«Du farci ? Vous voulez dire du pâté… »
Ben oui, voilà ce que la néo-patronne me répond derrière l’étal où depuis plusieurs années je venais acheter ce que je considérais comme le meilleur farci poitevin du marché pour ne pas dire de la région (mais bien sûr je n’ai pas testé toutes les productions locales !) .
« Non, non, je parle bien de farci, de ce bon farci poitevin que je ne vois d’ailleurs pas à sa place habituelle.
-Ah, du farci… Mais non, je n’en fais plus, c’est trop de travail.
-À artisan paresseux, client absent ! Adieu Madame.»
Je suis un peu marri de rayer une de mes adresses de mon carnet gastronomique et de songer que plus jamais je ne dégusterai ce mélange bien équilibré d’herbes où la bonne pointe d’acidité de l’oseille était présente et où la viande savait admettre de se contenter d’un second rôle.
Mais foin de nevermore, je prendrai le farci chez le boucher vers lequel se dirigent mes pas avec l’intention d’acheter une entrecôte de son excellente viande de la race Parthenaise. Son farci ressemble plutôt à un pâté avec beaucoup d’herbes, je m’en régale nettement moins, mais il a le mérite d’exister, je m'en contenterai.
Il y a la queue. Tiens, contrairement à d’habitude ce n’est pas son épouse chargée de l’encaissement ainsi que des découpes de terrines, distributions de saucisses et emplissage de barquettes qui l’assiste, mais un garçon-boucher au regard bovin fort approprié au lieu. Manque de chance, je tombe sur lui…
Ce boucher bouché va fouiller au milieu de steaks divers en vrac pour me sortir un morceau prédécoupé qui ressemble autant à une belle entrecôte que moi à un bel Apollon. Je suis habitué à ce que le boucher sorte l'apétissant train de côtes de l’étal, le pose sur une planche et promène son couteau en me demandant de l’arrêter quand il sera parvenu à l’épaisseur que je souhaite. Ensuite il pare le morceau avec soin et me gratifie parfois d'un os à moelle en prime.
Mais là, devant mon refus de me satisfaire de son rogaton, ne voilà-t-il pas que ce boucher plus crétin qu’un lapin me pose la question qui me fâche à tout coup :
« C’est pour combien de personnes ? »
Non mais, ce triste zigoto aurait-il la prétention de me dicter les doses de portions carnées que nous devons ingurgiter ? Ma réponse fuse :
« Je ne réponds pas aux questions imbéciles ! Adieu Monsieur. »
Et c’est ainsi que j’ai quitté le marché couvert sans entrecôte parthenaise ni farci poitevin…
Cependant mon besoin de viande rouge est trop fort…
Il y a quelques mois j’avais aperçu au rayon boucherie d’un supermarché voisin une armoire où maturaient des trains de côtes de bœuf de races diverses. C’est l’occasion de tester.
Je dirige donc mes roues vers le parking de cette grande surface.
Et c’est ainsi que je rentre à la maison avec une côte de Rouge des Prés (ex Maine-Anjou) maturée durant un peu plus de deux mois et extraite de sa croute brunâtre en arrière-boutique par le boucher de service.
Qu'est-ce que j'ai l'air mature ! |
Je l’ai accompagnée de pommes sautées dans le beurre demi-sel parfumées par de l’ail taillé grossièrement.
Mais non, ce n'est pas une côte de zébre ! |
Cette côte était savoureuse et très tendre, bien que mal nettoyée. Mais ça ne m’empéchera pas de regretter ma Belle Parthenaise…
Au bout de ma fourchette... |