart d’heure. Elle est assaisonnée et voisine avec une feuille de laurier, une branche de thym et deux petites échalotes tranchées barbotant dans une noix de beurre et un trait d’huile d’olive.
Au même moment des champignons de Paris découpés en quartiers finissent de dorer,  j’allonge sur le bord de leur poêle un petit oignon blanc muni de son feuillage tranché en deux dans le sens de la longueur. Trois minutes plus tard, je peux arrêter la cuisson et réserver. Dans une seconde poêle des carottes du jardin, passées à la mandoline, se font glacer avec un panais issu du même lieu coupé en deux. Ces racines accompagnées d’une bonne noix de beurre ont été recouvertes d’eau à effleurement et saupoudrées d’une pincée de sel et d'une cuillerée à café de sucre.
Il ne reste presque plus de liquide quand le timer sonne. J’enlève la poêle du feu et sors le rôti. Je me transforme aussitôt en agile dénoueur d’aiguillette doublé d’un débardeur… Puis je laisse reposer la viande le temps d’achever le glaçage des légumes et remettre les champignons à température.
Quand une couche luisante habille carottes et panais j’éteins la flamme. Je me saisis de mon couteau et partage l’aiguillette en tranches d’environ un centimètre d’épaisseur.
Je les répartis sur les assiettes, dépose à leur côté les rondelles de carotte sur lesquelles je fais se dresser un arrogant panais, ajoute les champignons. L’échalote caramélisée vient se blottir sur le rôti, et l’oignon sinue nonchalamment entre carottes et champignons pour rejoindre l’aiguillette.

aiguillette, boeuf, carotte, panais, champignon de Paris, oignon blanc
Aiguillette dénouée

Et c’est ainsi que j’ai dénoué l’aiguillette.

vendredi 26 janvier 2018

Grenadins façon Chaminadour

Nana, au pouvoir mésestimé, puisque capable de transformer une mégère avec un gredin en une ménagère avec un grenadin
Telle était ma réflexion en déballant deux soyeuses tranches de veau timidement rosées.
Associant ainsi viande et époux terribles, je n’ai pu que penser à Marcel Jouhandeau.


Ce qui m’a conduit vers cette fascinante vidéo à la fin de laquelle s’exprime ce fils de boucher :





Mais ces digressions n’ont pas empêché mes grenadins de passer à la casserole - ou plutôt à la poêle.

Il m’a fallu en premier lieu mettre à tremper des morilles séchées ardéchoises dans un peu d’eau tiède.
Une heure plus tard, j’assaisonne les grenadins et les saisie rapidement sur les deux faces  - avec seulement quelques gouttes d’huile et une petite noisette de beurre - dans une poêle en cuivre doublé d’inox choisie afin d’accrocher suffisamment pour pouvoir créer un jus et n’être pas vulnérable au déglaçage acide comme un ustensile culotté. Puis je les sors et les réserve.
Je rajoute une nouvelle noisette de beurre dans laquelle je fais suer à feu doux une échalote finement hachée. Je hausse la flamme et déglace avec un demi-verre de vin blanc ( en l’occurrence un gros-plant du  Pays Nantais ) et l’eau de trempage des morilles. Une fois le liquide presque entièrement évaporé, je verse dans la poêle une vingtaine de centilitres de crème fraîche épaisse d’Isigny et poursuis la réduction à feu moyen. Quand la crème a commencé à prendre encore plis de consistance j’y plonge les grenadins afin qu’ils y terminent leur cuisson, ainsi que les morilles. Trois ou quatre minutes plus tard, la sauce est de venue bien nappante et la viande devrait être à point, encore légèrement rosée à cœur. Je n’oublie pas de relever d’un bon tour de moulin de poivre noir et d’un soupçon de noix de muscade râpée.
Parallèlement j’avais fait cuire des spätzle  dans une grande casserole d’eau salée en ébullition durant le quart d’heure préconisé par le producteur alsacien. Elles attendaient égouttées, je les remets à température au sein d’une grosse noix de beurre fondue.

Le dressage est on ne peut plus simple : les pâtes parsemées de persil ciselé, flanquées du grenadin arrosé de sa sauce onctueuse et jonché de quelques morilles.

grenadin, veau, crème, morilles spaetzle
Grenadin pas gredin


Bien qu’a priori je regrettais de ne pas avoir eu une bouteille de riesling sous la main, il me faut reconnaître que le gros-plant a apporté une petite touche d’acidité bienvenue à la sauce parfumée par les sucs de la viande et les champignons.
Quant au grenadin, d’une tendreté bienveillante, il fond dans la bouche.

Il y a quand même des unions qui fonctionnent bien...

mercredi 24 janvier 2018

Cocktail pour ton thon

Il me restait une demi-tranche de thon grillé froide.
Aussi je me demandais : « Mais que vas-tu faire de ton thon ? » ( il m’arrive de me tutoyer dans l’intimité… ). La réponse me sauta soudain à l’esprit comme une évidence : j’allai le servir enrobé d’une sauce cocktail.

Je monte donc une mayonnaise dans un bol avec un jaune d’œuf, une cuillerée de moutarde, deux tiers d’huile d’arachide et un tiers d’huile d’olive. Une fois celle-ci bien ferme, j’ajoute trois bonnes cuillerées de ketchup, un trait de sauce Worcestershire, un trait (ou plutôt deux traits...) de whisky, une douzaine de gouttes de tabasco, une bonne pincée de paprika, un tour de moulin de poivre rouge et le jus d’un quart de citron.
La sauce cocktail est prête, je n’ai plus qu’à la verser sur le thon débarrassé de sa peau et découpé en  petits rectangles, puis de parsemer le plat de ciboulette ciselée. J’accompagne simplement d’une salade de concombre parfumée de menthe hachée.

thon, sauce cocktail
Beau thon en tenue de cocktail

Un repas plaisant n’ayant pas demandé beaucoup de travail…

lundi 22 janvier 2018

L'amour des trois agrumes

Comme les trois mousquetaires étaient quatre, les trois agrumes étaient cinq : deux Bigarade, deux Bergamote et le petit Lime.

bergamote, bigarade, lime, agrumes, canard
Réunion préparatoire d'agrumes pressés

Ils croisèrent en chemin trois vilains canards qui leur dirent :
« Tirez nos bobinettes, et nos aiguillettes cherront ! »
Sitôt dit, sitôt fait. Les cinq agrumes voulurent se marier avec les aiguillettes, sauf qu’elles étaient six.
La laissée-pour-compte pleura et gémit : « Je préférerais être pas née »
Un vieux sorcier un peu sourd qui passait par là voulut exaucer son vœu.
Sitôt dit, sitôt fait. L’aiguillette était panée.
Tous les agrumes s’exclamèrent : « Que tu es belle ! »
Les autres aiguillettes, jalouses, interpelèrent le sorcier : « Mais nous aussi nous voulons être vêtues d’or ! »
Sitôt dit, sitôt fait. Le problème du cinq à six n’était pas pour autant résolu…
Jusqu’à ce que Lime le Petit, tel un Alexandre le Grand tranchant le nœud gordien, décréta vertement : « Tous pour une, une pour tous ! »
Sitôt dit, sitôt fait. Le mariage fut conclu avec comme témoins une Endive qui pour une fois ne s’était pas fait porter pâle et un Céleri complétement rond.
Le sorcier était à la noce. Il y perdit sa baguette…



Même pas vrai ! Il y en a qui écrivent n’importe quoi sur ce blog !
On veut une recette.
Une recette, une recette, une recette… !!!

CROUSTILLANT D'AIGUILLETTES DE CANARD AUX TROIS AGRUMES


canard, aiguillettes, agrumes, bergamote, bigarade, lime, celeri, endive, penko
C'est lui!



Ingrédients pour 2 personnes :

6 aiguillettes de canard fermier des Landes, Label Rouge
2 bigarades bio
3 bergamotes bio
1 citron lime bio

1 petit céleri-rave du jardin
1 endive du marchand de primeurs
3 c. à s. de farine
2 blancs d’œufs
50 g de panko
3 c. à s. de graisse d’oie
1 noix de beurre demi-sel
2 noisettes de beurre doux

1 c. à c. de fond de veau
1 pincée de piment d’Espelette
1 pincée de paprika
1 pincée de curry
1 feuille de laurier
1 branche de thym

1 tranche de citron jaune
2 brins de ciboulette
2 c. à c. de cassonade
4cl de whisky Jura Diurachs’ Own
poivre rouge du moulin
sel


Les agrumes
Prélever le zeste des agrumes à l’aide d’une Microplane. Réserver.
Découper deux fines tranches dans une bergamote, en ôter les pépins, puis enfourner à 80°C durant 45 minutes entre deux feuilles de papier siliconé avec une plaque pesant sur ce sandwich.
Extraire les suprêmes d’une des bergamotes. Réserver
Presser les bigarades et les bergamotes ainsi qu’une moitié du lime afin d’en obtenir le jus. Réserver.

L’endive
Après l’avoir dépouillée de ses moins belles feuilles extérieures, la fendre en deux et la poser au fond d’une petite casserole avec une noisette de beurre doux, une cuillerée à café de cassonade et une pincée de sel. Ajouter de l’eau sur ½ cm et quelques gouttes de jus de citron. Laisser évaporer à feu doux en retournant de temps à autre jusqu’à début de caramélisation. Réserver.

Le céleri
Il s’agit d’une boule de céleri de petite taille. L’éplucher sur toute sa surface, la frotter de la tranche de citron jaune, l’emballer entière en compagnie d’une feuille de laurier et d’une branche de thym dans une papillote réalisée avec une feuille de papier d’aluminium siliconé, et enfourner pour une demi-heure à 160°C.
La sortir de la papillote et la faire rouler dans une casserole afin de l’enrober de la noix de beurre demi-sel fondue parfumée d’une pincée de curry. Réserver.

La sauce
Verser le jus des agrumes dans une petite casserole. Y ajouter les zestes, une cuillerée à café de cassonade, une pincée de piment d’Espelette pour relever et une pincée de paprika pour colorer. Faire réduire du tiers à feu doux, puis transférer en passant au chinois dans une autre petite casserole.  Compléter d’une cuillerée à café de fond de veau. Dissoudre une demi-cuillérée à café de fécule dans le fond d’un verre d’eau. Ajouter. Arroser de 4 cl de whisky. Poursuivre la réduction jusqu’à obtention d’un liquide sirupeux. Réserver.

Les aiguillettes de canard.
Assaisonner les aiguillettes.
Garnir trois plaques à débarrasser, la première avec la farine, la deuxième avec les blancs d’œufs battus jusqu’à ce qu’ils deviennent mousseux, la troisième avec le panko. Passer chaque aiguillette successivement dans ces récipients afin de la paner. Déposer les aiguillettes bien enrobées sur une poêle dans de la graisse d’oie  très chaude afin de colorer la panure sur toutes les faces sans trop cuire le cœur de la viande. Après un bref aller-retour, sortir et déposer sur du papier absorbant afin de laisser reposer le temps du dressage.

Dressage
Remettre l’endive et le céleri à température, ainsi que la sauce dont on a rectifié l’assaisonnement et que l’on vanne ensuite hors du feu avec une noisette de beurre doux afin de lui donner du brillant.
Trancher la boule de céleri en deux, placer une de ces hémisphères sur chaque assiette à côté de la demi-endive. Disposer les aiguillettes en les faisant se chevaucher, verser la sauce. Passer les deux tranches de bergamote quarante secondes au micro-onde pour achever de les dessécher avant d’en appuyer une au centre de chaque dressage sur les aiguillettes. Répartir les suprêmes de bergamote. Terminer par la touche de verdure géométrique apportée par la ciboulette. 

samedi 20 janvier 2018

Avec le thon...

Une large  tranche de thon rouge a débarqué à la maison.

Pour bien l’accueillir, j’ai peaufiné une recette de riz épicé à la crème de coco.

J’ai commencé par introduire au creux de mon mortier en granit :

4 c. à c. de zestes de yuzu séchés
2 c. à c. de poivre de Voatsiperifery
2 c. à c. de poivre blanc de Penja
2 c. à c. de graines de coriandre
1 c. à c. de graines de cumin
1 c. à c. de curcuma en poudre
5  grains de piment de la Jamaïque
1 clou de girofle
1 pincée de gros sel


J’ai bien  écrasé ce mélange avec le pilon, puis je suis allé cueillir
un piment végétarien rouge et un autre encore vert.
Je les ai ajouté ainsi qu’un trait d’huile d’olive, et en écrasant bien au pilon j’ai obtenu une purée très parfumée que j’ai réservée.
J’ai barbouillé le fond d’une casserole d’un trait d’huile d’olive, et j’y ai fait suer les rondelles d’un oignon paille du jardin. Pendant ce temps, non loin, infusait un sachet de bouillon de crustacés dans deux verres d’eau que j’avais portés à ébullition.
J’ai fait nacrer un verre de riz long grain traditionnel, j’ai ajouté ma pommade épicée, brassé et arrosé du bouillon. J’ai étendu un disque découpé dans du papier siliconé, coiffé la casserole de son couvercle et enfourné pour 18 minutes à 160°C.

J’ai sorti la casserole du four. Quand j’ai enlevé le couvercle et retiré la feuille de papier, tout le liquide était absorbé et j’ai découvert un riz aux grains bien séparés et légèrement al dente. J’ai versé sur lui le contenu d’une brique de 20 cl de crème de coco. Après mélange, la couleur m’a paru un peu tristounette, alors j’ai ravivé par une grosse pincée de curcuma. J’ai remis pour cinq minutes  à feu doux après avoir  replacé le couvercle.

Ce temps me suffisait pour cuire sur le gril la tranche de thon que j’avais parée en la débarrassant de ses arêtes, obtenant quatre morceaux bien nets que j’ai simplement assaisonnés et badigeonnés d’huile d’olive.

Il ne me restait plus qu’à dresser les deux assiettes.
En ce qui concerne le thon, la tranche était si large que j’ai réservé les deux petits morceaux  pour un usage future (peut-être à froid en salade ?). Donc, pour chaque assiette, j’ai partagé un des gros morceaux en deux secteurs que j’ai posés l’un chevauchant l’autre. Je me suis ensuite saisi d’un rectangle qui m’a servi à déposer un parallélépipède de riz aux épices et à la crème de coco. Il embaumait à tel point que j’ai observé le passage d’un avion renifleur d’une épouse renifleuse attirée par les effluves. Transformée illico en conjointe baveuse s’inquiétant du moment où l’on allait passer à table...
« Dans une minute, il ne me reste plus qu’à poser les gousses d’ail noir de Corée, balancer un petit parterre de poudre de piment d’Espelette clairsemé et faire pleuvoir quelques gouttes d’huile d’olive herbacée sur le champ sur le thon, et voilà, c’est fini ! »

thon rouge, riz, épice, crème de coco
...enfin pas tout à fait, et de photographier 

« Ça va encore être froid ! »

jeudi 18 janvier 2018

Pas de Concarneau

Je venais juste de déposer les deux œufs dans la poêle quand on sonna à la porte.  C’était Arnaud.
Je m’excusais.
« Attends une seconde. Je m’occupe d’œufs.
- De qui ?
- Mais non, une paire d’œufs…
- J’sais bien qu’une paire ça fait deux.
- Ils se sont cassés…
- Où ça ? Remarque, c’est normal, tu n’es pas très aimable.
- Possible, je cuisine dans l’improvisation. Ils ont été accidentés au retour du marché…
- Et toi tu n’as rien eu ?
- Si, un pied écrasé par le caddie d’une grosse mémère emperlousée. Et toi, pousse-toi une seconde que j‘ouvre la boîte de corail d’oursin. Tu veux goûter ? C’est de la langue espagnole.
- Si c’est écrit en espagnol, comment sais-tu que c’est bien de l’oursin ? Je préfère ne pas essayer. »

Pendant que nous discutions, je dépose les œufs sur une assiette, ajoute le corail, saupoudre de piment d’Espelette et d’algue nori en flocons.

corail d'oursin, algue lori
Pontes de poules et d'oursins

Arnaud est intrigué. 
« Qu’est-ce-que c’est que cette poudre verte ?
- C’est de l’algue rouge.
- Farceur ! »
Je déguste mon plat. Son parfum d’embruns me fait me pâmer. Je hume et pousse un soupir.
« La mer dans mon assiette !
- C’était prévu ! J’ai bien fait de refuser. Pouah, de l’amer… Je déteste ça.
- Mais non, la mer, tu sais, la mer avec des oursins, des algues...
- Bestioles ou pas bestioles, de toute façon je n’aime pas l’amer ! »

Pendant que je mange, Arnaud s’arrête devant une photo de mon plat de la veille qu’un aimant retient sur la façade du frigo.

coquilles saint-jacques, safran
La ronde des noix (et encore du corail...)

« Ah, il est beau ce vitrail de Saint-Jacques de Compostelle… Magnifique rosace !
- Mais non, saint-jacques et pas Saint-Jacques !
- Saint-Jacques, c’est bien ce que je dis… Tu as fait le pèlerinage ?
- Ben là, juste un rapide aller-retour. Avec du safran et du beurre.
- Ils ont du bon safran en Espagne. Tu as bien fait d’en rapporter. Mais pour le beurre, je ne comprends pas…»
Je renonce a priori à lui expliquer. Puisqu’il veut du pèlerinage, donnons en lui ! Surtout qu’il ajoute : « J’aimerais bien faire comme toi. Raconte moi des souvenirs de ce voyage…. »
J’obtempère.
« Eh bien, un de mes meilleurs, c’est quand j’ai fait étape à Conques, Arnaud…
- Concarneau ! Tu n’as pas pris l’itinéraire le plus court !
- Mais non, le village où un trésor est gardé par l’abbé de Conques, Arnaud !
- La baie de Concarneau, c’est bien ce que je disais. Je suppose que tu t’es gavé de sardines et de crêpes...
- Hum, ce n’est pas vraiment la spécialité locale dans le Massif...
- Armoricain. Tu vois que je connais ma géographie !
- Oui, je vois. Mais c’est d’aligot dont je me suis régalé.

saucisse, aligot, Laguiole
Opération de musculation
Avec une saucisse, délicieuse charcuterie d’un bon porc local..
- Celui de Concarneau, je parie.
- Mais non. Le porc du Rouergue.
- Connais pas ce port ! »

Je préfère ne pas relever. Mes souvenirs gastronomiques remontent à la surface.
« Ah, ces saucisses cuites dans un verre de vin blanc avec des champignons de Paris et de l’échalote ciselée,  puis parsemées d’une gousse d’ail hachée finement qui offraient une touche d’acidité s’alliant avec bonheur avec l’aligot filant…
- Filant vers Compostelle ? Ah, ah… Ils n'avaient pas tort, car tu avais encore pas mal de chemin à faire ! Remarque, à ta place, finalement je me serais arrêté là,  j’aime beaucoup ce port breton où j’ai jadis passé des vacances. Et puis la Bretagne, ce n’est pas aussi pluvieux qu’on le dit. Je me souviens : il n’y a pas plu, Concarneau ! »

Il ne croit pas si bien dire, Arnaud…

lundi 15 janvier 2018

À la queue leu leu

Accompagné du Sieur Ysengrin, je regardais les agneaux paissant dans un pré et se désaltérant dans le courant d'une onde pure. Les croquer était une bonne affaire.
Je susurrais au méchant leu :
« Frère, il faut aujourd'hui que tu fasses un coup de maître, tire moi un agneau. Si Dieu m'avait fait naître propre à tirer agneau du pré, certes agneaux verraient beau jeu. »
Aussitôt fait que dit : Ysengrin exécute le process qu’on lui a enseigné durant un stage des leus à Clairefontaine.
« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Tu seras châtié de ta témérité ! »
« Mais… Mais… » ne sut que répondre l’innocent, à qui Ysengrin répliqua :
« Sache que je suis le saigneur des agneaux, et, tout comme le seigneur de jadis avait droit de cuissage sur ses manants, j’ai doit de gigotage et d’épaulage sur toi et tes frères ! »
Sur ce, Ysengrin s’empara du pauvre agnelet, le saigna et le découpa promptement.
À ce moment je me mis à crier au loup.
« Au loup, au loup ! »
Humant le traquenard, le leu ne demanda pas son reste, il déguerpit derechef, abandonnant sa proie. Je m’éloignai lentement, une épaule dodue sous le bras.
Certes la raison du plus fort est toujours la meilleure,  mais Ysengrin n'était pas content, ce dit-on, d’avoir appris à ses dépens que ruse fait plus que force ni rage.


Et c’est ainsi qu’une épaule d’agneau entre dans ma cuisine.

Elle va se faire dorer dans le sautoir avec herbes, carotte, piment végétarien, oignon, ail et un os .

épaule, agneau
L'épaule dore
Puis, saupoudrée de sel fin, elle est enfournée une vingtaine de minutes  à 180°, toujours dans la cocotte non coiffée de son couvercle. Je la retourne à mi-cuisson.
Une fois sortie, elle va reposer drapée d’un papier d’aluminium sur la planche de découpe en bois  pendant que je déglace le sautoir de deux verres d’eau et le jus d’un demi-citron.
Le jus obtenu et réduit se voit versé dans une petite casserole à travers un chinois. J’ajoute un bon trait de sauce Worcestershire. Je finis hors du feu en vannant avec une noix de beurre et en apportant plusieurs tours de moulin de poivre rouge. Je vivifie par quelques gouttes de jus de citron, et je transvase dans une saucière chaude qui voisinera les tranches découpées de l’épaule d’agneau.

épaule, agneau, jus
Sauce


Mais quid du légume accompagnateur ?
Eh bien j’ai prévu une flamiche aux poireaux qui a été enfournée avant que ce soit le tour de la viande. Un appareil constitué d’un bon verre de crème liquide, de deux cuillerées à soupe de crème épaisse, de six œufs entiers, d'une bonne cuillerée de farine de maïs et assaisonné de sel, poivre noir et noix de muscade avait été mélangé avec la découpe dans leur partie tendre de quatre poireaux de taille moyenne. J’ai versé dans un moule à tarte sur une pâte brisée (250g de farine, 125g de beurre) et mis à cuire pour environ 36 minutes. Cette flamiche avait été réservée, elle revient dans le four éteint mais encore chaud pendant la réalisation de la sauce de l’épaule afin d’être remise à température.

flamiche
La flamiche
À la dégustation, le poireau s’est révélé découpé un peu trop finement. Tout ça à cause d’un couteau japonais que l’on venait de m’offrir : un pousse au crime tellement il est jouissif de sentir la lame s’insérer sans effort !

flamiche
La tranche


Mais encore auparavant j’ai effectué ma BA ! J’ai assisté une désespérée  dans le sauvetage d’un gâteau en piteux état par ma faute. En effet j’avais fait transparaître mon impatience de récupérer mon espace culinaire, ce qui avait entraîné un démoulage prématuré : les bords s’étaient désolidarisés d’une pâte pas encore assez raffermie.
Ni une ni deux, je suis arrivé avec mon cercle, ai découpé suivant son contour, et ainsi nous nous sommes trouvés avec un produit certes de taille plus réduite, mais présentable.

amandin
Délicieux Amandin

Il s’agissait d’un amandin, réalisé d’après une recette extraite du Petit Larousse des desserts.
Ma foi, le résultat était plutôt plaisant car finalement moins sucré que l’on pouvait le craindre.