samedi 3 mars 2018

Tête à tête

Comme je le laissais prévoir dans un article du mois d’octobre précédent consacré à l’immense artiste méconnu Jean-Baptiste Chaud-Rond, sa période neo’ poireau fut brève. Il n’est pas revenu. pour autant au pop’ lard qui lui procura un groupuscule de fervents admirateurs.
Après un bref détour par le cavi' art qui aurait pu lui valoir la faveur des critiques de la rive gauche mais dont il se détourna en regard du coût des fournitures, son moyen d’expression est désormais le tête’ art, pavé jeté dans la mare où grenouillent tant de prétendus créateurs qui ne cherchent qu’à se faire des ronds…

Voici deux de ces œuvres :

Normandy's

Hungary's

Avouez qu’elles mériteraient d’être exposées à la Tête Gallery !



En attendant, l’artiste affamé fut bien obligé de croquer ses modèles.

Le premier, un brave paysan tout droit arrivé d’un élevage normand qui accepta sans sourciller de recevoir de l’échalote et du persil sur la tronche et d’être arrosé d’une vinaigrette légèrement moutardée unissant huile d’arachide et vinaigre de cidre .
Le second, un immigré hongrois gavé de paprika qui ne voulut bien poser qu’à côté d’un émincé de légumes aigre-doux contenant choux, poivrons, concombres, tomate verte et pastèque qui l’avait accompagné dans son voyage.

pâté de tête hongrois
Tête à tête hongrois

Dans l'exposition à mon palais, le comparatif des deux pâtés de tête n’a fourni aucun gagnant.
Excellents tous les deux...

jeudi 1 mars 2018

Se prendre le chou...

Hier soir, je me suis pris le chou. Le chou-fleur, plus précisément.
Ce chou était destiné à accompagner des onglets passés rapidement à la poêle sur un beurre mousseux.

onglet, poêle
L'onglet tel qu'on le pare

D’habitude, je me contente de séparer les bouquets, de les cuire à l’eau bouillante salée et légèrement citronnée et simplement les passer dans le jus de cuisson des steaks.
Mais là m’est venue l’envie de réaliser une recette plus élaborée, ce chou-fleur étant d’une taille relativement petite.
Je l’ai donc conservé entier après l’avoir dégagé de sa gangue de feuilles vertes et débarrassé le plus possible de son trognon. Je l’ai posé, vivifié par un séjour dans de l’eau citronnée, sur un film de Carta Fata.
J’ai ajouté :
-le quart d’une gousse de vanille fendue et grattée
-quelques piments végétariens cueillis sur l’arbuste et tranchés en deux sur la longueur
-une feuille de laurier
-une feuille de caloupilé
-des grains de poivre blanc de Penja
-un tour de moulin de poivre rouge de Kampot
-quatre noix de beurre de baratte demi-sel


Même avant la cuisson, des effluves odoriférants me montaient aux narines.
La vanille, en particulier, venue directement de l’île de La Réunion, dispensait son parfum pénétrant. J’avais pu prendre conscience de la puissance olfactive de ce produit en l’utilisant pour parfumer la crème anglaise des œufs à la neige, et c’est pour cette raison qu’il m’a semblé opportun de me limiter à un quart de gousse… Et je crois que je n’avais pas tort.
Toujours est-il que, pour l’instant, je relève les pans de la feuille transparente et ferme la bourse contenant le chou-fleur et ses aromates par une ceinture dorée qui, je l’espère, ne me privera pas d’une bonne renommée.

chou-fleur, Carta Fata
Chou-fleur dans sa prison fatale

Je place au creux d’un petit plat de cuisson, et j’enfourne pour 35 minutes à 210 °C.
Le minuteur sonne. J’ouvre le four, et sors une montgolfière.

chou-fleur, Carta Fata
Gonflé, non ?

Un coup de ciseau, et je peux dégager le chou-fleur un peu doré que je dépose au creux d’un plat et arrose du jus trouvé dans le creux de la feuille de Carta Fata déployée.

chou-fleur, vanille, piment végétarien
Chou-fleur à la vanille


J’appréhendais le résultat de cette improvisation, mais le triumvirat chou-fleur, vanille, piment végétarien a fonctionné à merveille.

mardi 27 février 2018

Que la teuf commence !

Il y a quelque temps, j’avais profité d’une offre avantageuse pour acheter une petite boîte de caviar osciètre de qualité. Elle était restée enfermée au frais dans un bac du réfrigérateur. Aukazoù…
Mais le kazoù de la festivité justifiant une sortie de son obligation de réserve ne s’est jamais produit. Et c’est ainsi qu’hier, lors de ma tournée d’inspection, j’ai constaté que ces précieux grains s’étaient approchés dangereusement de leur date de péremption.

Mais, après tout, une fête n’est jamais aussi jouissive que quand elle ne résulte d’aucune programmation ou contrainte sociale. Pas de raison de continuer à différer, je me suis lancé aussitôt dans la préparation des deux assiettes improvisées d’une petite teuf impromptue…


Je fais cuire à l’eau des pommes de terre du jardin choisies afin de varier tant les formes que les couleurs : cinq Cornes de Gatte, trois Highland Burgundy Red, une Samba. Puis je les épluche et les tranche en deux dans le sens de la longueur.
Je les répartis par moitié sur chaque assiette. Je dispose aussi des cercles réalisés en tranchant un oignon violet, et place en leur centre un peu de sauce au raifort. Je saupoudre la porcelaine avec des pincées de flocons d’algue nori séchée.
Je dépose sur les pommes de terre tièdes de petits monticules de caviar. Arrivent d’autres grains imprégnés de saveurs marines : des œufs de saumon sauvage.
Il ne reste plus qu’à saccager les tableaux colorés obtenus…




Et pour que la fête soit complète, de la vodka coulant à flots ! Sauf qu’il n’en reste plus qu’un fond de bouteille… Tant pis, on fera avec.

caviar, osciètre, oeufs de saumon, vodka
Que d'œufs !

Et puis zut, j’ai oublié le dessert.
Qu’à cela ne tienne, il reste encore deux parts de brioche au pavot. Plutôt raccord, d’ailleurs…

dimanche 25 février 2018

La petite vadrouille


Pour ce repas, ma petite vadrouille m’a conduit de Tunisie en Pologne avec des petits crochets par le Maroc et la Hongrie.

La Tunisie
Le plat consistait en des boulettes de poison poisson (dire qu’une faute de frappe a failli me faire passer pour un assassin…).
Mais d’abord une grande discussion : sardine ou merlan ?
Pour ma part, j’optais pour l’obstructrice de Vieux-Port qui me semblait apte à procurer un plat plus goûteux et moins sec, mais ce penchant n’était pas partagé.
Notre couple étant une fois de plus au bord du divorce, il a fallu entreprendre une procédure de conciliation.
Mon épouse proposa donc de mélanger la chair de ces deux poissons. « Des boulettes de merlan gâchées par des relents incongrus sardinesques, que nenni ! », répliquai-je. L’affaire était encore mal engagée… Pour sauver mon mariage, je suggérai donc de confectionner deux variétés. Et que la meilleure gagne !
Mes suggestions étant des ordres, c’est ce qui fut fait. J‘avais ainsi multiplié par deux la tâche culinaire à abattre. Autocondamné à la double peine !
La recette est bien simple : ébouillanter le poisson quelques minutes, puis la piler au mortier (j’ai bien utilisé le pilon en bois, mais j’ai écrasé directement dans le saladier dévolu au mélange), ajouter persil et oignon hachés, parfumer de cumin moulu et de paprika, assaisonner de sel et de poivre, mélanger avec 2 œufs pour 500 g de chair, bien pétrir et façonner des boulettes que l’on roule dans la farine et frit dans l’huile (j’ai choisi un tant-pour-tant d’huiles d’arachide et d’olive).
En fait, le plus laborieux fut la préparation des sardines, avec le levage des filets, ce qui n’est rien, mais surtout l’évacuation des écailles et arêtes résiduelles.

boulettes,Tunisie, poisson, sardine
Elles s'écrasent, les sardines...

boulettes,Tunisie, poisson, merlan
Les merlans en font autant

boulettes de poisson, Tunisie
Boulettes en puissance

boulettes de sardine, boulettes de merlan, Tunisie
Je crois que j'ai fait une boulette, puis deux, puis trois, puis...

boulettes de poisson, à la tunisienne
Merlans cernant des sardines

boulettes de poisson, Tunis
Boulettes de poisson à la tunisienne

Finalement, sardine et merlan finissent au coude à coude, avec néanmoins une légère avance pour la sardine, jugée plus moelleuse à cœur et plus croustillante à la surface, et dont la saveur n’a heurté personne, même pas la génération enfantine.
Qui c’est-t-y qui avait raison ?

Le Maroc
Sur la table une corbeille de pain à l’anis réalisé par la pâteuse maison.
pain à l'anis, marocain
Qui veut prendre un pain ?

Pour ma part, je n’ai joué le rôle que de Grand Scarificateur en brandissant mon sceptre acéré.

pain à l'anis, pain marocain
Et vlan, une bonne balafre...

Les proportions de la pâte :
350 g de farine, 20 g de beurre, 12 g de levure fraîche, 2 c.s. de graines d’anis, 1 c.c. de sel.

Après une pousse d’une heure environ et dégazage, on façonne les boules qui connaîtront une seconde pousse de durée identique sur la plaque de cuisson. On enfourne à 180 °C pour une demi-heure.

La Hongrie
Elle est représentée par un fromage de brebis à la texture déroutante et au goût atypique. Je suis bien le seul à cette table à apprécier ce produit…

La Pologne
Comme dessert, un drożdżówka z makiem (brioche au pavot)
Voulant changer du classique gâteau roulé, mes recherches m’ont conduit vers cette adresse :
J’ai pu y lire, concernant la recette proposée :
Cela demande beaucoup de travail, mais au final le gâteau a une saveur tellement incroyable que ça en vaut la peine.
Je confirme, encore que le terme incroyable me paraisse un peu excessif. Il est vrai que des contraintes d’approvisionnement m‘ont obligé à modifier légèrement la recette : l’orange confite fut remplacée par du citron confit, et les oreilles d’abricot hachées par un peu plus de pruneau. Ce marmitonage discret m’a peut-être fait passer à côté de l’émerveillement. C’était toutefois un excellent dessert.

brioche au pavot, Pologne
Tout  juste sortie du four

brioche au pavot
Parée pour aller à table...

drożdżówka z makiem
...et partagée en parts individuelles

Même les becs salés ont demandé du rab… C’est dire !

vendredi 23 février 2018

Basque et rebasque

Premier jour :

Un pied de porc (mais non, pas Saint-Jean !) tout droit arrivé du Pays Basque passé au four à 200 °C pendant une dizaine de minutes sur un papier siliconé, et accompagné d’une simple écrasée de pomme de terre bintje mélangée avec une grosse noix de beurre et du persil ciselé.

pied, Pays basque, écrasée de pomme de terre, pimientos
Béret rouge basque foulé par un pied

Il n’était pas venu seul. À la même table, une bouteille de sagarnoa, ce vin de pomme traditionnel de la région. Bien différent du cidre breton ou normand, il fait merveille par sa petite touche d’acidité.

sagarnoa
Buvons un verre, buvons en deux...


Bref, le pied et le pied…👣



Le lendemain :

Des boudins blancs de porc basque passés quelques secondes à la poêle sur une noisette de graisse d’oie fondue et enfournés un peu moins d’un quart d’heure à 180 °C. Ils voisineront dans les assiettes avec une piperade - sortie de sa boîte vue la saison… -. Quelques guindillas donneront du peps à ce plat.


boudin blanc, basque, piperade, guindillas
Tiens, voilà du boudin !

Las, mon stock de sagarnao est épuisé !
Bref, un pied seulement...👣

mercredi 21 février 2018

Un végétarien fréquentable

Le seul végétarien que je reçois à ma table, c’est le piment végétarien.
Gloire à ce végétarien qui dégage un parfum incomparable et dont la finesse en bouche n’a d’égale que la vigueur en terre ! En effet un pied de cette variété de piment, séjournant en mon appartement sur un coffre à côté d’une fenêtre résiste depuis plus de quatre ans aux multiples aléas de sa vie ingrate dans un pot étriqué en me fournissant abondamment de ses fruits en toutes saisons : manques d’arrosage durant les absences, tailles sauvages de ses rameaux, chutes malencontreuses en raison de sa dimension en regard du peu de poids de son récipient, rien ne l’a empêché de poursuivre sa tâche. Parfois j’ai craint le pire, feuilles en berne ou jaunissement, branches mortes, mais non, un bon arrosage, parfois une petite dose d’engrais, et cette plante incomparable se redressait, plus fière que jamais, et me manifestait une gratitude que je ne méritais pas par une abondante fructification.


C’est ainsi que cette semaine, confronté à une pléthore de piments végétariens ornant les branches de cette merveille de la nature, je me suis dit qu’il était de mon devoir d’effectuer une cueillette afin que ce pauvre arbuste ne se soit pas dévoué pour rien.
Récolter est une chose, mais il me fallait aussi concocter une recette afin d’en mettre en valeur le produit.
J’avais deux tranches d’un espadon de Méditerranée, c’était un bon point de départ. Mais en revanche, question légumes, la saison n’était pas très propice : pas d’aubergines, pas de tomates…
Finalement voici le déroulement que j’ai improvisé…
Je dépose mes tranches d’espadon dans une marinade :
jus de deux citrons jaunes et d’un citron vert
rondelles de deux oignons blancs et découpe de leurs tige
morceau de gingembre frais haché
trois gousses d’ail hachées
trois clous de girofle
mes piments végétariens, rouges, verts et oranges (les plus odoriférants…) découpée en tranches ou fendus dans leur longueur
une cuillerée extraite d’un bocal de piments habaneros confits au vinaigre
fleur de sel
tours de moulin de poivre rouge de Kâmpôt


Je laisse au frais en retournant les tranches de temps en temps durant un peu plus d’une heure.

espadon, marinade, piment végérarien
Le bain de l'espaadon


Puis je sors l’espadon en l’égouttant le mieux possible.
Je verse un abondant filet d’huile d’arachide au fond d’une poêle en inox placée sur un feu vif. J’y dépose les tranches de poisson que je parsème de graines à roussir (un mélange de graines de moutarde, de fenugrec et de cumin). Une minute et demie sur chaque face, je retire et je réserve.
Je baisse la flamme et fais suer dans cette même poêle les pétales un oignon rouge partagé en huit avec une pincée de sel. J’ajoute les tronçons d’une banane pas très mûre découverte dans la corbeille à fruit que commence à faire dorer dans l’huile sur toutes les faces. Trois minutes plus tard, je verse la marinade en remettant la flamme au maximum en la complétant d’un trait minimaliste de sirop de canne. J’y plonge aussi une feuille de laurier et une branche de thym.
Au bout de quelques minutes, le mélange a réduit et commence à caraméliser.

espadon, banane, piments végétariens
Va donc, eh, banane !


Je le détends alors avec le jus d’un citron jaune et le verse dans un plat au creux d’un riz thaï que j’ai fait cuire simultanément sur le feu voisin. L’espadon retourne dans la poêle et je le remets à température par un aller-retour à feu vif. Il rejoint le plat où je le saupoudre d’une pincée de curcuma et je lui fais supporter un piment végétarien. J’y ajoute des feuilles de basilic vietnamien frais coupé du jardin. Quelques gouttes du jus de citron vert… Et la touche finale sera conférée par le zeste d’un combava.

espadon, piment végétarien
Espadon végétarien


Le résultat était probant, ce plat aigre-doux titillait les narines et les papilles par sa symphonie d’odeurs et de saveurs…
Ce n’était pas tout, j’avais sorti le sirop de canne à sucre, il me restait un demi-citron vert et au cours de mes recherches j’avais découvert un fruit de la passion tout ridé, mais dont la découpe m’avait permis de découvrir à l’intérieur un vivier de grains parfumés.
Avec ces produits et l’ambiance des îles qui régnait, un ti-punch s’imposait.


ti punch
Avec modération ?


mardi 20 février 2018

Cassons la croûte sur la banquise

Dans un élan qui m’étonne encore d’avancée vers le Progrès, j’ai choisi, en dépit du souvenir d’une cuisson peu convaincante de foie gras au sein de mon four micro-ondes, d’utiliser ce même engin pour confectionner des œufs à la neige.
Eh bien la modernité a parfois du bon ! Modernité d’ailleurs toute relative, car ce type de four existe depuis 1947…
Or donc, plutôt que de jeter des blocs de blancs à becs (car montés convenablement en neige avec un soupçon de sucre) dans une eau frémissante ou un lait sauvé in extremis du débordement, je moule une portion de la mousse neigeuse au creux d’un bol. Je renverse au-dessus d’un plat sur quelques millimètres d’eau chaude et j’enfourne au micro-ondes. Je règle la durée de fonctionnement sur 1 min 10 s (la puissance du four est 800 W). À la sortie, je découvre un blanc parfaitement cuit de façon uniforme, pas caoutchouteux et qui ne dégouline pas de liquide de cuisson.
Ces fermes bolées sont étendues sur un torchon avant de venir flotter sur la crème anglaise préparée avec les jaunes de façon très traditionnelle - encore que l’usage de la sonde thermique…
Las, le grand saladier ne peut trouver sa place dans le réfrigérateur, il me faut me contenter d’un de ceux de taille moyenne. Donc point d’îlots flottant sur la mer jaune, mais une couverture quasi-totale…
À tel point qu’un hôte un peu ours m’a lancé : « Je m’attendais à aborder des îles ; et c’est la banquise ! ». Pour autant, ce ne fut pas la débâcle, même après le réchauffement climatique et la marée brune d’un caramel…

oeufs à la neige, îles flottentes, caramel
Déferlante

Après avoir cassé la croûte dont des éclats furent plantés dans la neige, il fut possible d’accéder à l’onctueuse nappe phréatique.
De quoi dégager de savoureuses assiettes…

oeufs à la neige, caramel
Où le caramel a volé en éclats...