lundi 19 juillet 2021

Richelieu en habit vert

Une bonne âme voyageuse m’a rapporté deux andouillettes tourangelles confectionnées par le sympathique boucher de la Grand Rue de Richelieu.

Ben oui, tout au fond au bout de la rue à droite en arrivant par la porte de Châtellerault !

Avant de sortir par la porte de Chinon…

...si les autochtones un peu sauvages ne nous barrent pas le passage.



S’agit de ne pas me vautrer dans l’accueil de ces ambassadrices provinciales au caractère bien affirmé.

La cuisson, je la mènerai délicatement, tout d’abord à feu doux sur une noisette de beurre, pour finir avec la flamme plus forte apte à colorer et rendre croustillante le boyau qui leur sert d’habit. L’on notera que, même de Richelieu, l’andouillette contrairement au homard ne se cardinalise pas. Elle préfère se laisser habiller de la discrète robe de bure d’un moine pénitent. Charmante modestie tout à son honneur… Intéressant, non ?

Fort opportunément, les pieds de fèves du jardin m’ont offert une récolte qui me permet de concocter un accompagnement à la fois campagnard et raffiné.

J’écosse les gousses rebondies. Je plonge les fèves ayant conservé leur peau dans l’eau salée en ébullition d’une grande casserole. Elles y restent six ou sept minutes avant que je les sorte pour les dépouiller prestement par une petite incision suivie d’un délicat pressage entre pouce et index qui fait jaillir les deux cotylédons smaragdins (youpi, j’ai encore réussi à placer cet adjectif) hors des téguments albuginés (tant qu’à faire…). 

Après avoir accompli consciencieusement mon rôle de favobstétricien en série, je réunis le fruit de ces accouchements par césarienne et déverse ces tendres bambins dans une casserole où suent deux petites échalotes hachées finement dans la fonte d’une grosse noix de beurre. Je veux réaliser un écrasé de fèves.

«  Et pourquoi il faudrait que l’on s’écrase

-  Tout simplement parce que c’est moi qui ai l’arme entre mes mains ! »

Et je brandis mon pilon au-dessus de leurs têtes effarées. Il faut dire qu’il y a de quoi. Toutefois je limite mon action, je ne souhaite pas un écrabouillage puréesque. Je veux simplement amener une cohésion rapprochant tous les éléments de ce petit peuple dans un objectif commun : réjouir les palais. Puis, afin de parfaire ce lien, je fais intervenir trois cuillerées de crème fraîche, ce qui va conférer à ces masses rustiques la rondeur avenante qui leur manquait encore. Ce qui ne m’évite pas cependant d’avoir recours à quelques tours de mouvette pour m’assurer que mon message passe bien. La douceur, certes, mais aussi le bâton. Il y a quelques fèves réfractaires qui ne comprennent que ça…

«  Allez, mes petits, juste un petit tour de moulin de poivre rouge et un autre de noix de muscade, et vous serez digne de mes andouillettes.

-  Tout ça pour rencontrer de petites andouilles, ah non, tu te payes notre tronche !

-  Richelieu, quand même, Richelieu, ce n’est pas rien !

-  On s’en fout de Richelieu, on veut du moderne, de l’actuel.

-  Bon, j’ai compris… »

Je vais chercher dans mes réserves un paquet de petites pitas craquantes aux piments et citron fruit de l'union de Michel et Augustin.


«  Si ça, c’est pas du contemporain… Et cette touche de croustillant, c’est-y pas tendance... Z'êtes contentes ? »

Comme c’est moi qui fais la pluie et le beau temps, je termine par une averse de persil ciselé.

Mes andouillettes rochelaises viennent s’allonger à côté des fèves dont j’ai rabattu le caquet.


andouillette, écrasé de fèves
Sur le bois

C’est quand même bon de retrouver le charme discret de la gentilhommerie. Surtout à la richelaise…-

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire