Afin de vivifier le classique croque-monsieur en lui
ajoutant une touche d’acidité parfumée, l’idée m’est venue de remplacer dans la
confection de sa sauce béchamel le lait par un sauvignon de Touraine et de derrière
les fagots. Le monsieur sérieux, si sérieux qu’il en était ennuyeux, s’est ainsi
métamorphosé en un pochtron plein d’exubérance.
J’ai tranché un pain de mie acheté en boulangerie, ce qui m’a
permis de réaliser six tartines beurrées. Six ? Pour confectionner quatre
croques, le compte n’y est pas… Certes. Mais il ne s’agit pas d’une erreur
provoquée par une distraction ou, pire, par une imprégnation alcoolique dans
une contagion pochtronesque m’incitant à faire cul sec avec le reste de la
bouteille. Non, tout simplement la vue du reliquat rassissant d’un pain de
seigle aux graines m’a incité à coiffer deux exemplaires expérimentaux de
croques par cette autre production boulangère, de couleur sombre mais de forme
quasiment identique, dont le haut goût me semblait apte à sortir lui aussi le
monsieur de sa morne routine – inspiration dans l’art d’utiliser les restes ne
me permettant pas certes d’arriver à la cheville des candidats de Top Chef,
mais suffisante pour m’attirer la bienveillance des chatouilleux chevaliers servants
de Dame Nature.
Nul besoin de préciser que ces noirs désirs furent aussi caressés
par la lame ayant plongé dans la motte surgérienne. Puis, tout comme leurs
tendres sœurs pâlichonnes, je les ai tartinés d’un mélange de sauce béchamel
façon pochtron et d’emmenthal râpé parfumé de poivre rouge et de noix de
muscade.
Je suis alors passé au montage. Sur les quatre socles de
pain de mie barbouillés j’ai allongé les tranches de jambon de Paris, demandées
épaisses au charcutier. Je les ai recouvertes d’une cuillerée généreuse de ma
mixture avinée. Pour finir j’ai déposé mes quatre chapeaux – deux blancs et
deux noirs, mais leur vêture ne laisse guère transparaître les différences.
Enfin j’ai transféré mes croque-pochtron dans un plat en
fonte sur le fond duquel j’avais fait tomber quelques noix de beurre. Et zou,
au four, à 180 °C pour un quart d’heure, en terminant par un bref coup de
gril sur le dessus.
Ils sont bien serrés l’un contre l’autre quand je les sors.
Je serre les croques |
Dans chaque assiette je fais glisser deux exemplaires de ces croques qui se sont détachés en toute facilité, contrairement à mes craintes quand je les ai vus accolés : un mixte et un mono pain.
Bi croques |
Le résultat est conforme à mes attentes, apportant par le vin blanc présent une note
bienvenue de fondue propre à titiller des papilles qui, sinon, se lassent vite de
la rondeur de la béchamel fromagée. Et pour la variété métissée, le seigle aux graines ressuscite un pain
dont on aurait bien tendance à oublier la fade présence.
Le croque-pochtron, il est des nôtres, il boit son coup comme
les autres !
Que l’on se rassure, la suite du repas fut sage. Un dessert on
ne plus simple. Rien de pochtron pour sa part.
Quoi que…
Quand le pochtron ramène sa fraise... |
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