Le chevalier que je suis s’empara de son épée, je tranchai le plastique et fus enfin son débardeur.
Parthenaise apparut alors devant moi, dans sa nudité appétissante. Mais alors ce fut le drame.
Elle se mit à chanter : libérée, délivrée…
- Bon, bon, nous connaissons, épargnez-nous la suite.
- Ah, Monsieur le Président, je vois que vous comprenez le supplice qui fut le mien ! Alors vous ne serez pas étonné que, pris d’une rage soudaine, j’ai jeté Parthenaise sans autre forme de procès dans la poêle où fondait une noix de beurre.
- J’avoue, pardon, je concède que l’on peut éprouver une certaine indulgence à votre égard.
Mais, Maître Maillard, je vois que vous demandez la parole. Je vous l’accorde volontiers
- Oui, en tant qu’avocat de la famille Parthenaise, je ne puis rester sans réactions. Je suis stupéfait devant vos propos où je vois la solidarité machiste des sauteurs patentés.
- Je ne vous permets pas...
- Ce que vous ne devriez pas permettre, c’est la possibilité pour le prévenu, ce monstre qui dissimule ses turpitudes derrière sa mine avenante et ses prétextes fallacieux, de réitérer ses actions prédatrices.
Sachez qu’à la maltraitance envers Parthenaise…
- Ah ça non, je ne l’ai pas maltraitée, au contraire je ne l’ai pas posée sur une poêle trop chaude, je l’ai arrosée régulièrement de mon beurre, du beurre fermier aux parfums d’herbage propres à lui rappeler le pays …
- Il suffit… Prévenu, n’ajouter pas le cynisme à vos forfaits dont je suis sûr que Maître Maillard se fera un plaisir de dresser la liste. Maître, je vous rends une parole qui, j’ose l’espérer, sera plus modérée…
- Je vous en remercie. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les juresses et les jurés, sachez qu’à la maltraitance envers Parthenaise s’ajoute celle envers de malheureuses Chanterelles qui ne demandaient qu’à vivre paisiblement dans les bois. Eh bien non, elles ne purent pas connaître ce paisible bonheur, car l’inculpé pratique aussi le génocide sylvestre. Ce ne sont pas une, pas deux, pas trois, pas quatre, pas cinq...
- Veuillez abréger, Maître !
- Bref, ce fut une foultitude de Chanterelles qui furent ses victimes. Veuillez faire circuler parmi les juresses et jurés une photo prise sur la scène de crime.
Scène de crème |
Qui ne serait ému, non, le mot est trop faible, qui ne serait bouleversé par la vue de tous ces corps allongés gisant dans un magma infâme…
- Ah ça non, sachez que ce magma infâme est constitué d’échalotes, bon, je les ai fait suer, mais, monsieur le beau parleur, ne vous arrive-t-il jamais de faire suer quelqu’un, tiens, quelqu’un comme moi par exemple. Sachez qu'après je leur ai offert un verre de pineau des Charentes. Et puis il y a aussi de la bonne crème épaisse qui vient de la même ferme que celui qui me permit d’oindre Parthenaise. Alors des magmas infâmes comme ça, j’en veux bien tous les jours !
- Allons, allons, prévenu, ne tombez pas dans la trivialité. Cependant, Maître Maillard, je m’aperçois que vous avez oublié de faire circuler la seconde photo qui m’évoque ces paisibles clichés familiaux où les étreintes et les visages épanouis du groupe expriment le plaisir de se trouver réunis dans une atmosphère de paix et de sérénité.
Parthenaise libérée entourée de ses chanterelles d'honneur |
- Atmosphère, atmosphère…
- Maître Maillard, ressaisissez-vous. Abrégeons, il est tard, et ce procès m’a mis en appétit.
Après en avoir délibéré avec moi-même, je condamne le prévenu à une année d’écoute quotidienne de libérée, délivrée. Pas d’objection parmi le jury ?
- Non, non, non…
- La séance est levée ! »
En ce qui me concerne, je trouve la peine un peu trop sévère.
Et je savoure les pièces du procès. Avec une baguette, magique !