mardi 10 août 2021

Cap au Nord.

Après deux réalisations de croquettes de crevettes grises maison, l’une plutôt réussie en 2016

puis, en 2020, une seconde qui deviendra peut-être deuxième un jour, beaucoup moins aboutie tant esthétiquement que gustativement 

la possibilité de me procurer des croquettes provenant des établissements boulonnais J.C. DAVID m’a donné l’envie de confronter mes souvenirs de ces repas avec la dégustation du produit pro d’une maison dont la réputation de qualité n’est plus à faire.

Ces croquettes de crevettes du commerce sont dans un coin de mon frigo, mais avant de les sortir il me faut me lancer dans la préparation d’une sauce - ou plutôt de ce que les Canadiens appellent trempette. Je la veux capable de contrecarrer la pas saine alliance des fritures, car, poussant à l’extrême la belgitude, j’ai décidé de servir mes croquettes avec des frites. Un élan qui me fait franchir carrément la Manche après le Quiévrain, car finalement que sera mon plat, sinon un fish and chips métamorphosé en un shrimp and chips…?

Je compte sur la vigueur iodée des algues que j’ai en réserve, alliée à l’acidité du jus de citron, pour vivifier mes assiettes. Je me saisis d’une poignée de mon mélange de laitue de mer, haricot de mer, wakamé et dulse, je rince vigoureusement sous le jet, mets de côté des rubans de haricots de mer que je réserve pour la présentation (mais aussi en tant que condiment), j’essore afin d’évacuer le maximum d’eau. J’introduis ce magma dans mon mini-préparateur, l’arrose d’une cuillerée d’huile, ajoute une pincée de sel, et je mixe jusqu’à l’obtention d’une bouillie. Je casse un œuf, balance le jaune et la moitié du blanc dans la cuve de l’appareil. Je monte ce mélange à l’huile, verse le jus d’un demi-citron, mixe encore quelques secondes. Je goûte. Hum, ça manque vraiment de sel. Je rectifie, goûte une nouvelle fois. C’est bien, mais je constate une petite amertume peu agréable, et ça manque de rondeur. Je complète par un trait de balsamique blanc. Troisième dégustation… Eh bien, maintenant, c’est parfait, on sent bien les fragrances des algues et les saveurs sont bien équilibrées avec la petite note de sucrosité apportée par le balsamique. Je réserve.

Mes frites sont on ne peut plus belges. 


Ça tombe bien, car c’est du blanc de bœuf qui est en train de fondre dans ma friteuse.

Bon, la température est atteinte, je fais descendre mon panier dans la graisse. Ouf, point de bouillonnements incontrôlés, point de débordements - bref, tout baigne. Au bout de quatre minutes, je sors les frites de leur précuisson.


Je passe alors au sujet principal. Je déballe mes croquettes de crevettes à l’aspect somme toute assez banal.

Je les allonge au fond d’une poêle où s’apprêtait à fumer une bonne couche d’huile d’arachide. Il me faut un peu moins de six minutes pour qu’elles soient dorées sur toutes les faces. Je les transfère aussitôt sur les assiettes. Je viens de replonger les frites dans leur bain. Une minute, et elles sont cuites à point. Elles rejoignent les croquettes, mais aussi le petit récipient qui accueille la trempette océane. Je termine en disposant les rubans de haricots de mer.

croquettes de crevettes grises, frites, trempette aux algues
Allons faire trempette...

À table !



Eh bien je découvre une parfaite harmonie,. Les frites à la fine coque croustillante s’imprègnent des saveurs de bord de mer dégagées par la trempette avant de délivrer leur cœur moelleux, les croquettes explosent dans la bouche en déversant de puissantes saveurs de crustacés. Algue sur le gâteau, entrer dans le décor en croquant un petit bout d’algue est un intermède fort agréable.

Quelques gorgées d'une bonne bière suffisent pour que le repas soit définitivement une fête !


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Emportés par la houle...


qui nous laisse tous deux épanouis, enivrés et heureux.


dimanche 8 août 2021

Pêcheur de Grolande

Le ciel s’était assombri, et l’on ne voyait plus l’île de Grolande qui au loin par sa ligne bleue soulignait l’horizon. La houle bienveillante avait fait place à de grosses déferlantes et Yves, à la barre, avait bien du mal à garder le cap pour que le bateau ne prêtât pas le flanc à leurs assauts. La lueur d’un éclair révéla la crête scintillante d’une gigantesque vague. Un assourdissant craquement accompagna le bruit du tonnerre. L’orage était là. Mais le gouvernail lui, ne l’était plus, la barre tournait follement entre les mains du pêcheur désespéré. Deux têtes mal rasées et ébouriffées apparurent, sortant du cadre de l’écoutille.

«  Que se passe-t-il, nos cafés sont renversés et…

-   Il s’agit bien de cafés ! La barre ne répond plus, l’océan est désormais notre maître tout puissant.

-   Ah, mon frère Yves, nous sommes bien mal lotis »

Et tous se mirent à prier.

Je ne décrirai pas l’esquif retourné, nos trois pêcheurs s’accrochant désespérément à quelques débris flottant avant d’être aspirés par les abysses. Ne soyons pas les voyeurs du tragique…

Je me contenterai de confirmer que le naufrage est une rapide vieillesse.

Les corps des trois marins gisaient désormais au fond de l’océan, non loin des côtes de Grolande, faisant le bonheur de quelques dormeurs que leur apparition avait réveillés et qui s’étaient précipités pince en avant vers cette aubaine.

Heureusement, merci Karma !

Les âmes étaient toujours là. Eh bien oui, pour les pêcheurs, il est difficile de savoir où les âmes sont. Mais là, je le sais. Les âmes sont dans des soles…

Comment je le sais ? Tout simplement parce que ces poissons sont allongés sur une plaque dans ma cuisine. Je les ai moi-même pêchés à la ligne Internet. Et maintenant je suis en train de les retourner d’un dernier coup de lame.


Le ciel s’était assombri, une fois de plus. Le jardinier désespéré ne voyait plus la fin de ces pluies perpétuelles. Mais là c’était vraiment un gros orage qui s’annonçait. La foudre frappa le râteau qu’il brandissait sottement. Il n’eut que le temps de murmurer « Maintenant c’est moi qui vais passer au compost » avant de s’écrouler entre une rangée de plants de tomate flétris par le mildiou et un alignement de patates pourrissantes.

Heureusement, merci Karma !

L’âme du jardinier végètait désormais dans une grosse courgette d’un embonpoint qui n’avait rien à envier à celui de son enveloppe charnelle antérieure.

Comment je le sais ? Tout simplement parce que je l’ai cueillie dans mon jardin où elle contemplait tristement la déchéance ambiante des légumes barbotant dans la boue. Et maintenant je suis en train de lui fendre l’âme et la chair.


Je suis triste d’interrompre ces réincarnations trop brèves.

Heureusement, Karma est là.

Quelle palingénésie pourrait être plus merveilleuse que sous la forme d’un alléchant repas ?


soles
Je les ai pécho



sole
L'une (l'un) des trois après une bonne cuite (au four)



courgette
Un peu de piment dans la vie d'une courgette...


jeudi 5 août 2021

Du caviar à la louche

 

Du caviar à la louche ?

Non, ce n’est pas moi le gagnant du dernier EuroMillions !

Point d’osciètre donc ni de béluga. Mais quand même les saveurs iodées - il ne s’agit pas d’un caviar d’aubergine, mais d’un caviar d’algues.

Quand j’ai soulevé le couvercle de la petite bourriche où fraternisaient laitue de mer, haricot de mer, wakamé et dulse, j’ai eu l’impression olfactive de sauter de rocher en rocher sur les côtes de Bretagne. Si tu ne vas pas à l’Océan, l’Océan ira à toi !

caviar d'algues
Reste post caviar

J’ai prélevé quelques poignées de cette manne marine que j’ai bien rincées puis hachées grossièrement au couteau sur une planche. J’ai épluché deux échalotes du jardin ainsi qu’une gousse d’ail. J’ai alors introduit algues et bulbes dans mon petit préparateur afin de les mixer - relativement finement, mais quand même pas jusqu’à la purée. En deux séances successives, car la cuve ne pouvait contenir une telle invasion massive de rubans, feuilles et serpentins…

J’ai regroupé le résultat de ces deux mixages dans une bassine. J’ai arrosé du jus d’un demi-citron jaune, de quatre cuillerées de vinaigre de cidre tellement bio qu’il n’a jamais pu se séparer de sa mère, de deux cuillerées de sauce soja au nom illisible pour moi - plus japonais tu meurs, heureusement que la date de péremption est écrite en chiffres arabes - et enfin un bon trait d’huile d’olive de Provence, tiens, pour ce qui reste, je vais finir la bouteille… Je touille et retouille. Mon caviar est à peu près homogène, je le verse dans une coupe en verre venue du Danemark dont la glaucité des reflets et des transparences la rend bien apte à lui servir d’écrin.

Je réserve au frais jusqu’au moment où je dresse le plat de fruits de mer sur lequel ce caviar trônera. Un trio : bulots de casier cuits à souhait, crevettes grises bien fraîches, palourdes sauvages au goût puissant. J’ai aussi appelé à la rescousse un beurre de baratte normand demi-sel qui, une fois étalé sur une bonne baguette à la croûte croustillante (eh, vu le temps, tu rêves ! ) devrait volontiers s’acoquiner avec les crevettes et les palourdes, mais aussi saura répondre en douceur à la vivacité arrogante du caviar d’algues. Je n’ai pas oublié de convoquer à cette orgie marine le petit pot d’une rouille épicée vendu par l’excellente conserverie La Belle Iloise, rien de mieux pour que les pieds des bulots puissent faire trempette.

caviar d'algues
Pour une fois que les algues surmontent les fruits de mer...


L’on m’a dit que mon caviar était un régal. Je serais assez enclin à le confirmer…


mardi 3 août 2021

Coconing

Je me laisse aller à un doux farniente à la maison.

Je me contente de déposer les cocons - alias quenelles à la cuillère au brochet, crevettes et morilles - sur les petits plats en porcelaine, de déverser la sauce Nantua, et d’enfourner pour une quarantaine de minutes à four chaud. Juste le temps de savourer un Americano bien tassé. Oui, j'en conviens, un Kir eut été plus en situation - il faudra que je m’achète une crème de cassis….

Mes cocons sortent du four, bien gonflés, barbotant dans la mare encore frémissante aux parfums d’écrevisse.

cocons façon à la cuillère, Bobosse
Bonjour, Pimprenelle !

J’entame mon cocon d’une cuillère paresseuse, porte à ma bouche le petit morceau à la coupe ivoirine que je barbouille d’ocre dégoulinant. Oh, mais c’est que c’est chaud, très chaud, trop chaud ! Il va me falloir patienter quelques minutes avant de me livrer au plaisir de la chair de brochet.

Hum, ça y est, je savoure paisiblement. Non loin, le vieux chat ronronne. On se sent bien.

Tu vois, Bobosse, tu sais nous régaler quand tu veux t'en donner la peine !

« Miaou… Tu vois, Felix, tu sais me régaler ! Miiiaouhhh… »

Sauf que c’était du Royal Canin… Malheureux félin, honte de ta race, pas plus de sensibilité papillaire qu’un béochien. Pas la peine d’ouvrir la bouche si c’est pour miauler de tels commentaires... C’est ça, retourne roupiller !

D’ailleurs, moi aussi, il faudrait que je songe à une petite sieste.


dimanche 1 août 2021

Farcis Palais-Royal

Il y a une quinzaine de jours, je m’étais lancé dans une piteuse tentative pour tirer parti de deux malheureuses aubergines attaquées par de sournois volatiles malfaisants alors qu’elles n’avaient même pas fini leur croissance. Je devrais plutôt écrire tirer partie, car il m’a fallu amputer les corps mutilés de la petite rondelette et de l’allongée souffreteuse. Il n’y avait finement plus grand-chose à farcir… Alors j’ai eu recours à une suppléante, une courgette sans emploi qui ne faisait guère d’efforts pour en trouver un, et que j’ai intégré d’office à cette aventure. Mon for intérieur ne devait guère croire en un avenir radieux pour ces miséreuses horticoles, car, de plus, j’ai bâclé plus ou moins consciemment la farce destinée à la promotion de ces réfugiés du quart-jardin.

Le résultat de l’activité volatile forcenée et de ma paresse résignée ne s’est pas fait attendre : des Farcis  Gargote du faubourg.

courgette farcie, aubergine farcie
Boff...



Aujourd’hui je tente de me réhabiliter avec ma recette de Farcis Palais Royal.

Je précise toutefois qu’il ne s’agit pas du Palais-Royal du Grand Véfour, mais celui des colonnes de Buren. En effet, si les pieds de tomates du jardin n’ont pas résisté aux assauts climatiques, les courgettes ne se sont pas fait prier pour pratiquer leur vocation première de pompeuses de flotte, ce qui fait qu’elles sont pléthore à envahir ma cuisine où je me creuse la tête pour savoir ce que je vais pouvoir bien faire de ces enflures hydriques aux saveurs si subtiles que l’on se demande si elles en sont. Fort heureusement à gueule vaillante rien n’est impossible, et j’ai trouvé une solution : transformer ces légumes - dont le plumage dépasse largement le ramage avec ses nuances vertes, plus ou moins striées et tachetées - en écrins aptes à accueillir une savoureuse farce, chair désormais orpheline de ses hospitalières tomates. Pour jouer ce rôle, les courgettes ne doivent pas gésir lamentablement cachées sous une couche de farce qui les écrase, mais s’ériger fièrement pour exhiber le seul atout qui camoufle leur chair triste : leur peau. Ce seront donc des colonnes de courgettes qui envahiront le plat, puis les assiettes, comme les colonnes de Buren envahirent le Palais-Royal le 30 juillet 1986 à la grande joie des chiens pisseurs mais au grand dam des amis du patrimoine.


En ce qui me concerne, no problemo : mes colonnes participent à une œuvre éphémère qui n’aura pas l’occasion de se dégrader au fil du temps qui passe…


Je commence par sélectionner quatre courgettes de bonne mine parmi les différentes variétés de l’arrivage du jour en provenance du jardin.

Spécimens de peaux


Je les partage en tronçons que je creuse à l’aide d’une cuillère afin de fournir un réceptacle pour la farce que je vais préparer pendant que le gros sel que j’ai introduit va leur faire rendre une partie de leur eau de végétation.

courgette farcie
Faire son trou

Je balance sans regret mon extraction de cœur pépineux dans le seau de transit vers le compost et extrait du réfrigérateur les 300 g de chair à saucisse achetée la veille que j’avais eu la prudence de mettre sous vide, et les verse dans une bassine en inox. Je fais défiler sur ma planche deux échalotes, trois gousses d’ail, la moitié d’un piment habanero cueilli sur le pied qui végète dans l’appartement, un petit bouquet de persil, deux feuilles de basilic, une feuille de sauge, trois brins de ciboulette. Mon couteau s’acharne tout ce petit monde qui, haché finement, vient rejoindre la chair de porc. Je mélange. J’effeuille thym, origan vert, origan jaune qui viennent parfumer ma mixture. Il me restait un vieux quignon de pain, je l’ai émietté et humecté d’un trait de balsamique blanc. Cette pâte rejoint le contenu de ma bassine. Je casse un œuf dont le blanc et le jaune vont tomber dans le petit creux que je leur ai préparé dans ce qui commence à avoir vraiment l’allure d’une farce. Je sale - au pifomètre, je l’avoue - et donne moult tours de moulin de poivre rouge. Je mélange. J’ajoute une cuillerée d’huile d’olive. Je mélange. Ma farce est prête.

Pendant ce temps, le creux de mes colonnes s’est bien rempli de l’eau de végétation. Bravo le sel, tu as fait un bon boulot ! Excuse-moi, ça ne va pas m’empêcher de te virer. Je rince les courgettes sous un filet d’eau avant de les sécher au torchon.

J’oins mon plat d’une fine couche d’huile d’olive et y dépose mes colonnes. Un peu plus serrées que dans l’enceinte du Palais-Royal. Mais elles, elles ont droit d’être gavées de farce. Bingo ! J’en ai juste la quantité qu’il faut ! Je parsème de quelques pincées de chapelure, arrose d’huile d’olive. J’insère quelques exemplaires des mêmes herbes qui entrent dans la composition de la farce, y ajoutant deux feuilles de laurier.

courgette farcie
Complétement bourrées


J’enfourne pour une précuisson d’une demi-heure à 170 °C. Je sors alors le plat et le réserve.

courgette farcie
Prêtes pour la finale...

L’heure de passer à table ne saurait tarder.

J’enfourne à nouveau mon plat, mais cette fois-ci à 190 °C pour urne dizaine de minutes.

À cette température, le dessus de la farce a bien caramélisé sous la chapelure devenue croustillante. Je dresse deux assiettes - les courgettes restantes seront servies froides arrosées d’un trait de jus de citron dans un futur repas.

Le parfum du basilic s’étant fort probablement évanoui en grande partie au cours des cuissons, je déchiquette des feuilles de basilic pour réintégrer cette saveur méditerranéenne dans ces farcis dont je reconnais qu’ils n’ont rien de niçois.

courgette farcie
Les trois colonnes

Pas niçois, les farcis Palais-Royal, mais bons quand même…


 

vendredi 30 juillet 2021

...et maintenant, le pied !


Bobosse ne se contente pas de former ses cochonnes, il nous fait aussi du pied. Un pied dodu fourré d’une farce fine (poitrine de porc et filet de poulet) avec un insert de foie gras de canard.

Mais avant de cuisiner les deux pieds façon Bobosse à ma disposition, je commence par la préparation de pickles. Les averses ont retardé la cueillette de cornichons qui en ont profité pour devenir de gros pépères aptes à devenir malossols si l’on se tourne vers l’est ou pickles si l’on s’oriente côté ouest. En ce jour, je vais être complètement à l’ouest en plongeant d’épaisses tranches de l’un de ces gros cucurbitacées dans un mélange de 1/3 de vinaigre balsamique blanc et 1/3 d’eau porté à ébullition dans lequel j’avais laissé infuser feuilles de sauge et de laurier et que j’avais parfumé d’une pincée de cinq-épices (oui, mélange quant à lui plutôt oriental…). Je laisse à frémissement deux minutes, je retire du feu, et je réserve.

pickles
Pickles en formation


J’enchaîne sur la corvée d’épluchage des patates, en l’occurrence des pommes de terre primeur de Noirmoutier. Les Cornes de gatte, alias Quenelles de Lyon, que nous venons de récolter dans le jardin eussent été plus en situation, mais voilà, les Noirmoutines ont mené de sournoises tentatives germinatrices qu’il me faut illico réprimer manu economi. Pouvaient pas attendre, ces enflures ?

L’harmonie territoriale de mes assiettes va donc être détruite par la faute de ces insulaires, néanmoins j’ose espérer que ce n’en sera pas pour autant moins savoureux. Je partage mes pommes de terre en quatre suivant la longueur avant de les cuire à l’anglaise durant une quinzaine de minutes, le temps que ces tranches deviennent très tendres sans toutefois tomber en purée. Je les dépose sur une plaque à débarrasser en inox barbouillée d’huile d’olive, les arrose d’un filet de ce même corps gras, ajoute quelques noisettes de beurre et réserve.

Je fais fondre un minuscule éclat de beurre au fond d’une petite poêle et y mets à dorer les pieds sur toutes les faces. Ce qui me prend un couple de minutes. Je fais alors glisser mes petits petons porcins (mais aussi volaillers…) chacun sur un plat à œuf en porcelaine. J’enfourne à 180 °C.

Aussitôt je m’empare de ma plaque en inox où patientent les pommes de terre, et ce plat improvisé rejoint sans tarder les pieds suant à grosses gouttes dans le four : une fine croûte va se former à la surface des tranches, dissimulant les saveurs beurrées de pommes fondantes.

Une vingtaine de minutes plus tard, les deux cuissons s’achèvent dans une parfaite synchronisation.

Je donne un tour de moulin de poivre rouge sur les pieds, et parsème de ciboulette ciselée le jus poisseux qui s’est écoulé. La chaleur permet à cette herbe de confire légèrement en diffusant ses parfums alliacés.

Au pied des pieds se vautrent les Noirmoutines. Une pluie de persil leur fera du bien. Et, comme je suis un galant homme, en dépit des enfants qu’elles ont voulu faire dans mon dos, je leur offre une rutilante fleur de capucine. Hein, ça vous change des roses trémières, les filles de l’île !

Je n’oublie pas les pickles qui relèveront ce plat à tendance un tantinet mollassonne, d’autant plus que je les échauffe d’une pincée de piment d’Espelette.

Et voilà. Y a plus qu’à…

pied façon Bobosse
Pied beau


C’est très bon.

Mais… Mais… Oserai-je l’écrire ? Je préfère quand même les pieds de Girardeau à Saumur, même dans leur version la plus simple, avec la gélatineuse tête de porc marinée au vin local à la place de la chichiteuse farce fine et son foie gras, ajout superfétatoire s’il n’est pas rehaussé comme dans la version festive des pieds saumurois - les cendrillons - par la fragrance d’une tranche de truffe.

Alors, Bobosse, rebobosse ta recette : tu peux mieux faire… Tu l'as déjà montré !


mardi 27 juillet 2021

Deux cochonnes et des blondes

Chez moi, ça va être la fiesta. Deux cochonnes sont arrivées, accueillies par des blondes.

Les blondes sont auvergnates, elles ont débarqué il y a quelques jours de Saint Flour. Les deux cochonnes, quant à elles, viennent de Lyon, bien formées par Bobosse.

Les blondes se sont prélassées dans un bain parfumé pendant un peu moins d’une demi-heure. Non loin de là les cochonnes débarrassées de leur vêtement de voyage se sont fait dorer dans un langoureux échauffement.

J’ai réuni tout ce petit monde sur le plateau et ordonné les mises en place.

Une petite noix de beurre finale...


cochonne à Bobosse, lentilles blondes de Saint Flour
..et les dépouilles d'une effeuilleuse

Tout était prêt pour me lancer dans le remake de La Dernière Bourrée à Paris.