mercredi 18 octobre 2017

Immature

Tiens, le patron âgé n’est plus là… Reste sa fille. Il doit avoir pris sa retraite, et elle assure vraisemblablement la succession. J’attends qu’elle finisse d'explique à une sotte ce que sont les sot-l’y-laisse qui s’entassent dans un bac en mimant la poule avec force battements de coudes et en situant leur localisation carcassienne d’un index expert dirigé vers les flancs de son opulente poitrine. Sauf que la cliente potentielle reste perplexe devant ce volatile mamelu. Elle s’éloigne perplexe en hochant la tête… Profitant de ce départ, je soumets à la gallinacée apaisée ma demande de découpe d’une bonne tranche de farci.
«Du farci ? Vous voulez dire du pâté… »
Ben oui, voilà ce que la néo-patronne me répond  derrière l’étal où depuis  plusieurs années je venais acheter ce que je considérais  comme le meilleur farci poitevin du marché pour ne pas dire de la région (mais bien sûr je n’ai pas testé toutes les productions locales !) .
« Non, non, je parle bien de farci,  de ce bon farci poitevin que je ne vois d’ailleurs pas à sa place habituelle.
-Ah, du farci… Mais non, je n’en fais plus, c’est trop de travail.
-À artisan paresseux, client absent ! Adieu Madame.»
Je suis un peu marri de rayer une de mes adresses de mon carnet gastronomique et de songer que plus jamais je ne dégusterai ce mélange bien équilibré d’herbes où la bonne pointe d’acidité de l’oseille était présente et où la viande savait admettre de se contenter d’un second rôle.
Mais foin de nevermore, je prendrai le farci chez le boucher vers lequel  se dirigent mes pas avec l’intention d’acheter une entrecôte  de son excellente viande de la race Parthenaise. Son farci ressemble plutôt à un pâté avec beaucoup d’herbes, je m’en régale nettement moins, mais il a le mérite d’exister, je m'en contenterai.
Il y a la queue. Tiens, contrairement à d’habitude ce n’est pas son épouse chargée de l’encaissement ainsi que des découpes de terrines, distributions de saucisses et emplissage de barquettes qui l’assiste, mais un garçon-boucher au regard bovin fort approprié au lieu. Manque de chance, je tombe sur lui…
Ce boucher bouché va fouiller au milieu de steaks divers en vrac pour me sortir un morceau prédécoupé qui ressemble autant à une belle entrecôte que moi à un bel Apollon. Je suis habitué à ce que le boucher sorte l'apétissant train de côtes de l’étal, le pose sur une planche et promène son couteau en me demandant de l’arrêter quand il sera parvenu à l’épaisseur que je souhaite. Ensuite il pare le morceau avec soin et me gratifie parfois d'un os à moelle en prime.
Mais là, devant mon refus de me satisfaire de son rogaton, ne voilà-t-il pas que ce boucher plus crétin qu’un lapin me pose la question qui me fâche à tout coup :
« C’est pour combien de personnes ? »
Non mais, ce triste zigoto aurait-il la prétention de me dicter les doses de portions carnées que nous devons ingurgiter ?  Ma réponse fuse :
« Je ne réponds pas aux questions imbéciles ! Adieu Monsieur. »

Et c’est ainsi que j’ai quitté le marché couvert sans entrecôte parthenaise ni farci poitevin…


Cependant mon besoin de viande rouge est trop fort…
Il y a quelques mois j’avais aperçu au rayon boucherie d’un supermarché voisin une armoire où maturaient des trains de côtes de bœuf de races diverses. C’est l’occasion de tester.
Je dirige donc mes roues  vers le parking de cette grande surface.

Et c’est ainsi que je rentre à la maison avec une côte de Rouge des Prés (ex Maine-Anjou) maturée durant un peu plus de deux mois et extraite de sa croute brunâtre en arrière-boutique par le boucher de service.



côte de boeuf, rouge des prés, viande maturé
Qu'est-ce que j'ai l'air mature !
 
Je me suis contenté de la poser sur le gril, la saisissant à feu moyen-fort sur chaque face et la laisant ensuite poursuivre sa cuisson  à feu moyen-faible une quinzaine de minutes en la retourant de temps à autre.
Je l’ai accompagnée de pommes sautées dans le beurre demi-sel parfumées par de l’ail taillé grossièrement.



côte de boeuf, maturée,  rouge des prés, pommes sautées
Mais non, ce n'est pas une côte de zébre !


Cette côte était savoureuse et très tendre, bien que mal nettoyée.  Mais ça ne m’empéchera pas de regretter ma Belle Parthenaise…



maturée, rouge des prés
Au bout de ma fourchette...

lundi 16 octobre 2017

SCOOP : UN RAZ-DE-MARÉE DEVASTE LES CONFINS DU POITOU ET DE LA TOURAINE

Triste nouvelle : le déréglement climatique a encore sévi. Les confins du Poitou et de la Touraine ont été envahis par la mer.
Notre envoyé spécial vient de nous informer que l'eau vient tout juste de se retirer, laissant un sol dévasté. Un survivant a mis sur Tweeter une photo du désolant spectacle qu'offre cette terre jadis si prospère désormais jonchée de débris apportés par les flots.


plateau, fruits de mer
L'abomination !



On peut se rendre compte de la violence du phénomène : lourds morceaux de métal emportés comme feuille au vent, crabes tranchés en deux, citrons déchiquetés arachés à la Floride.

Est-il trop tard, quelle Terre laisserons nous à nos enfants ?  😢



Le mariage de Canette

C’est fait ! Canette est mariée.
Voici le déroulement de la cérémonie…

Ingrédients (pour 2 personnes) :
2 petits filets de canette (avec aiguillette)
1 oignon violet
1 bocal de mojettes AOC de Vendée au naturel (458 ml)
1 branche de sauge
5 branches de persil
50 g de beurre
1 pincée de sucre en poudre
poivre noir
sel


Préparation :
Parer les filets de canette en les dénervant et en enlevant une bonne partie de la graisse. Strier la surface de la peau à l’aide d’un couteau bien aiguisé.

canette, filet, parer
L'habillage de la mariée
Ciseler les feuilles du persil
Débarrasser l’oignon de sa base, le couper en deux dans le sens vertical et le mettre à glacer dans une petite casserole avec deux cuillerées d’eau, une pincée de sucre en poudre, une pincée de sel, une petite noix de beurre.
Réchauffer les mojettes dans une casserole à feu doux avec le beurre et  l’extrémité de la branche de sauge.
Poser les filets de canette saupoudrés de sel fin côté peau sur une poêle chaude,  retourner quand une bonne coloration est obtenue, retourner les filets et poursuivre la cuisson trois minutes.

Dressage pour une assiette :
Allonger un filet de canette peau sur le dessus.
Disposer un petit monticule de mojettes, le faire traverser par un trait de persil ciselé.
Placer l’oignon entre les deux, coupe vers le haut et pointe vers le centre de l’assiette.
Donner deux tours de moulin de poivre.
Terminer en offrant le bouquet à la mariée : trois feuilles de sauge.


filet de canette, oignon violet, mojettes
La mariée et le marié


dimanche 15 octobre 2017

Le bonheur est dans le parc (à huitres)

Plaisir simple : une demi-douzaine de spéciales et une crépinette dans chaque assiette.

J’ai ouvert les huîtres. Pendant qu’elles me faisaient le don d’une nouvelle eau toute neuve, j’ai mis à cuire sur une poêle à feu moyen les crépinettes. Une fois bien dorées, je les ai blotties au centre des assiettes et je les ai saupoudrées d’un peu de piment d’Espelette. J’ai déglacé la poêle avec un trait de balsamique blanc, puis, après une brève réduction j’ai arrosé ces dodus disques porcins du jus obtenu.
Une fleur de bourrache apportait une touche de couleur sur chaque assiette, mais pas que… Nous avons aussi apprécié son goût très en harmonie avec celui de l’huître.

Huître gobée, bouchée de porc parfumée, mais aussi gorgée d'un AOC Fiefs vendéens Mareuil de chez Mourat parfait pour les fruits de mer… La ronde se poursuit.

spéciales, huîtres, crépinette, vin de Mareuil
Tourne autour, et la crépinette cherra


Le bonheur est dans le parc !

Ne pleure pas, Canette

D’aucuns assurent qu’un plat doit raconter une histoire.
Eh bien je suis moi-même tombé dans le Piège. Aussi, cette fois-ci,  je commence par l’histoire. Le plat sera réalisé plus tard…

Ne pleure pas Canette, nous te marierons !

Canette était en larmes. Nous  nous penchâmes vers elle et tentâmes de la réconforter.
« Mais pourquoi pleures-tu ?
-Oignon en est la cause ! »

Ah bon, ce n’était donc que  ça…
« Mais, Canette, toute ménagère connait ce problème. Il suffit de le mettre sous un filet d’eau ou bien de porter des lunettes de plongée… »
Canette trépigna et hurla :
« Mais vous ne comprenez rien à rien ! Oignon, je l’aime, et je veux l’épouser.
-Quelle idée ! Ne sois pas capricieuse, ne pleure pas Canette, nous te marierons avec le fils du baron d’Agneau ou du prince de Bretagne.
-Je veux mon Oignon, je veux mon Oignon, celui qui est en cageot ! »
Et elle se remit à gémir, de grosses larmes vinrent sillonner ses joues palôtes.


Quant à nous, nous ne sommes pas des sauvages.
Nous avons cédé. Canette et Oignon se marièrent et reçurent la bénédiction de l’abbé Chaud-Rond.
À la sortie de l’église, le couple fut accueilli par une pluie de grains de mojette que leur lancèrent les invités de la noce.

Ce mariage fut l’occasion d’un joyeux repas. Quand l’abbé Chaud-Rond, moins compassé que de coutume de par l’action bienfaisante des breuvages servis à flot, entreprit de chanter d’une voix de fausset mal assurée « Ne pleure pas Canette, nous te marierons ! », le refrain fut repris en chœur par l’ensemble des convives.

Mais au moment des desserts, Canette et Oignon étaient disparus…

samedi 14 octobre 2017

La reine des prunes

La patronne m’a ri au nez quand je lui ai demandé timidement si, en ces premiers jours d’octobre, sa boulangerie angevine confectionnait encore les pâtés aux prunes que j’y achète chaque année.
Je savais bien que la saison de la reine-claude avait été plutôt précoce, cependant j’avais acheté des prunes de cette variété (certes de Bavay, mais reine-claude quand même) quelques jours auparavant… Alors la question ne me semblait pas si absurde !
Mais la mégère s’est esclaffée en se tapant les mains sur les cuisses : « Ben non, quand même ! On a arrêté fin août ! ah, ah, ah ! ». J’entendis un le con non-dit, mais implicite…
Ouais, produit retiré de vente au moment où cessait le passage des pigeons en estive. Je jurais, mais un peu tard, qu’on ne m’y prendrait plus et m’éloignais sans mot dire, mais avec la mine renfrognée la plus apte à exprimer ma réprobation devant cet accueil fort peu commerçant.

Et c’est ainsi que le pâté aux prunes fut maison...

Des reines-claudes achetées au marché, eh oui, Madame, il y en avait encore…
Et comme pâte une variation autour de la pâte brisée :
500 g de farine
250 g de beurre
1 œuf
1 cuillerée de sucre

1 pincée de sel
1 sachet de levure chimique

Pétrissage plus approfondi que pour la pâte brisée des tartes…


Pâté aux prunes
Chûte de prunes, d'Angers


Après avoir posé les prunes serrées au maximum les unes contre les autres sur les 3/5 de la pâte étalée au rouleau, on saupoudre de sucre en poudre sans lésiner et coiffe des 2/5 restants. Avant d’enfourner 45 minutes à 180°C, on pratique une incision en croix dont on soulève les bords afin de créer une cheminée.


tourte au prunes, reines-claudes
Le cercle des reines-claudes disparues


Après cuisson, l’on obtient un savoureuse tourte aux prunes angevine, et l’on décide de se passer désormais des boulangères angevines tartignoles !

pâté aux prunes angevin
Une tranche d'Anjou

jeudi 12 octobre 2017

Bucolique

Sunt nobis mitia poma,
Castaneae molles et pressi copia lactis


Virgile



En région parisienne, châtaignes sauvages cuites à la machine tournante, à la campagne, châtaignes commerciales d’Ardèche cuites dans un diable en terre. Telle est ma vie !
Ce diable en terre, ce fut l’un de ma grand-mère. Elle le doublait de feuilles de chou afin de créer une ambiance humide. N’en disposant pas, j’ai prélevé quelques feuilles de vigne sur une branche d'un vieux cep du jardin.


châtaignes, diable, feuille de vigne
Sous la feuille de vigne

Ma grand-mère plaçait le diable sur un trépied au-dessus des braises de la cheminée. Je ne l’avais pas allumée, ce fut le gaz qui assura la cuisson.


châtaignes, diable
Comme un beau diable

Et c’est ainsi que j’ai pu me régaler d’un repas virgilien : châtaignes, mais aussi fromages de chèvre et noix fraîchement ramassées sous l’un de nos noyers…


châtaigne, fromage de chèvre, Sainte-Maure, noix
La campagne est une nature morte
Triste à dire, mais les châtaignes quasi urbaines furent plus savoureuses et mieux cuites !
Nous nous sommes consolés avec le fromage de Sainte-Maure, les cerneaux …mais surtout la bernache, pour une fois rose, comme la couleur en quelle elle fait voir la vie. Youpi !