mercredi 21 juillet 2021

Saltimbocca a la Pompei

 Il n’y a pas que la boustifaille pure et dure dans la vie. Aussi ai-je décidé de me livrer à une injection de culturel dans ce blog. Par chance, je détiens des informations inédites qui m’ont été fournies par un archéologue doctorant grattant la terre - ou plutôt la lave - sur le site de Pompéi. Je suis certain qu’il ne m’en voudra pas de les communiquer à mes lecteurs. Et si tel n’est pas le cas, eh bien il n’avait qu’à se taire au lieu de parader avec ses découvertes, ou tout au moins me les narrer sous le sceau du secret. Ce qu’il ne fit point - tant pis pour lui.

Tout d’abord, connaissant mon intérêt envers tout ce qui concerne l’histoire de la gastronomie, il m’a envoyé la photo de ce qu’il aurait pris pour une projection pyroclastique si deux pointes miraculeusement conservées n’avaient pas attiré son attention. Il confia donc cette pièce au service technique de son laboratoire qui rendit un verdict sans appel : mon ami et néanmoins chercheur avait mis la main sur un ancêtre du saltimbocca contemporain. L’IRM a bien fait apparaître les strates enroulées de veau et de jambon, et révèle l'incrustation de feuilles de Salvia pratensis parfaitement identifiables. L’expert conclut que l’on se trouve en présence d’un exemplaire unique particulièrement bien conservé en dépit d’une surcuisson manifeste.

Voici cette photo :



Mais ce qui va suivre est étonnant, pour ne pas dire époustouflant. Mon chercheur et néanmoins trouveur a eu une idée de génie. Et grâce à lui on peut entendre des voix figées depuis plus de deux millénaires !


Commençons par le commencement. Les fouilles avaient lieu dans la maison d’un potier, artisan à domicile interrompu en plein travail pendant que son épouse mitonnait le repas.

Mon trouveur et néanmoins ami s’intéressa à une coquille de murex 


dégagée à proximité du tour de potier, instrument finalement pas si différent de celui utilisé de nos jours par les ex-cadresses jadis dynamiques pour lesquelles une ménopause et une restructuration du personnel concomitantes ont permis de réaliser le rêve de toute une vie : s’établir en Bousie et pétrir la glaise. Ce qui donna à mon ami et néanmoins pas manuel pour un sou l'opportunité de pouvoir se renseigner sur la validité de son hypothèse auprès d’une des anciennes maîtresses et néanmoins potière : le coquillage était-il destiné à creuser d’une de ses pointes le sillon spiralé destiné à fournir un semblant de décor au vase rustique déposé sur la girelle? Ah que oui, c’était bien possible, même si elle, elle préférait son aiguille Solargil acheté chez Sennelier quai Voltaire.

Mais oui, oui, bien sûr, ça devrait fonctionner ! Et ça fonctionna…

Le murex avait transposé les vibrations sonores recueillies par sa conque dans le sillon creusé par la pointe de la coquille, tel ces appareils sommaires de la fin du XIXe siècle qui nous permettent d’entendre la voix de Caruso…



Et c’est ainsi que recueillie de la bouche du coquillage par un microphone sensible, fortement amplifiée, mais surtout filtrée par les techniques de traitement informatique contemporaines, l’on a pu pour la première fois écouter une conversation enregistrée le 24 août en l’an 79 ap. J.-C vers 13 heures.

«  Cibum cocta est ! […] »

Bon, je traduis en français, le niveau moyen en langue latine ayant beaucoup baissé depuis l’époque où je terminais mes humanités entre deux parties de flipper.

«  La viande est cuite. Mais alors j’attends toujours Marcus Polus avec ses pâtes. Je ne l’ai pourtant pas envoyé au bout du monde, la boulangerie Modestus est à deux pas.

-   Il doit être encore au lupanar. Bon, j’en profite pour terminer le décor de ce pot. Je dois le livrer demain.

-   Vas y, pédale ! Dis, tu ne trouves pas que ça sent le chaud ?

-   Bof, ça doit être encore le jeune Nero qui joue avec les amadous…

-   Non est puer egregia indole. »

Quelques craquements après ces derniers mots émouvants, et l’enregistrement s’arrête brusquement.


Je remercie mon ami et néanmoins voyeur par l’oreille de m’avoir permis ce voyage dans le temps.



Je ne puis faire autrement que d’inscrire au menu des saltimboccas

J’aplatis les escalopes de veau, Chacune, parsemée de quelques lambeaux de zeste de citron et parfumée de tours de moulin de poivre rouge et de noix de muscade, est recouverte d’une fine tranche de jambon de Parme - une et demi en fait car j’en ai trois à ma disposition. 

saltimbocca
Mise à plat

Je roule autour de quatre feuilles de sauge, dont deux violettes, laissant néanmoins dépasser une langue.

saltimbocca
S'en rouler deux

Je dépose mes saltimboccas sur le beurre mousseux d’une poêle. 

saltimbocca
Et les herbes...

Une fois dorés à feu pas trop vif, je les réserve, déglace au vin blanc sec, laisse réduire et monte avec une noix de beurre. Je vivifie par un trait de jus de citron, réchauffe rapidement les saltimboccas au sein de cette sauce avant de dresser. En accompagnement, ce seront de petites pommes de terre grenaille du jardin sautées après avoir été épluchées et blanchies. Pas très Rome antique, je sais… Mais la roquette mise en décoration, si !

saltimbocca
Saltimbocca, sauge verte, sauge violette

Finalement pas mal, ce saltimbocca. 

Hoc erat in votis !


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