Ce 12 février, allant de (presque) tôt matin en quête des informations du jour, je me suis rendu compte que la nouvelle année chinoise commençait à cette date. Sous le signe du buffle…
Le signe du singe que je suis ne pouvait que se lancer dans une imitation - pas trop approximative, je l’espère - de la cuisine de l'Empire Céleste
Premier acte : vérifier que je dispose de tous les ingrédients nécessaires.
Bon, ça va il ne me manque que la fécule de blé entrant dans la composition des perles de coco prévues au dessert, et le blanc de poireau à incorporer dans la farce des raviolis chinois inscrits au menu.
Commençons par la confection des perles de coco.
La recette que j’utilise est celle présente sur le site La cuisine de Bernard.
Je bats un œuf entier avec 110 g de sucre.
J’ajoute 30 g de farine, 25 g d’un mélange tant pour tant de fécule de maïs et de fécule de pomme de terre destiné à remplacer désavantageusement la fécule de blé, 30 g de lait entier en poudre, 25 g de custard powder dont je n’avais pas prévu en l’achetant qu’elle me mènerait en Chine. Je mélange bien.
J’incorpore 30 g de beurre fondu.
Je verse enfin 100 g d’eau et je touille avec une mouvette et avec ardeur.
Je transvase la pâte plutôt liquide obtenue du cul-de-poule en acier dans un bol en verre, car la cuisson se fera au micro-ondes. Dans mon four, cette crème d’œufs parviendra à une bonne consistance au bout de quatre minutes et une trentaine de secondes. Je la reverse alors dans un autre bol pour arrêter la cuisson. Je la malaxe ensuite à la main avant de la bouler et de la réserver au frais enfermée dans un film.
Je passe à la réalisation de la pâte destinée à enfermer la crème.
Pour ce faire, je pèse 200 g de farine de riz gluant et 55 g de sucre qui finissent dans le bol de mon batteur mélangeur. Pendant qu’il tourne en ronronnant, j’introduis 13 cl d’eau bouillante.
Oh la la, que la pâte obtenue est collante. Il faut toute l’énergie d’une corne intraitable pour parvenir à l’extraire du bol de la machine et l’arracher de la feuille où cette visqueuse s’accroche désespérément.
Désormais un ectoplasme blanchâtre gît sur mon plan de travail en inox. Je le pétris et le travaille de la paume de la main, j’étire, j’aplatis, me décolle avec peine. Au bout d’un quart d’heure, défaite par KO de mézigue. Après deux ou trois tentatives, je renonce à obtenir les boudins bien réguliers de pâte très douce au toucher et d’aspect satiné. N’est pas Bernard qui veut !
Je me contente donc de détacher des morceaux que je façonne en boules plus ou moins régulières.
J’ai sorti ma crème d’œufs du réfrigérateur. Brave fille ! Elle se laisse modeler en boulettes sans difficulté.
Aïe, ça devient délicat… Avec l’agilité d’un proctologue conventionné j’introduis un doigt au sein de ma boule de pâte. Quand je le retire, non sans difficulté, car l’objet de mes soins semble fort attaché à ma personne, subsiste une cavité que je m’empresse de combler avec une boulette de crème d’œufs. Ouf, une étape est franchie. Mais le plus dur reste à faire. Il me faut étirer la pâte blanche (j'aurais dû la montrer...) afin de recouvrir entièrement la pâte jaune. Facile à dire… C'est sans compter avec son élasticité redoutable. J’ai peine à ramener les pans en contact et à fermer cette pelisse que je ne tarderai pas à rendre velue en la roulant dans de la noix de coco râpée après un trempage de quelques secondes dans l’eau glacée.
Cependant ma persévérance finit par payer, et je réussis à obtenir seize perles de cocos pas très bien calibrées, néanmoins présentables.
Je réserve.
Perles du jour |
Ce combat titanesque contre les forces du riz gluant a pris du temps. Il me faut me dépêcher pour façonner mes raviolis chinois.
Pour ce faire, Margot Zhang sera mon maître.
Encore une pâte ! J’ose espérer qu’elle sera plus docile. À voir…
Je pétris 300 g de farine T55 en y incorporant progressivement 9 cl d’eau à 35 °C. Je n’ai pas oublié la pincée de sel. Je boule et réserve une demi-heure à température ambiante sous un torchon humide.
J’ai largement le temps de préparer la farce.
En premier lieu je taille en fine brunoise un morceau de gingembre frais. Puis je cisèle une poignée de ciboulette achetée la veille au marché qui remplacera le blanc de poireau de la recette originale - la météo n’étant guère favorable pour extirper du sol du jardin un ou deux pieds de Gros Jaunes du Poitou.
Dans une bassine en inox de dépose 300 g de chair à saucisse. Je verse 1 bonne cuillerée à soupe de vin jaune chinois. Je mélange. Je verse 3 cuillerées à soupe de sauce soja claire, je re mélange, j’ajoute la brunoise de gingembre, une pincée de sucre, un tour de moulin de poivre blanc de Muntok, 1 cuillerée à soupe d’huile de sésame, je re re mélange, j’incorpore ma ciboulette ciselée, je re re re mélange.
Ma farce est prête.
Une farce chinoise |
C’est avec une inquiétude de chat échaudé que je retrouve ma pâte - quant à elle pas échaudée le moins du monde contrairement à celle des perles de coco. Là encore il faut façonner des boudins. Ouf, ça marche ! Je les découpe en tronçons que je façonne en boules. Je les aplatis en petits disques. C'est après que ça se complique… Margot Zhang a fort justement écrit : étaler finement la pâte avec un petit et fin rouleau à pâtisserie dans le sens des aiguilles d’une montre. Mais voilà, mon rouleau, lui, il est long et épais, pas virevolteur le moins du monde, et c’est la pâte qui doit effectuer des rotations. Peut-être aussi que ma farine, une T55 boulangère, n’est pas vraiment adaptée, car la pâte élastique a tendance à se rétracter ? Peut-être de surcroît suis-je maladroit ? Toujours est-il que mes étalements patatoïdes ne ressemblent qu’approximativement au disque parfait souhaité.
Tant pis, je ferai avec…
Je dispose une petite cuillerée de farce au milieu de mes disques fantoches. Je replie. Ce n’est pas non plus évident de coller les bords des raviolis en les refermant.
Finalement je parviens quand même à allonger une bonne vingtaine de pièces sur une plaque farinée. Elles sont disparates, pas régulières du tout, mais elles existent, et le goût devrait y être.
Oui, je sais... |
Je prie néanmoins pour qu’elles ne s’ouvrent pas à la cuisson.
D’ailleurs l’heure du repas est arrivée. Mais sera-ce aussi mon heure de gloire ?
Je mets à bouillir une grande casserole d’eau. J’y plonge mes raviolis qui sombrent corps et biens au fond de l’onde tourmentée. Je tremble. Mais non, les naufragés ne tardent pas à remonter à la surface. Intacts.
En apnée |
Je les laisse terminer leur cuisson durant quatre minutes.
Je sors alors mes raviolis avec une araignée pour les déposer sur une grille.
Une fois ceux-ci égouttés, je puis procéder au dressage. Très simplement six raviolis allongés langoureusement entre des points de sauce sriracha et deux tiges de ciboulette venues les chatouiller.
Dix heures dix |
Vite à table pendant que c’est chaud ! Je prends quand même le temps de déposer les perles de coco sur une feuille de papier siliconé au sein de mon appareil de cuisson vapeur : une bonne quinzaine de minutes sont nécessaires pour pouvoir les sortir cuits à point de cette étuve.
C’est qu’ils ne sont pas mauvais du tout, ces raviolis, une fois trempés dans la petite coupelle en porcelaine posée à côté de l’assiette où l’on peut mélanger sauce pimentée et sauce soja. Et même pas trempés du tout, dans le simple appareil d’une beauté arrachée du sauna.
Je m’attendais au pire, je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai le meilleur, mais quand même…
J’aurais dû penser à acheter une bière Tsingtao pour accompagner ce régal. Tant pis, une bière alsacienne fera l’affaire.
J’entends un ding provenant de la cuisine. Les perles de coco doivent être prêtes à servir
Je les prélève directement de la plaque de cuisson pour les poser sur les assiettes. Là, le dressage sera tendance épurée : quatre boules blanches sur une surface noire veinée de blanc.
Jouer aux quatre coins... |
Je tranche l’une de ces sphères - légèrement aplaties quand même… L’insert jaune apparaît et nous réjouit par cette touche colorée. Mais pas que : l’œil, certes, mais aussi le palais. Une bonne farce !
Planète coco |
Je ne me suis pas si mal débrouillé. J'ai pondu un beau coco. Je suis fier comme un coq !
L'an chinois débute bien...
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