lundi 10 juillet 2017

Le prefoli

Il n'y a guère, le préfou était une savoureuse gourmandise salée que j'aimais découvrir au hasard des balades dans quelques petites boulangeries de village vendéennes. Accompagné d'un petit verre de vin blanc local pris à la terrasse du bistrot voisin, il permettait une petite pause bien agréable. Je me souviens, non loin de la forêt de Mervent...
Désormais le préfou a envahi les supermarchés, de Vendée et d'ailleurs.  Il s'y décline dans la médiocrité, voire l'imbécilité comme ces préfous au chorizo, au roquefort ou à la rillette de sardine qui côtoient le probablement trop bouseux produit traditionnel au beurre d'ail. Et les artisans-boulangers du centre-ouest ayant découvert ce créneau sans doute rémunérateur ne font guère mieux dans la qualité.
Alors, étonnamment, c'est par le biais d'une boulangerie de ma ville francilienne que j'ai repris goût au préfou : le sien offre un bon goût de beurre parfumé -avec une modération de bon aloi- par un fin hachis d'ail, une croûte craquante enfermant une mie moelleuse bien imbibée. Et, last but not least, les deux faces du produit restent bien solidaires à la dégustation, ne laissant pas dégouliner un trop plein de graisse sur son t-shirt, sa chemise, son corsage, sa cravate (rayer les mentions inutiles).
Un régal..
Le seul problème, c'est qu'il ne s'agit pas d'un préfou vendéen  pur et dur. Le pain garni est vraisemblablement pressé dans une machine à panini.
Mais bon, je ne me montrerai pas plus royaliste que le chouan, au moins le produit est-il goûteux et non dénaturé. Comme on dit à la télé, c'est une bonne revisite.



préfou, panini
Prefoli


Aussi le baptiserai-je du nom de prefoli...


Et j'obtiens ainsi un prétexte pour narrer la vraie histoire de la création du panini, qui est bien différente des idées reçues en la matière...


Tout commence vers les années 1900 dans le quartier de la Bastille.
Nini est une habituée du Bal à Jo. Elle y vole d'une étreinte à une autre jusqu'au jour où elle aperçoit dans un coin de la salle un beau costaud qui lui donne des frissons rien qu'à le regarder. Elle se rencarde, c'est Bibi la crème, surnommé ainsi parce qu'il travaille chez un boulanger-pâtissier, et que son rôle principal est d'y manier la poche à douille.

"Sûr, je l'ai dans la peau !" se dit Nini. "Même que je pourrais devenir sa bourgeoise..."
Mais voilà, Bibi est timide, il arrive tout juste à bredouiller qu'elle est si bonne, si gentille.
"C'est tout ce que tu penses de moi ?"
"Bah, je t'aime bien..." répond le benêt.
Nini désespère de retrouver un jour entre ses bras autrement qu'au son de la valse-musette.
"Jamais il ne se déclarera." gémit la pauvre Nini auprès de ses copines, qui ne la reconnaissent plus derrière ses larmes.
Mais l'une d'elle la secoue.
"Rien ne sert de geindre, la solution est pourtant évidente. Fais le premier pas !
-Tu crois ? Mais que va-t-il penser de moi !
-Tss tss, dans ces circonstances un homme ne pense pas."
Nini médite la leçon. Elle n'a pas tort, Juju, il faut passer à l'action.

Le lendemain à l'aube, Bibi caresse tendrement Nini.
"Tu as la peau douce aux taches de son..
-Ah, toi, alors ! On voit bien que tu travailles dans une boulangerie !"

Quelques semaines plus tard, ils se marient. Nini avait mis de l'argent de côté : ils peuvent racheter un petit fond de boulangerie au bord de la faillite. Elle a le sens du commerce, elle a l'idée de demander à Bibi de façonner des petits pains  qu'elle fend en deux pour les garnir de viandes ou de légumes obtenus à bas prix au remballage du marché Richard-Lenoir voisin.
C'est une bonne idée : ça se vend ...comme des petits pains, si j'ose dire. 
Puis l'hiver arrive, les ventes chutent. On leur fait comprendre que l'on eut préféré manger chaud.
Nini a une autre idée. Elle avait été repasseuse quand elle avait douze ans. Elle pose à la demande le pain avec sa farce sur la plaque en fonte coiffant le poêle myrrhus qui chauffe la boutique, l'écrase avec le fer à repasser de sa jeunesse tenu au chaud sur un petit brasero. Pour qu'il ne refroidisse pas trop vite elle l'emmaillote de bouillons de l'Intransigeant ou de l'Aurore

Encore un succès !
Il faut trouver un nom à ce produit...
Nini songe à son passé, s'émerveille de constater jusqu'où elle a réussi à parvenir avec Bibi la crème...
Heureusement qu'elle a écouté le conseil de Juju, faire le premier pas.
Puis il y a eu un deuxième pas, la création du petit pain garni. Enfin un troisième, l'invention du petit pain chaud bien croustillant

Le visage de notre boulangère s'éclaire. Elle a fait le premier pas, Nini...  Le nom s'impose à elle comme une évidence
Alors elle prend un pinceau, le trempe dans le blanc d'Espagne et sur la vitrine écrit de sa plus belle écriture en tirant la langue :

DEMANDEZ LE PREMIER PAS NINI

Bientôt le petit peuple de la Bastoche, dont le génie est aussi celui de la langue française, abrège l'appellation de son en-cas favori : ce sera le pas-nini, rapidement transformé en panini.


Pourquoi les Français cèdent-ils toujours au penchant d'attribuer à des étrangers des inventions pourtant nées dans notre Hexagone ?  😒


Quand je lis ce récit de la naissance du panini, je ne peux que penser que plutôt que d'accompagner le prefoli de pourpier, fusse-t-il frais cueilli du jardin, il aurait été plus raccord de servir une salade de petite roquette...


pourpier, oignon rouge
Salade de pourpier et oignon rouge



2 commentaires:

  1. ...ne serait-ce pas Nini-Peau-de-Chien qui fit d'autres pas vers le Hot-dog (version export) ???...

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