Je possède un exemplaire de ce livre fort intéressant écrit par Paul Lafargue, et je le relirais volontiers si j'avais assez d'ardeur pour me livrer à des fouilles dans ma bibliothèque afin de le retrouver.
Et puis, comme toujours, on brandit les droits, mais on oublie les devoirs. Eh bien, moi, je prône le devoir de paresse.
Mais hélas peu me suivront, car la paresse demande beaucoup de travail, certes pas physique, mais des petites cellules grises, celles chères à Hercule Poireau qui résolvait les énigmes assis dans son fauteuil. Pourtant ma revendication est bien tendance : toute économie d’énergie est bonne à prendre. Hélas je n’ai pas le courage de me lancer dans l’écriture d’un manuel de paresse raisonnée, à l’image de la culture raisonnée pratiquée en maraîchage ou en viticulture… Et puis je sens que je commence à fatiguer le lecteur.
Alors je reviens à mes oignons culinaires, tout en avertissant que les recettes suivantes sont placées sous le signe de la paresse…
Recette n° 1 : ROUGAZOTTO
Dans mon armoire, un paquet de riz thaï qui traîne et un bocal de sugo all’arrabiata Rummo dont la date limite de consommation optimale est dépassée de quelques semaines, ce qui n’est pas grave en regard du destin que je lui réserve.
Dans le réfrigérateur, un petit pot entamé de pâte de piment vert des Antilles.
Mais surtout dans le congélateur quatre saucisses fumées péi de l’île de la Réunion, sœurs rescapées mises sous vide de celles que j’avais cuisinées en septembre. Leur tour est venu !
Je hache finement un oignon paille et deux échalotes que je mets à suer dans un bon trait d’huile d’olive. J’ajoute les saucisses préalablement mises à décongeler au frigo durant une journée, je les fais revenir saupoudrées d’une bonne cuillerée de safran péi, c’est-à-dire du curcuma de la Réunion. Il y a aussi une feuille de laurier, une branche de thym, quelques grains de poivre blanc de Penja, de poivre noir sauvage de Madagascar ainsi que trois gousses d’ail. Je vide sur tout ce petit monde mon pot de sauce, que je relève encore avec une petite cuillerée de pâte de piment. Eh oui, ça commence à ressembler à un rougail (sauf que dans le rougail il n’y a en principe pas de curcuma…).
Mais le paresseux que je suis a décidé de ne salir qu’une casserole. Le riz cuira directement dans la sauce. Je complète donc de trois verres d’eau. Je laisse cuire à petits bouillons un quart d’heure, puis je déverse un verre de riz dans la casserole que je laisse à découvert sur une petite flamme.
Ils ont plongé, ces grains de riz |
Je touille sans discontinuer avec une spatule jusqu’à ce que presque tout le liquide soit absorbé, prenant garde à ce que le fond n’attache pas, ce qui prend environ un nouveau quart d’heure. Je vérifie la cuisson du riz : c’est parfait.
Je sors les saucisses, les dépose au fond du plat de service et partage chacune en trois. Je les recouvre du riz imprégné du parfum de tous les ingrédients, donne un tour de moulin de poivre noir et brasse le tout.
Rougazotto, pas ragougnassotto |
Divine surprise : je craignais l’infâme ragougnasse, et finalement c’était de la bombe. Une explosion de saveurs. Et si l’on ne me croit pas, j’ai une témoine qui pourra le confirmer !
Recette n° 2 : POULET AU VINAIGRE
Pour cette recette, je ne vais pas me fatiguer à la narrer.
Perplexe sur ce que le samedi suivant je pourrai servir compatible à la fois avec la gourmandise des adultes et les phobies de mes petites filles, je suis tombé sur cette recette de Météo à la Carte sur France3 exécutée à deux mains et à deux voix :
Du poulet, des pâtes, je devais bien être sur un terrain de consensus…
Le samedi matin, je me lance donc dans la copie quasi conforme, si ce n’est que, mes cuisses (enfin celles des poulets…) étant visiblement plus grosses que celles du bouchon, j’ai augmenté les durées de cuisson, passant de 20 minutes à 30 minutes…
Les cuisses sont sorties de la cocotte |
...pendant que la sauce réduit |
...puis arrive la crème que je vais mélanger |
Comme au bouchon ! |
J’ai confectionné moi aussi un gratin de pâtes comme accompagnement.
Les poulets veillent sur le gratin |
Bingo ! Tout le monde s’est régalé, même si je me suis un peu ennuyé dans mon rôle d’exécutant discipliné. Et les infantes ont fini leur assiette…
En dessert, une découverte, un gâteau de voyage breton 100 % sarrasin, le Keryoun.
Rien de traditionnel je pense, une création pâtissière récente, mais c’est vraiment délicieux, alliant moelleux et croustillant, pas trop sucré, avec un bon goût de beure rehaussé par une touche salée. Je craignais l’étouffe-druide, mais non, une réussite ! Pas très régime avec ses 33 % de beurre, mais concession à nos ennemi/e/s les pisse-froid qui pourront ronger cet os, garanti sans gluten !
Recette n° 3 : LA SOUPE DE POISSON FRAIS « PETITE PÊCHE »
Dans ce cas, la paresse poussée à l’extrême, offrant un excellent repas pour une tâche réduite à Ɛ…
Je me suis contenté d’ouvrir un bocal confectionné par l’excellente maison Azaïs-Polito et de la réchauffer doucement.
Ah, si, un petit travail : découper des tranches dans une baguette un peu rassise, les frotter avec une gousse d’ail et les dorer légèrement à la poêle sur une cuillerée de bonne huile d’olive italienne.
Ensuite chacun (c’est moi) et chacune (c’est l’autre) a déversé quelques louchées de soupe dans son assiette, y a fait flotter quelques croutons de pain et a déposé un peu de rouille prélevée dans un petit bocal provenant de la même maison.
Sans légende |
Tout ça m’a préservé de plonger une ligne dans la Méditerranée et de toute façon ne sortir aucune prise…
Merci, Monsieur Appert !