vendredi 13 avril 2018

Le pêché et l'huguenote

Un maquereau apatride fut un jour tenté de connaître les joies du Gai Paris. Il prit le bateau et débarqua à Boulogne, d’où il se rendit à la capitale par la route.
Si les bateaux-mouches lui semblèrent ridicules, Pigalle lui plut bien, il y eut même la chance de sympathiser avec quelques morues bien dessalées. Ouais, ça, c'est Paris !
Mais le lendemain, c’était tout autre chose : l’alibi historico-culturel prévu par Fish’s Tours, la visite du château de Versailles. Ça ne le tentait guère, il avait vaguement souvenir d’avoir entendu parler de têtes coupées comme celles de vulgaires sardines avant d’aller en boîte. Il n’eut que du mépris pour le Grand Canal, quand même nettement plus exigu que l’Atlantique Nord Est dont il venait.
Et c’est alors que le miracle se produisit : il aperçut une douce créature potelée à la peau d’une blancheur virginale. Pour la première fois de sa vie il était amoureux. Quand la mignonne vit le baroudeur élancé aux tempes argentées, il ne lui fut pas indifférent.
Ils discutèrent longuement en empruntant les allées qui menaient au Hameau de la Reine.
« Je te réserve une surprise…
Parle-moi plutôt de toi. Je veux tout savoir.
– Oh, ma vie n’est pas passionnante. Tu sais, je viens des Cévennes, et il ne se passe pas grand-chose au milieu des champs et des bois.
– Moi, c’est l’océan… »
Il lui raconta les vagues qui déferlaient, les fuites éperdues pour se cacher de la vue d’un prédateur – et dieu sait s’ils sont nombreux en ce milieu -, mais aussi les cabrioles joyeuses quand il se retrouvait en bande avec ses frères. Il l’amusa en évoquant les glapissements des cachalots, l’agitation des crevettes toujours énervées. Il la terrifia en décrivant l’étreinte mortelle du tentacule de la pieuvre et la cruauté gluante de la méduse.
Soudain, elle lui demanda de fermer les yeux et le guida.
« Maintenant tu peux les ouvrir. Regarde, ça ne te rappelle rien ? »
Il vit un phare qui se découpait dans le ciel. Il faillit lui dire que lui, c’était plutôt le grand large qu’il connaissait, mais il était touché par cette attention naïve.
« Un phare ! C’est merveilleux… »
Ils se roulèrent dans l’herbe, elle le recouvrait de son corps épanoui. Ils ne s’apercevaient même pas que des touristes japonais les prenaient en photo et qu’un couple versaillais éloignait ses triplés en marmonnant : « On aura tout vu ! ».

maquereau, oignon doux, Cévennes
Se rouler dans l'herbe...


Il l’emmena prendre un verre dans un bistro à côté des halles. Puis deux, puis trois…
La soirée fut chaude. On entendait la douce Cévenole gémir : « ô gnon, ô gnon ! » pendant que son compagnon grognait : « Viens dans mes filets, ô oui, ô oui ! ».
Épuisés, ils ne tardèrent pas à s’endormir sous un drap où perlait leur sueur.

maquereau, oignon doux, Cévennes, vin blanc
Dans la transparence


On les trouva unis pour l’éternité le lendemain. L’ogre du quartier Saint-Louis avait encore sévi.

maquereau au vib blanc
Ci-gît...


Que fait la police !

2 commentaires:

  1. Cette douce créature potelée à la peau d’une blancheur virginale me met les larmes aux yeux !!!...

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  2. :)
    Pour les grands sensibles comme vous :
    https://www.femmeactuelle.fr/cuisine/guides-cuisine/11-astuces-pas-pleurer-couper-des-oignons-42922

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