samedi 21 août 2021

La Cousine Bette

Elle a de la patience, cette Cousine. Il y a près de trois mois qu’elle reste dans son coin, sans que personne ne s’occupe d’elle. Elle m’a vu lui préférer une grande saucisse venue de Lyon. Je l'ai carrément oubliée, n'ayant d'yeux que pour une andouille péquenaude. Je l’ai même dédaignée pour des boudins ! Et bien d’autres que j’ai oubliées…

Aujourd’hui j’ai pitié d’elle, je ne vais pas la laisser continuer à se dessécher jusqu’à ce qu’elle devienne une vieille rabougrie inconsommable…

C’est décidé, ce lundi sera le jour où elle passera à la casserole !

Malheureusement, je ne dispose pas en cette saison de ces choux où se plaisent à s’allonger les Auvergnates que j’accueille chez moi. Aussi c’est un lit de bette que je m’apprête à lui offrir. Je le complèterai d’un oignon jaune du jardin tranché en deux et piqué de trois clous de girofle ainsi que de trois carottes qui poussaient non loin de lui.

Désolé Cousine, il faut que je te tranche en cinq, sinon ça ne va pas le faire…

Je mets à fondre une noisette de saindoux au fond de la grande casserole, fais dorer quelques instants ma Cousine sauvée de la décrépitude. Je la retire de son chaud nid (ou son nid chaud, au choix...)  et la réserve. Ben oui, ma vieille, tu n’en es plus à un quart d’heure près…

Je la remplace par les deux hémisphères d’oignon au milieu des côtes de bette débarrassées de leur fils et taillées en rectangles. Je laisse suer cinq minutes, ajoute les plus belles feuilles de bette grossièrement déchiquetées que je fais tomber rapidement à couvert. J’allonge les carottes, relève de quelques baies de genièvre et de piment de la Jamaïque ainsi que d’une dizaine de grains de poivre blanc de Muntok. J’arrose d’un verre de vin blanc sec - un reste de sauvignon - et complété d’eau à hauteur. Le liquide commence à frémir : Cousine, le retour ! « Oh, du vin blanc ! Je vais être pompette ! ». Je coiffe la casserole de son couvercle et place à mijoter sur une petite flamme. Zut, j’ai oublié les deux gousses d’ail, le laurier et le thym. Pas grave, il est encore temps de les insérer dans la préparation. Quelques secondes qui me permettent de vérifier que tout se passe bien sous la coiffe, et c’est reparti pour une quarantaine de minutes.

Je retire du feu. Je réserve pour quelques heures, le temps que l’alchimie des échanges de saveurs se fasse. Il reste juste assez de liquide pour permettre le réchauffage au moment du repas.


Dans une vingtaine de minutes ce sera l'heure de passer à table. Je mets ce temps à profit pour cuire à l’eau six pommes de terre de la variété œil-de-perdrix arrachées quelques jours auparavant au jardin. Pendant ce temps je réchauffe doucement la casserole où la Cousine se prélasse.

Les pommes de terre sont pelées, aïe les doigts, en urgence, ouf c'est terminé. De la fumée s’échappe sous le couvercle de la casserole. Tout est prêt pour transférer le tout dans un plat de service.

En premier lieu, au fond, trois pommes de terre, trois tronçons de Cousine et les légumes. Puis, par-dessus, trois pommes de terre et deux tronçons de Cousine. Une Cousine toute pimpante, ragaillardie. Visiblement l’aventure lui a plu.

saucisse cousine, bette
Quand la Cousine Bette a la patate

Point de vieille aigrie à l’agression sournoise, ma Cousine Bette est un plaisir à fréquenter, et je ne me priverai pas de ce bonheur.

Comme quoi passer à la casserole peut avoir un effet miraculeux !


 

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