Il se passe de drôles de choses dans ce jardin !
Bon, je me présente -tout en voulant rester anonyme, par peur de représailles. Sachez simplement que je suis un de ces cornichons qui séjournent au fond, deuxième allée à gauche…
De cette place, j’ai tout vu.
De cette place, j’ai tout vu.
Vous ignorez peut-être que Mickey vient de temps à autre se délasser en ces lieux, car il prend bien soin de se dissimuler à votre arrivée.
Le repos du guerrier |
Hum, se délasser, certes, mais même un peu plus, car il entretient une liaison coupable avec Cendrillon.
Ce jour-là, elle lui avait fait faux bond. Il rêvassait, allongé dans l’herbe, les huit orteils en éventail, quand un gros crapaud pustuleux vint lui chatouiller le bout du nez avec un brin d’herbe.
« Bonjour, charmant jeune homme, je suis une belle princesse métamorphosée par un horrible sort en ce vilain amphibien. Si vous m’embrassez sur la bouche, je reprendrai forme humaine. Nous nous marierons et aurons beaucoup d’enfants ! »
J’entendis Mickey, qui est un chaud lapin et que rien n’étonne depuis qu’il bosse chez Disney, répondre en roulant des épaules :
« Tends donc tes lèvres, ma belle, mais pour le mariage on verra un peu plus tard, et pour les enfants encore après, profitons d’abord de la vie ! Allez, zou ! »
Allez zou, il ne croyait pas si bien dire. Mickey avait à peine effleuré le crapaud que celui-ci se transforma en un homme basané au regard mauvais qui ricana :
« Ha ha ha, alors, mon Mickey, tu es content de te voir enfin tel que tu es, va donc, hé, patate ! Je suis le fé Carabin, fé sans e, j’y tiens car je suis un ardent masculiniste.»
Mickey, sous sa nouvelle peau, ne savait que gémir en psalmodiant qu’il allait être dans la purée.
« Eh bien je te la souhaite bien robuchonne, ça te changera du Coca… »
Mickey Potato |
Monsieur le jardinier, voilà ce que j’ai de mes yeux vu et de mes oreilles entendu, foi de cornichon !
Mais ce n’est pas tout, le lendemain Cendrillon est arrivée. Elle cherchait partout Mickey, mais celui-ci avait beau hausser sa petite voix de tubercule, « C’est moi ! C’est moi ! », il n’obtenait comme réponse que :
« Vas-tu te taire enfin, patate ! Ce n’est pas parce que tu as de grandes oreilles que tu dois casser les miennes. »
La pauvre n’avait même pas saisi la ressemblance… Il est vrai que c’est une blonde.
Elle allait repartir, furieuse que Mickey lui ait posé un lapin, quand le fé Carabin franchit le seuil du jardin.
« Ma belle, tu ne vas tout de même pas bousiller tes escarpins de vair en rentrant chez toi pedibus cum jambis. En toute modestie, je possède quelques rudiments es sortilèges. Prends ce bâton de bois mort que je te tends, du noisetier me semble-t-il, et dirige le vers cette courge en pleine maturité que j’aperçois là-bas. Elle se transformera illico en Twingo, je sais, c’est peu, malheureusement ce n’est qu’une courge et les citrouilles sont encore vertes, mais au moins tes charmants petons ne seront pas souillés… »
J’entendis Cendrillon qui n’a pas inventé l’eau chaude, même si elle en a beaucoup transporté dans sa jeunesse, et que rien n’étonne depuis qu’elle bosse chez Disney, répondre en frétillant de l’arrière-train :
« Donnez, donnez, mon beau monsieur. Et j’espère que vous serez le chevalier servant qui m’accompagnera jusqu’à la porte de mon F5, et peut-être même plus loin si affinités . Mais je les sens déjà, ces affinités…»
Cendrillon avait à peine saisi la baguette - qui en réalité était du frêne, mais le fé Carabin est plus ferré en magie qu’en botanique - que je la vis se ratatiner brusquement et se transformer en tomate avec quand même un petit nez retroussé.
Le regard du gaillard basané me parut encore plus mauvais que la veille quand il lança :
« Ha ha ha, alors, vilaine Cendrillon, croyais-tu vraiment que le fé Carabin, fé sans e, vive la libération de l’homme, allait faire rouler carrosse au laideron que tu es ? Estime-toi contente de ne pas être devenue bette comme ce fut le cas de ta cousine l’année dernière, la pôvre, je ris encore à l’idée du moment où l’on a dû lui retirer les fils après cette opération.»
Cendrillon, rouge de colère, agonissait le fé d’injures.
« Bof, ne t’époumone pas tant. Tu n’es ni la première ni la dernière femme à qui arrivent des pépins… »
Monsieur le jardinier, voilà ce que j’ai de mes yeux vu et de mes oreilles entendu, foi de cornichon !
Je dormis mal la nuit suivante, aussi, quand je me réveillai, le soleil était haut dans le ciel.
Je balayai du regard mon cher jardin -enfin, le vôtre- quand j’aperçus une pomme de terre que je n’avais encore jamais vue.
Général ou particulier ? |
Je m’adressai donc à cette patate nouvelle ou plutôt cette nouvelle patate, interloqué par son physique.
« Non, mais non, le fé Carabin n’a tout de même pas osé… »
Je balbutiai…
« Dois-je vous appeler Mon Général ?
- Mon pauvre ami, votre discours me semble confus. Me confondre avec le libérateur de la France !
- Ben, à vue de nez, on pouvait se tromper. Mais qui êtes-vous donc ? »
La patate au long pif et aux grandes oreilles me narra alors son aventure.
« Je suis un des sept nains, Dormeur pour être plus précis. Blanche-Neige n’avait pas reçu la visite hebdomadaire de son amant du jeudi, Mickey - le mercredi c’est.. ah bon vous ne voulez pas savoir, vous n’êtes pas un cornichon curieux, dommage, vous seriez étonné, mais non, je sais bien qu’il y a sept jours dans une semaine, mais avec Mickey, ça ne ferai pas le compte, sept plus un égale huit, bref, Blanche-Neige était inquiète, et comme elle savait que Mickey rencontrait Cendrillon dans ce jardin, mais oui, on papote beaucoup à la cantine chez Disney, elle m’a envoyé mener ma petite enquête. Il n’y avait que deux nains de disponibles, mais elle craignait qu’Atchoum ne soit pas assez discret, aussi ce fut moi.
Je pénétrai céans à l’aube, et je commençais à inspecter les plates-bandes quand arriva un escogriffe à l’allure louche qui me toisa de haut. Que cherchez-vous, mon petit, me dit-il. J’ai beau être nain, j’ai horreur que l’on m’appelle mon petit. Aussi je levai les yeux et le regardai fixement sans mot dire en fronçant les sourcils. Bien mal m’en a pris. Quelques secondes plus tard je ronflais du sommeil du juste au milieu d’un carré de persil.
Je fus réveillé par une mouche qui se posa sur mon front.
Dormeur |
La mouche me parlait. Mais rien ne m’étonne depuis que je bosse chez Disney… Elle voulait que je l’embrasse sur la bouche, et elle se transformerait en Schtroumpfette. Mais ce n’est pas à un vieux singe que l’on apprend à faire des grimaces, j’ai refusé catégoriquement. Malheureusement, si tu ne vas pas à la mouche, c’est la mouche qui va à toi… La mouche s‘est envolée et est venue se poser sur mes lèvres. J’ai senti comme un éclair qui traversait mon corps, et voilà, j’étais transformé en patate. Quant à la mouche, elle a grossi, grossi, elle a perdu ses ailes, et bientôt j’avais devant moi le grand escogriffe hypnotiseur.
Il m’affirma qu’il était fé, fé sans e. Je lui répliquais que je me fichais bien qu’il soit mâle fé, et je le remerciai de m’avoir permis ce retour à la terre que mes convictions appelaient de tous mes vœux.
L’énergumène, de rage, tapa du pied, malheureusement pour lui sur les pointes d’un râteau oublié, et s’enfuit en hurlant qu’il saurai se venger. »
Je ne pouvais qu’admirer la grandeur de ce nain.
L’énergumène, de rage, tapa du pied, malheureusement pour lui sur les pointes d’un râteau oublié, et s’enfuit en hurlant qu’il saurai se venger. »
Je ne pouvais qu’admirer la grandeur de ce nain.
Monsieur le jardinier, voilà ce que j’ai de mes yeux vu et de mes oreilles entendu, foi de cornichon !
Je tenais à porter ces faits à votre connaissance, car il faudrait agir afin d’empêcher le fé Carabin de persévérer dans la voie du mal - au moins dans notre jardin...
Je crains fort d’ailleurs que ce triste individu n'ait sévi déjà au printemps en ces lieux : la laitue reine des glaces n’était-elle pas tout simplement la Reine des Neiges ?
Signé : un cornichon qui vous veut du bien.
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