dimanche 9 juin 2019

Italie, si

Comme une envie d'Italie...
Deux programmes sont à portée de main :

- Voyage en Italie de Lilicub sur mon ordinateur



- Voyages en Italie de Stendhal dans ma bibliothèque



Le second est un peu plus complet, mais de toute façon ni l’un ni l’autre ne sont roboratif.
Dans le premier, l’on ne fait que s’enfiler des verres de Campari - ce qui risque d’ailleurs d’interrompre prématurément le voyage au fond d’un fossé même s’il est bu allegretto ma non troppo. J’ajouterai que si le Spritz est déjà has been, alors qu’en est-il du Campari… ?
Pour le second, j’ai recherché vainement toute trace de nourriture dans les pérégrinations du sieur Henri Beyle. Tout juste ai-je pu tomber sur le mot riz page 297 :

Au Gernietto, villa du fameux dévot Mellerio, il y a des statues de Canova. J’ai revu Desio, simple jardin anglais, au nord de Milan, et qui me semble l’emporter sur tous les autres. On voit de près les montagnes et le Rezegon di Lek (la Scie de Lecco). L’air y est plus sain et plus vif qu’à Milan. Napoléon avait ordonné que les rizières et les prés marciti (arrosés constamment, on les fauche huit fois par an) seraient éloignés à cinq milles de Milan. Mais il avait accordé un délai aux propriétaires pour le changement de culture. Comme on trouve un avantage immense à cultiver le riz, les propriétaires ont graissé la patte à la police, et, au couchant de Milan, vers la porte Vercellina, j’ai vu des rizières à une portée de canon de la ville. Quant aux voleurs, on les rencontre à une portée de fusil presque chaque soir. La police est comme celle de Paris : elle ne songe qu’à la politique, et du reste fait tondre barbarement les arbres plantés par Napoléon pour avoir le bénéfice des fagots.

Et page 992 notre voyageur se plaint de l’odeur de chou pourri qui empoisonne la sublime rue du Corso à Rome…
Bon appétit !


Je vais donc me concocter mon propre itinéraire.

Cependant hors de question de me livrer à ce type d’abordage des terres cisalpines.

Bonjour Venise


Il y a déjà bien assez de touristes envahisseurs.
Aussi ce n’est pas moi qui irai en Italie, mais c’est l’Italie qui ira à moi ! Et, pour chaque produit reçu, le miracle d’Internet me permettra de visiter la localité dont il provient. Aux locavores acharnés qui ne manqueront pas de me clouer au pilori, je répliquerai que le bilan carbone de mon colis sera vraisemblablement inférieur à celui des avions affrétés pour leurs vacances exotiques…


Je viens donc de recevoir les produits qui me feront voyager autour de ma cuisine.

Je commence par poser sur ma planche un beau morceau taillé dans une ventrèche de thon rouge, tellement persillé que sa coupe ressemble à s’y méprendre à celle d’un bœuf de Kobé.

ventrèche de thon rouge
Ventrèche


Mais lui, il arrive tout droit de Sicile, plus précisément de Custonaci.

tyhon rouge
Custonaci


J’en prélève une tranche épaisse dont j’enlève la peau - j’ai l’impression de découenner un morceau de lard…- qu’ensuite je partagerai en six cubes que j’enfilerai sur des piques en bois.

ventrèche de thon


Je mettrai les deux brochettes obtenues à mariner avec de l’huile safranée obtenue en laissant infuser du safran torréfié au fond d’une poêle à blini sur de l’huile d’olive.

huile safranée
Mise au parfum


Je réserve.

Je me lance ensuite dans la préparation de six asperges vertes. Ces asparagi verdi sont extraites d’une botte cultivée en Lombardie.

asparagi, asperges vertes
Lombardia


Je les écussonne, les raccourcis et les plonge deux minutes dans de l’eau bouillante salée avant de les rafraîchir dans l’eau glacée, les égoutter et les réserver.

J’ouvre maintenant le paquet de riz noir. Ce riso nero venere est originaire de San Giorgio di Mantova.

riz venere, riso nero
Il va être dans un bel état, le riz !


J’en prélève un petit verre que je mets à cuire pendant 40 minutes dans la même eau bouillante dans laquelle j’avais blanchi les asperges.
Je profite de ce délai pour préparer une sorte de chutney de tomates propre à fournir un agréable contrepoint au thon gras.
Je m’empare d’une grappe d’une dizaine de petites tomates (de provenance inconnue, quant à elles…) que je pèle après les avoir incisées et jetées quelques secondes dans de l’eau bouillante. Je les partage en quartier et les épépine.
Je détache deux gousses d’une tête d’aglio rosso di Nubia qui elle aussi vient d’arriver d’Italie.

ail rouge de Nubia, aglio rosso
Nubia


Quand je les hache, elles dégagent un parfum puissant qui parvient même à des narines situées dans une autre pièce que la cuisine. Puissant, mais sans agressivité. Parfait, dans un autre genre que l’ail fumé d’Arleux. Plutôt proche de l’ail de Lautrec…
Dans une petite casserole je verse trois cuillerées de balsamique blanc. Tiens encore un Italien, mais lui, ça fait un certain temps qu’il est chez moi, comme ce balsamique traditionnel de Modène dont j’ajoute aussi une cuillerée. Je commence une réduction, fais glisser pétales de tomates et ail haché depuis ma planche et parsème de quelques fleurs de thym du jardin. Je laisse sur le feu quelques secondes jusqu’à évaporation presque complète. Je donne un tour de moulin de poivre rouge et je termine par une cuillerée de colatura di alici.  Ce coulis d'anchois provient de Cetera, port de pêcheurs dont c'est la spécialité.

colatura, Cetera
Cetera




Le riz va être cuit dans une dizaine de minutes. Je pose ma poêle à poissons sur un feu moyen et y fais dorer mes brochettes de ventrèche de thon rouge - que je viens d'assaisonner de quelques pincées de sel fin - en les caressant et recaressant avec un pinceau imbibé de l’huile safranée. Il me faut à peu près deux minutes pour parvenir au résultat souhaité, après quoi j’allonge ces brochettes sur les deux assiettes rectangulaires de service que j’enfourne à 70 °C. Je remplace dans la poêle le poisson par les asperges qui se remettent à température en achevant leur cuisson.
Le minuteur sonne, je vérifie que le riz venere est à point. C’est bien le cas…
Je puis donc commencer le dressage.
Je sors les deux assiettes du four, dispose le riz et le chutney de tomate.
Je complète en faisant tomber une pluie de copeaux détachés d’un morceau de parmesan qui traînait au frigo à l’aide d’un économe, et en déroulant deux chemins verdoyants de persil frisé ciselé. Ah, il ne me faut pas oublier de désimmaculer la triste blancheur de l’assiette par une bienvenue chute de poivre noir moulu grossièrement…


produits italiens
Mon voyage en Italie


Le voyage gourmand en Italie peut commencer !

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