Bientôt à trois mains et demi...
En effet le début de la préparation consiste en un passage sur les gros trous d'une râpe à quatre faces de quelques grosses tomates, d'un bel oignon, de deux gousses d'ail. Ma moitié n'a pas manqué d'adjoindre un doigt à cette liste, devenant ainsi ma 1/2,001. Que n'ai-je alors entendu sur les intégristes crétins de l'orthodoxie culinaire qui se privent de l'usage des mixeurs et autres broyeurs mécanisés et mettent ainsi en danger l'intégrité de leurs proches... Une réflexion de ma part sur l'adéquation de l'orthodoxie avec l'hellénitude n'a rien arrangé.
Heureusement, ma commise pansée ayant rendu son tablier et étant partie grommeler vers d'autres horizons, je puis continuer sereinement dans la préparation de la farce. Ayant vérifié que le mélange légumier dans la bassine n'est pas souillé d'hémoglobine, j'y incorpore persil et coriandre ciselés, effeuille une branche de thym et une sommité d'origan. Je verse 400g de viande de bœuf hachée et je mélange bien en ajoutant trois cuillerées d'huile d'olive. Je sale et poivre légèrement, saupoudre d'une pincée de cannelle. Je fais cuire le tout à feu doux dans une poêle en compagnie d'une feuille de laurier. Dans l'eau de végétation vont gonfler un petit verre de riz et une poignée de raisins secs. Une poignée de pignons suivra en fin de cuisson.
Quand il ne reste presque plus de liquide, après une vingtaine de minutes, je réserve et laisse refroidir.
Il ne reste plus qu'à farcir les légumes - tomates, courgettes du jardin, poivrons verts et poivron blanc - et enfourner pour environ une heure à 160 °C ce petit monde badigeonné d'huile d'olive. Je n'oublie pas d'arroser régulièrement avec le jus du fond du plat, ou plutôt des plats.
Je sors ces légumes farcis à la grecque. L'odeur est alléchante, mais pas touche, c'est pour demain !
Farcis à la grecque |
Aujourd'hui, c'est le lendemain qui chante !
Je mets à réchauffer les légumes farcis dans le four. Puis, au moment de servir, je les parsème de coriandre ciselée.
Sous la coriandre |
En mon for intérieur, je m'attends à des réflexions de celle qui naguère avait rejeté avec l'air pincé d'une princesse offensée les quelques feuilles de persil décorant son assiette.
Mais non, l'offensive se déclenche sur un autre front.
"Qu'est-ce que c'est ?" dit-elle en éloignant dans un coin les quelques pignons qu'elle a découvert.
Je tente la méthode décrite par Georges Duhamel dans Les Plaisirs et les Jeux :
Zazou vient de contracter l’étrange maladie qui consiste à dire, de chaque plat qu’on lui présente : « J’aime pas ça ». Il reçoit donc quelques bouchées de veau et s’écrie : « J’aime pas ça ! » — Mange donc, c’est du veau. — J’aime pas le veau. — Mais c’est du bon veau. — J’aime pas le bon veau. » ... Maman intervient, prend l’assiette, ajoute un peu de jus, coupe les trop gros morceaux, émiette du pain et replace le tout sur la petite table. « J’aime pas le veau. — Ce n’est pas du veau, c’est du chien. — Ah ! bon. » Et il mange. Il a bon appétit... Il est en train de manger du chien et c’est rudement bon !
J'affirme que ce sont des asticots, mais force m'est de constater que cette tactique ne fonctionne pas avec les enfants d'aujourd'hui....
Mon épouse se lance dans une description bucolique des pins généreux qui font don aux écureuils et aux cuisiniers de leurs cônes, coffrets de précieuses graines.
"Ah oui, on écarte les bouts de bois et ça tombe..!"
Visiblement, elle connaît. Mais les pignons ne resteront pas moins dans leur zone de relégation.
Mais à part cette pignophobie, tout le monde semble se régaler, et l'intéressée exige contre toute attente que l'on lui mette les restes dans un
Puis arrive le dessert réalisé par ma 1/2,0001 (elle est en voie de cicatrisation).
Des abricots pochés dans un sirop mis ensuite à réduire avec une feuille de menthe.
Les fruits arrosés de cette réduction et mis au frais sont parsemés au moment de servir d'amandes émincées que j'avais torréfiées dans le four allumé pour les légumes...
Sous les amandes, les abricots |
Eh bien, la encore, ces malheureuses amandes déplaisent tout autant que les pignons...
Le diagnostic s'aggrave : il ne s'agit plus seulement de pignophobie, mais bel et bien de granophobie !
la pignophobie et la granophobie me ramènent à une époque ou, invités avec mes parents chez leurs amis, je me suis obstiné à refuser une escalope de veau généreusement recouverte d'une échalote confite, chose inhabituelle dans mon vécu enfantin et qui m'amène régulièrement à devoir me taire quant ma P'tiote Fillotte refuse tout ce qui n'est pas steack-frites...
RépondreSupprimer