J’ai failli embrasser Pauline et crier hip hip hourra ! Mais je me suis abstenue et j’ai réussi à prendre un air indifférent. Sinon Pauline aurait été trop contente de faire les yeux doux à celui qui, je l’espère, remplacera l’affreux binoclard qui me regarde en biais avant de me pincer les fesses dans l’escalier menant aux chambres à l’étage. Dieu merci, cet horrible Jean-Sol Partre loge dans une mansarde encore plus haut, ce qui ne m’empêche pas de tirer précautionneusement le verrou. Ce que je ne ferai pas quand arrivera le beau hussard que j’espère de tous mes vœux !
J’ai eu honte de mes pensées, aussi je suis allée me confesser auprès du prêtre de l’église Saint Jacques. Je ne sais pas si je suis croyante, ça va ça vient, mais le calme de ce lieu me rassérène, avec ses arcades culottées par les ans qui encadrent de lumineux vitraux.
L’ecclésiastique plein d’onction a su me rassurer. Décidément, cet abbé Chaud-Rond sait huiler le péché pour le rendre plus digeste…
Pauline avait raison. Quand je suis revenue à la maison, père était en train d’annoncer à ma tendre maman que nous allions héberger un hussard au doux prénom de Roger. Enfin, doux, c’est moi qui ajoute cette épithète… De plus, n’ayant pas pris conscience de mon arrivée, père a ajouté : « J’ose espérer que ce ruffian sera aussi laid que son prédécesseur, pour le bien de notre fille. » Maman lui a fait signe de se taire, mais c’était trop tard. Mon bien, mon bien,... Mais qui êtes-vous, Monsieur mon père, pour parler de mon bien à ma place ! Il sera splendide, mon hussard, je le sais, et j’en suis fort aise, ne vous déplaise.
J’écris ces lignes avant d’éteindre la lumière pour me plonger dans une nuit enfin emplie de rêves charmants et d’espoir. Tu seras bientôt là, mon aimé !
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