Tout d’abord, il existait une différence étrange entre le côté face et le côté pile.
Angus face |
Angus pile |
Il est vrai que les méthodes de découpe sont particulières en Ecosse…
Mais surtout comment traiter au mieux cette viande d’excellence ? Tout de suite m’est venu à l’esprit une recette que j’ai savouré plus d’une fois dans un de ces restaurant qui semblent vivre hors du temps, et où au moment du dessert en 2015 on a l’impression de terminer un repas commencé en 1980 et où l’on cherche des yeux le prêtre attablé seul dans un coin de la salle auquel le patron avait demandé -mais quand ?- « Qu’est-ce qui vous ferait plaisir, mon père, pour clore ce repas ? Une petite bénédictine peut-être… ». Il ne reste plus que le fantôme de ce digne ecclésiastique, mais la desserte est toujours là, avec son poêlon en cuivre où le patron qui n’a pris que quelques rides a préparé le Highland Steak.
Cérémonial qui a toujours réjoui mes enfants qui aiment y retrouver leurs jeunes années. Pourtant le premier contact de ma fille avec cet établissement ne s’était pas déroulé sous les meilleurs auspices, son plat (côtes d’agneau grillées me semble-t-il…) étant passée à la trappe au moment de la transmission du bon aux cuisines. Après comptage des convives, le patron n’avait même pas été effloré par l’idée qu’une jeune personne de cinq ans puisse avoir l’envie d’ingurgiter un tel mets et encore moins, sans doute sous influence écossaise, par celle que ses parents le lui commandent… Il avait donc cru à une erreur de sa part et avait rectifié, du moins le croyait-il. Grave faute professionnelle pour laquelle nous ne lui avons pas tenu rancune - à l’exception de ma rejetonne sur le moment !- car la grande tablée que nous étions avec d’autres membres de la famille avait commis la faute parfois fatale, mais probablement toujours détestable pour le service, de désigner un porte-parole pour exprimer ses choix.
Bref, j’eus comme première inspiration la réalisation d’un Highland Rib… Malheureusement je ne disposais pas de oat meal, et j’ai dû renoncer. Mais n’était-ce pas mieux ainsi ? Car si le fade filet demande à être rehaussé, une savoureuse côte se suffit bien à elle-même.
La pièce de viande sera simplement saisie sur toutes ses faces sur un gril à feu moyen.
Affront à la tradition ! |
La cuisson sera terminée dans four à 160°C éteint après introduction où elle restera un quart d’heure environ.
Mais quid de l’accompagnement ? Une évidence m’apparait : j’ai à la cave une récolte de pommes de terre Highland Burgundy provenant du jardin. Avec un nom pareil, ces tubercules ne peuvent qu’accourir vers leur quasi homonyme !
Tout est maintenant clair dans ma tête.
Je commence par une cuisson à l’eau des pommes de terre épluchées.
Highland en plongée |
Cuisson étonnement rapide pour de ces Highland Burgundy à la peau si épaisse, presque une écorce, et si dures à trancher… Sorties de la casserole avec une araignée, je les écrase grossièrement dans une bassine à l’aide d’un pilon presse-purée, je poivre et je brasse avec une bonne quantité de beurre demi-sel.
La couleur rose obtenue est assez déroutante. Comme je la découvre, je n’ai pas préparé des lanières vertes (mais de quel plante pour être suffisamment tendres ?) qui auraient pu fournir un contraste intéressant.
Je place la bassine d’écrasée de pomme de terre au bain-marie pendant que la côte d’Aberdeen Angus connait l’aboutissement de son destin gastronomique...
Dans le four chauffe aussi le plat en faïence destiné à recevoir la pulpe rose.
Je sors la côte du four et la dépose sur la planche en bois. Pendant qu’elle repose, je transfère l’écrasée dans son plat et complète du décor très symbolique et très insuffisant d’une noix de beurre.
Le Highlander voit la vie en rose |
Le moment est venu de découper la viande.
Et moi je vois la vie en rouge
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Elle se révèle tendre et goûteuse, avec une mâche agréable. Les monts d’Ecosse arriveraient presque à rivaliser avec les monts d’Auvergne…
La prochaine fois, je ferai un comparatif avec du bœuf gros-celte ! Eh oui, j’ai osé, c’est peut-être d’ailleurs à ça que l’on me reconnait !