jeudi 8 juillet 2021

Du décousu dans le dîner

Il y a quelques semaines je m’étais régalé d’une tendre et goûteuse épaule d’Agneau Laiton de l’Aveyron. Toutefois, si j’apprécie sans réticence une telle pièce, peut-être même encore plus que le bedonnant et pontifiant gigot des solennités bourgeoises, c’est encore vers le gentilhomme campagnard qui se cache sous la cape d’un épigramme d’agneau que vont mes préférences.

J’avais placé beaucoup d’espoir gustatif dans un épigramme acheté chez mon boucher des halles locales. Las, pourtant cuit avec les précautions d’usage, il s’est révélé une vraie carne une fois dans les assiettes. Agnus horribilis ! La solution qui s’imposait donc pour me transporter au nirvana des gourmets, me situer à l’intersection des deux espaces :


Malheureusement l’épigramme d’agneau ne figure pas au catalogue de mon fournisseur laguiolais. Heureusement on y découvre une Poitrine d’Agneau sans os. Malheureusement à farcir. Heureusement vendue au kilo deux fois moins cher que l’épicarne de mon boucher. Je décide donc de tenter l’expérience, même si la destination de ce morceau préparé en forme de sac pour la réalisation de falettes maison n’est pas la mienne.

Poitrine d'agneau sans os à farcir

Ma poitrine d’agneau est arrivée en compagnie de deux entrecôtes de bœuf d’Aubrac dont qu’c’est que je causerai futurement sur ce blog. Pour l’instant, c’est elle que je déballe et pose sur une planche. Comme prévu, elle est transformée en un sac à la ruralité assumée, plus proche des courtes prairies que de Longchamp, même si je ne puis m’empêcher d’admirer la régularité des points de la couture. Et dire que je vais massacrer ce beau travail ! Il me faut moult coups de ciseaux pour arriver à bout de ma tâche de déstructuration, facilitée cependant par la bonne visibilité de la ficelle bicolore...

Qu’elle est imposante, cette poitrine déployée ! Il va me falloir avoir recours à la grande plaque à grillade nervurée de mon fourneau…

Mais auparavant je prépare l’accompagnement. Ce qui n’est pas une mince affaire : je dois écosser la récolte de fèves du jardin, puis débarrasser chaque graine de son enveloppe à l’aide de la pointe d’un couteau. J’obtiens de quoi presque emplir un petit bac en inox GN 1/6 de 10 cm de haut.

Je balance son contenu dans une casserole d’eau bouillante salée, laisse blanchir 30 secondes avant de récupérer ces fèves d’un vert éclatant que je préserve par une plongée dans l’eau glacée avant de les égoutter. Je fais fondre une grosse noix de beurre demi-sel au fond d’une poêle que je chauffe sur la plaque à grillade en train de monter en température. Quand mon baratté aux bonnes odeurs d’herbages se prend à mousser, j’y fais tomber mes fèves et évacue la poêle pour faire place à ma poitrine d’agneau. Comme mon ambition n’est pas de me livrer à des fantaisies culinaires mais simplement de me mettre au service des produits - des fèves venant d’être cueillies et une viande d’exception - pas d’épices dans mes assiettes : juste la pluie d’une pincée de fleur de sel sur la viande qui sera délicatement parfumée par les quelques branches de thym et de romarin qui viennent tapisser la fonte brûlante barbouillée d’huile d’olive.

Laiton sur fonte


Quelques minutes plus tard mon agneau décousu s’étend sur les assiettes. Je replace la poêle où patientent les fèves sur la surface du gril, encore chaude malgré l’extinction des feux. Mon accompagnement se remet en température pendant que la viande en profite pour reposer.

Les fèves rejoignent l’agneau Laiton, nous pouvons passer à table.

épigramme, agneau laiton, fèves
Fèves du jardin, épigramme d'agneau Laiton


Eh bien, ça valait la peine d’en découdre. La viande est succulente, juteuse, alliant ces saveurs que seul le gras peut apporter et cette rondeur que confère une touche gélatineuse.

Seul accessoire nécessaire pour réussir ; une paire de ciseaux.


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