Tant pis !
Jour J-2
Je découpe des lèches.
En premier lieu dans du veau. Las, le boucher, sous prétexte que la viande était destinée à un pâté, a refilé des morceaux avec plein d’aponévroses… Il me faut donc jouer du couteau non seulement pour découper, mais aussi pour parer.
En second lieu, du canard. Re las, le volailler, n’ayant pas les aiguillettes que je souhaitais utiliser a cru malin de les remplacer par une cuisse. Je n’aurais jamais pensé que l’anatomie de ce palmipède soit aussi complexe et que sa mobilité mette en œuvre autant de tendons… Que ce volailler soit maudit jusqu’à la septième génération !
Il me vient de mauvaises pensées. J’imagine ces artisans balançant tous leurs rebuts dans un cutter pour les pulvériser afin de confectionner des pâtés - leurs pâtés… - qu’ils nous vendront à prix d’or. Sachez, Messieurs, que je ne mange pas de ce pain-là, et qu’un pâté est une construction et non une destruction.
Enfin mes lèches sont prêtes. Je les mets à mariner dans du cognac avec poivre long, poivre Timiz, poivre rouge de Kampot, piment de la Jamaïque, baie de genièvre, clou de girofle, thym, laurier et échalote tranchée.
Des lauriers pour la lèche |
Je réserve au frais. Bonne nuit les petits !
À demain, bonne nuit. Moi je continue ma ronde. Ou plutôt je passe à la confection de la pâte. Ce sera une variante de pâte brisée comportant les proportions suivantes :
500 g de farine
250 g de beurre
2 grosses cuillerées de saindoux
1 œuf entier
1 jaune d’œuf
2 cuillerées à café de sel.
Ces ingrédients plus agglomérés que pétris sont mis en boule et viennent rejoindre les lèches au réfrigérateur. Chut, ne les réveillez pas !
Jour J-1
Je commence par la préparation de la farce à gratin. Je verse les foies de volaille dans le bol du mini-préparateur. J’y ajoute trois échalotes, un petit verre de porto blanc, un trait de cognac, une pincée de sel, un tour de moulin de poivre. Je hache finement le tout jusqu’à obtenir une sorte de crème que je verse dans une petite poêle sur du beurre fondu.
La crème du gratin |
Je brasse sur feu moyen afin de dessécher. La consistance souhaitée obtenue, je réserve.
Mais c'est une farce ? |
Je mets à gonfler une poignée de morilles séchées dans un verre de porto. La saison aurait pu impliquer des morilles fraîches, mais sur les étals il n’y a que de la morille de Turquie. Et puis je ne suis pas certain que la morille fraîche procure plus de parfum dans un pâté que la morille séchée…
Je réserve. Imbibez-vous !
Ensuite je fais cuire cinq œufs durs que j’écale et réserve.
Je sors la viande : veau et gorge de porc. Je la découpe en cubes d’environ 3 cm de côté.
J’en verse la moitié dans le bol du gros robot multifonctions muni de sa lame à trancher. Je donne quelques impulsions afin de parvenir à un hachage relativement fin. Je verse le résultat dans un saladier.
Je répète l’opération avec le reste de viande, mais en m’arrêtant au stade d’un hachage grossier.
Veau, porc |
Je pèse le contenu. Je lis sur la balance 1 360 g, donc, avec la proportion réglementaire 16 g/1 000 g il me faut ajouter 22 g de sel. Ce que je fais.
Je sors les lèches et la farce à gratin du réfrigérateur.
Les lèches parfumées me disent : « Ah, ça va être un magnifique pâté ! ». Aucun doute, ce sont bien des lèches… Je verse le jus dans lequel elles ont baigné dans le saladier où repose la viande hachée. Je complète avec la farce. J’ajoute les morilles avec leur jus. Je donne moult tours de moulin de poivre rouge, saupoudre d’une pincée de quatre-épices. Et je pétris à tout va afin de bien mélanger.
Il me faut désormais passer au montage.
Je sors la boule de pâte du réfrigérateur et la débarrasse du film qui la protège. J’en prélève le tiers que j’étale en un rectangle approximatif que je transfère sur une plaque d’alu perforée recouverte de papier siliconé. Je recouvre cette pâte d’un rectangle plus petit de viande hachée. J’y dispose les œufs durs raccourcis en leurs bouts afin de pas trop risquer de tomber sur du blanc lors de la découpe future de tranches. Puis je superpose viande hachée, lèches de veau et de canard jusqu’à épuisement en tassant bien et en resserrant les flancs avec les paumes de la main.
S'en battre les flancs
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J’étale le reste de la pâte en un rectangle plus grand susceptible de recouvrir la masse du gros gisant viandesque. Je le pose en l’ajustant. Il ne me reste plus qu’à retrousser et ourler les bords, les chiqueter, puis percer trois trous sur le toit avant de tenter une vague décoration.
Droit dans le décor |
Le pâté cru est désormais prêt à passer au four.
Je l’enfourne pour 10 minutes à 200 °C. Je le sors et le badigeonne alors de jaune d’œuf dilué dans de l’eau. Je le réintègre ayant baissé la température du four à 180 °C.
Une demi-heure plus tard je ressors le pâté. La dorure de sa surface est aboutie, je le recouvre donc d’une feuille d’aluminium pour éviter une sur coloration. La fin de la cuisson sera gérée avec la mesure de la température au centre que je mesure avec une sonde.
Les bips qui se succèdent me signalent que c’est le moment d’évacuer mon œuvre hors du four. Je m’exécute, laisse tiédir le pâté sur la plaque de cuisson avant de le transférer sur un plat que je réserve au frais jusqu’au lendemain.
Mon pâté postpascal |
Jour J
Le matin je verse à l’aide d’un petit entonnoir de la gelée dans les trous du dessus du pâté que je remets ensuite au frais.
Le moment fatidique de la dégustation est arrivé. C’est un instant toujours un peu stressant, car on n’est pas certain de ce qui apparaîtra sous la croûte, dont il n’est pas non plus certain qu’elle ne tombera pas en miettes au cours des manipulations.
Mais non, ouf, tout ce passe bien. Et ce sont des tranches présentables que je puis déposer sur les assiettes, enfin, non, les ardoises…
L'ardoise est pour vous... |
Mais quid du goût ? La pesée du sel me permet de ne pas trop avoir d’inquiétude pour l’assaisonnement. Mais les saveurs, les parfums ?
Eh bien, ce pâté postpascal est bon. Un seul regret : j’aurais dû ajouter à sa composition du lard gras afin de lui conférer plus de moelleux.
À savoir pour Pâques 2019 !
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