jeudi 9 septembre 2021

Frire aux éclats


Cette fois-ci, les piments basques qui prospèrent dans mon jardin ont été cueillis bien charnus, mais encore verts.

J’ai décidé de les cuisiner façon tapas, frits dans l’huile d’olive.

Je les servirai posés sur des filets de thon germon de Saint Jean de Luz sortis d’un bocal où ils baignent dans de l’huile d’olive de Navarre.


Allez, zou, j’enfile mon tablier (virtuel) !

C’est comme si c’était fait… Enfin presque, car au moment de passer à l’acte, je m’aperçois qu’il ne me reste qu'à peine un petit verre d’huile d’olive au fond de la bouteille dédiée aux cuissons. Et vraiment se payer trois étages aller-retour plus le tortueux escalier en pierre qui virevolte depuis le hall d’entrée jusqu’à la cave où se cachent les réserves, ça ne fait pas partie de mes envies immédiates. 

Fort heureusement, paresse est mère de système D et plan B… Je fais tomber le contenu du bocal dans une passoire à mailles fines, laissant dégouliner l’huile de la conserve dans la poêle à frire pour rejoindre celle de mon fond de bouteille. Je plonge ma jauge : parfait, pour ces piments allongés le niveau devrait suffire pour mon excursion vers le Pays basque.

Je dispose les morceaux de thon blanc égouttés dans mon plat, puis allume la flamme sous la poêle.

J’ai pris soin de bien sécher les piments afin d’éviter tout incident de cuisson. L’huile me semble proche de la bonne température, j’y plonge prudemment la pointe d’un des piments avec la timidité d’une Cannoise testant du bout de son mignon peton bronzé les ressacs de la plage de Knokke-le-Zoute. Le bain frémit, mais ce n’est pas encore ça, néanmoins je laisse mon capsicum téméraire s'aventurer dans la poêle en guise de pionnier. Je hausse la flamme : j’ajouterai les autres quand le bouillonnement autour de mon chargé de test m’en donnera le signal.

Las, je ne verrai pas ce moment arriver : une grosse explosion fait fuir le chat, alerte ma compagne, éclabousse le carrelage, tapisse le mur et la crédence, barbouille les ustensiles suspendus, parsème ma chemise et mon pantalon de taches de tailles diverses, la plus grosse giclée ayant évité de me transformer en eunuque uniquement de par une qualité de tissage étonnante en notre époque de médiocrité généralisée - le tablier que j’ai enfilé n’aurait pas dû être virtuel, il faudra que je réfléchisse à une évolution dans ma tenue.

Une seconde explosion se produit. N’écoutant que mon courage - et surtout craignant l’incendie - je réprime mon instinct de fuite pour venir d’urgence éteindre la flamme sous la poêle.

Mais maintenant, que faire ? J’ai négligé de percer les piments. Serait-ce l’air contenu qui serait à l’origine de ces jaillissements intempestifs ? J’enfonce la pointe d’un couteau pour crever ces légumes qui ne seraient donc que d'agressives baudruches. En vain… 

Finalement, ai-je accusé des innocents ? Je veux en avoir le cœur net. Eh bien, même sans les piments, les mêmes explosions se produisent à la chauffe. L’explication qui me vient aussitôt à l’esprit, c’est que mon huile de récupération était chargée de l’humidité du thon préalablement étuvé pour être ensuite plongé dans son huile de conservation avant le passage à l’autoclave.

Il ne me reste plus qu’une solution : balancer rapidement les piments dans la poêle, hausser la flamme illico et coiffer d’un couvercle.

J’entends de sourdes explosions sous la coiffe d’inox, heureusement insuffisantes pour soulever la protection que je m’obstine cependant à contenir d'une main pressante par mesure de précaution.

Cinq minutes plus tard, je baisse la flamme, m’enquiers prudemment du résultat par un coup d’œil rapide. Quelques secondes encore à feu vif, j’éteins. Les crépitements ont cessé, je puis extraire mes piments verts que j’avais flanqués d’un petit jalapeno, surtout pour le visuel - et effectivement deux petits grignotages m’ont suffi avant de l'abandonner, la bouche en feu…

Le résultat est excellent, ces piments à la fois tendres et légèrement croquants sont goûteux et s’allient bien avec le thon germon à la qualité irréprochable.


Il y a cependant un frein à ces réjouissances. Troquer quelques minutes dans les escaliers contre plus d’une heure de ménage et nettoyages divers, était-ce une bonne affaire ? 

Je me pose cependant une autre question. N’ai-je pas dédouané trop rapidement ces piments pour ce bombardement qui a dévasté ma cuisine ? Car je viens de vérifier l'inscription qui figure sur le sachet de graines. Et j’ai pu lire : variété basque à saveur douce de type GUERNIKA


Vous voyez le tableau !

piments Guernika, thon basque
Champ de bataille



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire