samedi 6 juillet 2019

Chaud derrière

J’avais l’intention de déguster la seconde récolte de petits pois Kelmerveil du jardin comme il convient, c’est-à-dire avec la gousse entière. C’était sans compter sur la canicule, qui a retardé la cueillette et frappé ces pauvres plantes d’insolation.
Ce sont donc des gousses ayant triste mine qui sont arrivées à la maison, même si une bonne partie avait conservé une verdeur toute relative. Un test de cuisson sur un échantillon de deux gousses choisies non pas au hasard, mais parmi les plus vaillantes, m’a démontré que la coque épaisse, dont la chair était effectivement goûteuse et sucrée, était désormais recouverte d’un parchemin filandreux et que les grosses billes qu’elles renfermaient étaient affublées d’une peau désagréable à la mâche.
J’ai donc entrepris d’écosser la récolte, de la cuire une dizaine de minutes dans l’eau salée, puis, à l’aide du mixer plongeant, réaliser une purée enrichie de moult noix de beurre.

purée de petits pois
Dans la purée de pois


Finalement, le goût y était quand même, et cet avatar nous a permis de réaliser dans nos assiettes de petits monticules au cratère bien pratique pour y verser le bon jus des onglets passés à la poêle.

onglets
Les onglets, ou plutôt un onglet coupé en deux


Nos fèves d’Aguadulce elles aussi ont souffert, et n’enfermaient plus les tendres grains de leur jeunesse. Aussi il m’a paru judicieux de les mélanger à de la grenaille de pommes de terre offerte par un voisin de parcelle du jardin.
Après avoir écossé les longues gousses bien garnies, j’ai blanchi les grains à la grosse peau coriace dans de l’eau bouillante avant de les éplucher.
Quant aux pommes de terre, qui avaient trempé une heure dans de l’eau fraîche, je me suis aperçu qu’elles étaient emmitouflées (c’est malin, par cette chaleur !) dans une peau impossible à gratter, mais partant relativement facilement en lambeaux si on la soulevait avec un couteau. Je me suis donc attelé à cette nouvelle tâche de dépouille, encore plus fastidieuse que la précédente.
Cette grenaille, séchée dans un torchon, a été jetée dans une poêle barbouillée d’huile d’olive.

grenaille, pommes de terre
Sous la grenaille


Elle y est restée dix minutes sous l’abri d’un couvercle afin de cuire dans leur vapeur, puis cinq à découvert pour dorer.
J’ai alors ajouté deux grosses noix de beurre demi-sel, j’ai introduit les fèves et laissé trois minutes à petit feu après avoir remis le couvercle. Il ne restait plus ensuite qu’à parsemer de persil ciselé et apporter la poêle sur la table.

pommes de terre, fèves
Vert et or



À côté étaient posées sur un gril en fonte bien chaud des grillades de porc que j’avais mariné dans de l’huile d’olive, de la sauce soja et de la sauce Tabasco teriyaki.

grillade de porc
Laissons les mariner


Je les retournais régulièrement en les repeignant de marinade avec un pinceau.

grillade, porc, Tabasco teriyaki
Première couche



grillade de porc, gril, marinade
Couche de finition



Elles aussi, posées sur un plat sont arrivées sur la table.
Y a plus qu’à…
Pour moi le plus dur a été fait. Et le résultat n’est pas décevant.


mercredi 3 juillet 2019

Le boeuf sur le froid

Ouf, j’ai enfin échappé à ma malédiction culinaire. La période de chaleur, celle où l’on doit tirer les volets - enfin pour moi c’est plutôt les pousser car ils sont intérieurs -, et non pas celle où le bouc parfumé est tout émoustillé par les entrechats des biquettes -, venait pourtant d’atteindre son acmé.
J’avais donc décidé de faire frais.
Alors j’ai placé un plat en inox dans un tiroir du congélateur.
Puis j’ai tranché dans une pastèque sans pépins et deux petits concombres des cubes d’une dimension approchant celle de la coupe de l’épaisse tranche de bœuf cuit obtenue chez un boucher des halles. J’ai réservé la préparation de pastèque au frais et mis à tremper les morceaux de concombre dans de l’eau glacée salée en compagnie que quelques rondelles extraites d’un petit oignon violet.
Une demi-heure plus tard, c’est le bœuf cuit que j’ai détaillé en cubes avec le maximum de célérité dont j’étais capable.
J’ai égoutté le concombre et l’ai épongé dans un torchon.
J’ai sorti le plat en inox du congélateur et y ai disposé mes cubes colorés et mes cercles d’oignon. J’ai ajouté quelques feuilles de livèche cueillie à l’aube au jardin. Une pincée de sel sur la pastèque, puis j’ai arrosé mon damier du jus d’un citron jaune.
J’ai terminé en déversant directement de la bouteille l’équivalent de quatre à cinq cuillerées de mon huile d’olive de Sicile dont je savais qu’à elle seule elle pouvait jouer le rôle d’un assaisonnement parfumé.

boeuf cuit, pastèque, concombre
Mon damier


J’ai enfermé le plat dans le réfrigérateur pour le sortir au dernier moment, quand les convives seraient assis autour de la table.
Quand je l’ai apporté, je n’en menais pas large, car l’improvisation était totale et j’avais en tête mes fiascos précédents. Eh bien tout le monde s’est régalé, adultes et enfants, moi le premier. Ce mets était à la fois goûteux et rafraîchissant, idéal pour la température ambiante.


En dessert il y avait une glace maison à la vanille de la Réunion, accompagné d’une tombée de cerises. Hélas pas du jardin, le petit arbre ayant été vandalisé par une coalition perruches et pigeons avant même que les fruits aient eu le temps de rougir. Ce sont les merles qui ne vont pas être contents eux non plus !
Les cerises dénoyautées furent sautées au beurre demi-sel recouvertes de trois cuillerées de sucre cristallisé.

cerises poêlées
Quand je fais rouler les cerises


Il fallait faire vite avant que la glace ne soit entièrement liquéfiée !

glace vanille, tombée de cerises
La coupe est pleine


Honte aux infantes indignes qui ont pris plaisir à touiller tout ça pour obtenir une bouillie infâme style vomi d’ivrogne. Je les renie - au moins de façon temporaire…

lundi 1 juillet 2019

Des disques et des billes

Ben oui, la période n’est pas faste pour ma cuisine…
Ou plutôt je n’y mets pas l’application que je devrais.

Par exemple je me proposais de confectionner une omelette avec les belles girolles trouvées au marché. Eh bien, un peu par curiosité sur le résultat, mais beaucoup par paresse et par envie de ne pas multiplier les vaisselles, j’ai dérogé à mon processus habituel. Au lieu de cuire les champignons à part pour ensuite les enrober d’une omelette cuite dans une autre poêle, j’ai fait revenir les girolles dans un fond d’huile (en trop grande quantité d’ailleurs) et de beurre.

girolles
Girolles en attente d'oeufs


Et puis zou, que je te verse les œufs fortement battus pour les faire mousser directement sur les girolles.
Ce qui devait arriver arriva : impossible d’empêcher l’omelette de coller au fond par un simple mouvement de va-et-vient de la poêle.

omelette aux girolles
Disque d'or


Et comme de plus la consistance de l’œuf coagulé en était certes plus aérée, mais aussi plus fragile, ma tentative de décoller l’omelette avec une spatule pour la déposer sur un plat s’est traduite par une casse disgracieuse.
Heureusement, ce n’a pas eu d’incidence sur le goût, mais quand même, quelle stupidité de ma part.



Ma seconde bévue concerne la cuisine de petits pois du jardin.
Je les écosse péniblement, car la cosse bien pleine est très épaisse.

petits pois, Kelmerveil
Quel travail !


Puis je les cuis le plus simplement du monde, avec simplement un verre d’eau, deux petits oignons blancs, une feuille de laurier, une branche de thym et une noix de beurre demi-sel. Je recouvre d’un cercle de papier siliconé troué en son centre. Pas la peine ! Peu après j’entends le bruit d’un débordement, de l’eau sort sur les côtés du couvercle. Je décoiffe rapidement. Le disque gonflé comme une montgolfière a pris la forme du Dôme des Invalides… Je m’en débarrasse, et quelques minutes plus tard les petits pois sont prêts.

petits pois, Kelmerveil
Quelle mer veille !


Ils sont délicieux et accompagnent à merveille des crépinettes poêlées rapidement, la chaleur ne m’incitant pas à pratiquer la cuisson longue.

crépinette
La crépinette dore


Je suis si satisfait que je me lance dans des recherches pour retrouver dans mes archives de semis le nom de cette variété si savoureuse.
Elle s'appelle Kelmerveil. Nom bien grotesque dont un si bon grain ne méritait pas d’être affublé ! J’approfondis. Voyons sur le site du vendeur… Je lis :
grains ridés, amélioration de merveille de Kelvedon, gousses plus longues, plus productif, plus précoce, meilleure résistance aux maladies, 9/10 grains sucrés par gousse,

Bon d’accord, et les petits pois du jardin ressemblaient bien à la photo d'illustration…



Mais je découvre surtout :
(CROQUETOUT) Inconnus en France, les pois croquants ou pois beurres sont des variétés spéciales dont les graines et gousses se consomment sans être écossées, comme le pois mangetout, mais le pois croquant présente une gousse de section ronde comme les variétés classiques de pois et non plates. Les parois de la gousse sont épaisses, charnues, tendres, particulièrement croquantes et le goût est sucré. Vous pouvez les déguster crus en salade ou cuits comme les autres pois, le rendement est élevé car il n’y a pas de déchet. Appelés Snap Peas en Angleterre et Knackerbsen en Allemagne.

Ou plutôt je redécouvre. Car je me rappelle soudain que c’était pour cette caractéristique que je les avais choisis, outre le fait qu’il s’agissait de pois nains - les abominables perruches bouffant avec une voracité hargneuse dans notre jardin tout ce qui dépasse la quarantaine de centimètres au-dessus du sol.
Je comprends maintenant pourquoi les gousses étaient si pénibles à ouvrir!
Heureusement il devrait y avoir une autre récolte. Mais tout de même, qu’est-ce que je suis nase !

vendredi 28 juin 2019

Poulpe friction

Quelle mauvaise idée de vouloir cuisiner du poulpe…

Tout a commencé quand j’ai vu une recette de poulpe sur La Cachina, un blog dont l’authenticité réussit à me réconcilier avec une Provence bien différente de celle des kékés, des pagnolades ostentatoire et du stupide mépris du reste de la France. Tiens, il me rendrait presque sympathiques ces cigales gâchant la quiétude campagnarde, voire périurbaine (il me souvient…), par ce que la fourmi, qui non seulement est radine mais de surcroît n’a pas l’oreille musicale, qualifie de chant.

cigale
Danse, maintenant !


Tout ça pour dire que je n’en veux pas à ce brave blogueur de m’avoir conduit vers un traquenard en m’alléchant par ce plat qui en outre devait pouvoir me permettre d’écouler le gros oignon doux dont je n’avais prélevé que deux minces tranches pour réaliser ma salade de cervelas. Joindre l’utile à l’agréable…


Tout avait pourtant bien débuté : aux halles locales, l’un des poissonniers avait sur son étal du poulpe frais, d’assez bonne mine ma foi. Néanmoins une demi-bête était bien suffisante, et c’est ainsi qu’un peu plus d’un kilo de poulpe s’est séparé de sa moitié pour se rendre chez moi.

Le lendemain, je sors ma moitié à moi du réfrigérateur où elle avait une nuit paisible (rassurez vous, ma moitié est celle du poulpe et non la mienne bien qu'elle soit à moi..) et commence la mise en place.
Zut, j’ai beau chercher, il ne me reste que quelques malheureuses pommes de terre dans les réserves, pas assez pour le plat de La Cachina, et de toute façon trop petites. Il va falloir improviser.
Je songe tout d’abord à accompagner le poulpe de pâtes relevées par le bocal d’une sauce italienne au noir de seiche que j’ai repéré dans le placard. Mais non, ce serait un plat redondant, mêlant le frais et la conserve, et qui ne me permettrait pas de tirer parti de mon oignon entamé.
Alors me vient une idée. J'ai souvenir d’un sachet entamé de tarbais, ils pourraient peut-être remplacer (avantageusement ?) les pommes de terre…
Je mets aussitôt à tremper ces haricots dans une bassine d’eau.
J’étale ma bestiole, ou plutôt hémibestiole sur une blanche et entreprends de la nettoyer en enlevant une bonne parie de la peau et de la découper en tronçons. Voilà, c’est fait, ça m’a pris du temps. Pas plus mal pour le trempage des haricots.
Je hache ensuite grossièrement l’oignon
Je sors un sautoir, y verse une cuillerée d’huile d’olive dans laquelle je fais fondre l’oignon à feu doux.
J’ajoute le poulpe que je laisse à feu moyen jusqu’à ce que son eau se soit évaporée

.
Et là, L’ERREUR !

Il faut dire que j’ai un coup de mou culinaire. L’arrivée de l’été m’a toujours rendu dépressif, avec son stupide ciel bleu, avec ces lâchers de cons de France ou d’importation qui envahissent nos côtes ou nos campagnes alors que nos villes où se procurer une baguette relève de l’exploit sont piétinées sans le moindre respect par des transhumances de touristes moutonniers. Et pas question de se réfugier dans des villages épargnés par ces hordes sauvages, car ils réussissent le miracle d’être encore plus inanimés que le reste de l’année. Bref, on n’a le choix qu’entre la hargne ou l’ennui… Belle saison que cette saison-là !

Alors je fais ce que je n’aurais pas fait au printemps, en automne ou en hiver : je me laisse soudoyer par mon démon gardien qui me suggère la solution de facilité : puisque poulpe et haricots doivent cuire longtemps, eh bien ils cuiront ensemble.
Je recouvre le poulpe d’une bonne hauteur d’eau et y balance aussitôt les tarbais extraits de leur eau de trempage. Pour parfumer, suivent une cuillerée de graines de maceron de l’île de Ré, trois clous de girofle, quelques grains de poivre blanc de Penja, trois petites feuilles de laurier, un brin de thym.
Quand la température a remonté et que ça commence à bloublouter, je coiffe d’un couvercle et pose le sautoir sur une petite flamme.
Une heure plus tard, je soulève le couvercle. Le haricot était toujours dur.
Une demi-heure plus tard, je resoulève le couvercle. Le haricot était toujours dur.

poulpe, haricots tarbais
Allez Tarbes !


Une demi-heure plus tard, je re-resoulève le couvercle. Le haricot était nettement moins dur.
Je sale.
Tout ce temps m’avait permis de gamberger. Aussi l’idée m’était venue de revaloriser ce plat en lui ajoutant une tendance terre mer. Alors j’avais tranché un morceau de joue de porc séchée corse et l’avais découpé en petits lardons. Je les fais choir dans mon sautoir et continue la cuisson.
Vingt minutes plus tard, je soulève le couvercle. Les haricots ne sont pas fondants, mais je les considère comme cuits, ça ira comme ça...
Il n’y a presque plus de liquide, je peux servir après avoir donné un tour de moulin de poivre rouge et parsemé de persil ciselé.

poulpe, haricots tarbais
Terre mer qui ne manque pas d'air


Le plat est trop salé, le poulpe est surcuit et le tarbais sous-cuit. Le visuel est déplorable
Le goût n’est pas trop mauvais quand même…
Heureusement, car en plus il y en a pour deux repas ! Le second étant servi froid avec un ajout d’huile et de vinaigre, mais pour autant guère plus réussi…

Eh oui, ce misérable poulpe m’a fait un bras d’honneur ! Mais je ne dois pas me plaindre, il aurait pu m’en faire huit…

mercredi 26 juin 2019

Une grosse gourde

Une scarmoza, par mon couteau menacée, m’invectiva en ces termes :
« Cazzo, si tu me touches, c’est mon grand frère des Pouilles qui viendra s’occuper de toi, stronzo di merda ! »
Je n’aurais jamais cru que cette petite enfumée fût aussi vulgaire. Mais je n’allais pas me laisser faire, et après une brève recherche italo-lexicale, je lui répliquai ;
« Vai a farti fottere ! »
Et sans autre forme de procès, je m’en payais une bonne tranche.

scarmoza
Une petite gourde



Eh bien, quelques jours plus tard, qui l'eût cru, ce grand frère sonne à ma porte, tout de noir vêtu.
« Je m’appelle Caciocavallo Nero. Où est ma sœur ?
- D’abord, montre-moi tes papiers.
- Tiens, les voilà, figlio di puttana ! »
Décidément, aussi vulgaire que sa sœur… Mais il me tend quand même ses papiers. Il y est écrit
 :
Le fromage Caciocavallo est, sans aucun doute, un des plus anciens et des plus typiques fromages à pâte filée du sud de l’Italie. Déjà en 500 avant J.C., en fait, Hippocrate parlait de l’utilisation par les Grecs de l’art de préparer le "Cacio". De la vieille expérience Cordisco est né le Cacionerone des Pouilles, un vrai fromage caciocavallo géant. Produit exclusivement à partir du lait contrôlé, il a un goût aromatique, agréable, qui fond dans la bouche. Le fromage Cacio Nerone des Pouilles Cordisco a un format unique avec un poids de 4 kg, et sa maturation prolongée naturelle améliore le piquant agréable.

Une photo est jointe.



Aucun doute n’est permis, c’est bien lui.
« Alors, où qu’elle est ? »
Bon, la formulation n’est qu’approximative, mais il n’y a pas à s’insurger du fait qu’il parle français comme une vache italienne. C’est dans sa nature… Et la question est directe et pertinente. Que lui répondre ? Car s’il savait… 
Je tergiverse.
« Ah, tu voudrais savoir ce qu’elle est devenue ?
- Si, si
- Eh bien, eh bien…
- Accouche presto !
- Eh bien, eh bien… Oui tu ne crois pas si bien dire, elle se repose, car elle a mis au monde un enfant…
- Canaglia, scellerato ! Tu as souillé cette blanche colombe. Vendetta ! Vendetta ! À moi la mafia, à moi ! »
Zut, dans quel pétrin je me suis mis avec ma stupide défense…
« Mais non, absolument pas ! Elle est arrivée enceinte. D’ailleurs n’avais-tu pas remarqué son ventre rond, déjà, en Italie ? »
Je le vois réfléchir, enfin tenter de réfléchir. Il est manifestement perplexe. Puis il me lance, d’un air triomphant :
« Tu me sors des vannes ! Moi aussi j’ai un gros ventre, et je ne suis pas enceinte.
- Oui, mais toi, c’est la bouffe, l’abboffata ! »
Je sens que je l’ai ébranlé. Il lâche un « C’est pas faux » à regret. Il me faut enfoncer le clou.
« Bon, comme tu sembles revenu à la raison, je vais te la montrer. Elle repose au frais. Surtout, ne la réveille pas, elle est fatiguée… »
Je lui montre le plateau de marbre sur lequel repose une part de tome de brebis.
« Mais ce n’est pas ma sœur !
- Comment ça, frère indigne, on ne reconnaît même pas sa sœurette ! Tu oublies qu’elle vient d’accoucher, avec épisiotomie, qui plus est, alors c’est normal que sa bedaine ait disparu - ce qui ne risque pas de t’arriver, entre nous soit dit.
- C’est pas faux…
- Tu vois bien. Mais tu dois être épuisé par ton voyage, je te propose de t’allonger à côté d’elle et de faire une bonne siesta.
- Si, si, t’es un pote ! »
Ouf, la grosse gourde a cru à mes boniments ! Je le vois s’endormir sur le marbre frais.

cacionerone di Puglia
Un Pouilleux



Alors je me saisis d’un couteau et le décapite.
Comment, cruel, moi ? Après tout, ce n’est qu’un fromage…


lundi 24 juin 2019

Chou-rave party

Après une opération de récupération plates-bandes, je me suis trouvé confronté à un quarteron de choux-raves en retraite.
Pas beaux, les bougres, plutôt difformes et décatis, la tronche grêlée comme un Mirabeau ou un Danton.

chou-rave
J'suis pas beau


Bref un aspect tel que des écolos se les seraient arrachés à prix d’or si je les avais mis sur un étal bio…
En attendant, c’était à moi de leur trouver un emploi. Pourquoi ne pas réaliser un gratin de choux-raves ? Mais avec quelle viande ? Le canard m’a semblé bien approprié. Mais pas le sempiternel magret. Oui, ce seront des aiguillettes simplement saisies, sur le gril ou dans une poêle ? À voir…


C’est ainsi que le surlendemain je regarde d’un œil perplexe les aiguillettes de canard et les choux-raves posés sur mon plan de travail. Le temps est orageux, il fait lourd et chaud (non, ce n’est pas la peine de chercher la contrepèterie, il n’y en a pas), aussi allumer le four pour y cuire un gratin.ne m’emballe guère.

Alors je change mon fusil d’épaule.
En premier lieu, j’enduis les aiguillettes d’une marinade sèche de cinq épices, dont la dominante anisée devrait bien fonctionner avec le chou.
Puis je m’empare de la mandoline et découpe des tranches de 2 mm environ dans mes boules dégagées sans indulgence au sein de mes raves contrefaites.
Je les blanchis une dizaine de minutes dans de l’eau bouillante salée sans parcimonie.
Pendant ce temps j’écrase au mortier trois baies de piment de la Jamaïque, une cuillerée de poivre blanc de Penja et une pincée de baies de Sansho sur un lit de gros sel.
Je retire le chou-rave de la casserole avec une araignée après avoir vérifié que les tranches étaient désormais al dente, et réserve.
Au fond d’une poêle antiadhésive je saisis mes aiguillettes à feu vif sur juste une larme d’huile d’olive. Au bout de quelques secondes, je les réserve sur une plaque en inox. Je les remplace dans la poêle par les tranches de chou-rave que je recouvre d’eau à effleurement en complétant par une pincée de sel et une pincée de sucre. Quand elle s’est complètement évaporée, ce sont 15 cl de crème fraîche additionnée du contenu du mortier que je déverse sur les tranches quasi confites. Je fais réduire à feu moyen, y déposant les aiguillettes qui y finissent leur cuisson. C’est l’affaire de deux minutes après lesquelles je puis amener la poêle sur la table après y avoir fait tomber quelques découpes d’ail noir de Corée.

chou-rave, aiguillette de canard
Choux à la crème


Ouf, le quarteron a été mis au pas !

Les anneaux du python

Et de dix !
J’ai rajouté une nouvelle pièce à ma collection de salades de cervelas et gruyère...
sosgrisbiche.blogspot.com/2019/05/variations-sur-le-theme-salade-de.html

Cette fois-ci, j’avais confectionné une rémoulade béarnisée : trois cuillerées de moutarde mi-forte alsacienne, un œuf, une pincée de sel et huile de colza, puis une fois montée, cette rémoulade fut détendue avec une cuillerée de vinaigre Melfor et j’y ai incorporé le reste haché des trois tranches d’oignon doux découpées à la mandoline après en avoir prélevé les anneaux extérieurs ainsi que les feuilles ciselées de deux branches d’estragon.

salade cervelas gruyère
Python Salad


Cette Python Salad - dénomination traditionnelle de ce plat dans ma famille alsacienne, provenant il me semble de l’enseigne d’un restaurant strasbourgeois dont c’était le plat phare comme on le dirait maintenant - était accompagnée sur la table par une salade de carottes râpées destinée à fournir un contrepoint de fraîcheur. Pour l’anoblir, c’est de mon excellente huile d’olive des pentes de l’Etna que j’avais ajouté au jus de citron. Eh bien elle a conféré tant de flagrances à mon triste râpage que ma fille m’a demandé quelles épices j’avais bien pu ajouter…