mercredi 6 octobre 2021

Au feu les pompiers

 

Quelle funeste idée ai-je eu d’introduire cette diablerie dans mon appartement, me lamentais-je en voyant les flammes monter et la fumée envahir les lieux.

J’avais fait chauffer la pierre de lave pendant un bon quart d’heure et je venais de déposer au-dessus de la surface rougeoyante de mon nouveau gril les morceaux d’épigrammes d’agneau laiton de l’Aveyron que je comptais bien saisir tapissés de thym et de romarin sur la pseudo-braise volcanique. Mais…

Horreur, malheur ! Un Héphaïstos hargneux à moins qu’il ne s’agisse d’un vilain démon de deuxième classe - hypothèse plus probable car cette lave bien française dans son auvergnatitude n’a pas jailli de l’Etna - chatouillé par les résistances électrique et libéré de son emprisonnement millénaire, ne trouve pas mieux que de battre le briquet et mettre le feu à mon tendre agneau qui n’en peut mééééééééé. Eh oui, ça craint !

Une voix féminine hurle : «  Ferme vite la porte, l’alarme incendie va se déclencher ! Ah, tu avais bien besoin d’acheter cet instrument ! Tu n’en as peut-être pas assez déjà… »

J'obtempère. C’est une chose de me confiner, mais la hotte recyclante a beau s’évertuer - et je tiens à remercier publiquement pour son dévouement, elle qui surplombait le volcan au péril de sa vie - elle ne parvient pas à faire face. Au bord de l’asphyxie, toussant, râlant, je parviens à ouvrir la fenêtre de la cuisine. La fumée s’évacue plus ou moins vers la cour de l’immeuble. Mais pourquoi vois-je les rares fenêtres entrebâillées du voisinage se clore les unes après les autres ? On tousse dans la cage d’escalier. Grimpeur surpris ou voisin furieux ? Ouf, l’on ne sonne pas à la porte. Au loin des sirènes de pompiers. Ont-ils été alertés par un craintif ? Non, la grande échelle se rapproche, puis s’éloigne. J’ai à peine le temps de me sentir soulagé que les hurlements d’une voiture de police envahissent mes oreilles. Vais-je finir embarqué pour trouble de voisinage ? Que nenni, le véhicule ne s’arrête pas… Je respire - si l'on peut dire.

J’ai éteint mon appareil. Seules quelques petites flammèches persistent.

épigramme, agneaulaiton
Extinction des feux

J’ai risqué le divorce, le lynchage, l’expulsion, la geôle - mais l’agneau est cuit parfaitement.

Je dépose mon épigramme doré sur un plateau. 

épigramme, agneau laiton
Laiton doré

Deux parts seulement de cette grosse pièce seront consommées le jour même. Accompagnées d’une ratatouille relevée de piment d’Espelette, elles font merveille, bien juteuses à cœur, avec un petit goût de fumée, je ne vous dis que ça - c’est la moindre des choses après ce que j’ai vécu.

Les deux autres morceaux réservés seront mangés quatre jours plus tard. Je les ai découpés en carrés que j’ai fait sauter dans une poêle sur un trait d’huile d’olive en compagnie de deux tomates émondées partagées en gros cubes, de trois gousses d’ail grossièrement hachées et de persil ciselé. 

épigramme d'agneau
De beaux restes

Un tour de moulin de poivre, une pincée de sel, et j’ai servi bien chaud avec de la graine de couscous parfumé.

Solution de facilité

Le résultat de ce sauvetage de restes était une savoureuse surprise. Sans doute en raison de sa mise immédiate sous vide, la viande ne sentait pas le réchauffé, et l’on aurait pu croire qu’elle sortait de son passage sur le gril.

 

Donc beaucoup de fumée, mais pas pour rien. Et comme bûcher du soir n’arrête pas le pèlerin - en particulier celui en chemin dans sa quête du Griil - le lendemain même je me suis lancé dans la cuisson d’une côte de bœuf de l’Aubrac sur ce satané appareil. Mais avec précaution…

Si je préchauffe bien les pierres de lave par un réglage au maximum continu durant un quart d’heure, en revanche, avant de déposer la côte, je positionne le bouton du doseur d’énergie à la position 4. Les résistances n’étant incandescentes que brièvement, la graisse fond sans s’enflammer. Je laisse cuire doucement une vingtaine de minutes, retournant régulièrement la pièce que j’avais auparavant salée abondamment de gros sel et de fleur de sel mélangés et saupoudrée de quelques feuilles de thym. Puis je hausse progressivement vers la position 7 pendant une dizaine de minutes. 

côte de boeuf d'Aubrac
Aubrac sur le volcan


Je termine par un bref passage à la valeur maximale pour finir en beauté. Oh, une petite flamme apparaît ! Je me dépêche de transférer la côte sur la planche où elle va reposer une quinzaine de minutes avant que je ne la découpe.

côte de boeuf d'Aubrac
Plateau d'Aubrac


L’heure du verdict a sonné. Je sépare la viande de l’os qui sera mon régal dans quelques minutes quand je le rongerai à pleines mains - je fais ce que je veux chez moi, non mais ! Je tranche le bout de la noix : le cœur est encore saignant au sein de la peau bien croûtée, comme j’aime.

côte de boeuf d'Aubrac
Prometteur

C’est bien parti pour le festin carnassier ! Avec, pour me donner bonne conscience, une salade verte issue du jardin rehaussée d’une vinaigrette moutardée et de ciboulette ciselée.

J’allais oublier la tarte bourdaloue en dessert. Pourtant elle était savoureuse...

tarte bourdaloue
C'est de la tarte !


Mais ceci est une autre histoire. L’important, c’est que j’espère bien réussir à dompter la Bête venue des volcans. Même sans l’aide d’un exorciste.

3 commentaires:

  1. Bonjour, je vois que de bout en bout nous avons des goûts similaires, de la cote de boeuf à la Bourdaloue, seul le matériel diffère. Je m'y suis risqué il y a peu mais avec une plancha pour avoir une cuisson toute comparable...Seul bémol, j'ai voulu suivre un conseil récolté sur la toile (c'était ma première avec cet outil) mais trop, voire beaucoup trop de sel...Sinon, pour le couscous, un ami Lyonnais me l'a fait découvrir ces dernières vacances et j'avoue que c'est bien pratique.

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    1. Qu'importe l'ustensile pourvu qu'on ait l'ivresse ! Plancha à gaz ou électrique ?

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  2. pour la simplicité d'utilisation: electrique....

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